Pour le PGE, 90 % des dossiers validés concernent des TPE de moins de 10 salariés, dont les chiffres d'affaires sont inférieurs à 2 millions d'euros. Pour la première année, le coût est de 0 %, augmenté du prix de la garantie. Après un an, le chef d'entreprise indiquera à quel horizon il souhaite rembourser (un à cinq ans), toujours au prix coûtant de la liquidité, que nous ne connaissons pas à ce stade et qui sera différent selon les banques. Si les taux restent bas, l'argent devrait rester bon marché.
Parallèlement, il n'est pas prévu de frais d'assurance. Le dispositif a été construit en dix jours et nous n'avons cessé de dialoguer pour l'améliorer. Il intègre maintenant les entreprises en difficulté : aujourd'hui, 23 000 entreprises notées 5 ou 6, et même 7, 8 ou 9, ont bénéficié d'un PGE.
Pour connaître le nombre de refus, nous devons faire remonter les informations de toutes nos agences. Notre estimation est de 2,5 %, avant médiation, soit 12 500 entreprises sur 500 000. Il n'est pas forcément logique d'accorder un prêt à une société qui fera faillite trois mois plus tard. De plus, environ 1 000 entreprises ont recours à la médiation toutes les semaines, soit un total de 8 000 depuis le lancement du dispositif, ce qui assez cohérent avec les 12 500 cas de refus.
Par ailleurs, le PGE ne vise pas à rembourser des prêts de trésorerie existants. En termes de montant total, je pense que nous ne serons pas très loin des 150 milliards d'euros. De fait, au sein des grandes entreprises, les processus à suivre prennent plus de temps, notamment parce qu'elles sont en relation avec plusieurs banques.
Pour les particuliers, nous observons plutôt une diminution des incidents bancaires. Grâce au dispositif de chômage partiel et au maintien de l'emploi, beaucoup de revenus ont été maintenus pour cette population, qui a moins consommé dans le même temps. Les cartes bancaires ont été très utilisées mais les volumes des dépenses ont été divisés par deux au cœur du confinement. Les difficultés sont donc plutôt à venir, si des plans sociaux sont lancés à l'automne.
L'activité des prêts immobiliers et des crédits à la consommation a été très limitée. Au plan immobilier, il est difficile d'anticiper ce que sera la demande à la sortie de la crise, notamment quel type de logement sera plébiscité dans le cadre du développement du télétravail. Je n'exclus pas une correction à la baisse sur le marché. Pour leur part, les taux devraient rester peu élevés. En la matière, le marché immobilier français est probablement le plus compétitif en Europe avec celui de l'Allemagne : il était possible d'emprunter à 1,1 % sur vingt ans. Pour le crédit à la consommation, la question clé sera celle de la reprise de la consommation et des comportements d'épargne. Les Français augmenteront-ils leur taux d'épargne, qui est déjà élevé ? Ce dernier passera-t-il par l'emprunt immobilier ? À ce stade, nous avons constaté une réduction de nombre de dossiers de surendettement.
Les activités de banque de détail en France représentent des dizaines de milliers de personnes qui travaillent dans des agences et des centres spécialisés, au service de leurs clients. Cette activité est en difficulté car elle fait face à des pressions considérables sur ses revenus, en raison du niveau des taux d'intérêt et de la baisse des commissions. Il convient donc de se demander si nous souhaitons conserver un service bancaire de proximité, qui permet notamment l'accompagnement des clients en difficulté. Vous évoquez des remises gracieuses et une réduction des frais : nous devons payer nos salariés, payer nos coûts, investir au plan informatique et dans la formation. La capacité à maintenir ce modèle relationnel passe par les revenus. Sinon, nous serons remplacés par « Amazon Banque ». Au sein de la Société Générale, nous disposons aussi de Boursorama Banque, qui est la moins chère en France et qui bénéficie du plus haut niveau de satisfaction des clients. Toutefois, ce modèle ne correspond pas à tous les types de clientèle.
Nous avons su montrer notre sens des responsabilités. Lors de la crise des gilets jaunes, nous avons pris la décision de plafonner les frais bancaires pour les populations en difficulté, ce qui nous a coûté 600 millions d'euros de revenus. Ces frais n'ont pas été relevés durant la crise actuelle et nous avons continué à prendre des engagements, notamment pour une harmonisation des critères de fragilité financière, à propos desquels la communication doit être assurée. Sur ces sujets, les banques sont contrôlées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui a indiqué que la quasi-totalité des réseaux respectaient leurs engagements. En fin d'année, tout le monde sera en ordre de marche.
Nous continuerons à travailler sur le rythme de l'identification des situations difficiles. Pour l'offre spécifique, qui concerne 500 000 clients, nous avons tenu nos engagements. Nous sommes très ouverts pour continuer à travailler sur ces sujets car notre intérêt est que nos clients ne basculent pas dans les difficultés.
Même avec une limite fixée à 30 euros, le potentiel de progression du recours au paiement sans contact était élevé. Basculer à 50 euros n'était pas simple. En effet, il convenait d'adapter les terminaux, ce qui est complexe en période de confinement. Aujourd'hui, toutes les banques ont appliqué l'évolution, certaines dès le 27 avril. Au-delà, sur ce sujet, nous sommes très sensibles au risque de fraude.
En ce qui concerne les prêts aux entreprises pour lesquels a été appliqué un moratoire, il n'a pas été effectué de paiement des intérêts, ces derniers étant capitalisés. De plus, toutes les entreprises qui ont bénéficié d'un PGE ne souhaitent pas forcément un moratoire de remboursement. En effet, les secteurs ne sont pas tous dans une situation aussi complexe que l'hôtellerie et le tourisme. Parfois, le PGE a été mobilisé par sécurité, sans atteindre un montant correspondant au quart du chiffre d'affaires annuel.
À ma connaissance, toutes les grandes banques ont indiqué qu'elles ne recourraient pas au chômage partiel, alors qu'elles avaient toutes des salariés qui n'étaient pas employés.
Nous ferons face à des défauts. À la Société Générale, nous estimons notre coût du risque à 3,5 milliards d'euros en 2020, au lieu de 1,7 milliard d'euros, et nous pensons qu'il pourrait être de 5 milliards d'euros si le PIB chutait de 13 %. Dès que nous mettons en place un nouveau crédit, nous provisionnons automatiquement la perte attendue à un an, ainsi que l'anticipation de perte que nous pourrions enregistrer à plus long terme pour les entreprises qui sont sous surveillance. Il est difficile de savoir quel scénario économique se réalisera mais nous sommes en principe capables de faire face.
La BCE nous a demandé de ne pas verser de dividendes et des centaines d'actionnaires individuels ont été impactés par cette mesure, sachant qu'ils achètent des actions pour disposer d'un rendement. Or les valorisations très basses qui sont constatées actuellement ne correspondent qu'à une fraction de nos fonds propres. L'absence de versement de dividendes n'est pas satisfaisante pour une entreprise et nous devons revenir à une situation normale car sinon, nous n'aurons plus d'acheteurs et nous ne pourrons pas financer la reprise de la croissance.
L'un des enjeux est de déterminer quelles sont les règles du jeu. Nous vivons un véritable stress test et les questions essentielles pour le futur sont les suivantes. Comment les banques ont-elles traversé la crise ? Le capital disponible était-il suffisant au sein du système ? Sur ces bases, nous pourrons envisager la transposition des accords de Bâle III. Les années 2021 et 2022 seront des exercices, je l'espère, au cours desquels les entreprises souhaiteront investir et les particuliers consommer. Il sera donc important que nous disposions des capitaux pour financer les nouveaux prêts. Dans l'examen des questions de transposition, nous devrons tenir compte de la question du capital disponible au sein du système.
La FBF travaille sur la sortie de crise et souhaite effectuer des propositions. Le PGE existe, doit continuer à fonctionner comme prévu et doit donc être remboursé. Pour ce faire, certaines entreprises feront appel à des ressources de marché, en levant des obligations ou du capital. Toutefois, de nombreuses petites entreprises n'auront pas accès au marché. Nous cherchons donc à déterminer si de nouveaux instruments pourraient conforter la structure financière des entreprises. Nous pourrions recourir à du quasi-capital, c'est-à-dire un produit beaucoup plus long, avec un rendement meilleur que celui du prêt. Il pourrait notamment s'agir d'investissements issus de fonds publics, provenant de l'Europe, de fonds régionaux... Toutefois, la logique de Bâle III est que les banques ne proposent que des prêts et non du capital ou du quasi capital. Nous avons réussi à conserver des activités de capital régional mais nous ne pouvons pas y consacrer des milliards. Il est donc possible de faire appel à une épargne publique, à condition de ne pas lui faire prendre de risque. Le secteur bancaire constituera un levier intéressant car les tickets moyens seront peut-être de 100 000 ou 400 000 euros. Nous serions bien placés pour identifier le bon calibrage. Nous travaillons sur ces sujets et nous serons prêts à jouer le jeu.
En tant que président de la FBF, je ne suis pas en charge de définir la stratégie des banques françaises. L'Afrique est un territoire complexe et il convient de disposer de la taille adaptée pour y intervenir. Elle est très moderne par certains aspects. Se pose aussi la question de la conformité, qui est une question clé sur ce continent. La Société Générale reste impliquée en Afrique et je suis très heureux de constater que ce continent semble épargné par l'épidémie. Nous disposons de 11 000 collaborateurs sur le terrain et, heureusement, nous n'avons enregistré que 32 cas.
Au plan de l'environnement, je souhaiterais que le débat soit le plus rationnel possible. Je vous garantis que toutes les banques françaises sont engagées et renforceront leurs engagements en matière d'environnement. Durant la crise, nous n'avons pas laissé tomber Air France ou des entreprises du secteur pétrolier. En effet, enregistrer 10 000 ou 50 000 pertes d'emplois ne nous a pas semblé être une bonne solution à très court terme. Je vous assure que nous accompagnerons ces entreprises dans leur transition énergétique. La première banque mondiale est américaine et finance les énergies fossiles pour des montants deux fois supérieurs à ceux investis par toutes les banques françaises. Cette crise est une occasion pour accélérer la transition vers les énergies renouvelables.