Intervention de André Merlin

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 14h10
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

André Merlin, fondateur et ancien président de Réseau de transport d'électricité (RTE) :

C'est vrai et c'est ce qui est au cœur de l'incident de novembre 2006. Son origine réside dans le manque de coordination entre deux gestionnaires de réseau de transport de l'électricité : le gestionnaire de l'Allemagne du Nord et le gestionnaire de l'Allemagne du Sud. Celui du Nord devait mettre hors tension une ligne de 400 000 volts qui surplombait le fleuve Ems afin d'éviter tout risque de court-circuit avec un paquebot de croisière sortant d'un chantier naval. Mais il a commis une erreur en procédant à la mise hors tension beaucoup plus tôt que prévu, aux alentours de vingt-deux heures, alors qu'elle aurait dû intervenir au creux de la nuit. Cela a immédiatement provoqué une surcharge sur les lignes voisines et par effet de cascade, le réseau européen s'est séparé en deux entre la Baltique et l'Adriatique, alors que 10 000 Mégawatts étaient en train d'être importés de l'est vers l'ouest de l'Europe. La fréquence a chuté de pratiquement 1 Hz et les éoliennes conçues pour décrocher à 49,5 Hz se sont séparées du réseau, ce qui a accru la perte de production dans la partie ouest de l'Europe dont les besoins sont passés de 10 000 MW à 17 000 MW en une fraction de seconde.

Pour revenir à la normale, il a fallu faire appel à l'interruptibilité, autrement dit aux relais de délestage sur baisse de fréquence installés au niveau des postes moyenne et basse tension qui permettent sans préavis de couper l'électricité aux clients non prioritaires. Je me souviens avoir reçu un appel de l'Élysée s'étonnant que dans certaines rues, un côté avait encore de l'électricité et l'autre plus. Cela a été presque un miracle mais l'équilibre entre production et consommation a pu être rétabli. Nous étions en train d'importer de l'électricité en provenance d'Espagne et les flux ont été immédiatement inversés. La production hydraulique française a sauvé la péninsule ibérique, en situation extrêmement difficile du fait de sa position en bout de chaîne. La reprise a été effective au bout d'une heure ou deux heures.

RTE a accru encore les capacités d'interruptibilité en l'étendant à ses clients industriels directement à partir du dispatching national, moyennant finance. Cela a permis, le 10 janvier 2019, d'éviter un incident qui aurait pu être de même nature que celui que je viens de décrire. La fréquence a en effet chuté à 49,7 Hz mais grâce au délestage, elle a été stabilisée à ce niveau, ce qui a permis d'éviter le décrochage des éoliennes à 49,5 Hz. Nous n'avons pas encore tous les détails mais il semblerait que la cause soit un problème de coordination entre deux gestionnaires de réseau, celui de l'Allemagne du Sud et celui de l'Autriche. On peut dire que RTE a sauvé les meubles à l'échelon européen.

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