La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, examine la mission Justice .
Avant d'en venir à la crise du covid‑19, je souhaite dire quelques mots sur l'exécution 2019.
Conformément à la loi de finances initiale, le budget de la justice a bénéficié en 2019 de moyens renforcés, avec 9 milliards d'euros consommés en autorisation d'engagement et en crédits de paiement. Tous les programmes de la mission ont bénéficié d'une hausse de leurs crédits. Les dépenses de personnel, qui représentent 62 % des dépenses, sont en hausse de 2 %.
Néanmoins, l'efficacité d'un système judiciaire ne tient pas uniquement à l'importance des crédits et des emplois dont il dispose. Ainsi, malgré l'augmentation des moyens, certaines performances du ministère de la justice doivent nous alerter.
Concernant la justice judiciaire, l'exécution confirme le manque de maîtrise des frais de justice, qui continuent d'augmenter et dépassent largement la prévision. Surtout, les indicateurs révèlent un allongement des délais de jugement des juridictions. Il s'agit d'un problème majeur que le ministère de la justice doit régler rapidement, sans quoi l'augmentation des crédits pourrait laisser à penser qu'il se contente de combler un tonneau des Danaïdes, ce qui n'est pas excusable en matière de gestion des deniers publics.
S'agissant de l'administration pénitentiaire, l'exécution a conduit à un dépassement de 10 millions d'euros des crédits de personnel, qui a conduit à un dégel partiel de la réserve de précaution, sans toutefois que tous les emplois ne soient pourvus, notamment au niveau des personnels surveillants. Cela n'est pas une surprise et j'avais moi‑même alerté sur l'insuffisance de la masse salariale lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2019.
En outre, il faut souligner la sous-exécution des crédits d'investissement, qui accentue les risques de retard dans la réalisation du plan de construction de 15 000 places de prison. À ce stade, le lancement des travaux n'est effectif que pour 27 % des 7 000 places qui doivent être livrées en 2022, et cela sans compter les retards résultant de l'arrêt des chantiers pendant la crise du covid-19. Tout cela est très inquiétant.
Par ailleurs, l'augmentation des moyens alloués à la protection judiciaire de la jeunesse ne se traduit pas dans les indicateurs, mais ceux-ci manquent de pertinence et leur périmètre doit être revu.
Les dépenses relatives à l'aide juridictionnelle sont, quant à elles, une nouvelle fois en forte augmentation alors que, dans le même temps, les délais de traitement s'allongent.
Enfin, l'exécution traduit une montée en charge du plan de transformation numérique du ministère de la justice.
J'en arrive maintenant aux conséquences de la crise du covid–19 sur le budget de la justice. Avant toutes choses, j'ai bien conscience des difficultés auxquelles ont été confrontés les services de la Chancellerie, mais aussi les acteurs de la protection judiciaire de la jeunesse, les avocats et les auxiliaires de justice. Je tiens à saluer les personnels qui ont été mobilisés durant la crise. Néanmoins, j'aimerais soulever quelques points qui me paraissent très problématiques dans la manière dont la crise a été gérée.
Premièrement, s'agissant de la justice judiciaire, le ralentissement inédit de l'activité des juridictions me parait très préoccupant, et ce d'autant plus qu'il vient se rajouter aux difficultés liées à la grève des avocats.
Ce ralentissement tient, en grande partie, au manque de lisibilité dans la mise en œuvre des plans de continuité de l'activité qui a, dans certains cas, entraîné un arrêt quasi total des juridictions. Le même constat peut être fait pour la protection judiciaire de la jeunesse. Était-il indispensable de réduire à ce point le fonctionnement des juridictions et, si oui, pourquoi ?
L'arrêt de l'activité judiciaire a conduit au report de plusieurs milliers d'affaires, ce qui va aggraver l'engorgement déjà très fort des juridictions. Nous aurons l'occasion de rediscuter des mesures qui s'imposent pour y remédier mais, quoi qu'il en soit, la réponse du Gouvernement doit être à la hauteur des enjeux.
Deuxièmement, la crise du covid-19 a entraîné une baisse massive de plus de 13 000 détenus, en raison à la fois du ralentissement de l'activité des juridictions pénales et des mesures de libération anticipée décidées par le Gouvernement.
Certes, la diminution de la densité carcérale peut améliorer les conditions de détention et la sécurité des agents pénitentiaires. Néanmoins, l'ampleur de cette baisse peut interpeller : 20 % de détenus en moins, ce n'est pas rien, cela représente un détenu sur cinq. Là encore, était-il indispensable d'aller aussi loin ? Toutes les précautions nécessaires ont-elles été prises ? La question doit être posée.
Enfin, s'agissant de la transformation numérique du ministère de la justice, il est vrai que des progrès ont été réalisés, sans lesquels la gestion de la crise aurait pu être encore plus catastrophique. Néanmoins, des marges d'amélioration significatives subsistent. Je rappelle, par exemple, que les greffiers n'ont pas la possibilité de télétravailler. La modernisation de la justice ne doit pas rester une simple invocation, elle doit se traduire dans les faits.
L'exercice 2019 révèle une relative maîtrise des crédits de la mission Justice. Les magistrats et les agents de l'administration pénitentiaire exercent parfois dans des conditions difficiles. Toutefois, les crédits sont en hausse. L'augmentation la plus inquiétante concerne les crédits relatifs à l'aide juridictionnelle, car le taux de recouvrement des frais avancés par l'État diminue de manière sensible. Pensez-vous que la réforme de l'aide juridictionnelle votée dans la loi de finances pour 2020 permettra de mieux maîtriser les dépenses ?
La réforme va dans le bon sens mais restera insuffisante. Je pense qu'il conviendrait d'adopter des mesures encore plus fortes pour parvenir à une réelle maîtrise des dépenses.
Au regard de la crise sanitaire, la trajectoire budgétaire prévue dans la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice doit-elle être adaptée ou peut-elle être maintenue telle quelle ?
Je partage l'idée qu'il existe des marges de manœuvre en matière de modernisation numérique du ministère de la justice. La procédure pénale numérique constitue certes une avancée, mais il faut aller plus loin et, le cas échéant, réaliser des investissements, par exemple dans le cadre d'un plan de relance des politiques publiques, qui pourrait être déployé après l'été.
Par ailleurs, quel est l'impact de la baisse du nombre de détenus sur l'évolution des dépenses de l'administration pénitentiaire ?
Enfin, quelles mesures le ministère de la justice pourrait-il prendre pour limiter l'engorgement à venir des juridictions ?
S'agissant de la trajectoire budgétaire du ministère de la justice, il est nécessaire d'accélérer encore les choses afin de rattraper le niveau de dépense prévu dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Les problèmes rencontrés aujourd'hui proviennent du fait que la justice judiciaire n'a pas mis en place de réel plan de continuité de l'activité. Face à la crise sanitaire, qui est arrivée juste après la grève des avocats, la Chancellerie a simplement décidé de fermer les tribunaux. Ce n'était pas le choix le plus judicieux. L'engorgement inévitable de ceux-ci impose que des mesures appropriées soient mises en œuvre.
La baisse du nombre de détenus n'aura quant à elle qu'un impact limité sur le budget de l'administration pénitentiaire. En effet, celui-ci est majoritairement composé de dépenses de personnel, qui sont en grande partie incompressibles. Néanmoins, il convient de rester vigilant.
Disposons-nous d'indicateurs précis sur les délais de jugement ? Quels sont les contentieux pour lesquels les retards constatés sont les plus importants ? Quelles procédures ont été les plus impactées par la grève des avocats et la crise du covid-19 ?
Les retards pris dans les investissements immobiliers pourront-ils être rattrapés et, si oui, à quelle échéance ?
Avant la crise, quels étaient les résultats donnés par les indicateurs de performance relatifs aux délais de jugement au regard de la cible fixée ?
Comment les schémas d'emplois des programmes de la mission Justice ont-ils été exécutés en 2019 ?
Quelles seront les conséquences de la crise sur le budget de la justice, notamment en ce qui concerne l'engorgement des tribunaux ?
Le budget 2019, qui prévoyait une hausse de 3,8 % et la création de 1 000 emplois, inscrit la justice comme l'une des priorités du quinquennat. Certes, l'année 2020 est particulière, en raison de la grève des avocats et de la crise sanitaire. Pour autant, on ne peut pas dire que les tribunaux ont fermé durant le confinement. Ils ont continué à travailler, mais d'une autre manière et, si des difficultés ont été constatées, des améliorations sont déjà envisagées pour fluidifier le fonctionnement de la justice.
À ce titre, la numérisation de l'ensemble de la chaîne judiciaire constitue une priorité. Serait-il possible d'organiser des vases communicants au sein du budget de la justice afin de financer en priorité la transformation numérique du ministère ?
Certes, des crédits supplémentaires ont été accordés à la justice et des emplois ont été créés. Néanmoins le schéma d'emploi a été moins bien exécuté que les années précédentes : le taux de réalisation s'établit à 79 %, contre 92 % en 2018, soit une différence de 202 postes, principalement en raison des difficultés de recrutement chez les personnels surveillants. Le sous-effectif est chronique au sein de l'administration pénitentiaire, alors que les surveillants sont en première ligne dans la lutte contre la radicalisation et pour la prise en charge des détenus difficiles. Le nombre de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation est également insuffisant, alors que leur rôle est essentiel dans le développement des peines alternatives.
Comment peut-on revaloriser ces fonctions de surveillant pénitentiaire et de conseiller d'insertion et de probation, afin que les postes soient effectivement pourvus et que les missions soient correctement remplies ?
L'effort budgétaire accompli est louable, même si la France continue à consacrer moins d'argent à la justice que ses voisins européens, provoquant une dégradation des conditions de détention, une hausse de l'insécurité dans les prisons et l'allongement des durées des recours. Le taux d'occupation des maisons d'arrêt continue de se dégrader.
De plus, l'objectif de recruter 400 surveillants supplémentaires n'a pas été atteint en 2019. Seule une partie du coût du protocole de sortie de crise signé en janvier 2018 a été intégré dans le budget 2019. Pensez-vous que le protocole pourra être respecté au regard de la programmation budgétaire de la mission ?
De plus, à combien les surcoûts liés à la numérisation dans le cadre de la crise sanitaire peuvent-ils être estimés, et ces surcoûts remettent-ils en cause la politique de la numérisation de l'appareil judiciaire ?
Nous ne disposons pas de statistiques sur l'activité des juridictions durant la période de confinement. S'agissant des données de 2019, l'allongement des délais concerne avant tout les tribunaux de grande instance, de 12,6 mois en 2018 à 13,9 mois en 2019, et s'explique par les nombreuses évolutions législatives décidées au cours des dernières années. En effet, les tribunaux de grande instance ont connu une hausse de leur activité en raison de la prise en charge de nouveau contentieux et, avec un million de nouvelles affaires, l'activité civile n'avait pas été aussi élevée depuis 2015. L'allongement des délais concerne également les cours d'appel, mais dans une moindre mesure, puisqu'ils passent de 15,2 mois en 2018 à 15,8 mois en 2019.
S'agissant des dépenses d'investissement, qui concernent à la fois la justice judiciaire et l'administration pénitentiaire, des écarts importants peuvent être constatés entre les prévisions et la réalisation. Les retards accumulés témoignent d'une mauvaise appréciation dans les prévisions de dépenses ex ante, même si cela n'est pas nouveau.
L'engorgement des tribunaux est une réalité. Nous attendons la mise en place de mesures de la part du Gouvernement afin d'inverser la tendance car, si rien n'est fait, l'allongement des délais constaté en 2019 va encore s'accroître en 2020, ce qui réduira la confiance des justiciables et des citoyens vis-à-vis de l'institution judiciaire.
Le numérique doit être développé, mais la question est moins d'ordre budgétaire que d'ordre humain. Des efforts ont été réalisés. Le secrétariat général du ministère de la justice assure désormais le pilotage du plan de transformation numérique et les moyens financiers sont au rendez-vous. Toutefois, la Chancellerie doit s'employer à recruter des personnels compétents en la matière et à répartir les efforts sur l'ensemble du territoire.
L'écart entre le nombre de postes ouverts et le nombre de postes pourvus au sein de l'administration pénitentiaire constitue un réel problème. L'attractivité des professions concernées est une question centrale. J'invite la Chancellerie à continuer de travailler sur le sujet.
Enfin, je ne vois pas de difficulté en termes de soutenabilité budgétaire, à l'exception des dépenses d'investissement, pour lesquelles l'écart avec les prévisions est encore marqué en 2019, et des frais de justice, qui continuent d'augmenter.
La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, examine ensuite les missions Conseil et contrôle de l'État ; Pouvoirs publics ; Direction de l'action du Gouvernement et le budget annexe Publications officielles et information administrative ainsi que la mission Investissements d'avenir.
En 2019, l'exécution des crédits relatifs à la mission Direction de l'action du gouvernement s'élève à 1,2 milliard d'euros, soit 96 % des crédits ouverts en loi de finances initiale.
Si la dépense sur la mission semble diminuer de 148 millions d'euros par rapport à 2018, cette réduction relève d'une économie de façade, découlant de la non comptabilisation des loyers budgétaires en 2019. À périmètre constant, les crédits consommés augmentent de 20 millions d'euros.
Comme chaque année, de nombreux transferts sortants de crédits nuisent à la lisibilité de l'exécution. La sous-budgétisation récurrente des dépenses de fonctionnement des services du Premier ministre est également une constante regrettable. À ce titre, les frais de transports du chef du Gouvernement sont trois fois supérieurs à la prévision, et l'utilisation de l'escadron de transport 60 n'est toujours pas budgété au stade de la loi de finances initiale.
Je m'inquiète enfin de la dégradation des délais de traitement des dossiers des autorités administratives indépendantes de protection des droits et libertés.
Le budget annexe Publications officielles et information administrative dégage quant à lui un excédent de 58,5 millions d'euros en 2019 - soit 8,6 millions d'euros de plus que l'année précédente - grâce à la poursuite des plans d'économie et à des recettes supérieures aux prévisions. Toutefois, je m'interroge, comme la Cour des comptes et la mission d'information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, sur l'opportunité de supprimer ce budget annexe.
Pour conclure sur l'exécution 2019, la mission Investissements d'avenir a consommé un peu plus d'un milliard d'euros en crédits de paiement, conformément à la prévision. Toutefois les nombreux redéploiements de crédits intervenus en cours d'année, pour un montant total d'un milliard d'euros, dénaturent l'autorisation budgétaire initiale. Près de 300 millions d'euros concernent le nouveau plan « batteries » du Président de la République. Si je ne préjuge pas de l'utilité de cet investissement, les PIA sont encore une fois soumis au fait du prince.
La crise sanitaire de 2020 n'a eu que des effets marginaux sur le champ de mon rapport spécial, en dehors du budget annexe qui en sort fragilisé. Certains services ont été particulièrement mobilisés, mais dans l'ensemble le ralentissement de l'activité pourrait générer des économies.
Sur le champ de la mission Direction de l'action du Gouvernement, certains surcoûts apparaissent néanmoins difficilement justifiables, d'autant plus que la situation de nos finances publiques se dégrade fortement.
Le service d'information du Gouvernement anticipe une dépense supplémentaire de 20 millions d'euros en raison de la crise. 9 millions d'euros sont consacrés à la mise en place d'une plateforme téléphonique, qui me paraît utile. Toutefois, les 11 millions d'euros restants sont consacrés à des activités qui auraient pu être arrêtées ou ralenties.
Ainsi le SIG a continué à organiser des études d'opinion, alors que leur nécessité m'apparaît toute relative. Le grand débat avait déjà, en 2019, entraîné un surcoût de 2 millions d'euros pour le SIG. Je constate que ses dépenses évoluent désormais en proportion inverse de la cote de popularité du Gouvernement.
De même, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a été mis à contribution pour apprécier l'opportunité d'exporter des masques au cœur de la crise, dès le mois de mars. Les moyens mobilisés auraient été plus utiles au renforcement de l'approvisionnement au bénéfice de nos soignants.
Par ailleurs, le budget annexe Publications officielles et information administrative connaît une dégradation importante de ses recettes, de l'ordre de 20 % par rapport à l'année 2019. En raison du contexte économique, la direction de l'information légale et administrative anticipe un faible excédent cette année, voire un déficit.
Enfin, quatre actions ont été mobilisées dans le cadre des PIA pour faire face à la crise, mais ceux-ci ne doivent pas devenir un instrument conjoncturel.
Avant de procéder à l'examen de l'exécution budgétaire 2019 de la mission Pouvoirs publics, je voudrais faire état d'une difficulté de calendrier.
Dans l'annexe Pouvoirs publics au projet de loi de règlement du budget, la Présidence de la République, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République présentent de façon relativement détaillée l'utilisation de leur dotation.
Mais, s'agissant de l'Assemblée nationale et du Sénat, il est simplement indiqué que la dotation a été consommée. Pour le reste, le lecteur doit attendre la mise en ligne des rapports que les instances des deux chambres consacrent à l'exécution des crédits.
Or cette mise en ligne intervient tardivement – en l'occurrence, il y a une dizaine de jours pour le Sénat, et l'on attend toujours la publication du rapport des questeurs de l'Assemblée nationale.
Si nous n'ignorons pas les difficultés engendrées par la crise sanitaire, il semblerait cependant utile, pour la bonne information de nos concitoyens, que l'exécution du budget des assemblées et des chaînes parlementaires fasse au moins l'objet de quelques pages dans l'annexe au projet de loi de règlement.
Par ailleurs, l'analyse détaillée que la Cour des comptes fait chaque année des comptes de la Présidence de la République n'est publiée qu'en juillet. Votre rapporteure ne peut donc s'y référer, alors que les notes d'analyse de l'exécution budgétaire relatives aux autres missions sont disponibles à temps pour le Printemps de l'évaluation.
J'en viens aux grandes caractéristiques de l'exécution 2019.
Le budget exécuté de la Présidence de la République s'est élevé à 105,39 millions d'euros, financés par la dotation inscrite en loi de finances initiale, soit 103 millions d'euros, et des ressources propres, soit 2,53 millions d'euros. À la clôture, le solde budgétaire est positif de 0,13 million d'euros, alors que le budget initial prévoyait un prélèvement sur trésorerie de 2,5 millions. Les crédits consacrés aux déplacements présidentiels ont notamment connu une nette sous-exécution : 13,86 millions d'euros pour 15,05 millions en prévision initiale, du fait notamment de la crise des gilets jaunes. Parmi les recettes, il convient de noter des remboursements à hauteur de 1,2 million d'euros, dont 0,85 million pour le sommet du G7 et 0,35 million pour les cérémonies commémoratives du Débarquement, ces sommes n'étant pas inscrites dans le budget initial.
L'exécution du budget du Conseil constitutionnel, à 12,8 millions d'euros, dépasse de près de 5 % la prévision initiale. Si elle fait apparaître une diminution des dépenses de personnel, les dépenses d'investissement sont en revanche supérieures d'un tiers à celles de 2018 et de presque 100 % par rapport au budget initial. Compte tenu des écarts que l'on peut constater, année après année, entre la prévision et l'exécution, il me semblerait pertinent que le Conseil constitutionnel puisse faire appel à la Cour des comptes pour certifier ses comptes.
Le Sénat est presque à l'équilibre : un prélèvement sur disponibilités d'un million d'euros seulement a été nécessaire pour équilibrer dépenses et ressources, alors que le budget initial prévoyait un déficit de 33 millions d'euros. Les dépenses d'investissement ont été largement sous-exécutées.
Les dépenses de l'Assemblée nationale se sont élevées à 546,9 millions d'euros en 2019, marquant une hausse de 3,7 millions d'euros par rapport à 2018, pour une prévision initiale de 568,1 millions d'euros. Le résultat budgétaire s'établit à - 22,8 millions d'euros, contre - 17,7 millions en 2018. Cet accroissement du déficit est imputable à la hausse des dépenses d'investissement de 3 millions d'euros et des dépenses de fonctionnement de 0,7 million d'euros, et à une baisse des recettes de 1,4 million d'euros. Le dépenses d'investissement ont globalement progressé de 15,3 %, mais elles restent sensiblement inférieures à la prévision budgétaire, qui était de 27,3 millions d'euros pour un réalisé de 22,9 millions d'euros.
La progression de la consommation des crédits de fonctionnement reste contenue, à 0,7 million d'euros.
Enfin, dans le cadre de la certification des comptes de l'Assemblée par la Cour des comptes, votre rapporteure suggère aux questeurs et à l'administration de s'engager dans l'élaboration d'un plan pluriannuel de levée des réserves faites par la Cour.
Concernant les conséquences de la crise sanitaire sur nos institutions, je ne crois pas nécessaire de détailler des mesures que nous connaissons tous. La mise en place de protections sanitaires et de procédures permettant le travail à distance ont représenté un coût non négligeable. Pour autant, l'ensemble de nos interlocuteurs estiment que ces surcoûts seront compensés par la nette sous-exécution, au premier semestre de cette année, des crédits de déplacement et de représentation. Au total, les gestionnaires anticipent plutôt de moindres dépenses en 2020. Mais, en matière d'investissement, il se peut que des rattrapages interviennent en cours d'année.
L'exécution des budgets des pouvoirs publics en 2020 sera donc particulièrement délicate à mener. Elle nécessitera un suivi et une restitution plus précis qu'ils ne le sont actuellement, et dans des délais plus raisonnables.
En 2019, le Conseil d'État, les juridictions administratives, la Cour des comptes, le Haut Conseil des finances publiques, et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ont reçu 760 millions d'euros en autorisation d'engagements et 684 millions d'euros en crédits de paiement, dont plus de 60 % ont été alloués au Conseil d'État et aux juridictions administratives. Les crédits de paiement ont été presque intégralement consommés.
Les dépenses ont connu une progression de 21 millions d'euros par rapport à 2018. Cette dynamique haussière, similaire à celle observée entre 2017 et 2018, est à mettre en lien avec les créations d'emploi de la mission, qui concernent en premier lieu les juridictions administratives. Ces dernières ont vu leurs effectifs renforcés de 108 ETP en 2019, dont 103 pour la Cour nationale du droit d'asile, qui a bénéficié de 245 créations d'emploi en trois ans. En dépit de cet effort, l'objectif en matière de délai de jugement n'est pas atteint : il est en moyenne de 9 mois et 20 jours, alors que la loi garantit un délai de 5 mois.
Les dépenses de la Cour des comptes, des chambres régionales des comptes et des autres juridictions associées enregistrent une hausse modérée. La Cour des comptes souhaite en particulier développer ses ressources propres issues de ses activités de commissariat aux comptes pour les organisations internationales.
Le CESE a dû organiser en 2019 la première convention citoyenne sur le climat, pour 4 millions d'euros supplémentaires ouverts en loi de finances rectificative. Pour autant, un surcoût de 1,2 million d'euros est enregistré. Pour mener ses missions dans de bonnes conditions, le CESE doit bénéficier de crédits dédiés ou réaliser des économies de fonctionnement, car son budget est supérieur à ses dotations, de sorte qu'il a besoin de recourir à ses ressources propres, tirées de la valorisation du palais d'Iéna, qui devraient normalement lui permettre de réaliser des travaux de réhabilitation de ce bâtiment.
Dans le cadre de la crise sanitaire, la grande résistance des institutions financées par la mission est à souligner. Toutes ont continué leurs activités essentielles et ont publié les rapports et les avis attendus dans les délais prévus. Pour le Haut Conseil des finances publiques et la Cour des comptes, l'impact de la crise est quasiment nul.
Des plans de continuité de l'activité communs à l'ensemble des juridictions administratives avaient été adoptés de longue date. Toutefois, la crise aura un effet sur les indicateurs de performance, car le report des procédures devrait provoquer un engorgement temporaire avant l'été.
Je note que si le CESE a dû faire face en 2019 à des dépenses exceptionnelles imprévues, l'ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative a permis de garantir qu'elles n'excèdent que de manière limitée les crédits de paiement accordés.
Madame Dalloz, quelle est la pertinence du redéploiement des PIA en 2019, et comment participent-ils au soutien de la relance de l'économie ?
Madame Dalloz, je ne peux vous laisser dire que les PIA sont le fait du prince. Un comité de surveillance, intégrant huit parlementaires, a été mis en place. En outre, les PIA ont été créés sous la mandature de Nicolas Sarkozy, afin de proposer des crédits pluriannuels mieux sécurisés dans le temps.
Par ailleurs, les indicateurs de performance devraient-ils être modifiés, notamment au regard de la crise sanitaire ?
Madame Lemoine, les budgets des deux assemblées parlementaires sont-ils soutenables à moyen terme, sachant qu'elles puisent chaque année dans leurs réserves ?
Monsieur Labaronne, dans quels domaines le CESE pourrait-il réaliser des économies afin de financer de nouvelles conventions citoyennes, et quelles sont les pertes de recettes associées au fait que le palais d'Iéna n'a pas pu accueillir d'événements culturels pendant le confinement ?
Le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) a accéléré le processus de versement des aides à l'innovation pour les lauréats d'un appel à projets ou à manifestation d'intérêt. Ainsi, 80 millions d'euros ont été mobilisés dans le cadre du fonds national post-maturation destiné aux start-ups et 45 millions d'euros seront alloués au fonds de renforcement des petites et moyennes entreprises (PME), portant sa dotation à 100 millions d'euros.
Le plan « batteries » a été mis en œuvre sur demande du président de la République et a mobilisé 300 millions d'euros. Bien entendu, il a été adopté par le bureau du SGPI, mais il n'avait pas été prévu dans le budget.
Les indicateurs de performance se dégradent en raison de la crise du covid-19. Par exemple, le délai moyen de traitement des dossiers par le Défenseur des droits, qui était de 65 jours en janvier et février 2020, est de 75 jours en mars et de 84 jours en avril, alors que les garants des libertés publiques et des droits sont essentiels dans la période actuelle. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) connaît également une certaine dégradation de ses ratios, et nous pourrons travailler avec elle sur les indicateurs de performance.
En tant que rapporteure spéciale, je m'interroge également sur la soutenabilité des budgets des assemblées parlementaires. Les budgets initiaux prévoient toujours des prélèvements importants dans les réserves et ces réserves finiront par être épuisées. Les assemblées parlementaires doivent rationaliser leurs dépenses et optimiser leur fonctionnement, comme les services de la Présidence de la République l'ont fait dès le printemps 2019 en lançant un grand plan d'économies.
Il existe un manque de lisibilité des documents budgétaires du CESE. Celui-ci bénéficie d'un régime comptable et administratif dérogatoire aux règles de la comptabilité publique et le rapport annuel de performance présente des chiffres erronés. Des discussions ont été engagées pour que les données d'exécution puissent être mises à jour dans Chorus, mais ces discussions n'ont pas encore abouti.
Un problème de certification des comptes du CESE se pose également.
S'agissant de la première convention citoyenne, des erreurs de fléchages budgétaires ont été constatées. Sur les 4,2 millions d'euros ouverts en cours d'exercice, seuls 2 millions d'euros ont été consommés en 2019. Le restant a été reporté en 2020 vers des dépenses de fonctionnement. À mon sens, celles-ci doivent être réduites et il faut être plus rigoureux en matière d'absentéisme des représentants au sein du CESE. En outre, le CESE doit augmenter ses ressources propres, au travers par exemple de la mise à disposition du palais d'Iéna pour des manifestations. Il a toutefois perdu à ce titre un million d'euros en raison de la crise.
Les budgets 2020 du Sénat et de l'Assemblée nationale prévoyaient des travaux. Seront-ils exécutés ?
En outre, la crise incite-t-elle les assemblées à renforcer la numérisation ?
Madame Dalloz, pourriez-vous préciser à quelles entreprises les 125 millions d'euros que vous avez évoqués étaient destinés ?
Quelles sont les conséquences du confinement sur les budgets de déplacement ?
Monsieur Labaronne, je partage vos exigences vis-à-vis du CESE. Pensez-vous qu'une numérisation des débats du CESE permettrait de réaliser des économies et de dégager des recettes ?
Madame Dalloz, avez-vous des suggestions sur les indicateurs à mettre en place pour traiter la sous-budgétisation récurrente des dépenses des services du Premier ministre ?
Madame Lemoine, vous avez suggéré de faire appel à Cour des comptes pour certifier les comptes du Conseil constitutionnel. Cette proposition est-elle nouvelle ?
Monsieur Labaronne, dans votre rapport d'octobre 2018, vous aviez indiqué que le programme du Haut Conseil des finances publiques était sans réelle justification budgétaire. Est-il plus pertinent aujourd'hui ?
La démocratie a un coût, et nous devons l'assumer. Parfois, il est normal que certains budgets augmentent.
Néanmoins, dans le cadre de la réforme du CESE à venir, il sera important de lui donner un cadre budgétaire différent, voire renforcé, car il constitue un outil important de la démocratie. Le CESE ne doit pas dépendre des manifestations organisées au palais d'Iéna pour exister mais disposer d'un véritable budget.
L'exécution budgétaire de la présidence de la République est inférieure aux crédits ouverts dans le cadre de la loi de finances initiale. Pour autant, une analyse des dépenses montre que cette situation s'explique avant tout par les multiples crises que notre pays connaît depuis plusieurs mois, qui va jusqu'à réduire l'activité diplomatique du président et le nombre de ses déplacements à l'étranger.
L'année 2019 constitue donc une exception. Depuis 2017, le budget de la présidence de la République a augmenté de 8 millions d'euros. Le précédent locataire de l'Élysée avait constitué des réserves, qui ont été consommées par le président actuel. Le sommet de l'État se doit pourtant de donner l'exemple, et de faire des économies.
Enfin, s'il est vrai que la démocratie a un coût, sur 1 000 euros de dépenses publiques, les dépenses de l'Assemblée nationale ne représentent que 45 centimes.
Un rapport de la Cour des comptes préconisait la suppression des deux budgets annexes, dont Publications officielles et information administrative. Madame Dalloz, nos collègues sont-ils toujours prêts à demander, dans le cadre du prochain budget, la suppression de ce budget annexe ?
S'agissant des juridictions administratives, les contentieux s'accumuleront en raison de la crise sanitaire, ce qui pourrait générer des surcoûts en 2021 afin de revenir à un rythme de traitement normal.
Par ailleurs, le déficit de l'Assemblée nationale est chronique. Les comptes sont déficitaires depuis 2012, sauf en 2014. Le déficit cumulé s'élève à 102 millions d'euros et il reste 21 millions d'euros en trésorerie. Au rythme actuel, les réserves seront épuisées dans environ 7 ans.
Madame Motin, les 125 millions d'euros en question correspondent aux 80 millions d'euros du fonds national post‑maturation – dans le cadre du PIA 3, la Banque Publique d'Investissement (BPI) finance de petites entreprises qui se trouvent entre deux levées de fonds - et aux 45 millions d'euros qui ont été injectés dans le fonds de renforcement des petites et moyennes entreprises (PME) dont le chiffre d'affaires est inférieur à 5 millions d'euros.
1,4 million d'euros étaient prévus dans le budget initial pour les déplacements du Premier ministre. La dépense s'est finalement élevée à 4,3 millions d'euros. Il est difficile de déterminer des indicateurs plus précis, car les frais de déplacement du Premier ministre sont par nature imprévisibles, mais j'estime qu'il devrait être possible d'anticiper plus précisément les dépenses relatives aux déplacements, d'autant que l'utilisation de l'escadron 60 n'est pas budgété au stade la loi de finances initiale.
Enfin, un budget annexe est prévu pour la Direction de l'information légale et administrative (DILA). La Cour des comptes considère qu'il n'a plus lieu d'être, car un budget annexe n'a de sens que si la totalité de ses recettes sont affectées à la couverture des dépenses. Or, le passif est tel pour la DILA – notamment en raison de mesures d'accompagnement de plans sociaux déployées quelques années plus tôt - qu'une partie des recettes ne sert qu'à alimenter le financement de ces derniers. La DILA prend par ailleurs en charge des opérations régaliennes, telle que la publication du Journal officiel, qui n'ont pas à être financées par les excédents du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). Je suis donc favorable à la suppression de ce budget annexe.
Les cinq grandes opérations immobilières prévues par l'Assemblée nationale à compter de 2019 sont impactées par la crise sanitaire. Leur calendrier a été modifié et entre 6,6 et 7,2 millions d'euros de crédits seront reportés sur 2021 et 2022.
Sont également reportées, sur l'exercice 2020, les réparations de l'hôtel de Lassay, pour 1,5 million d'euros, et, sur l'exercice 2021, la rénovation de l'ensemble immobilier de Broglie, pour 3,5 millions d'euros. Les travaux de la réfection de la couverture de l'hémicycle ont aussi été reportés, ce qui générera un surcoût de 430 000 euros lié à la prolongation de la location des échafaudages. Ils devraient s'achever en mars 2021.
La crise sanitaire a fait prendre conscience du retard que l'Assemblée nationale pouvait avoir en matière de numérique. Des dépenses ont été engagées pour favoriser le télétravail. Il conviendra d'avancer rapidement sur ces sujets.
Je ne peux dire si la proposition de certification des comptes du Conseil constitutionnel par la Cour des comptes a été déjà présentée au président du Conseil par le passé, mais nous nous rendons compte que l'exécution est toujours assez éloignée des prévisions.
La relative maîtrise du budget de la présidence de la République constatée en 2019 le sera également en 2020, car la crise du covid-19 a participé à réduire les déplacements. Il est difficile de dire ce qu'il en sera les années suivantes. Toutefois, nous pouvons constater une véritable volonté de maîtriser les dépenses, avec une nouvelle organisation des services depuis mars 2019.
Enfin, l'actif net des réserves de l'Assemblée nationale s'élevait au 31 décembre 2019 à 283,2 millions d'euros, ce qui laisse une certaine marge de manœuvre. Toutefois, la question de la soutenabilité du budget reste posée au regard de la consommation des réserves au cours des huit à dix années écoulées.
Le programme du Haut Conseil des finances publiques représente 0,05 % des crédits de la mission. Je plaide pour qu'il soit transformé en une action budgétaire du programme 164.
Le bureau justice et médias de la direction du budget mène actuellement une évaluation sur les éventuels surcoûts qui pourraient devoir être portés par les juridictions administratives en 2021 en raison de la crise sanitaire.
Le budget du CESE s'élève à 42 millions d'euros. Même si la démocratie a un coût, il serait souhaitable que les comptes du CESE soient plus lisibles et certifiés, car nous devons rester vigilants à l'utilisation des fonds publics et rechercher des économies de fonctionnement. En outre, nous pourrions aller plus loin dans la promotion du palais d'Iéna. Aujourd'hui, celui-ci retarde ses travaux de réhabilitation, parce que son budget de fonctionnement dépasse les dotations dont il est pourvu par l'État.
La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, examine les missions Administration générale et territoriale de l'État ; Immigration, asile et intégration ; Sécurités et le budget annexe Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.
La crise sanitaire a confirmé, si besoin en était, la qualité, la robustesse et le caractère essentiel de l'administration territoriale de l'État, Une nouvelle fois, après la lutte contre le terrorisme, l'épisode des gilets jaunes et les grèves dans les transports, l'administration territoriale aura su faire face et a permis la continuité de l'action publique. Mais je reviendrai tout d'abord brièvement sur l'exécution budgétaire pour 2019.
2019 fut pour la mission Administration générale et territoriale de l'État un nouvel exercice de continuité et de stabilité, à l'exécution globalement maîtrisée.
Les dépenses sont restées quasiment identiques à celles de 2018, à hauteur de 2,8 milliards d'euros. Le taux de consommation a quant à lui atteint 98 % pour les crédits de paiement. L'exécution des crédits est globalement conforme à la programmation, pour la deuxième année de suite.
Cependant, l'exécution 2019 fut marquée par une tension spécifique, celle de l'exécution du schéma d'emploi du programme 307 Administration territoriale. A été poursuivie la réduction de ses effectifs et le programme a atteint le plus faible nombre d'agents depuis sept exercices, avec 24 885 ETPT en exécution. Ces schémas d'emplois exigeants, combinés à une hausse de l'activité des préfectures notamment au sein des services en lien avec les ressortissants étrangers, ont créé des tensions dès le début de l'exercice. Pour faire face à ces dépenses, le secrétaire général du ministère de l'Intérieur a obtenu un dégel partiel de 3 millions d'euros sur la réserve de précaution.
La soutenabilité de ces schémas d'emploi apparaît donc discutable si l'on veut que l'administration territoriale puisse assurer les missions qui lui sont confiées. Par ailleurs, les économies budgétaires visées ne semblent pas être au rendez-vous. La Cour des comptes a en effet noté que, sur longue période, l'évolution des crédits consacrés au titre 2 apparaît déconnectée de l'évolution des emplois, la baisse des crédits étant plus faible que celle du nombre d'emplois. À cet égard, il apparaît opportun de procéder, avec le recul, à un examen lucide du plan « préfecture nouvelle génération » (PPNG) et d'en corriger les insuffisances manifestes en matière de présence territoriale, de qualité de service et dans la perspective de la mise en place de la carte nationale d'identité électronique à partir de 2021.
Si l'on vient maintenant à 2020, les politiques publiques du programme 232 Vie politique, cultuelle et associative, notamment l'organisation des élections et l'activité de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ont été perturbés par la crise. J'attire l'attention sur les réponses apportées le 17 mars 2020 par le Premier Ministre au référé de la Cour des Comptes relatif au cadre juridique d'activité de cette commission.
Concernant le nouveau programme 354, malgré les réductions d'effectifs, l'administration territoriale a tenu dans la crise. Elle a su réorienter rapidement son activité vers les missions prioritaires et nécessaires à la lutte contre le covid-19, comme les activités liées au pilotage et à la sécurité. En interne, la gestion a pu être plus compliquée, en raison de difficultés matérielles et culturelles à placer les agents en situation de télétravail. Le ministère doit donc se mettre à niveau sur cet enjeu, non seulement dans le but de mieux répondre aux futures crises, mais également afin d'en faire un levier d'amélioration de la qualité de vie, notamment au travail, de ses agents. Le télétravail peut en effet leur permettre de passer moins de temps dans les transports et même, éventuellement, de gagner en pouvoir d'achat en habitant plus loin des grandes métropoles, où les coûts de l'immobilier sont plus difficilement soutenables pour les salaires de la fonction publique.
Si je devais tirer un enseignement fort de la période récente, je dirais que cette dernière a permis de valider l'idée que, surtout dans les moments de gros temps, l'État doit pouvoir parler d'une seule voix au sein des départements. Cette voix, ce doit être celle du préfet, qui est souvent le seul fonctionnaire du territoire représentant de l'État nommé en Conseil des ministres.
Ce moment devrait donc servir pour approfondir l'interministérialité de l'administration territoriale de l'État au niveau départemental, condition de l'autorité et de l'efficacité des préfets. Cela devra passer par une réflexion sur le rapprochement des statuts et des rémunérations entre agents de la fonction publique d'État dans les départements. Cette évolution devrait s'accompagner d'un pas supplémentaire dans la déconcentration, qui permettrait à l'État de répondre de manière plus pertinente et in fine de façon plus adaptée aux contextes territoriaux très divers.
Ces évolutions pourraient également être bénéfiques pour les finances publiques en accroissant les capacités de mutualisation des fonctions support des services départementaux et en modulant les réponses selon les plus justes besoins de chaque territoire.
Je poursuivrai sur un constat budgétaire rassurant, à savoir que l'exécution de la mission ne devrait pas se voir bouleversée par la crise, car la nature des dépenses de la mission rend l'exécution peu sujette à de fortes perturbations, d'autant que les crédits d'investissement ne représentent que 5 % des crédits mobilisables.
Je conclurai, mes chers collègues, par un appel à votre vigilance pour que l'administration territoriale dispose des moyens, notamment humains, de ses missions. Cependant, cela doit se faire sans renoncer aucunement à l'impératif de progrès que nous impose la volonté de proposer à nos concitoyens un service partout sur le territoire.
Les dépenses de la mission continuent à progresser pour faire face à la hausse continue des demandes d'asile et à la relance de la politique d'intégration. Ainsi, les dépenses ont été multipliées par 3 en 5 ans.
En 2019, l'exécution des programmes 303 Immigration et asile et 104 Intégration et accès à la nationalité française s'établit à 1,9 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,8 milliard d'euros en crédits de paiement, des montants supérieurs de 5 % à ceux prévus dans la loi de finances pour 2019.
La mission est en sur-exécution tous les ans depuis 2009, en raison d'une sous-estimation systématique des dépenses relatives à l'allocation aux demandeurs d'asile (ADA).
Toutefois, la sur-exécution du programme 303 est compensée par la sous-exécution du programme 104, ce qui laisse craindre que les gestionnaires de ce dernier prennent des décisions trop prudentes au regard des objectifs qui leur sont fixés en loi de finances initiale.
Nous demandons par conséquent de pouvoir accéder à la méthodologie détaillée du calcul des prévisions de l'ADA, afin que celles-ci soient à l'avenir plus pertinentes.
À l'heure actuelle, le ministère de l'intérieur anticipe pour la mission Immigration, asile et intégration un surcroît de dépenses lié à la crise sanitaire d'environ 170 millions d'euros, ce qui représente 10 % des crédits de paiement ouverts par la loi de finances pour 2020.
Le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française connaîtrait une sur-exécution proche de 10 millions d'euros en raison d'une participation aux dépenses exceptionnelles d'hébergement engagées depuis mars. En effet, plus de 20 000 places d'hébergement ont été ouvertes pour les personnes sans domicile fixe, incluant des demandeurs d'asile. Si l'essentiel de cette dépense est supporté par la mission Cohésion des territoires, le programme 104 devrait également être mis à contribution.
Le programme 303 Immigration et asile devrait pour sa part enregistrer une dépense supplémentaire de près de 160 millions d'euros, qui s'explique par une participation aux frais d'hébergement précités (+ 69 millions d'euros) et l'allocation pour demandeurs d'asile (+ 88 millions d'euros). Certes, les demandes d'asile enregistrées à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ont connu un recul de 30 % entre janvier et avril 2020, mais l'épidémie entraîne une hausse du nombre de bénéficiaires de l'allocation, car l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile ont ralenti leur activité, et des demandeurs d'asile qui auraient dû être déboutés ne l'ont pas été.
En outre, un projet de loi en cours d'examen prévoit de prolonger le versement de l'ADA pour les demandeurs d'asile qui auraient dû cesser de percevoir cette allocation à compter de mars 2020.
Le budget de la police et de la gendarmerie nationale s'élève, en 2019, à 19,88 milliards d'euros, soit une progression de 3 % par rapport à 2018. Les crédits exécutés sont supérieurs aux crédits ouverts en loi de finances pour 2019.
Cette tendance à la hausse s'explique par l'engagement sans faille du Gouvernement en faveur des forces de sécurité, qui se traduit par la poursuite du plan de recrutement quinquennal prévoyant la création de 10 000 emplois entre 2018 et 2022, dont 636 dans la gendarmerie et 1 700 dans la police en 2019, ainsi que le déploiement de mesures indemnitaires et catégorielles massives, valorisant la pénibilité du travail et le niveau à la fois exceptionnellement et durablement haut de l'activité opérationnelle. Les accords de 2016 représentent une dépense supplémentaire de 112 millions d'euros en 2019, tandis que le coût du protocole de 2018 s'élève à 138 millions d'euros.
La sur-exécution du budget trouve également sa source dans le maintien de l'activité à un niveau durablement et exceptionnellement élevé. 2019 a été marquée par la poursuite du mouvement des gilets jaunes, les contestations contre la réforme des retraites et la tenue du G7 à Biarritz. Les dépenses de personnel supplémentaires s'établissent à 17 millions d'euros pour chacune des deux forces, tandis que les dépenses de fonctionnement sont supérieures à celles de 2018 et à la prévision.
La tenue d'une campagne inédite d'indemnisation des heures supplémentaires dans la police est également à souligner : plus de 3,5 millions d'heures supplémentaires ont été indemnisés au profit de 30 648 agents, pour un montant total de 43,8 millions d'euros.
En matière de sécurité routière, le principal fait marquant est la baisse des recettes des amendes issues des contrôles radars, à hauteur de 57 millions d'euros par rapport à la prévision, à cause des dégradations massives subies par le parc durant le mouvement des gilets jaunes.
La crise sanitaire représente pour les forces de sécurité intérieure, déjà fortement sollicitées, un nouveau défi opérationnel et budgétaire. Des dépenses supplémentaires importantes sont constatées, notamment en raison de la mise en œuvre de mesures de protection des personnels. Ces surcoûts pourraient représenter 55 millions d'euros pour la police et 48 millions d'euros pour la gendarmerie.
Des pertes de recettes sont également enregistrées, en raison de l'annulation d'événements pour lesquels un service d'ordre indemnisé aurait pu être prévu.
Cet effet ciseau impose le dégel de la réserve de précaution.
En outre, 22 000 fonctionnaires de la police nationale bénéficieront de la prime versée à tous les fonctionnaires sollicités au plus fort de la crise.
Par ailleurs, la réduction drastique des déplacements durant le confinement a réduit les recettes issues des amendes et des contrôles radars, qui devraient être inférieures de 86 millions d'euros à la prévision.
Une recrudescence des comportements à risques est également à craindre au cours de la période de déconfinement. Une importante campagne de communication a alors été lancée sur le sujet, pour un coût de 2,3 millions d'euros.
En 2019, le programme 161 Sécurité civile a été exécuté à hauteur de 548,3 millions en autorisations d'engagement et 452,4 millions d'euros en crédits de paiement. Les crédits du programme connaissent une évolution notable en comparaison avec l'année 2018 : les crédits consommés diminuent de l'ordre de 316 millions d'euros en AE et progressent de 33 millions d'euros en CP. Cette variation découle de l'exécution du marché de renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile, notifié en 2018, et en vertu duquel un premier avion Dash a été livré en janvier dernier.
L'exécution du programme est conforme aux prévisions. Toutefois, l'activité de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) est intrinsèquement opérationnelle. La gestion des crédits dépend donc d'aléas exogènes.
En 2019, malgré une saison de feux d'intensité moyenne, quoique supérieure à la moyenne décennale, les dépenses allouées au carburant des moyens aériens, aux produits retardants, à l'entretien des véhicules terrestres et aux colonnes de renfort ont dépassé l'estimation établie en loi de finances initiale. Par conséquent, la réserve de précaution a été mobilisée à hauteur de 8,7 millions d'euros.
La gestion des crédits semble efficace, mais des tensions risquent d'intervenir de plus en plus fréquemment, le changement climatique et le contexte actuel nous rappelant que les événements exceptionnels seront à l'avenir de plus en plus susceptibles d'intervenir.
L'année 2019 a également été marquée par la dégradation du taux de disponibilité des avions de la sécurité civile. Deux incidents majeurs ont eu lieu, entraînant la mort d'un pilote et clouant au sol l'intégralité de la flotte des Trackers durant plusieurs mois.
Je rejoins à ce sujet les constats de la Cour des comptes, qui déplorait que la sécurité civile ne disposait pas de contrat capacitaire valable dans la durée. Elle indique que les investissements sont réalisés sous la seule contrainte de l'obsolescence des équipements existants. Une telle situation génère des risques, comme nous en avons fait l'amère expérience cette année. La rédaction du livre blanc sur la sécurité intérieure devrait permettre de répondre à cette difficulté, et j'invite la DGSCGC à renforcer la planification de ses besoins opérationnels.
En 2020, les sapeurs-pompiers et la DGSCGC ont été fortement mobilisés, alors que leur action dans le cadre de la crise sanitaire n'a pas toujours été visible. 85 000 interventions liées au covid-19 ont été menées par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et 1 200 sapeurs-pompiers ont été infectés par le virus. 250 opérations de transports de patients, matériel ou médecins ont également été organisées par la sécurité civile.
Il est encore trop tôt pour chiffrer les conséquences exactes de la crise sur le programme. Certaines activités ont par exemple été ralenties ou arrêtées. L'école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers a par exemple suspendu ses formations, et ses bâtiments ont été utilisés pour accueillir les ressortissants nationaux rapatriés de Wuhan. Les concours ont été repoussés, ce qui aura des conséquences sur l'exécution des crédits de titre 2.
La crise porte également préjudice à la préparation de la saison des feux de forêt, car le pré-positionnement des colonnes de renfort dans les territoires vulnérables aux incendies ne peut être réalisé dans des conditions normales. Je serai attentif à l'évolution de cette situation.
Le dépassement, en 2019, des crédits prévus pour la mission Sécurités est révélateur de la sollicitation importante de nos forces de l'ordre. Pensez-vous que nous pourrions parvenir à une meilleure prévision des dépenses relatives à l'activité opérationnelle de la police et de la gendarmerie ?
Par ailleurs, le programme de renouvellement des avions de la sécurité civile pourrait-il intervenir dans des délais suffisamment rapides pour que le taux de disponibilité ne se dégrade pas ?
Monsieur Savatier, la crise sanitaire est-elle susceptible d'entraver la bonne installation du programme 354, qui consacre une meilleure efficacité de l'action territoriale de l'État ?
Pour la mission Immigration, asile et intégration, la gestion du programme 104 est trop conservatrice, mais quel plan d'action devrions-nous construire pour que cela change, sachant que les crédits de lutte contre l'immigration irrégulière ont atteint un niveau historiquement haut en 2019, tout en étant sous-exécutés ?
Sur la mission Sécurités, l'indemnisation des heures supplémentaires constitue un enjeu important pour les forces de l'ordre. Avez-vous identifié une trajectoire pour les années à venir sur ce point, et ne devrait-il pas devenir un nouvel indicateur de performance ? En outre, le programme 161 est en sur-exécution de manière récurrente. Comment pouvons-nous sortir de ce phénomène ?
En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, quid de la réparation des radars endommagés depuis deux ans ?
Par ailleurs, je ne m'explique pas l'importante sur-exécution de la contribution de ce CAS à l'équipement des collectivités territoriales et au désendettement de l'Etat.
Monsieur Duvergé, la sécurité civile a été parfois oubliée dans les hommages, alors qu'elle a été un maillon essentiel durant la crise, ce qui doit se traduire budgétairement. La définition d'un indicateur dédié au covid-19 pourrait inciter le Gouvernement à compenser les frais engagés durant la période.
La réorganisation au niveau interministériel et à l'échelon départemental des services de l'État a été reportée à fin 2020. Pour autant, le ministère de l'intérieur maintient sa volonté de la mettre en œuvre, d'autant qu'elle est relativement acceptée par les représentants du personnel, sous réserve que les mesures d'accompagnement nécessaires soient prévues.
Toutefois, la crise est l'occasion de s'interroger sur l'organisation des services de l'État, mais aussi sur leur rapport avec les citoyens. Les décentralisations, externalisations et digitalisations doivent être poursuivies, en particulier dans la perspective de la mise en place en 2021 d'un titre sécurisé, la carte nationale d'identité électronique, qui bouleversera la manière d'apporter des informations aux citoyens et de les protéger, mais également de lutter contre la fraude.
La sur-exécution systématique depuis 11 années des crédits du programme 303 s'explique en partie par l'ADA, par l'évolution du nombre de demandes d'asile et, plus encore, par la méthode d'évaluation des crédits qui seront nécessaires au cours de l'année.
La Cour des comptes préconise d'établir la prévision du nombre de demandes d'asile en s'appuyant sur la moyenne des trois dernières années, mais nous suggérons de prendre en compte à la fois l'exécution de l'année précédente et de l'année en cours et d'identifier des tendances sur la base de l'évolution mensuelle du nombre de bénéficiaires de l'ADA.
Les crédits Intégration et accès à la nationalité française sont quant à eux en sous-exécution, mais ils ont fortement augmenté, de 88 millions d'euros en 2016 à 353 millions d'euros en 2019.
Le manque de qualité de la prévision en matière de demandes d'asile ne suffit pas à expliquer les écarts constatés, car les délais de traitement des demandes doivent également être pris en compte. Afin d'améliorer les prévisions, nous devons demander au Gouvernement des précisions sur la méthode utilisée au moment du projet de loi de finances.
La sur-exécution des dépenses de personnel de la mission Sécurités, avec 211 millions d'euros prévus pour la gendarmerie et 238 millions d'euros pour la police, pour un réalisé de 285 millions d'euros pour la première et 343 millions d'euros pour la seconde, s'explique par une sur-exposition des forces de l'ordre au cours des deux dernières années, qui est liée à des phénomènes exogènes.
Le stock des heures supplémentaires s'élevait 23 millions d'heures au 31 décembre 2018. La situation était insoutenable à long terme, et présentait un risque à la fois financier et social. Le protocole de 2018 prévoyait l'indemnisation de 3,5 millions d'heures supplémentaires, mais le chemin reste encore long.
Mettre en place un indicateur relatif aux heures supplémentaires restant à indemniser serait pertinent afin de suivre l'exécution des dépenses.
Par ailleurs, en mars 2019, lors de la crise des gilets jaunes, seuls 67,82 % des radars étaient disponibles. Ce taux est depuis remonté à 82,27 %, et il devrait revenir à 100 % à la fin de l'année.
La croissance des dépenses du programme 754, qui soutient l'équipement en matière de sécurité routière des collectivités, est liée par un effet mécanique à l'augmentation des recettes de la section 2. Cette croissance correspond au circuit financier normal du CAS.
Le taux de disponibilité des avions de la sécurité civile s'élève à 90 %, pour un objectif de 96 %. Il reste correct mais risque de se dégrader, notamment si le remplacement des Trackers n'est pas suffisamment rapide.
En outre, il apparaît nécessaire d'étendre le parc d'hélicoptères et d'accélérer le remplacement des véhicules obsolètes. En effet, la sécurité civile n'a acheté aucun hélicoptère depuis 2011.
Par ailleurs, la sur-exécution constatée dans le cadre du programme 161 ne concerne que les coûts opérationnels. Le budget de la sécurité civile est volontairement construit a minima, afin d'éviter de créer une forme de rente annuelle. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel a suggéré de créer une seconde réserve de précaution : cette recommandation devra faire l'objet d'une réflexion.
Enfin, les surcoûts liés au covid-19 sont aujourd'hui compensés par une réduction des interventions standards et des économies sur les concours et les formations. Néanmoins, les concours devront être organisés en fin d'année et les crédits associés seront in fine dépensés. Une distinction devra être alors établie entre les surcoûts liés à la crise et les dépenses habituelles.
Monsieur Savatier, avez-vous constaté des écarts entre les régions s'agissant des délais de traitement des demandes de cartes d'identité ?
Par ailleurs, au rythme actuel, il faudrait 7 ans pour indemniser toutes les heures supplémentaires effectuées au sein de la police à fin 2018. Les agents qui partent à la retraite voient-ils leurs heures indemnisées, et la situation a-t-elle une conséquence sur le calcul de la pension de retraite ?
Il existe un déséquilibre entre la sur-exécution du programme 303 et la sous-exécution du programme 104, qui impose de nombreux mouvements de crédits entre les deux programmes. Comment, alors, mieux budgéter ces programmes pour éviter ces mouvements ?
En outre, la crise sanitaire a mis en évidence l'importance de la coopération avec les associations agréées de sécurité civile. Comment améliorer leur reconnaissance et leur intégration dans les dispositifs locaux ? Le développement des agréments constitue-t-il une piste ?
Dans le cadre du plan « préfecture nouvelle génération », la dématérialisation des procédures est indispensable, mais en raison de la fracture numérique, trop souvent, une partie de nos concitoyens qui ne maîtrisent pas les nouvelles technologies se trouvent défavorisés. Quelle médiation pourrait-elle être mise en place pour leur permettre de réaliser les démarches administratives ?
Par ailleurs, la programmation des crédits de la mission Immigration, asile et intégration est particulièrement difficile. La Cour des comptes a même indiqué que cette programmation était insincère. Pour autant, il semble étonnant que depuis des années, il soit impossible de réaliser des prévisions réalistes. Les Gouvernements ont pu faire un choix politique volontariste, en pensant qu'en sous-estimant les crédits, l'arrivée des demandeurs d'asile serait freinée.
Les préfets et les maires ont été essentiels dans la gestion de la crise sanitaire. Monsieur Savatier, quelle est votre position sur la pérennisation de ce duo ?
De plus, la déconcentration doit-elle continuer, et si oui, avec quels moyens ?
Par ailleurs, Madame Hai et Monsieur Grau, connaissez-vous le fléchage des montants recueillis au titre des amendes prononcées pour violation des obligations imposées lors du confinement ?
Il était prévu de réduire de 40 le nombre des sous‑préfectures. Qu'en est-il ?
Quel est le montant du stock des heures supplémentaires de la police et de la gendarmerie, et combien d'années faudra-t-il pour le résorber ?
Quel est le réajustement des crédits des ADA à prévoir pour 2020 et 2021 ?
Quelle est l'incidence de la baisse des recettes générées par les radars sur les fonds gérés par les conseils départementaux au titre des amendes de police ?
Une grande partie de la hausse du budget de la mission Immigration, asile et intégration est due au rattrapage des sous-budgétisations en 2018 et 2019.
Toutefois, les charges sanitaires pour les personnes en centre de rétention administrative (CRA) diminuent de 73 000 euros en 2020, alors que le nombre de ces dernières augmente. Par conséquent, les conditions de détention en CRA sont aujourd'hui déplorables.
Par ailleurs, Gérard Colomb avait annoncé d'importants recrutements dans la police et la gendarmerie. Or leurs effectifs n'ont augmenté que de 1 % en 2018 et de 0,3 % en 2019. En 2020, les effectifs devraient diminuer. Ainsi, les annonces n'ont pas été suivies d'effet.
La montée en puissance des programmes 104 et 303 doit en effet être mieux évaluée. Toutefois, le programme 104 était plus fortement sous-budgété avant 2018.
En outre, si nous devons mieux prévoir l'ADA, je doute que les problèmes de sous-budgétisation que nous constatons soient dus à une volonté politique. Il semble plutôt que nous nous donnons des objectifs trop ambitieux en matière de réduction des délais de traitement. Par exemple, une augmentation des effectifs de l'OFPRA a été décidée pour 2020, mais les 200 personnels supplémentaires n'ont pas pu être intégrés en raison de la crise sanitaire.
Le nombre de demandes d'asile diminue en raison de la crise, mais les demandeurs d'asile restent plus longtemps en hébergement. Il est difficile, à ce stade, d'évaluer les surcoûts liés à la crise.
Il est en effet difficile d'évaluer l'ADA en 2020. Pour le moment, il est prévu qu'elle soit supérieure de 88 millions d'euros à 2019.
Le rapport annuel de performance des CRA fait état de frais de fonctionnement à hauteur de 25 millions d'euros en 2018 et de 26,5 millions d'euros en 2019. Les dépenses augmentent donc. En revanche, il est vrai que tous les travaux qui avaient été prévus dans les CRA, dont certains se trouvent dans un très mauvais état, n'ont pas pu être engagés en 2019.
Pour répondre à madame Louwagie, les écarts s'agissant de l'obtention des titres sécurisés sont moins constatés entre les régions qu'entre la qualité de service mesurée, qui est équivalente à celle enregistrée avant la réforme des préfectures, et la qualité de service ressentie par les citoyens, qui dépend fortement des délais de rendez-vous proposés par les collectivités territoriales, lesquels sont très hétérogènes d'un territoire à l'autre.
Par ailleurs, dans le cadre du plan « préfecture nouvelle génération », nous sommes allés trop loin dans la suppression d'emplois sur le terrain, qui doit être compensée par le recours au service civique. Nous devons offrir un service plus multi-canal, en apportant des services numériques performants tout en maintenant un accompagnement sur terrain.
La question du duo formé par le préfet et le maire doit être traitée d'une part sous l'angle de la décentralisation, en donnant des compétences aux collectivités territoriales, et d'autre part sous celui de la déconcentration : le préfet doit être en mesure, notamment en période de crise, de parler au nom de l'ensemble des services de l'État, afin d'adapter les réponses de l'État aux territoires, en liaison avec les collectivités territoriales.
Enfin, il n'est plus aujourd'hui question de supprimer les sous-préfectures. Il appartient aux préfets d'employer aux mieux les ressources qui sont mises à leur disposition, et nous pouvons constater que certaines compétences départementales sont transférées vers les sous-préfets.
Les sous-préfectures auront également un rôle à jouer dans le projet France services.
Nous n'avons pas reçu d'informations sur le fléchage des recettes relatives aux amendes prononcées lors du confinement, en dehors du fait qu'elles seront dirigées vers le budget général.
Conformément à l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques 2018‑2022, nous devons rapprocher les plafonds d'emploi des effectifs réels. La baisse du plafond que Monsieur De Courson a constaté s'inscrit dans cette démarche, et ne masque pas une baisse des effectifs de la police et de la gendarmerie. En 2019, 636 postes ont été créés en gendarmerie et 1 707 au sein de la police.
Les heures supplémentaires ne concernent pas les gendarmes. Une partie du stock des heures supplémentaires des policiers, mais également du flux, a été indemnisée. Cette décision est inédite.
Les associations de sécurité civile peuvent bénéficier de quatre agréments distincts et cumulables, portant sur les opérations de secours, le soutien aux populations sinistrées, les encadrements de bénévoles lors des actions de soutien et les dispositifs prévisionnels de secours. Elles sont essentielles dans l'organisation des secours, mais rencontrent des difficultés financières en raison de la crise. Le sujet doit être creusé. À ce titre, j'estime qu'il serait opportun d'auditionner ces associations dans le cadre du projet de loi de finances.
La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, examine les missions Santé et Solidarité, insertion et égalité des chances.
Je présenterai le bilan de l'exécution 2019, ainsi que les résultats d'une étude sur l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).
La mission Santé regroupe le programme 183 Protection maladie, finançant pour l'essentiel le financement de l'aide médicale d'État (AME) en faveur des étrangers en situation irrégulière, et le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins.
L'exécution budgétaire s'est établie en 2019 à 1 350 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1 420 millions en crédits de paiement, des montants inférieurs de 5 % à ceux ouverts en loi de finances initiale.
Des progrès ont été réalisés en matière de gestion de l'aide médicale d'État mais ils restent insuffisants. 939 millions d'euros ont été exécutés, pour 934 millions d'euros ouverts.
Les faiblesses en matière de dépenses de prévention et d'indemnisation sont persistantes. Les crédits font encore une fois l'objet d'une sous-consommation prononcée, avec un taux d'exécution de 85 %. En 2019, seuls 5,3 millions d'euros d'indemnisation ont été versés aux victimes de la Dépakine alors que 65 millions d'euros étaient prévus.
S'agissant de l'étude relative à l'EPRUS, quatre points sont à souligner.
L'établissement s'est vu confier à sa création en 2007 deux principales compétences, la gestion de la réserve sanitaire et celle des stocks sanitaires stratégiques sous le contrôle du ministère de la santé.
L'EPRUS a été en fonction de 2007 à 2016, avant d'être regroupé avec deux autres opérateurs dans l'Agence nationale de santé publique (ANSP). La suppression de l'EPRUS s'est accompagnée d'un changement de paradigme. En effet, les stocks sanitaires sont aujourd'hui gérés par un opérateur de grande dimension qui prend en charge de multiples missions.
Le bilan de l'EPRUS était favorable en matière de gestion des stocks sanitaires stratégiques mais en demi-teinte s'agissant de la gestion de la réserve sanitaire.
Lorsqu'en 2016, le Parlement a approuvé la suppression de l'EPRUS, il a formulé plusieurs recommandations
Il reviendra à la mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences de l'épidémie de covid-19 et à la commission d'enquête appelée à lui succéder de déterminer si la suppression de l'EPRUS a été une bonne ou mauvaise décision, et si l'ANSP a géré efficacement la réserve sanitaire et les stocks sanitaires stratégiques dans le cadre de la crise.
En 2019, 24,7 milliards d'euros ont été exécutés sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Ce résultat est remarquable à double titre.
En hausse de 4,9 milliards d'euros par rapport à l'année 2018, le budget de la mission a également fait l'objet d'une ouverture de 818,8 millions d'euros supplémentaires en loi de finances rectificative pour 2019.
Cette progression a pour principale origine la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité intervenue à la fin de l'année 2018, et dans une moindre mesure la hausse des crédits consacrés à l'allocation aux adultes handicapés.
Le montant de prime d'activité versée a été rehaussé de 90 euros pour un bénéficiaire percevant un revenu équivalent à un SMIC. L'effort budgétaire en la matière est substantiel : en hausse de 72 % par rapport à 2018, les crédits alloués à la prime d'activité s'élèvent en 2019 à près de 10 milliards d'euros. Ce résultat atteste du succès de la réforme. Pour mémoire, les dépenses de prime d'activité s'élevaient à 4,1 milliards d'euros en 2016, ce qui démontre l'effort consenti.
Les crédits exécutés au titre de l'AAH s'élèvent quant à eux à 10,3 milliards d'euros. Leur progression découle en grande partie de la revalorisation intervenue en novembre 2019, en vertu de laquelle le taux plein de l'allocation a été porté à 900 euros par mois. Les dépenses allouées à l'AAH s'élevaient à 9,1 milliards d'euros en 2016.
L'année 2019 a également été marquée par le déploiement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, pour laquelle 150 millions d'euros ont été exécutés. 104 conventions entre l'État et les départements ont été signées, et la mise en œuvre de l'ensemble des mesures d'investissement social a débuté.
Pour conclure sur l'exécution 2019, je soulignerai que le pilotage des 28 dépenses fiscales rattachées à la mission, dont le coût s'élève à 13 milliards d'euros, est encore défaillant.
La mission a été fortement sollicitée dans le cadre de la crise sanitaire, car le Gouvernement a édicté des mesures afin d'éviter que celle-ci ne provoque une profonde crise sociale. Ainsi, 880 millions d'euros ont été consacrés au versement d'une aide exceptionnelle qui a bénéficié à plus de 4 millions de foyers modestes au mois de mai.
Afin de prévenir toute rupture de ressources, des dispositifs de prolongation de droits et d'avances sur droits d'une durée de six mois ont été mis en place pour les bénéficiaires de l'AAH et du RSA.
Il m'a été indiqué que le coût de ces deux mesures serait marginal. J'estime pour ma part que toutes les précautions doivent être prises si une vague de récupération des indus devait survenir au terme du dispositif d'avances sur droits. Afin d'éviter des situations inextricables pour les bénéficiaires du RSA ou de l'AAH, l'éventualité d'accorder des remises de dette doit être envisagée.
En réponse à la fermeture des ESAT, le Gouvernement a par ailleurs assuré le maintien intégral de la rémunération garantie des travailleurs handicapés. Cette compensation engendre une dépense de 23 millions d'euros par mois.
En outre, 39 millions d'euros ont été redéployés en faveur de l'aide alimentaire. Les associations m'ont indiqué que l'augmentation du nombre de bénéficiaires des distributions de denrées est comprise entre 20 et 45 % depuis le mois de mars. Cette hausse est très préoccupante au regard de la crise économique qui s'annonce. En parallèle, de nombreuses incertitudes entourent les modalités de fonctionnement du futur Fonds de solidarité européen (FSE +), qui devrait prendre la suite de l'actuel Fonds européen d'aide aux plus démunis. En conséquence, j'invite le Gouvernement à se saisir dès à présent des recommandations formulées par l'IGAS pour assurer la pérennité du financement de cette politique, en créant un fonds national d'aide alimentaire.
Des économies sont en revanche constatées en matière de prise en charge des mineurs non accompagnés. Si la moindre dépense peut s'expliquer par la fermeture des frontières durant le confinement, les associations indiquent également que les mineurs non accompagnés n'ont pas eu un accès suffisant aux services chargés de leur mise à l'abri. Je considère que cette situation est préoccupante et mériterait d'être documentée.
Enfin, l'évolution future de la dépense demeure dans l'ensemble imprévisible et dépend fortement du contexte macroéconomique. La prime d'activité, qui a joué un rôle de compensation dans le cadre du dispositif d'activité partielle, pourrait connaître une diminution du nombre de ses bénéficiaires avec la hausse du taux de chômage. Le RSA outre-mer ou les aides exceptionnelles de fin d'année pourraient a contrario progresser, dans des proportions que nous ignorons encore. Pour ma part, j'estime que la dégradation importante du marché du travail doit nous pousser à renforcer les politiques d'accompagnement des jeunes en situation de précarité.
Madame Motin, nous écoutons maintenant votre analyse sur la situation des régimes de sécurité sociale dans le contexte actuel.
Dans la mesure où le projet de loi de règlement concerne les seuls comptes de l'État, il n'est pas habituel que notre Printemps de l'évaluation soit l'occasion d'aborder les finances sociales.
Au regard des circonstances, le bureau de la commission m'a toutefois chargée de faire un premier bilan financier de l'épidémie de covid-19 sur la sécurité sociale et je l'en remercie.
C'est une preuve supplémentaire, s'il en faut encore, que le budget de la France est un tout, qu'il nécessite peut-être plus encore aujourd'hui qu'hier une vision stratégique globale et que le temps des querelles de compensation doit être mis derrière nous.
Je tiens, en préambule à saluer l'engagement des agents des administrations sociales, mobilisés depuis le mois de mars, dans des conditions inédites, pour faire fonctionner notre protection sociale.
Contrairement à la prévision d'un solde négatif de 5,4 milliards d'euros pour le régime général et le fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV), le déficit ne s'élève en 2019 qu'à 1,9 milliard d'euros. Les deux tiers de l'amélioration s'observent au niveau des recettes, alors que les cassandres fustigeaient des baisses de cotisations sur les heures supplémentaires et les primes.
L'équilibre est naturellement bouleversé par la crise du covid-19. Le déficit prévisionnel pour 2020 est estimé à 52,2 milliards d'euros, et pourrait encore se dégrader.
En outre, le Gouvernement envisage au moins 16 milliards d'euros de déficit en 2021, 2022 et 2023.
De manière cohérente avec la contraction du produit intérieur brut, de 11 % en année pleine, et l'élasticité anticipée du rendement des prélèvements obligatoires, de 1,1, les pertes de recettes, qui étaient estimées entre 24,8 et 36 milliards d'euros lorsque la récession était évaluée à 8 %, pourraient atteindre 41,4 milliards d'euros. La masse salariale, principale assiette de ressources de la sécurité sociale, se contracterait de 9,7 %, sous l'effet de la baisse des embauches et de l'activité partielle.
En outre, des délais de paiement de cotisations ont été accordés pour aider les entreprises, pour 64,5 milliards d'euros, et des exonérations, qui pourraient se transformer en annulations, sont prévues ‑ dont 3,5 milliards d'euros dans le cadre du plan tourisme, exonérations qui seront prises en charge par l'État ‑, ainsi que la création d'un crédit de cotisations pour accompagner la reprise.
Pour faire face à cette baisse des recettes, le plafond d'emprunt de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a été relevé de 39 à 95 milliards d'euros, afin de soulager la trésorerie du régime général et du FSV. Cela constitue une première qui est rendue possible grâce à l'engagement de l'État, via l'Agence France Trésor, et de la CDC.
Par ailleurs, la crise a également des conséquences sur les dépenses. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) qui sera exécuté en 2020 sera supérieur à la prévision. Son montant a d'ores et déjà été augmenté de 8 milliards d'euros, mais l'ampleur réelle du dépassement reste inconnue à ce stade.
Toutefois, l'ampleur réelle du dépassement reste inconnue à ce stade. Les dépenses d'indemnités journalières ont progressé en raison de la création de deux catégories d'indemnités ad hoc et de l'élargissement du dispositif aux indépendants. Mais si cette augmentation semble être compensée par le ralentissement des soins de ville, le plan de soutien aux professionnels de santé concourt, lui, à les augmenter dans une proportion comprise entre 800 millions et un milliard d'euros. Le sous-objectif de l'ONDAM relatif aux établissements de santé devrait quant à lui être supérieur à la prévision, de l'ordre de 2,2 milliards d'euros.
Le Ségur de la santé viendra nécessairement faire évoluer ces estimations, mais afin de mieux évaluer la progression de l'ONDAM entre 2020 et 2021, il semble utile de présenter un ONDAM qui ne prenne pas en compte les dépenses supplémentaires relatives au covid-19.
La branche famille, quant à elle, ne voit pas ses prévisions modifiées. L'aide exceptionnelle de solidarité versée par la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a été compensée par des crédits d'État et les mesures mises en œuvre par les caisses des allocations familiales (CAF) l'ont été à enveloppe constante.
Enfin, puisque l'addition des déficits cumulés, de 31 milliards d'euros fin 2019, et des déficits prévisibles n'aurait pas été soutenable pour l'ACOSS, la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) reprendra 136 milliards d'euros de passif. Ce transfert de la dette à un acteur qui a la confiance des marchés apparaît pertinent.
Du reste, avec 52,2 milliards d'euros de dettes nouvelles pour 2020 et un PIB en recul de 11 %, il me semble très difficile de modifier l'équilibre fragile des dépenses et des recettes.
Madame Louwagie, avez-vous étudié les recommandations formulées par le Parlement au moment de la suppression de l'EPRUS ?
Madame Dupont, les mesures d'aide sociale décidées pour les plus fragiles ont-elles été déployées comme prévu ?
L'EPRUS a été supprimé en raison d'un bilan nuancé (l'objectif était de constituer une réserve sanitaire de 10 000 personnes et elle ne comptait que 2 500 volontaires en 2015) et de la volonté de simplifier l'organisation sanitaire (trois établissements ont été regroupés au sein de l'ANSP).
Les recommandations formulées par le Parlement étaient d'ordre financier et fonctionnel. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et la commission des finances du Sénat avaient en particulier souhaité une stabilisation des moyens financiers dédiés à l'exercice des missions précédemment dévolues à l'EPRUS et que les anciennes équipes conservent une certaine autonomie.
L'aide exceptionnelle décidée par le Gouvernement a été massive. Elle se compose de deux volets : une aide de 150 euros pour les bénéficiaires du RSA, de l'allocation solidarité spécifique et de l'allocation équivalent retraite, qui représente 340 millions d'euros. 540 millions d'euros ont été consacrés au versement d'une aide de 100 euros par enfant à charge pour les foyers bénéficiaires d'allocations logement. 4 millions de foyers modestes ont été concernés par ces aides qui ont été versées en intégralité à la mi-mai, et la totalité des crédits ont été consommés. Cela démontre que les caisses d'allocations familiales ont participé avec efficacité à la mise en œuvre de la mesure.
En outre, les aides relatives à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances déployées dans le cadre de la crise sanitaire représentent près d'un milliard d'euros. L'effort est donc significatif.
La subvention pour charge de service public affectée à l'ANSP a été réduite en 2019 de 6 millions d'euros, ce qui a entraîné une diminution importante de son fonds de roulement.
Le PLFR pour 2019 prévoyait également la réduction de la trajectoire d'emploi de cette agence, ainsi qu'une baisse de 5 % de ses dépenses de fonctionnement.
En 2020, son financement a été transféré à l'assurance maladie. Il lui reviendra de réévaluer ses moyens à la hausse, l'ANSP ayant un rôle central dans la gestion de la crise sanitaire.
Par ailleurs, les crédits relatifs à la prime d'activité ont fortement augmenté en 2019 en raison de la révision de son montant après le mouvement des gilets jaunes. Si le renforcement de cette prime constitue une bonne nouvelle pour les travailleurs modestes, elle représente une forme de nationalisation de la politique salariale des entreprises qui ne pourra pas s'éterniser.
En outre, l'estimation du montant des crédits nécessaires a été réalisée sur la base d'un taux de recours de 85 %. Quel a été le taux effectif de recours à cette prime en 2019 ?
Les postes des ESAT sont en partie financés par l'État et la Cour des comptes a souligné que le dispositif avait enregistré un besoin complémentaire de 16 millions d'euros en 2019. Quelle est l'analyse des rapporteurs sur le sujet ?
Monsieur Darmanin a annoncé la compensation par l'État de 3,5 milliards d'euros d'exonération de charges sociales, mais à combien les autres exonérations sont-elles estimées ?
En outre, quelle est l'incidence sur le budget de l'État du crédit d'impôt sur les charges sociales salariées ?
Quelles sont les conséquences sur l'allocation de solidarité spécifique (ASS) de la montée du chômage et de la première phase de la réforme des allocations chômage ?
Enfin, avez-vous des précisions à donner sur les 136 milliards d'euros qui seront transférés vers la CADES ?
La diminution de la subvention pour charges de service public de l'ANSP est liée à un objectif de mutualisation des fonctions entre les trois agences qu'elle a intégrées, qui a déjà donné lieu au regroupement des moyens humains sur un site unique à Saint-Maurice.
Toutefois, il sera nécessaire de vérifier si les moyens de l'ancien EPRUS ont été maintenus, comme cela avait été recommandé par le Parlement.
Le taux de recours à la prime d'activité n'est pas encore disponible. Néanmoins, la prime d'activité a vu son nombre de bénéficiaires augmenter de 1,350 million, pour atteindre 4,4 millions à fin 2019.
La crise aura un impact de 100 millions d'euros sur les ESAT. Ces établissements sont précieux pour les personnes concernées, mais également pour l'économie.
La crise sociale accentue les fragilités, et si un milliard d'euros a d'ores et déjà été dédié aux mesures sociales, nous devrons rester vigilants, car la crise économique risque d'entraîner une nouvelle crise sociale.
M. de Courson, Mme Motin apportera une réponse à vos questions en dehors du cadre de la CEPP, car son intervention n'avait pas vocation à susciter des interrogations.
La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, examine les missions Gestion des finances publiques et des ressources humaines ; Action et transformation publiques ; Crédits non répartis ; les comptes d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'État, Pensions et les missions Régimes sociaux et de retraite ; Remboursements et dégrèvements.
C'est avec grand plaisir que je reprends le flambeau de ce rapport spécial qui, jusque-là, était présenté par notre rapporteur général, Monsieur Laurent Saint-Martin.
À l'automne 2018, lors du vote du budget dont nous contrôlons actuellement la bonne exécution, mon prédécesseur avait relevé que l'année 2019 serait une année charnière. Elle l'a effectivement été.
Elle l'a été pour la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, qui rassemble les crédits de l'essentiel des services du ministère de l'action et des comptes publics.
Elle l'a également été pour la mission Action et transformation publiques, qui porte les investissements associés au vaste chantier de transformation de l'action publique que nous avons engagé.
L'année 2019 a ainsi vu l'ouverture de la concertation relative au nouveau réseau de proximité de la direction générale des finances publiques (DGFiP), la mise en œuvre du prélèvement à la source, la suppression de nombreuses taxes à faible rendement et l'intensification des travaux portant sur le rapprochement des réseaux de recouvrement fiscaux éloignés, tandis que la dynamique de transformation progresse au sein de nos administrations.
L'exécution de la mission Gestion des finances publiques est conforme à la prévision. Les trois programmes ont fortement contribué à la dynamique de réduction budgétaire, et depuis cinq ans, la dépense agrégée a reculé de près de 440 millions d'euros.
Ces économies sont portées à 80 % par la DGFiP, qui assume de nombreuses suppressions d'effectifs.
En revanche, sur la même période, la douane a bénéficié d'un renforcement conséquent de ses moyens pour faire face à la menace terroriste et pour se préparer au Brexit.
Je souhaite néanmoins attirer l'attention de notre commission sur quatre points.
Premièrement, les résultats de la performance sont bons, mais des points d‘attention demeurent. Ainsi, le taux de paiement des amendes est passé sous la barre des 60 %.
Deuxièmement, les transformations en cours doivent être mieux documentées et s'inscrire dans une trajectoire pluriannuelle. La DGFiP s'est engagée sur cette voie, ce dont je me félicite, mais la douane n'a pas encore signé le contrat de transformation prévu avec la direction du budget.
Troisièmement, les dépenses informatiques de la DGFiP sont plus élevées que les années précédentes, mais la douane a reporté des opérations sur les années ultérieures, ce qui est regrettable.
Quatrièmement, l'administration fiscale n'a pas suffisamment développé ses outils de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, qui sont pourtant nécessaires dans un contexte de transformation publique. Il faut y remédier.
Lors de la crise sanitaire, les administrations de Bercy ont été fortement mobilisées pour assurer la continuité des missions essentielles de l'État et des administrations publiques, pour mettre en œuvre les mesures de soutien à l'économie et pour assurer la protection des citoyens, par la surveillance des frontières et le contrôle du respect des normes applicables aux produits sanitaires. Elles ont su montrer de solides facultés d'adaptation et une capacité de résilience remarquable. Je souhaite les en féliciter.
Des dépenses exceptionnelles devront être effectuées en 2020, en raison notamment de la prime versée aux agents mobilisés durant la crise, mais seraient compensées par de moindres dépenses, si bien que de manière globale, les conséquences budgétaires devraient être limitées sur ces trois programmes.
Je souhaite insister sur un élément : la crise a prouvé la pertinence des transformations que nous menons, en matière de dématérialisation et de modernisation de l'espace de travail numérique des agents, qui ont massivement eu recours au télétravail. Nous devons accomplir le « saut technologique » attendu par nos concitoyens. Concernant la mission Action et transformation publiques, je dois vous faire part d'une certaine déception. Alors que la prévision initiale anticipait une forte augmentation de la dépense pour faire face à la montée en charge des différents fonds qui composent la mission, le niveau des sous-exécutions reste important.
S'agissant du programme de rénovation des cités administratives, des glissements calendaires ont été constatés.
Concernant le fonds de transformation de l'action publique, la phase de contractualisation ralentit le processus, et la montée en charge de certains projets entrés en phase de développement est plus lente qu'anticipée.
Ces situations ne sont pas dramatiques. Les projets financés sont pertinents, de qualité, et nécessaires à l'amélioration du service public que nous appelons de nos vœux.
Ces retards restent néanmoins regrettables et je crains que cette situation n'aboutisse à un décalage des dépenses au-delà de 2022.
Les conséquences de la crise sanitaire sur cette mission sont, à ce stade, encore difficiles à évaluer. En dépit du fort engagement des agents, la période de confinement pourrait provoquer de nouveaux reports, et de nouvelles sous-consommations, ainsi qu'une hausse du coût des projets, en matière immobilière notamment.
L'exécution des 205 millions d'euros de crédits affectés au programme 148 Fonction publique en 2019 est conforme aux prévisions et n'appelle pas de réserve particulière.
Néanmoins, avec mon co-rapporteur Benoit Potterie, nous formons le vœu que les indicateurs de performance évoluent pour mieux rendre compte des actions mises en œuvre par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), notamment en ce qui concerne sa mission de direction des ressources humaines et la gestion de l'action sociale interministérielle.
En ce qui concerne la mission Crédits non répartis, le programme 551 a permis de financer les mesures décidées lors du rendez-vous salarial du 18 juin 2018, à hauteur de 25 millions d'euros, évitant ainsi des mouvements de crédits de titre 2 parfois complexes.
La crise du covid-19 n'affecte que peu l'exécution des crédits et des politiques publiques financées par le programme 148, à l'exception des concours des instituts régionaux d'administration (IRA) qui ont dû être reportés.
En revanche, le programme Crédits non répartis est largement mis à contribution dans le cadre de la crise. La deuxième loi de finances rectificative pour 2020 a augmenté le montant de ses crédits de 1,62 milliard d'euros. Cette provision vise à abonder les programmes de la nouvelle mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, au cas où ceux-ci épuiseraient les crédits qui leur ont été affectés. Le ministre de l'action et des comptes publics s'est engagé à rendre compte de l'utilisation de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles. Nous ne manquerons pas de veiller au bon emploi de ces crédits.
Par ailleurs, la crise pose un certain nombre de défis organisationnels dans la fonction publique, en particulier au regard de la consécration du télétravail comme règle de droit commun dans le décret du 5 mai 2020.
Il est encore difficile de tirer un bilan du recours massif au télétravail, qui s'est mis en place très rapidement et de manière différenciée selon les administrations. Les premiers chiffres d'une enquête menée par la DGAFP montrent que la part des agents de la fonction publique d'État ayant recours au télétravail est passée de 3,6 % avant la crise à 80 % durant le confinement. Bien que l'adaptabilité des agents publics et de leurs managers soit à souligner, le changement brutal de l'organisation du travail nécessite un accompagnement pour éviter certains écueils, notamment le sentiment d'isolement et la rupture du lien social.
Une mission d'évaluation de l'impact de la mise en place du télétravail dans la fonction publique devrait être menée par un organisme indépendant et scientifique, qui pourra faire des recommandations en termes d'équipement, de formation mais aussi d'évolution de l'organisation du travail et du management.
Pour le compte d'affectation spéciale Gestion de l'immobilier de l'État, dont j'assure le suivi en tant que rapporteur spécial, l'exercice budgétaire 2019 a été à bien des égards atypique. Il s'est en effet soldé par un important excédent de plus de 324 millions d'euros après deux années consécutives de déficit d'environ 85 millions d'euros.
Ce retour à une situation excédentaire est dû à un montant particulièrement élevé de recettes, à près de 730 millions d'euros. Il s'explique par la réalisation de cessions exceptionnelles, dont celle de l'îlot de Saint-Germain pour un montant de plus de 368 millions d'euros et celle de l'hôtel de Seignelay pour 61 millions d'euros. Ces deux cessions représentent à elles seules plus de 70 % des produits de cessions encaissés par le CAS en 2019.
A contrario, les dépenses immobilières se sont établies à un niveau inférieur à la prévision : 386 millions d'euros contre 483 millions votés en loi de finances initiale.
Ainsi, le solde cumulé du compte est en très nette augmentation, passant de 702 millions d'euros à 1,046 milliard.
Cette situation s'est accompagnée d'une augmentation significative de la consommation d'autorisations d'engagements, qui a dépassé de plus de 53 % le montant prévu par la LFI. On devrait donc assister au maintien d'un certain niveau de dépenses à court terme, malgré les répercussions négatives de la crise sanitaire sur les recettes du CAS.
Je tiens à souligner que le caractère exceptionnel de cet exercice ne doit pas occulter la fragilité structurelle du CAS, sur laquelle j'appelle l'attention depuis plusieurs exercices. Au contraire, il montre combien la capacité du CAS à financer l'entretien et les opérations structurantes pour le patrimoine immobilier de l'État dépend de cessions exceptionnelles.
Force est de constater que ce modèle atteint sa limite et qu'il convient de rechercher une trajectoire soutenable.
J'insiste sur le fait qu'il me paraît impératif de maintenir le CAS, qui s'impose aujourd'hui comme le seul instrument budgétaire à même d'assurer une gestion pluriannuelle et interministérielle du patrimoine de l'État. Pour cette raison, je propose de repenser l'équilibre de son financement, notamment en procédant à une extension de la part des redevances domaniales qui est affectée à ses recettes et en développant de nouveaux outils de valorisation des biens immobiliers de l'État.
Par ailleurs, les conséquences de la crise du covid-19 sur le CAS sont déjà perceptibles. En application des mesures prises par le Gouvernement en réponse à cette crise, la totalité des procédures de cession a été suspendue entre le 16 mars et le 11 mai 2020. Bien qu'elles aient progressivement repris depuis cette date, une part significative de cessions prévues au titre de l'exercice en cours ne pourra vraisemblablement pas aboutir.
On ne peut pas non plus exclure à ce stade l'éventualité d'une réouverture du programme 721 Contribution au désendettement de l'État, compte tenu des priorités budgétaires qui pourraient se faire jour dans l'après-crise.
Quoi qu'il en soit, la situation exceptionnelle que nous avons vécue semble aller dans le sens d'une accélération de certains changements. Je pense bien sûr au télétravail, au recours à la téléconférence et à la dématérialisation accrue des relations entre l'administration et les administrés. Sans doute aurons-nous à mener une réflexion globale sur les usages du patrimoine immobilier de l'État à l'aune de ces changements, dans la perspective d'une rationalisation des emprises et d'une diminution des surfaces utilisées, en particulier dans les centres-villes.
La mission Régimes sociaux et de retraite apporte des subventions de l'État à des régimes de retraite en déséquilibre démographique.
L'exécution budgétaire 2019 est marquée par une diminution de 4 % par rapport à l'année précédente et par une sous-exécution des crédits ouverts à hauteur de 98 millions d'euros. Au total, 6,2 milliards d'euros ont concouru au financement des régimes spéciaux de retraite de la mission qui, je le rappelle et le déplore, ne retrace pas l'intégralité des financements publics alloués aux régimes spéciaux de retraite existants. La sous-exécution des crédits est due à une diminution du besoin de financement des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP. En effet, les départs à la retraite ont été moins nombreux que prévu, et les recettes de cotisation ont été plus élevées qu'anticipé.
La sous-consommation des crédits dédiés à ces deux régimes a permis de financer par décret de virement un soutien de 9,9 millions d'euros à la trésorerie de l'établissement national des invalides de la marine (ENIM), qui est en charge du régime de retraite des marins. Son niveau de trésorerie était un sujet d'inquiétude pour ses équipes dirigeantes, et sa consolidation a notamment permis à l'établissement de faire face aux effets brutaux de la crise sanitaire.
Les dépenses du compte d'affectation spéciale Pensions, qui retrace les recettes et les dépenses liées aux pensions de la fonction publique d'État, augmentent légèrement par rapport à 2018, mais confirment leur tendance à la modération.
In fine, les recettes progressent de 0,6 %, et atteignent 60,3 milliards d'euros, tandis que les dépenses augmentent de 0,9 %, pour atteindre 59 milliards d'euros, principalement en raison de la fin de montée en charge de l'augmentation de la durée d'assurance et du recul de l'âge de départ en retraite. Ainsi, la hausse des dépenses de retraite de l'État est plus faible en 2019 que la progression annuelle moyenne des dépenses depuis 1990, qui s'élève à 1,4 %.
Le solde du compte d'affectation spéciale s'élève à 1,3 milliard d'euros, portant le solde cumulé à 7,9 milliards d'euros. Le maintien de ce solde élevé doit permettre de faire face à la dégradation de l'équilibre du compte anticipée à compter de 2023.
Enfin, je salue la qualité de la prévision réalisée par le service des retraites de l'État : les dépenses du CAS ne sont supérieures que de 0,01 % à la prévision formulée en loi de finances.
La crise sanitaire a représenté un défi pour les services de retraite de l'État et les caisses de retraite des régimes spéciaux. En effet, il était vital d'assurer la continuité du service en dépit de conditions de travail dégradées. Néanmoins, aucun des régimes de retraite de la mission n'a enregistré de surmortalité de nature à modifier structurellement les prévisions de dépenses.
En revanche, la mise en œuvre du chômage partiel, dont ont pu bénéficier de manière dérogatoire la SNCF et la RATP, est susceptible de modifier profondément les recettes des caisses de retraite, car il n'est soumis à aucune cotisation sociale.
J'assurerai un suivi rigoureux des données concernant les conséquences de la crise sanitaire lorsqu'elles seront actualisées, ainsi que des discussions entre les caisses et les pouvoirs publics quant à une éventuelle compensation.
Enfin, le service des retraites de l'État a signalé une diminution significative des demandes de départ en retraite durant le confinement, sans pouvoir dire si cette évolution était temporaire ou structurelle.
La mission Remboursements et dégrèvements est la plus importante du budget de l'État en volume. Les montants exécutés ont atteint 140,1 milliards d'euros en 2019, ce qui représente 33 % des recettes fiscales brutes.
La croissance des remboursements et des dégrèvements est plus rapide que celle des recettes fiscales et du produit intérieur brut (PIB) et les dépenses ont plus que doublé en moins de vingt ans.
Concernant l'exercice 2019, je ferai trois constats.
Premier constat : cette année encore, la dépense augmente. En 2019, la dépense a augmenté de 14,2 milliards d'euros par rapport à 2018. Cette hausse s'explique par trois facteurs. Premièrement, les dépenses liées à la mécanique de l'impôt progressent de 4,5 milliards d'euros. Deuxièmement, la mise en œuvre du prélèvement à la source tire la dépense du programme à la hausse, pour 10 milliards d'euros, en raison de la mise en œuvre du « crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement » et du versement de l'acompte de réduction et de crédit d'impôt. Troisièmement, le dégrèvement de taxe d'habitation pour 80 % des ménages poursuit sa progression, pour 3,9 milliards. Enfin, les dépenses de contentieux fiscaux reculent, pour près de 4 milliards d'euros ; j'y reviendrai.
Deuxième constat, la dépense augmente plus que prévu dans la loi de finances initiale. L'exécution est supérieure de 4,2 milliards d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale. L'essentiel de l'écart constaté provient de la mécanique de l'impôt, d'erreurs comptables en matière de fiscalité douanière et de simulations relatives au dégrèvement de taxe d'habitation assises sur des données de deux ans plus anciennes. De manière globale, l'écart est contenu, et dans la moyenne de ceux constatés les années précédentes, ce qui témoigne d'une prévision budgétaire de qualité.
En revanche, la consommation s'établit à un niveau inférieur de 3 milliards d'euros à la prévision inscrite en loi de finances rectificative, en raison d'un contentieux exceptionnel portant sur l'impôt sur les sociétés qui était attendu fin 2019 mais a finalement basculé sur 2020.
Cela m'amène à mon troisième point, relatif aux contentieux fiscaux. Les dépenses associées sont en baisse en 2019. Il faut s'en réjouir, mais je crains que ce répit ne soit que momentané, car les risques restent élevés. Les années 2017 et 2018 avaient été marquées par des niveaux de dépense très élevés, du fait du contentieux « taxe de 3 % sur les dividendes », d'une part, qui est maintenant presqu'éteint, et de contentieux exceptionnels portant sur l'impôt sur les sociétés, d'autre part. Les éléments transmis par l'administration fiscale font état d'une prévision budgétaire de près de 7 milliards d'euros pour 2020. Cette prévision est certes, toujours prudente, mais ce montant témoigne des risques qui continuent de peser sur nos finances publiques du fait de ces contentieux fiscaux.
Pour conclure, l'exercice 2019 amène trois remarques complémentaires. Les contentieux d'attribution de taxes foncières liés aux retards dans l'enregistrement des transactions immobilières diminuent, mais restent élevés. Les informations relatives aux admissions en non-valeur de recettes fiscales d'amendes et de produits divers devraient être publiées dans les documents budgétaires : c'est une recommandation de la Cour des comptes. La présentation du tableau d'équilibre de la loi de finances devrait être modifiée afin que les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux soient comptabilisés comme de véritables charges et non comme des moindres recettes ; cette recommandation provient également de la Cour des comptes.
Concernant l'exercice 2020, le ralentissement de l'activité économique en raison de la crise sanitaire devrait conduire à une baisse importante des recettes fiscales. Celles-ci s'établiraient à 250 milliards d'euros, soit 43 milliards d'euros de moins que la prévision. Toutefois, le niveau des remboursements et dégrèvements est pour le moment resté stable : l'impact budgétaire agrégé des deux lois de finances rectificatives sur la mission conduit pour 2020 à l'annulation de 270 millions d'euros, pour une prévision de 140 milliards.
D'ailleurs, les révisions opérées par la première loi de finances rectificative n'étaient pas liées à la crise sanitaire et consistaient principalement à acter le report sur 2020 du contentieux évoqué précédemment.
Concernant les conséquences de la crise économique de 2020 sur les remboursements et dégrèvements, il faut donc distinguer les impacts de très court terme, liés aux mesures d'urgence, et les impacts plus fondamentaux, liés aux mesures de relance et au rythme de la reprise, qu'il n'est pas encore possible d'évaluer précisément.
À très court terme, les mesures d'urgence, et notamment les mesures de trésorerie mises en œuvre, ont eu des conséquences significatives sur la dépense mensuelle. Ainsi, les crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ont fait l'objet de remboursements accélérés, pour 4 milliards d'euros, tandis que les demandes de remboursement ont augmenté d'un milliard d'euros. Près de 2,6 milliards d'euros de crédits d'impôts sur les sociétés ont été restitués de manière anticipée et ont bénéficié à 800 000 entreprises environ. L'impact de ces mesures de trésorerie devrait néanmoins s'atténuer au fil du temps, le stock restituable s'épuisant progressivement, et cet impact pourrait être neutre sur l'année.
À plus long terme, le contenu des futurs plans de relance et le rythme de la reprise auront des conséquences significatives sur l'évolution des remboursements et dégrèvements. L'annulation de charges fiscales ou la création de nouveaux crédits d'impôt pourrait tirer les remboursements et dégrèvements à la hausse, tandis qu'un recul de l'investissement aurait tendance à les diminuer.
En définitive, les conséquences de la crise sur la mission seront probablement significatives en 2020, et pourraient l'être encore plus les années suivantes ; j'y serai attentive.
Sur la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, un rapport de la Cour des comptes demandé au titre du 2° de l'article 58 de la LOLF avait porté sur les investissements informatiques de DGFiP et de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Monsieur Dirx, ces travaux ont-ils été suivis d'effets ?
S'agissant de la mission Action et transformation publiques, je partage votre déception, car à l'aune de la crise, il est plus que jamais nécessaire d'investir dans cette mission et de lui redonner de l'ambition. Il faut peut-être se saisir de la possibilité actuelle de s'endetter à bas coût pour revoir les critères de réduction des dépenses publiques définis dans le cadre des appels à projets du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP).
Madame Petit, quel est pour vous le bon emploi des crédits non répartis ? Doivent-ils être laissés dans la mission ou doivent-ils être transférés vers la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire ?
Monsieur Mattei, la crise a modifié les modes de travail, y compris dans la fonction publique, notamment avec la mise en place du télétravail. Ne pourrions-nous faire de la crise l'occasion de réfléchir à la libération d'emprises foncières, afin d'utiliser plus efficacement les crédits ?
En outre, quid de la déconcentration de proximité menée par le ministère de l'action et des comptes publics ?
Monsieur Damaisin, quelles sont les conséquences budgétaires du rapprochement progressif du taux de cotisation retraite des fonctionnaires avec celui des salariés ?
Madame Pires Beaune, les services de publicité foncière ne parviennent pas à suivre le rythme des transactions immobilières dans un contexte de fort dynamisme du marché. Que pouvons-nous faire pour régler ce problème ?
Concernant les investissements informatiques, le rapport demandé à la Cour des comptes était très intéressant et j'en partage les conclusions. Les administrations fiscales et douanières doivent renforcer leurs capacités informatiques pour poursuivre leur transformation.
À la DGFiP, les dépenses informatiques ont atteint 199 millions d'euros en 2019, en augmentation par rapport aux années précédentes. Pour rappel, elles s'établissaient à 195 millions en 2018, 177 millions en 2017, 151 millions en 2016 et 181 millions en 2015. En 2020, les dépenses informatiques continueront d'augmenter, en hausse de 40 % en autorisations d'engagement et de 20 % en crédits de paiement, pour atteindre 230 millions d'euros. C'est une très bonne chose, et il faut s'en féliciter.
Pour l'administration des douanes, la situation est plus contrastée. Les dépenses informatiques ont été moindres que prévu en 2019, et des reports sur 2020 ont été constatés.
En outre, à la différence de la DGFiP, la douane n'a pas encore signé de contrat de transformation avec la direction du budget. Cela devrait être fait avant la fin de l'année, et j'insiste sur la nécessité d'intégrer à ce contrat une augmentation des dépenses informatiques. La crise sanitaire pourrait occasionner certains reports, mais cela n'est pas encore certain, et je serai vigilant à ce qu'ils demeurent une priorité.
Sur la mise en œuvre du fonds de transformation de l'action publique, je suis d'accord avec vous : il est nécessaire d'accélérer la mise à disposition et la consommation des crédits. La phase de contractualisation est encore trop longue. La direction du budget a légèrement desserré la contrainte relative à l'identification des économies budgétaires nécessaires. C'est une bonne chose, mais peut-être faut-il aller plus loin.
La mission Crédits non repartis porte la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles prévue à l'article 7 de la LOLF. Toutefois, la définition du caractère imprévisible et accidentel d'une dépense reste vague. Des efforts ont été réalisés, avec par exemple, dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, 880 millions d'euros de crédits provenant de cette dotation qui ont été directement affectés à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Il n'en reste pas moins que ce manque de définition reste une source d'insatisfaction.
Le recours au télétravail durant la crise nous obligera à modifier notre vision de l'utilisation de l'immobilier de l'État. Je pense que cela aura également des répercussions sur le programme 348 Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants.
Toutefois, certains locaux sont emblématiques et les ministères ont des réticences à les quitter.
S'agissant de la déconcentration, des délocalisations ont été annoncées, mais je n'ai pas plus d'information à ce sujet.
L'augmentation du taux de cotisation salariale pour pension des fonctionnaires, de 10,83 % à 11,10 % en 2020, génère un surcroît de recettes de 176 millions d'euros, dont 153 millions d'euros liés aux civils et 23 millions d'euros aux militaires.
Des travaux sont en cours sur la dématérialisation et l'automatisation des échanges avec les notaires, mais la crise a stoppé la réorganisation en cours au sein de la DGFiP. L'organisation d'une mission sur la réorganisation des services de la publicité foncière ne serait pas inutile.
Qu'en est-il de la convergence des indicateurs de fiscalité entre les programmes 156 et 302 ?
En 2019, le plafond d'emploi de la DGFiP a diminué deux fois plus qu'en 2018, alors que le nombre de départs à la retraite a été inférieur aux prévisions. Cette baisse s'explique par l'adaptation du réseau territorial dans le cadre des adaptations structure réseau (ASR), et la démarche pluriannelle nouveau réseau de proximité annoncée en juin 2019, destinée à remplacer les ASR, n'est pas à même de rassurer.
En effet, il est encore prévu de supprimer 5 800 postes d'ici 2022. Or la crise sanitaire a montré l'utilité des services publics. Le schéma d'emploi devrait alors être revu.
Monsieur Mattei, estimez-vous qu'il reste beaucoup de cessions immobilières à réaliser ?
Madame Pires Beaune, avez-vous pu analyser les remboursements et les dégrèvements afférents à des impôts qui ne reviennent pas à l'État ?
La convergence des indicateurs devrait bientôt être achevée.
La mise en œuvre du nouveau réseau de proximité a été interrompue par la crise sanitaire, mais devrait reprendre prochainement. Dans ce cadre, l'accompagnement de la transformation est essentiel.
Monsieur de Courson, je ne sais pas à quels remboursements vous faites allusion. La mission porte sur les remboursements et dégrèvements des impôts d'État et des impôts locaux.
Par ailleurs, je suggère d'analyser la situation de l'éducation nationale afin d'évaluer la potentielle fracture numérique au regard de la déconcentration de la DGFiP.
Les cessions envisageables en 2020 apparaissent en page 29 de mon rapport. Elles seront sans doute moins emblématiques que celles que nous avons connues en 2019. Certaines seront difficiles à réaliser, à tel point que l'on peut s'interroger sur la valorisation de ces biens dans la mesure où ils sont très peu liquides.
Il est de toute façon certain que les produits de cessions du CAS vont s'éroder.
La commission, réunie en commissio d'évaluation des politiques publiques, examine la mission Écologie, développement et mobilité durables ; les comptes d'affectation spéciale Aides à l'acquisition de véhicules propres, Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale, Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ; Transition énergétique et le budget annexe Contrôle et exploitation aériens.
La crise du covid-19 a eu un impact considérable sur le secteur des transports. Le transport aérien a vu son trafic diminuer de 90 % durant la période de confinement. La circulation des TGV a été réduite à 7 % de son niveau habituel. Pas moins de 80 % des entreprises du transport routier de marchandises ont été à l'arrêt partiel ou total.
Je tiens à saluer l'engagement de tous les opérateurs de transport, qui se sont mobilisés et qui continuent de se mobiliser pour assurer le respect des consignes sanitaires dans l'ensemble de leurs services. Un hommage particulier doit être rendu au groupe SNCF, qui a pris en charge l'intégralité des dépenses consacrées aux TGV médicalisés, lesquels auront permis le transport de plus de deux cent patients au plus fort de la crise. Il faut aussi remercier les entreprises du fret aérien, ferroviaire, fluvial et routier, sans qui l'acheminement du matériel médical, indispensable à la sortie de crise, n'aurait pas été possible.
Si le programme 203 est peu affecté par la crise à court terme, les infrastructures et services de transports devront malgré tout faire face à d'importantes baisses de recettes en 2020. Le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pourrait être particulièrement affecté, dans la mesure où il est financé par des recettes fiscales affectées reposant sur une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), sur la taxe de solidarité sur les billets d'avion et sur les amendes‑radars, dont le rendement devrait baisser. Les pertes de l'agence sont estimées à 400 millions d'euros, et devront être compensées afin que l'opérateur puisse poursuivre son ambitieux programme d'investissements. Avec mon collègue Benoit Simian, je serai particulièrement attentive à ce que la priorité en faveur de la régénération des réseaux adoptée dans la loi d'orientation des mobilités soit bien respectée.
En outre, une attention doit également être portée aux collectivités territoriales, qui sont confrontées à une diminution des recettes issues du versement mobilité, qui devaient s'établir à 9,4 milliards d'euros en 2020. Il conviendra donc de trouver des mesures compensatoires afin de ne pas pénaliser les transports du quotidien.
Si le programme 355 qui porte les charges liées à la dette de SNCF Réseau reprise par l'État n'est pas directement affecté par la crise, celle-ci a de sérieuses conséquences sur les activités de transport de voyageurs et de fret ferroviaire. La question du soutien de l'État au groupe SNCF se pose dans le contexte très particulier de l'ouverture à la concurrence.
S'agissant du transport aérien, le budget annexe Contrôle et exploitation aériens connaîtra en 2020 une réduction massive de ses recettes d'exploitation à hauteur de 1,4 milliard d'euros, qui sera compensée par une hausse de l'endettement de 1,2 milliard d'euros. Les investissements de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) dans la navigation aérienne pourraient s'en trouver affectés et sont en cours de révision.
Par ailleurs, il convient de ne pas oublier tous les acteurs indirects, comme les entreprises privées délégataires d'une mission de service public relative à la sécurité aérienne et aéroportuaire, sans qui le trafic aérien ne peut pas reprendre. Il sera nécessaire de compenser les pertes de recettes résultant de la baisse du rendement de la taxe sûreté.
Le transport fluvial a également été durement touché et a connu une baisse de trafic de 25 %. Je salue la gestion de la crise par Voies navigables de France, tant sur le maintien de la navigabilité commerciale que sur la gestion des ressources hydrauliques, notamment face aux risques de sécheresse en période estivale. L'opérateur pourrait lui aussi connaître une baisse de ses ressources de 47 millions d'euros en 2020.
Les dépenses dévolues par l'État aux affaires maritimes et aux ports sont portées respectivement par le programme 205 et l'action 43 du programme 203. Elles ont atteint 300 millions d'euros en 2019, dont 157 millions d'euros pour les seules affaires maritimes. Elles ont permis de financer le fonctionnement, hors dépenses de personnel, des services déconcentrés de la direction des affaires maritimes, qui concourent comme plusieurs autres ministères à l'action de l'État en mer.
Permettez-moi de donner quelques éléments du bilan d'activité de ces services pour 2019 : plus de 98 % de personnes sauvées dans le cadre d'opérations de sauvetage en mer pilotées par les CROSS, plus de 200 pollutions recensées dans les eaux territoriales, 628 inspections à bord des navires pour vérifier la teneur en soufre des carburants marins…
Deux faits marquants sont à retenir s'agissant de l'exécution : la hausse des dépenses d'investissement, avec un doublement des autorisations d'engagement consommées entre 2018 et 2019 en raison de l'achat d'un nouveau navire patrouilleur pour le contrôle des pêches en Méditerranée, pour plus de 13 millions d'euros ; le versement d'une indemnisation exceptionnelle en faveur des familles de victimes de l'accident de la SNSM survenu aux Sables-d'Olonne en juin 2019.
De manière générale, je remarque que le budget du programme 205 est chaque année calculé au plus juste, avec un taux d'exécution des crédits, hors fonds de concours et attributions de produits, de 100 % en crédits de paiement et de 103 % en autorisations d'engagement en 2019. Dès lors, ce budget est peu apte à absorber des dépenses exceptionnelles comme l'indemnisation évoquée ci-dessus. Ainsi, comme le relève la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, le ministère, qui avait à cœur de verser rapidement cette indemnisation, a dû bloquer certaines « dépenses métiers » en attendant le dégel de la réserve de précaution. Ce n'est pas une situation confortable et je souhaite donc que les crédits du programme puissent être confortés, notamment les dépenses de soutien, qui sont régulièrement sur-exécutées.
Le programme a également versé une subvention pour charges de service public de près de 18 millions d'euros à l'école nationale supérieure maritime (ENSM). Un autre fait notable de l'exercice 2019, c'est la restructuration qu'a entamé cet établissement, bien décidé à rejoindre le cercle des grandes écoles françaises. Cette réforme va lui permettre de réduire durablement ses dépenses de fonctionnement. De surcroît, l'ENSM reçoit désormais de la fiscalité affectée : plus de 34 000 euros au titre de la contribution unique pour la vie étudiante. Sa dotation est donc amenée, si ce n'est à se stabiliser, à décroître.
Quant aux 11 grands ports maritimes, établissements publics à caractère industriel et commercial sous tutelle de l'État, 131 millions d'euros leur ont été consacrés en 2019.
Entre 2018 et 2019, les crédits prévus en loi de finances initiale avaient augmenté de 45 % pour permettre à l'État de compenser intégralement les charges d'entretien et d'exploitation des ouvrages d'accès et de protection, comme le prévoit le code des transports, dépenses qui ne relèvent pas de l'activité commerciale des ports, mais du domaine régalien. En gestion, l'État est allé plus loin, en couvrant d'autres dépenses de même nature, telles que les dépenses de capitainerie ou de sûreté portuaire. Au total, 75 % de ces charges ont été compensées, ce qui a permis de soutenir la compétitivité des ports.
J'en viens aux conséquences de la crise sanitaire sur l'exécution du budget 2020.
À partir du 15 mars, les services ont fortement réduit leur activité. Les services des phares et balises ont même été mis à l'arrêt, alors qu'ils assurent des opérations de maintenance au profit des collectivités territoriales et des ports, qui génèrent plusieurs millions d'euros de recettes versées au programme. C'est une première conséquence.
Une autre conséquence de la crise pourrait être plus heureuse pour la soutenabilité de ce budget : ce sont les économies à prévoir sur les compensations d'exonérations de charges aux organismes sociaux. Plus de 50 % des crédits du programme 205, soit 74 millions d'euros, ont été versés en 2019 aux entreprises françaises d'armement maritime pour leur assurer le paiement d'un salaire net sans cotisation patronale. Or, de nombreux salariés du secteur ont été placés en position d'activité partielle à partir du mois de mars : par exemple, 100 % des effectifs dans le secteur de la croisière. Les cotisations n'étant pas dues pour ces périodes d'activité partielle, l'économie pourrait être de 4 millions d'euros.
Du côté des ports, la crise a entraîné un recul de 25 % en moyenne du nombre d'escales. L'Union des ports estime ainsi entre 15 % et 30 % la perte de chiffre d'affaires en 2020. Cela n'affecte pas pour le moment la programmation des investissements, mais exclut toute possibilité d'exonération des droits de ports à grande échelle.
Pour ma part, et pour citer le président du Cluster maritime français, je suis convaincu que la transition écologique est « la seule voie de résilience porteuse de succès » pour la reprise économique du secteur. Je porterai notamment, lors du prochain projet de loi de finances, une proposition de création de zones économiques portuaires spéciales, pour attirer dans les zones industrialo-portuaires les entreprises participant à la transition écologique. Ce sera, je le crois, une mesure de relance à la fois efficace et vertueuse.
L'exécution 2019 des crédits est satisfaisante. La consommation est proche de celle prévue dans la loi de finances initiales, avec 11,5 milliards d'euros en crédits de paiement et 12 milliards d'euros en autorisations d'engagement.
En 2020, les effets de la crise sanitaire varieront selon les programmes et dépendront des mesures de relance engagées et en particulier du plan de soutien au secteur automobile.
Toutefois, la crise renchérira fortement le coût des énergies renouvelables en 2021. En effet, la crise a fait chuter la consommation d'énergie et par conséquent le prix du marché de gros de l'électricité. Depuis mars, le prix de l'électricité est descendu à 20 euros le mégawatt/heure, contre 35 euros un an plus tôt. Pour autant, l'effet de cette chute des prix sur la rémunération des exploitants éoliens et solaires est nul, car les prix sont garantis.
En période de prix négatifs, le système devient absurde, car, pour les contrats antérieurs à 2016, la collectivité doit rémunérer l'exploitant d'énergie renouvelable mais également payer pour écouler sur le marché une électricité dont nous n'avons pas besoin. Ainsi, c'est l'État qui supporte le risque relatif aux variations des prix, qui pourrait représenter un milliard d'euros en 2021.
Par ailleurs, le Gouvernement a assoupli les conditions d'attribution de la prime à la conversion, afin de soutenir le secteur automobile, mais cette mesure aurait pu être complétée par un appui aux opérations d'entretien du parc automobile, ciblé sur les véhicules les plus anciens. En effet, les personnes qui achètent une voiture de plus de 15 ans n'ont pas les moyens d'acheter une voiture électrique, même avec la prime à la conversion.
Les programmes dont j'assure le suivi au nom de la commission des finances concernent la politique écologique du pays au sens le plus strict : la préservation de la biodiversité, de l'eau, des paysages, la lutte contre les pollutions, la prévention des risques naturels et technologiques, l'analyse du changement climatique et de ses effets, la conversion énergétique. En première ligne de cette politique, on trouve de grands opérateurs absolument essentiels comme l'OFB, les agences de l'eau, l'ADEME, Météo France, l'ASN, l'INERIS, le CEREMA, l'IGN.
Je ne m'attarderai pas sur l'exécution 2019. Les crédits de ces politiques, qui étaient déjà en baisse en loi de finances initiale, ont subi des annulations non négligeables en cours d'année : – 5,1 % pour le programme Paysages, eau et biodiversité et – 2,4 % pour le programme Prévention des risques. C'est malheureusement une habitude !
Les dépenses de personnel rassemblées dans le programme 217 concernent à la fois le ministère de la transition écologique et celui de la cohésion des territoires, si bien qu'elles sont particulièrement illisibles. Toujours est-il qu'elles sont en baisse de 0,8 % par rapport à l'exécution 2018, les ministères concernés poursuivant une politique de baisse d'effectifs. La Cour des comptes constate une tendance à la déqualification des emplois.
Mais je souhaite surtout attirer votre attention sur la situation actuelle des opérateurs, que la crise sanitaire met d'ores et déjà en grande difficulté.
Les réponses au questionnaire que je leur ai adressé sont éclairantes. Certes, les plans de continuité de l'activité et de protection des salariés ont été mis en place avec la plus grande rigueur possible. Mais, par exemple, faute de réserve nationale suffisante, l'Autorité de sûreté nucléaire s'est trouvée privée de masques pendant de longues semaines. Ses dirigeants m'ont assuré, et je les crois, que les contrôles à distance ont permis de conserver la maîtrise de la situation avant que les visites sur place ne puissent reprendre. Mais l'ASN est également investie de missions d'inspections du travail. À ce titre, elle a été amenée, je cite, « à alerter EDF sur la situation de salariés d'entreprises prestataires, en lui demandant de définir clairement quelles sont les activités de maintenance ou de logistique pour lesquelles une continuité est indispensable afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté pour ces entreprises et leurs salariés, et de veiller à ce que les conditions de santé et sécurité soient communiquées et mises correctement en place sur les sites pour tous les salariés ». Il n'est même pas besoin de lire entre les lignes pour comprendre que ces conditions n'ont pas été respectées !
La plupart des opérateurs se voient enjoindre depuis des décennies d'accroître leurs ressources propres, l'objectif de la tutelle étant de faire des économies sur les crédits budgétaires.
Le résultat est là. Beaucoup de projets et de chantiers sont d'ores et déjà suspendus ou différés, et l'interruption des activités expérimentales d'organismes comme l'IRSN ou l'INERIS ne sera pas sans conséquences.
Météo France est mise à contribution pour les recherches concernant les liens entre la propagation du virus et les conditions climatiques ; l'IGN pour le développement de l'application StopCovid ; les agences de l'eau pour l'hygiénisation des boues d'épuration. Or l'équilibre de ces établissements essentiels est gravement menacé et leur tutelle, à ce jour, n'a pris aucune initiative pour venir à leur secours.
Il est évident que les ressources propres de la plupart des opérateurs, ou le cas échéant la fiscalité qui leur est affectée, connaîtront une baisse substantielle. Certains opérateurs estiment d'ores et déjà qu'ils seront dans l'incapacité d'équilibrer leur budget 2020.
Les agences de l'eau constatent un retard dans l'encaissement des redevances qui leur étaient dues au 31 mars et anticipent des retards jusqu'en 2021. Pour rappel, les agences de l'eau financent l'Office français de la biodiversité et les Parcs nationaux. Seront-elles à même de le faire en 2020 ?
Les parcs nationaux prévoient des pertes significatives sur leurs produits et redevances, du fait de la fermeture des refuges, de la perte de taxe sur les passagers maritimes.
Le CEREMA estime que la perte de recette propres pourrait s'élever à 40 % du montant initialement prévu.
L'INERIS anticipe une perte comprise entre 4 et 8 millions d'euros, soit 6 à 12 % de son budget.
Une lourde incertitude pèse enfin sur le rendement, en 2020, de la taxe de francisation et de navigation, qui est la principale ressource du Conservatoire du littoral.
Le ministère de la transition écologique, quant à lui, se cantonne dans son attentisme traditionnel. Tandis que le Gouvernement vole au secours des grands groupes en omettant d'exiger des contreparties écologiques, les opérateurs de l'écologie pourraient se voir confirmer leur rôle de variable d'ajustement budgétaire. Il s'agirait alors d'une folie politique. Comment ne pas voir que l'accident pandémique actuel est la préfiguration d'accidents climatiques et technologiques autrement plus dévastateurs, que nous devrions tout faire pour prévenir ?
Monsieur Aubert, quelles ont été les conséquences des fortes évolutions des prix du pétrole sur la mission ?
De plus, le confinement a sans doute amené des ménages et des entreprises à reporter leurs achats ou leurs investissements en matière d'équipements qui bénéficient d'un soutien de l'État. Avez-vous pu estimer les dépenses qui n'ont pas été réalisées ?
Mme Cattelot, quelles sont les conséquences des baisses de recettes massives subies par le budget annexe Contrôle et exploitation aériens ?
Monsieur Aubert, quel est le principe des prix négatifs de l'électricité, et quels sont leurs effets sur les finances publiques ? Quelles sont les différences entre les contrats antérieurs à 2016 et ceux qui sont postérieurs ?
Monsieur Coquerel, quelles pistes envisagez-vous pour la rebudgétisation des ressources des opérateurs que vous avez cités ?
Si l'exécution budgétaire de la mission Écologie, développement et mobilité durables peut être qualifiée de satisfaisante par la Cour des comptes, cela ne saurait masquer des réalités complexes. Par exemple, s'agissant du secteur de l'aviation, les dépenses d'investissement du budget annexe Contrôle et exploitations aériens ont été sous-exécutées à hauteur de 49 millions d'euros en 2019.
En outre, l'efficacité des politiques publiques relevant de la mission Écologie, développement et mobilité durables est altérée par la complexité de certains dispositifs, comme ceux du bonus-malus et de la prime à la conversion.
Le taux d'usage du chèque énergie reste également insuffisant, à 72 % au 14 janvier 2020. Ce dispositif mériterait d'être généralisé.
L'articulation des dépenses fiscales, qui représentent près d'un tiers des crédits de la mission, avec les politiques publiques n'est pas non plus évidente. En 2016, 14 niches fiscales étaient encore jugées défavorables à l'environnement.
Enfin, les moyens humains destinés à la mission sont en forte diminution et la tendance à la déqualification de la structure des emplois perdure.
Monsieur Aubert, qu'en est-il de la dette de l'État vis-à-vis d'EDF dans le cadre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ?
Par ailleurs, est-il toujours nécessaire de transférer massivement des subventions du budget général vers le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, afin d'équilibrer ce dernier ?
Les recettes du budget annexe Contrôle et exploitation aériens sont directement corrélées au trafic aérien et devraient donc diminuer de 66 % en 2020.Cette diminution des recettes sera compensée par l'emprunt. La capacité d'emprunt du budget annexe en 2020 a été portée de 50 millions d'euros à 1,25 milliard d'euros. La dette va donc fortement augmenter. Toutefois, il faut saluer la gestion de la DGAC au cours des derniers exercices, qui a permis de réduire l'encours de la dette à 667 millions d'euros au 31 décembre 2019, ce qui était son niveau le plus faible depuis 2000.
La sous-exécution des dépenses d'investissement en 2019 s'explique par des retards dans certains programmes d'investissement et par la réorientation du projet de nouvel outil technologique pour la navigation aérienne (le programme « 4-FLIGHT ») décidée par la DGAC.
La baisse du prix du baril de pétrole a entraîné une diminution de la TICPE.
Par le passé, la baisse des prix du pétrole, le rendant plus compétitif, a pu provoquer une diminution des investissements dans les énergies renouvelables. Toutefois, cette tendance n'est pas systématique. Le carburant étant taxé à 60 %, l'impact de la baisse des prix reste limité, et les investissements sont pluriannuels, rendant difficile la révision de leur programmation.
Néanmoins, certains pays producteurs de pétrole pourraient être incités à organiser une « relance grise », c'est-à-dire une relance basée sur le carbone.
Par ailleurs, 200 000 primes de transition énergique devaient être financées en 2020, pour 390 millions d'euros. Au 24 mai, 35 830 demandes ont été reçues pour 159 millions d'euros, ce qui laisse à penser qu'entre 104 000 et 135 000 primes seront distribuées cette année, pour un coût compris entre 440 et 570 millions d'euros.
Les prix de l'électricité sont négatifs sur le marché lorsque la production est supérieure à la consommation. Par le passé, les épisodes de prix négatifs étaient relativement rares, mais avec le développement des énergies renouvelables, qui sont dépendantes du soleil ou du vent, ils deviennent de plus en plus fréquents.
Depuis le début de l'année, une trentaine d'épisodes de prix négatifs ont été enregistrés et leur multiplication fait courir un risque aux finances publiques.
Les contrats antérieurs à 2016 ne prévoyaient pas de mécanisme de protection de l'État. Depuis 2016, en période de prix négatifs, le producteur n'écoule plus sa production sur les réseaux et reçoit en contrepartie une prime. Toutefois, les contrats antérieurs à 2016 sont les plus nombreux.
S'agissant de la dette de l'État, EDF a bénéficié en 2013 d'un plan de remboursement de la trésorerie avancée dans le cadre de la CSPE. Le dernier remboursement de la dette contractée auprès d'EDF sera effectué en 2020.
Nous devons en finir avec l'affaiblissement de l'État et de ses services dans un secteur aussi essentiel que l'écologie. C'est lorsque survient une crise que l'on se rend compte que ce sur quoi on a économisé pendant des années manque cruellement. On le voit en matière de recherche fondamentale sur les virus et il en va de même en matière d'écologie. À moyen terme, nous devons revenir sur l'hémorragie subie par le ministère de l'écologie et ses opérateurs depuis une dizaine d'années.
Le Gouvernement devrait s'engager auprès de ces opérateurs de la même manière qu'il s'est engagé auprès des entreprises sur les pertes subies. Il est difficile de produire une estimation. Mais, si cela vaut engagement pour la prochaine loi de finances, je le ferai avec plaisir. Il s'agit au minimum de plusieurs dizaines de millions d'euros de pertes, une somme importante, mais négligeable en comparaison des aides apportées aux entreprises.
En outre, il faut en finir avec la course aux ressources propres et la commercialisation des activités des opérateurs publics. On voit à quel point cela les fragilise en période de crise.
Enfin, un moratoire doit être prononcé sur la baisse des ETP constatée chez les opérateurs depuis plusieurs années.
Sans parler au nom du rapporteur général, mais pour avoir préparé ces CEPP avec lui, je pense que nous reviendrons vers vous, monsieur Coquerel, sur le sujet précis des mesures d'amortissement concernant les opérateurs.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 3 juin à 15 heures
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, M. Bruno Duvergé, Mme Sarah El Haïry, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, Mme Nadia Hai, M. Christophe Jerretie, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. Xavier Roseren, Mme Claudia Rouaux, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas
Excusés. - M. Lénaïck Adam, Mme Émilie Bonnivard, M. David Habib, M. Marc Le Fur, Mme Lise Magnier, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Éric Woerth
Assistaient également à la réunion. - M. Erwan Balanant, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme George Pau-Langevin