Je suis ravie de vous entendre admettre la nécessité d'un débat. La législation doit être en phase avec les bouleversements de l'époque. La barre des 200 000 morts a été franchie ; l'impact économique du confinement menace gravement la vie de millions de salariés et la viabilité de milliers de PME ; le PIB va reculer de près de 8 % pour 2020 – 20 % pour le deuxième trimestre ; et 9,6 millions de salariés, au chômage partiel, seront probablement au chômage tout court si l'on ne fait rien dans l'immédiat.
Des mesures d'urgence ont été prises pour soutenir l'économie – report des charges, fonds de 7 milliards pour les TPE et indépendants, garantie d'emprunt –, mais elles sont largement insuffisantes. Le Président de la République a martelé que l'État paierait, mais il y a aussi des acteurs privés qui doivent participer à l'intérêt général et que la loi doit pouvoir contraindre à leur devoir de solidarité ; encore faut-il comprendre ce que ce mot signifie. Le secteur des assurances doit assumer ses responsabilités et le code des assurances s'adapter pour intégrer le risque pandémique, devenu structurel à en croire la communauté scientifique.
Les mêmes objections nous sont régulièrement opposées : le code de l'assurance lui-même se concentrant sur les dégâts matériels ne saurait prendre en considération les risques liés à une pandémie ; le coût trop élevé, de près de 60 milliards, menacerait la survie de la profession. L'effort peut sembler considérable, mais en vérité, il n'en est rien. Les assurances ont pu verser 400 millions au fond interentreprises, geste louable, mais sans rapport avec leurs capacités financières : pratiquement 41 milliards sont engrangés chaque année au titre de l'assurance non-vie ! Le versement par une seule des cinq plus grosses compagnies de 3,5 milliards, de quoi couvrir les pertes d'exploitation de l'hôtellerie‑restauration, indique nettement qu'elles ont les reins suffisamment solides pour assumer une extension du dispositif pour catastrophe naturelle. Une loi est assurément nécessaire, étant donné que la générosité de l'un est largement compensée par l'égoïsme des autres. Si un dirigeant d'assurances prend sur lui de ne pas verser de dividendes à ses actionnaires, qu'en est-il des autres ?