La crise sanitaire a confirmé, si besoin en était, la qualité, la robustesse et le caractère essentiel de l'administration territoriale de l'État, Une nouvelle fois, après la lutte contre le terrorisme, l'épisode des gilets jaunes et les grèves dans les transports, l'administration territoriale aura su faire face et a permis la continuité de l'action publique. Mais je reviendrai tout d'abord brièvement sur l'exécution budgétaire pour 2019.
2019 fut pour la mission Administration générale et territoriale de l'État un nouvel exercice de continuité et de stabilité, à l'exécution globalement maîtrisée.
Les dépenses sont restées quasiment identiques à celles de 2018, à hauteur de 2,8 milliards d'euros. Le taux de consommation a quant à lui atteint 98 % pour les crédits de paiement. L'exécution des crédits est globalement conforme à la programmation, pour la deuxième année de suite.
Cependant, l'exécution 2019 fut marquée par une tension spécifique, celle de l'exécution du schéma d'emploi du programme 307 Administration territoriale. A été poursuivie la réduction de ses effectifs et le programme a atteint le plus faible nombre d'agents depuis sept exercices, avec 24 885 ETPT en exécution. Ces schémas d'emplois exigeants, combinés à une hausse de l'activité des préfectures notamment au sein des services en lien avec les ressortissants étrangers, ont créé des tensions dès le début de l'exercice. Pour faire face à ces dépenses, le secrétaire général du ministère de l'Intérieur a obtenu un dégel partiel de 3 millions d'euros sur la réserve de précaution.
La soutenabilité de ces schémas d'emploi apparaît donc discutable si l'on veut que l'administration territoriale puisse assurer les missions qui lui sont confiées. Par ailleurs, les économies budgétaires visées ne semblent pas être au rendez-vous. La Cour des comptes a en effet noté que, sur longue période, l'évolution des crédits consacrés au titre 2 apparaît déconnectée de l'évolution des emplois, la baisse des crédits étant plus faible que celle du nombre d'emplois. À cet égard, il apparaît opportun de procéder, avec le recul, à un examen lucide du plan « préfecture nouvelle génération » (PPNG) et d'en corriger les insuffisances manifestes en matière de présence territoriale, de qualité de service et dans la perspective de la mise en place de la carte nationale d'identité électronique à partir de 2021.
Si l'on vient maintenant à 2020, les politiques publiques du programme 232 Vie politique, cultuelle et associative, notamment l'organisation des élections et l'activité de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ont été perturbés par la crise. J'attire l'attention sur les réponses apportées le 17 mars 2020 par le Premier Ministre au référé de la Cour des Comptes relatif au cadre juridique d'activité de cette commission.
Concernant le nouveau programme 354, malgré les réductions d'effectifs, l'administration territoriale a tenu dans la crise. Elle a su réorienter rapidement son activité vers les missions prioritaires et nécessaires à la lutte contre le covid-19, comme les activités liées au pilotage et à la sécurité. En interne, la gestion a pu être plus compliquée, en raison de difficultés matérielles et culturelles à placer les agents en situation de télétravail. Le ministère doit donc se mettre à niveau sur cet enjeu, non seulement dans le but de mieux répondre aux futures crises, mais également afin d'en faire un levier d'amélioration de la qualité de vie, notamment au travail, de ses agents. Le télétravail peut en effet leur permettre de passer moins de temps dans les transports et même, éventuellement, de gagner en pouvoir d'achat en habitant plus loin des grandes métropoles, où les coûts de l'immobilier sont plus difficilement soutenables pour les salaires de la fonction publique.
Si je devais tirer un enseignement fort de la période récente, je dirais que cette dernière a permis de valider l'idée que, surtout dans les moments de gros temps, l'État doit pouvoir parler d'une seule voix au sein des départements. Cette voix, ce doit être celle du préfet, qui est souvent le seul fonctionnaire du territoire représentant de l'État nommé en Conseil des ministres.
Ce moment devrait donc servir pour approfondir l'interministérialité de l'administration territoriale de l'État au niveau départemental, condition de l'autorité et de l'efficacité des préfets. Cela devra passer par une réflexion sur le rapprochement des statuts et des rémunérations entre agents de la fonction publique d'État dans les départements. Cette évolution devrait s'accompagner d'un pas supplémentaire dans la déconcentration, qui permettrait à l'État de répondre de manière plus pertinente et in fine de façon plus adaptée aux contextes territoriaux très divers.
Ces évolutions pourraient également être bénéfiques pour les finances publiques en accroissant les capacités de mutualisation des fonctions support des services départementaux et en modulant les réponses selon les plus justes besoins de chaque territoire.
Je poursuivrai sur un constat budgétaire rassurant, à savoir que l'exécution de la mission ne devrait pas se voir bouleversée par la crise, car la nature des dépenses de la mission rend l'exécution peu sujette à de fortes perturbations, d'autant que les crédits d'investissement ne représentent que 5 % des crédits mobilisables.
Je conclurai, mes chers collègues, par un appel à votre vigilance pour que l'administration territoriale dispose des moyens, notamment humains, de ses missions. Cependant, cela doit se faire sans renoncer aucunement à l'impératif de progrès que nous impose la volonté de proposer à nos concitoyens un service partout sur le territoire.