Intervention de Emmanuel Legrand

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 9h05
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Emmanuel Legrand, directeur des investissements « transition énergétique et écologique » de la Banque des territoires (Caisse des dépôts et consignations) :

. Préalablement, je rappelle que nous intervenons plus largement dans la transition énergétique, dans la production d'énergie avec les EnR, mais aussi dans l'efficacité énergétique des sites industriels ou des bâtiments, dans les réseaux de distribution d'énergie, notamment les réseaux de chaleur et de froid – je citerai le réseau d'Amiens dans lequel nous avons investi avec Engie Cofely. Nous intervenons en faveur de la mobilité douce. À cet égard, nous avons pris une participation pour aider l'émergence de la société Hype, qui gère la flotte de taxis hydrogènes circulant dans Paris. Nous intervenons également dans les services innovants et la gestion des déchets de l'eau. Les énergies renouvelables restent néanmoins l'essentiel de nos investissements en montant et en nombre de projets.

Nous essayons toujours d'être utiles à tout ce qui peut servir la mutation de nos systèmes énergétiques et leur financement sur la base de trois lignes directrices.

Premièrement, être un investisseur public de référence des grands projets structurants dont le pays a besoin. Nous avons pour ambition de soutenir les grands projets structurants sur notre territoire. Parfois, les grandes infrastructures énergétiques ont besoin d'un investisseur institutionnel public de long terme. Je citerai deux exemples : l'éolien offshore posé flottant. Par exemple, nous sommes actionnaires du projet éolien offshore flottant de Leucate, aux côtés de Engie et DPR pour aider à l'émergence de cette filière.

Nous avons également candidaté à l'appel d'offres de Dunkerque aux côtés de l'électricien public suédois Vattenfall, que nous avions choisi parce qu'il est connu pour faire baisser les prix de rachat de l'électricité demandés pour équilibrer un projet.

Au titre des grands ouvrages d'hydroélectricité, depuis 2001, la Caisse des dépôts est un actionnaire important de la Compagnie nationale du Rhône, mais au-delà de la CNR, nous sommes évidemment à la disposition de l'État et du pays pour faciliter l'avenir des grandes concessions d'hydroélectricité. Nous avons déjà largement travaillé avec les services de l'État pour être prêts en cas de lancement des projets d'essaimage qui étaient prévus par la loi de 2016.

Le deuxième axe est d'être un partenaire essentiel de la transition énergétique des territoires. L'une de nos priorités vise à accompagner les collectivités locales dans la définition de leur stratégie et dans la mise en œuvre de leurs moyens d'action, dans les énergies renouvelables, les réseaux de distribution ou l'efficacité énergétique, notamment des bâtiments tertiaires. En effet, les collectivités locales sont amenées à jouer un rôle croissant dans le paysage énergétique français en raison de l'évolution de leurs prérogatives, voulue par le législateur, mais aussi des réalités technologiques. La production d'énergie sera à l'avenir beaucoup plus diffuse et des ruptures, comme l'arrivée massive des véhicules électriques, impacteront des infrastructures sur les territoires. De par leur connaissance précise du territoire et de ses habitants, de ses acteurs économiques publics et privés, les collectivités territoriales sont les mieux placées pour développer un véritable aménagement énergétique des territoires.

De nombreuses collectivités souhaitent aller au-delà de leur rôle de planificateur pour s'engager dans la production d'énergies renouvelables ou la gestion des réseaux. Depuis très longtemps, la Caisse des dépôts est présente aux côtés de certaines collectivités comme actionnaire des grandes entreprises locales de distribution (ELD). Nous sommes actionnaire à Metz, dans la Vienne, à Grenoble ou à Dreux, par exemple. Ces ELD ont développé des activités de production d'énergie renouvelable, souvent à partir de filiales dont la Banque des territoires est également actionnaire. Je peux citer Energreen pour l'UEM à Metz.

Plus récemment, plusieurs régions ont mis en place des fonds régionaux pour investir dans les énergies renouvelables, avec le soutien de la Banque des territoires : Oser en Auvergne et Rhône-Alpes ; Eilañ en Bretagne, MPEI en Occitanie ou Terra Energies en Nouvelle-Aquitaine.

La Banque des territoires a répondu favorablement à de nombreuses sollicitations de création de sociétés d'économie mixte (SEM) départementales, souvent à l'initiative des syndicats d'énergie qui disposent de compétences sectorielles. Ainsi, dans le Finistère, le Morbihan, l'Aude, la Dordogne – je ne citerai pas tous les départements concernés –, nous avons accompagné la création de SEM dédiées aux énergies renouvelables. Aujourd'hui, nous sommes actionnaires d'une dizaine de SEM ou de filiales de SEM qui investissent dans les EnR aux côtés des collectivités locales.

Le troisième axe, que je n'aurai sans doute pas le temps de développer en totalité, mais sur lequel nous pourrons revenir, c'est que nous souhaitons accompagner l'émergence de solutions innovantes. Je mentionne le travail que nous avons fait aux côtés de Rennes Métropole, Langasolar, Schneider Electric ou d'autres acteurs, pour développer le projet de RennesGrid sur le quartier de Ker Lann à Rennes, un projet visant l'autoconsommation.

Tels sont nos trois axes de priorité d'intervention.

Je terminerai par quelques chiffres. À ce jour, le portefeuille est constitué d'à peu près une centaine de lignes qui représentent une valeur d'environ 400 millions d'euros. En 2018, nous avons investi 170 millions d'euros pour une capacité équivalente à 360 mégawatts.

Deux sujets sont emblématiques : le partenariat avec JPee, un développeur normand. Nous avons libéré des moyens financiers de JPee en rachetant une partie des projets qu'il avait déjà développés qui sont en exploitation et en signant un accord-cadre avec JPee pour financer ses projets futurs, ce qui permet au développeur de se focaliser sur son métier qui est de développer les EnR et de disposer d'une solution financière quand il en a besoin.

Par ailleurs, nous avons investi avec la station de Serre-Chevalier dans un projet territorial multi-énergies ; la station développera des projets éoliens, photovoltaïques ou de l'hydroélectricité pour alimenter ses usages en énergie verte.

J'en viens aux perspectives. Nous voyons le marché évoluer, nous nous y adaptons. Le coût des technologies est globalement en baisse et les revenus nécessaires moins importants, ce qui explique la baisse des attentes sur les tarifs de l'achat d'électricité. Dans le même temps, les rentabilités attendues sur ce type d'actifs sont en baisse et le prix de ces projets est une alternative intéressante de placement, vu les investisseurs, les fonds de pension ou les assureurs. Ces actifs sont devenus intéressants pour placer les liquidités des acteurs.

L'introduction des appels d'offres à la place du guichet ouvert et du complément de rémunération a un effet immédiat : elle permet d'accélérer la baisse des tarifs d'achat. Elle met la pression sur l'ensemble des coûts des projets, elle accélère également la phase de concentration des acteurs. Les économies d'échelle sont un facteur devenu central dans les projets d'énergies renouvelables. Les rachats des petits développeurs par les trois grands groupes français notamment se sont accélérés ces derniers mois.

Face à ce mouvement, nous souhaitons accompagner les collectivités locales et continuons à investir dans les sociétés d'économie mixte, et nous nous interrogerons sur la place que ces acteurs pourront trouver demain en étant en concurrence à travers les appels à projets de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), avec de grands groupes tels que ceux que je viens de mentionner.

Néanmoins, dans les années à l'avenir, la Banque des territoires souhaite intensifier son soutien aux grands projets d'infrastructures énergétiques en s'adaptant aux besoins des acteurs publics ou privés et en continuant à investir dans tout type d'EnR, même si nous avons rencontré plus de difficultés sur les EnR de type biomasse qui sont des vrais projets industriels ; pour un financier, les projets sont plus compliqués à gérer que les projets éoliens ou photovoltaïques.

Nous poursuivrons nos efforts pour financer la rénovation énergétique des bâtiments, vaste et complexe sujet s'il en est, mais qui représente un réservoir significatif d'économie d'énergie.

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