Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mardi 30 juin 2020 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes :

La Cour n'a pas vocation à être malveillante, surtout ne voyez aucun complot dans ses rapports. Il ne faut pas non plus lui prêter une créativité qui n'est pas dans ses gènes, elle ne peut pas répondre à toutes vos suggestions et questions.

S'agissant de l'articulation entre les plans européens de mutualisation de la dette et l'approche nationale, il est souhaitable que les responsables, réunis en Conseil européen les 17 et 18 juillet, parviennent à un accord sur un plan de relance européen. Ce serait une grande innovation si l'Europe était capable de manifester solidarité et capacité de mutualisation de sa dette. Ce qui n'exonérera pas la France de réaliser un effort soutenu sur la dette nationale.

La Cour n'est pas une agence de notation, Madame Louwagie. Mais la Cour retient que la France dispose d'une économie large, avec un grand marché et une capacité d'innovation. En outre, il est important que le lien franco-allemand, qui existe depuis fort longtemps, ne se brise pas. Enfin, la France a toujours marqué sa volonté d'appartenir à la zone euro.

C'est la raison pour laquelle, ce qui infléchirait ce jugement serait une perte de crédibilité de notre politique. D'où notre appel à suivre ce chemin de soutenabilité de la dette. La dette publique courra sur une décennie, ce qui n'est pas catastrophique, dès lors que nous sommes en capacité de la financer continuellement.

La BCE, Madame Pires Beaune, a vocation, non pas à monétiser la totalité de la dette, mais à assurer la stabilité des prix. Par ailleurs, elle en fait déjà beaucoup à travers son programme anti-pandémie, qui permet d'absorber une grande partie de la dette. Soyez en tous certains, la dette ne sera pas annulée.

Concernant la CADES, transférer la dette de la poche d'une administration publique à une autre n'en diminue pas le total ; le cantonnement a donc un côté un peu formel. Ce qui ne veut pas dire qu'il est sans effet. La dette liée à la crise a bien vocation à être remboursée, intérêts et capital, par une ressource dédiée.

Pour ce qui est du pilotage du cycle, une loi de programmation doit permettre d'obtenir une identification claire, des prévisions macroéconomiques solides et une trajectoire des finances publiques robuste.

S'agissant de la priorisation des investissements, il n'appartient pas à la Cour de dire ce qui doit être fait ou pas. Mais la Cour n'évoque pas de hausse des prélèvements. Au contraire, elle indique que si certains envisagent une baisse des prélèvements, il conviendrait de l'équilibrer par une suppression des niches ou des économies en dépenses.

Non, la Cour ne prône absolument pas l'austérité. Y en a-t-il d'ailleurs jamais eu en France ? Avec un niveau de dépenses publiques à 56 %, avant la crise, et près de 64 % du PIB, parler de redressement « pas trop brutal » me paraît une expression plutôt douce. Nous ne préconisons pas de casser la reprise ; en revanche, il convient d'envisager un redressement des finances publiques.

Concernant le redressement structurel, Monsieur de Courson, s'il n'a pas été aussi important que souhaité, incontestablement le redressement nominal s'est opéré, le solde structurel passant de – 7,2 en 2009 à – 2,1 hors CICE en 2019, ce qui a permis la sortie de la pression de déficit excessif. Même si nous ne sommes pas dans une position aussi favorable que celle de nos principaux partenaires européens.

La Cour a arrêté ses comptes le 25 juin, tout n'a donc pas été pris en compte. Certaines décisions restent à prendre ou à être chiffrées, ce que la Cour fera au fur et à mesure.

S'agissant du bon moment pour redresser nos finances publiques, des signes conjoncturels d'amélioration plus nets sont nécessaires, notamment pour le chômage. Mais cette décision appartient aux pouvoirs publics, et doit également être vue au niveau européen. Quand et comment rebranche-t-on le Pacte de stabilité de croissance ? Il doit être coordonné avec le plan de relance. Nous avons besoin à la fois de règles de finances publiques européennes et de règles adaptées à la conjoncture.

La question de l'épargne des Français a été traitée par l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui souligne qu'il y a une sur-épargne de 100 milliards d'euros et que son utilisation fait partie des paramètres pouvant aider au redressement des finances publiques, mais également à la relance de l'économie.

Si la croissance est une donnée fondamentale, nous ne devons pas attendre le rattrapage des recettes, qui n'entre que dans le scénario le plus favorable.

Concernant les autres indicateurs de richesse, une loi du 13 avril 2015, dite loi Sas, en prend déjà en compte un certain nombre qui sont présentés chaque année avec le budget. Cependant, les ressources proviennent surtout des capacités à lever l'impôt et de la richesse produite, à savoir du PIB. C'est la raison pour laquelle, s'agissant de la soutenabilité, le rapport de la dette au PIB est celui qu'il conviendra d'analyser.

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