Intervention de Christine Pires Beaune

Réunion du mercredi 3 juin 2020 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale (Remboursements et dégrèvements) :

La mission Remboursements et dégrèvements est la plus importante du budget de l'État en volume. Les montants exécutés ont atteint 140,1 milliards d'euros en 2019, ce qui représente 33 % des recettes fiscales brutes.

La croissance des remboursements et des dégrèvements est plus rapide que celle des recettes fiscales et du produit intérieur brut (PIB) et les dépenses ont plus que doublé en moins de vingt ans.

Concernant l'exercice 2019, je ferai trois constats.

Premier constat : cette année encore, la dépense augmente. En 2019, la dépense a augmenté de 14,2 milliards d'euros par rapport à 2018. Cette hausse s'explique par trois facteurs. Premièrement, les dépenses liées à la mécanique de l'impôt progressent de 4,5 milliards d'euros. Deuxièmement, la mise en œuvre du prélèvement à la source tire la dépense du programme à la hausse, pour 10 milliards d'euros, en raison de la mise en œuvre du « crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement » et du versement de l'acompte de réduction et de crédit d'impôt. Troisièmement, le dégrèvement de taxe d'habitation pour 80 % des ménages poursuit sa progression, pour 3,9 milliards. Enfin, les dépenses de contentieux fiscaux reculent, pour près de 4 milliards d'euros ; j'y reviendrai.

Deuxième constat, la dépense augmente plus que prévu dans la loi de finances initiale. L'exécution est supérieure de 4,2 milliards d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale. L'essentiel de l'écart constaté provient de la mécanique de l'impôt, d'erreurs comptables en matière de fiscalité douanière et de simulations relatives au dégrèvement de taxe d'habitation assises sur des données de deux ans plus anciennes. De manière globale, l'écart est contenu, et dans la moyenne de ceux constatés les années précédentes, ce qui témoigne d'une prévision budgétaire de qualité.

En revanche, la consommation s'établit à un niveau inférieur de 3 milliards d'euros à la prévision inscrite en loi de finances rectificative, en raison d'un contentieux exceptionnel portant sur l'impôt sur les sociétés qui était attendu fin 2019 mais a finalement basculé sur 2020.

Cela m'amène à mon troisième point, relatif aux contentieux fiscaux. Les dépenses associées sont en baisse en 2019. Il faut s'en réjouir, mais je crains que ce répit ne soit que momentané, car les risques restent élevés. Les années 2017 et 2018 avaient été marquées par des niveaux de dépense très élevés, du fait du contentieux « taxe de 3 % sur les dividendes », d'une part, qui est maintenant presqu'éteint, et de contentieux exceptionnels portant sur l'impôt sur les sociétés, d'autre part. Les éléments transmis par l'administration fiscale font état d'une prévision budgétaire de près de 7 milliards d'euros pour 2020. Cette prévision est certes, toujours prudente, mais ce montant témoigne des risques qui continuent de peser sur nos finances publiques du fait de ces contentieux fiscaux.

Pour conclure, l'exercice 2019 amène trois remarques complémentaires. Les contentieux d'attribution de taxes foncières liés aux retards dans l'enregistrement des transactions immobilières diminuent, mais restent élevés. Les informations relatives aux admissions en non-valeur de recettes fiscales d'amendes et de produits divers devraient être publiées dans les documents budgétaires : c'est une recommandation de la Cour des comptes. La présentation du tableau d'équilibre de la loi de finances devrait être modifiée afin que les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux soient comptabilisés comme de véritables charges et non comme des moindres recettes ; cette recommandation provient également de la Cour des comptes.

Concernant l'exercice 2020, le ralentissement de l'activité économique en raison de la crise sanitaire devrait conduire à une baisse importante des recettes fiscales. Celles-ci s'établiraient à 250 milliards d'euros, soit 43 milliards d'euros de moins que la prévision. Toutefois, le niveau des remboursements et dégrèvements est pour le moment resté stable : l'impact budgétaire agrégé des deux lois de finances rectificatives sur la mission conduit pour 2020 à l'annulation de 270 millions d'euros, pour une prévision de 140 milliards.

D'ailleurs, les révisions opérées par la première loi de finances rectificative n'étaient pas liées à la crise sanitaire et consistaient principalement à acter le report sur 2020 du contentieux évoqué précédemment.

Concernant les conséquences de la crise économique de 2020 sur les remboursements et dégrèvements, il faut donc distinguer les impacts de très court terme, liés aux mesures d'urgence, et les impacts plus fondamentaux, liés aux mesures de relance et au rythme de la reprise, qu'il n'est pas encore possible d'évaluer précisément.

À très court terme, les mesures d'urgence, et notamment les mesures de trésorerie mises en œuvre, ont eu des conséquences significatives sur la dépense mensuelle. Ainsi, les crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ont fait l'objet de remboursements accélérés, pour 4 milliards d'euros, tandis que les demandes de remboursement ont augmenté d'un milliard d'euros. Près de 2,6 milliards d'euros de crédits d'impôts sur les sociétés ont été restitués de manière anticipée et ont bénéficié à 800 000 entreprises environ. L'impact de ces mesures de trésorerie devrait néanmoins s'atténuer au fil du temps, le stock restituable s'épuisant progressivement, et cet impact pourrait être neutre sur l'année.

À plus long terme, le contenu des futurs plans de relance et le rythme de la reprise auront des conséquences significatives sur l'évolution des remboursements et dégrèvements. L'annulation de charges fiscales ou la création de nouveaux crédits d'impôt pourrait tirer les remboursements et dégrèvements à la hausse, tandis qu'un recul de l'investissement aurait tendance à les diminuer.

En définitive, les conséquences de la crise sur la mission seront probablement significatives en 2020, et pourraient l'être encore plus les années suivantes ; j'y serai attentive.

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