Le « 33 tonnes » que les finances publiques, donc sociales, ont pris de face n'est pas dû à la mauvaise gestion de la sécurité sociale par le Gouvernement et les partenaires sociaux, ou à des erreurs politiques ou économiques. Les chiffres des finances publiques de 2019 étaient bons et même en nette amélioration. Le programme économique et fiscal du Président de la République fonctionnait : le chômage était au plus bas depuis 2008 ; notre croissance était plus forte que celle de la plupart des pays européens ; nous recréions des emplois industriels ; nous attirions des investissements étrangers ; le montant de la dette et du déficit publics baissait en même temps que les impôts des entreprises et des ménages. Le même constat pouvait être fait pour le champ social : le déficit de la sécurité sociale pour 2019 était de 1,9 milliard d'euros moins élevé qu'escompté.
Depuis mon intervention devant la commission des affaires sociales du Sénat, l'évaluation du « trou de la sécu » en 2020 est passée de 41 à 52,2 milliards d'euros. Ces chiffres, très préoccupants et historiques, rendent crédible la proposition du Gouvernement de ne pas faire de PLFRSS. Il faut d'abord que la situation se stabilise, ce qui devrait commencer à être le cas avec le déconfinement. Pour autant, ils demandent des réponses que nous allons apporter. Nous ne connaissons pas encore les prévisions pour 2020 et 2021, mais si nous faisons l'opération de responsabilité financière de la CADES et si les chiffres se stabilisent, nous souhaitons retourner vers un équilibre à l'horizon de 2024 ou 2025.
Le Gouvernement transférera, avec l'autorisation du Parlement, 136 milliards d'euros du déficit de l'ACOSS vers la CADES, logée près de l'AFT. Ce montant reprend la dette passée de la sécurité sociale, ce que nous imaginons être le trou de demain et le tiers de l'endettement des hôpitaux avec les intérêts – dans le cadre du plan hôpital annoncé avant la crise. En 2010, un montant à peu près similaire avait été transféré, mais avec une recette, en l'occurrence une part de la contribution sociale générale généralisée (CSG). Cette fois, nous pensons opérer le transfert sans cette recette, mais en prolongeant les impôts permettant le remboursement de la dette sociale.
La question de l'unification de la dette me semble prématurée. En tout cas, l'unification de sa gestion est effective puisque nous logeons la CADES auprès de l'AFT. Nous poussons d'ailleurs le Parlement à adopter rapidement le projet de loi organique qui a déjà été présenté au Conseil des ministres, afin que nous puissions faire notre première émission de dette avant août.
Avoir un débat toutes administrations publiques confondues nous aiderait, même s'il faut que le PLF et le PLFSS soient distincts car ils obéissent à des logiques différentes – même si, à la fin, ce sont les Français qui paient les recettes et profitent des dépenses. Nous verrons comment l'organiser, au moins pour le budget 2021 qui sera exceptionnel.
S'agissant des exonérations, trois familles sont à identifier. La première concerne les acteurs économiques relevant des annonces du Président de la République, en l'occurrence tous les secteurs très touchés par la crise et dans l'impossibilité de fonctionner – hôtellerie, restauration, sport, culture, tourisme, arts et spectacles : toute entreprise entre un et 250 salariés sera intégralement exonérée de cotisations patronales pour quatre mois, de mars à juin, qu'elle ait ou non demandé un report de charges. Dans certains cas, des cotisations sociales ont été versées pour les salariés qui n'étaient pas en activité partielle. Elles sont dues aux salariés et nous n'entendons pas rogner cette protection sociale. Pour autant, afin de ne pas grever le budget des entreprises, nous proposerons de créer auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) un crédit que pourront utiliser ces entrepreneurs pour payer d'autres cotisations. Cette mesure serait une disposition législative du PLFR pour les secteurs annoncés et renverrait à un décret pour tous les autres secteurs indirectement touchés – par exemple les blanchisseries. Le critère pour l'exonération et le crédit de charges serait celui du code NAF.
L'autre famille d'exonérations concerne les secteurs frappés d'une interdiction d'ouvrir sans pour autant être au nombre des secteurs visés par les annonces du Président de la République – les salons de coiffure, par exemple. Nous proposerons que toute entreprise concernée de moins de dix salariés bénéficie d'une exonération totale de charges patronales pour quatre mois.
La troisième famille concerne les commerces qui ont pu ouvrir mais ont vu leur chiffre d'affaires fortement réduit – les boulangeries, par exemple. Un double système sera mis en place, au cas par cas et quels que soient le type d'entreprise et le nombre de salariés : l'annulation des charges patronales ; l'autorisation d'étalement du paiement des charges jusqu'à trente‑six mois.
Ces mesures générales et sectorielles sont exceptionnelles. Le coût des annulations de charges est pour l'instant évalué à 3,5 milliards d'euros, pris dans les 52,2 milliards du « trou de la sécu » mais compensés par l'État conformément à une disposition du prochain PLFR.
S'agissant du chômage partiel, le Président de la République et le Premier ministre ont précisé qu'il fallait reprendre la vie économique en tenant compte des difficultés et restrictions sanitaires. Une réunion est prévue avec les partenaires sociaux jeudi, mais il est déjà certain qu'au 1er juin, de manière rétroactive, l'activité partielle se poursuivra à condition que les entreprises concernées y participent : l'État prendrait en charge les salaires bruts à hauteur de 60 % et non plus 70 %, les 10 points de différence étant assumés par les entreprises. Cette mesure rapporterait environ 700 millions d'euros. C'est peu, mais cela devrait inciter certaines personnes à reprendre le chemin du travail. Dans des secteurs extrêmement touchés, des dispositifs spécifiques seront sans doute prévus mais la règle générale veut que l'État baisse le niveau d'intervention.
S'agissant du plan hôpital, le PLFR ne prédéfinit pas de montant de revalorisation de la rémunération du personnel hospitalier, puisque ce dernier est en cours de négociation. En revanche, un montant sera inscrit dans le PLFSS 2021, puisqu'il s'agira de crédits sociaux. Les primes décidées par le Président de la République figurent dans les chiffres que j'ai cités. Nous avons repris un tiers de la dette de l'hôpital, intérêts compris, dans le transfert à la CADES. S'agissant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), les dépenses de ville ont baissé. En revanche, celles de l'hôpital public ont augmenté et, depuis le début de la crise, nous avons ajouté 8 milliards d'euros. Enfin, la relance n'est pas prévue dans le PLFR, y compris dans sa dimension sociale. Il n'y a donc pas de tranche intitulée « futur plan de relance hôpital public ». Le Président de la République précisera ultérieurement les contours exacts du plan de relance. Nul doute que l'hôpital en fera partie, mais il n'est pas concerné par les chiffres que je viens d'évoquer.
Il est trop tôt pour répondre à la question sur l'évolution des comptes de l'UNEDIC, qui dépendra de l'activité partielle et de la reprise économique. Même s'il détériore les chiffres de l'UNEDIC, le chômage partiel est préférable aux plans sociaux généralisés.