Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 3 juin 2020 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur spécial (Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables) :

Les programmes dont j'assure le suivi au nom de la commission des finances concernent la politique écologique du pays au sens le plus strict : la préservation de la biodiversité, de l'eau, des paysages, la lutte contre les pollutions, la prévention des risques naturels et technologiques, l'analyse du changement climatique et de ses effets, la conversion énergétique. En première ligne de cette politique, on trouve de grands opérateurs absolument essentiels comme l'OFB, les agences de l'eau, l'ADEME, Météo France, l'ASN, l'INERIS, le CEREMA, l'IGN.

Je ne m'attarderai pas sur l'exécution 2019. Les crédits de ces politiques, qui étaient déjà en baisse en loi de finances initiale, ont subi des annulations non négligeables en cours d'année : – 5,1 % pour le programme Paysages, eau et biodiversité et – 2,4 % pour le programme Prévention des risques. C'est malheureusement une habitude !

Les dépenses de personnel rassemblées dans le programme 217 concernent à la fois le ministère de la transition écologique et celui de la cohésion des territoires, si bien qu'elles sont particulièrement illisibles. Toujours est-il qu'elles sont en baisse de 0,8 % par rapport à l'exécution 2018, les ministères concernés poursuivant une politique de baisse d'effectifs. La Cour des comptes constate une tendance à la déqualification des emplois.

Mais je souhaite surtout attirer votre attention sur la situation actuelle des opérateurs, que la crise sanitaire met d'ores et déjà en grande difficulté.

Les réponses au questionnaire que je leur ai adressé sont éclairantes. Certes, les plans de continuité de l'activité et de protection des salariés ont été mis en place avec la plus grande rigueur possible. Mais, par exemple, faute de réserve nationale suffisante, l'Autorité de sûreté nucléaire s'est trouvée privée de masques pendant de longues semaines. Ses dirigeants m'ont assuré, et je les crois, que les contrôles à distance ont permis de conserver la maîtrise de la situation avant que les visites sur place ne puissent reprendre. Mais l'ASN est également investie de missions d'inspections du travail. À ce titre, elle a été amenée, je cite, « à alerter EDF sur la situation de salariés d'entreprises prestataires, en lui demandant de définir clairement quelles sont les activités de maintenance ou de logistique pour lesquelles une continuité est indispensable afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté pour ces entreprises et leurs salariés, et de veiller à ce que les conditions de santé et sécurité soient communiquées et mises correctement en place sur les sites pour tous les salariés ». Il n'est même pas besoin de lire entre les lignes pour comprendre que ces conditions n'ont pas été respectées !

La plupart des opérateurs se voient enjoindre depuis des décennies d'accroître leurs ressources propres, l'objectif de la tutelle étant de faire des économies sur les crédits budgétaires.

Le résultat est là. Beaucoup de projets et de chantiers sont d'ores et déjà suspendus ou différés, et l'interruption des activités expérimentales d'organismes comme l'IRSN ou l'INERIS ne sera pas sans conséquences.

Météo France est mise à contribution pour les recherches concernant les liens entre la propagation du virus et les conditions climatiques ; l'IGN pour le développement de l'application StopCovid ; les agences de l'eau pour l'hygiénisation des boues d'épuration. Or l'équilibre de ces établissements essentiels est gravement menacé et leur tutelle, à ce jour, n'a pris aucune initiative pour venir à leur secours.

Il est évident que les ressources propres de la plupart des opérateurs, ou le cas échéant la fiscalité qui leur est affectée, connaîtront une baisse substantielle. Certains opérateurs estiment d'ores et déjà qu'ils seront dans l'incapacité d'équilibrer leur budget 2020.

Les agences de l'eau constatent un retard dans l'encaissement des redevances qui leur étaient dues au 31 mars et anticipent des retards jusqu'en 2021. Pour rappel, les agences de l'eau financent l'Office français de la biodiversité et les Parcs nationaux. Seront-elles à même de le faire en 2020 ?

Les parcs nationaux prévoient des pertes significatives sur leurs produits et redevances, du fait de la fermeture des refuges, de la perte de taxe sur les passagers maritimes.

Le CEREMA estime que la perte de recette propres pourrait s'élever à 40 % du montant initialement prévu.

L'INERIS anticipe une perte comprise entre 4 et 8 millions d'euros, soit 6 à 12 % de son budget.

Une lourde incertitude pèse enfin sur le rendement, en 2020, de la taxe de francisation et de navigation, qui est la principale ressource du Conservatoire du littoral.

Le ministère de la transition écologique, quant à lui, se cantonne dans son attentisme traditionnel. Tandis que le Gouvernement vole au secours des grands groupes en omettant d'exiger des contreparties écologiques, les opérateurs de l'écologie pourraient se voir confirmer leur rôle de variable d'ajustement budgétaire. Il s'agirait alors d'une folie politique. Comment ne pas voir que l'accident pandémique actuel est la préfiguration d'accidents climatiques et technologiques autrement plus dévastateurs, que nous devrions tout faire pour prévenir ?

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