Intervention de Cendra Motin

Réunion du mercredi 3 juin 2020 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCendra Motin :

Dans la mesure où le projet de loi de règlement concerne les seuls comptes de l'État, il n'est pas habituel que notre Printemps de l'évaluation soit l'occasion d'aborder les finances sociales.

Au regard des circonstances, le bureau de la commission m'a toutefois chargée de faire un premier bilan financier de l'épidémie de covid-19 sur la sécurité sociale et je l'en remercie.

C'est une preuve supplémentaire, s'il en faut encore, que le budget de la France est un tout, qu'il nécessite peut-être plus encore aujourd'hui qu'hier une vision stratégique globale et que le temps des querelles de compensation doit être mis derrière nous.

Je tiens, en préambule à saluer l'engagement des agents des administrations sociales, mobilisés depuis le mois de mars, dans des conditions inédites, pour faire fonctionner notre protection sociale.

Contrairement à la prévision d'un solde négatif de 5,4 milliards d'euros pour le régime général et le fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV), le déficit ne s'élève en 2019 qu'à 1,9 milliard d'euros. Les deux tiers de l'amélioration s'observent au niveau des recettes, alors que les cassandres fustigeaient des baisses de cotisations sur les heures supplémentaires et les primes.

L'équilibre est naturellement bouleversé par la crise du covid-19. Le déficit prévisionnel pour 2020 est estimé à 52,2 milliards d'euros, et pourrait encore se dégrader.

En outre, le Gouvernement envisage au moins 16 milliards d'euros de déficit en 2021, 2022 et 2023.

De manière cohérente avec la contraction du produit intérieur brut, de 11 % en année pleine, et l'élasticité anticipée du rendement des prélèvements obligatoires, de 1,1, les pertes de recettes, qui étaient estimées entre 24,8 et 36 milliards d'euros lorsque la récession était évaluée à 8 %, pourraient atteindre 41,4 milliards d'euros. La masse salariale, principale assiette de ressources de la sécurité sociale, se contracterait de 9,7 %, sous l'effet de la baisse des embauches et de l'activité partielle.

En outre, des délais de paiement de cotisations ont été accordés pour aider les entreprises, pour 64,5 milliards d'euros, et des exonérations, qui pourraient se transformer en annulations, sont prévues ‑ dont 3,5 milliards d'euros dans le cadre du plan tourisme, exonérations qui seront prises en charge par l'État ‑, ainsi que la création d'un crédit de cotisations pour accompagner la reprise.

Pour faire face à cette baisse des recettes, le plafond d'emprunt de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a été relevé de 39 à 95 milliards d'euros, afin de soulager la trésorerie du régime général et du FSV. Cela constitue une première qui est rendue possible grâce à l'engagement de l'État, via l'Agence France Trésor, et de la CDC.

Par ailleurs, la crise a également des conséquences sur les dépenses. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) qui sera exécuté en 2020 sera supérieur à la prévision. Son montant a d'ores et déjà été augmenté de 8 milliards d'euros, mais l'ampleur réelle du dépassement reste inconnue à ce stade.

Toutefois, l'ampleur réelle du dépassement reste inconnue à ce stade. Les dépenses d'indemnités journalières ont progressé en raison de la création de deux catégories d'indemnités ad hoc et de l'élargissement du dispositif aux indépendants. Mais si cette augmentation semble être compensée par le ralentissement des soins de ville, le plan de soutien aux professionnels de santé concourt, lui, à les augmenter dans une proportion comprise entre 800 millions et un milliard d'euros. Le sous-objectif de l'ONDAM relatif aux établissements de santé devrait quant à lui être supérieur à la prévision, de l'ordre de 2,2 milliards d'euros.

Le Ségur de la santé viendra nécessairement faire évoluer ces estimations, mais afin de mieux évaluer la progression de l'ONDAM entre 2020 et 2021, il semble utile de présenter un ONDAM qui ne prenne pas en compte les dépenses supplémentaires relatives au covid-19.

La branche famille, quant à elle, ne voit pas ses prévisions modifiées. L'aide exceptionnelle de solidarité versée par la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a été compensée par des crédits d'État et les mesures mises en œuvre par les caisses des allocations familiales (CAF) l'ont été à enveloppe constante.

Enfin, puisque l'addition des déficits cumulés, de 31 milliards d'euros fin 2019, et des déficits prévisibles n'aurait pas été soutenable pour l'ACOSS, la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) reprendra 136 milliards d'euros de passif. Ce transfert de la dette à un acteur qui a la confiance des marchés apparaît pertinent.

Du reste, avec 52,2 milliards d'euros de dettes nouvelles pour 2020 et un PIB en recul de 11 %, il me semble très difficile de modifier l'équilibre fragile des dépenses et des recettes.

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