Le débat ne fait que s'engager. Il va commencer au sein de la commission des affaires culturelles et il se poursuivra évidemment dans l'hémicycle. Nous n'allons donc pas le clore aujourd'hui et je ne répondrai pas de façon détaillée à chaque intervenant, d'autant plus que la discussion à venir d'un certain nombre d'amendements nous permettra d'approfondir certains points.
Quelques éléments, néanmoins, de cadrage général et politique.
Je vais vous faire une confidence : moi aussi, j'ai des regrets ! Je regrette que la commission des finances ne soit saisie que pour avis alors que nous discutons d'une loi de programmation budgétaire qui n'a rien de chimérique et dont les crédits n'arriveraient jamais ou seulement en fin de course, après sept ou dix ans : ils sont engagés dès 2021.
De plus, entre la préparation du projet de loi, voilà plus d'un an et demi, et son examen par le Parlement, des crises et des urgences financières ont vu le jour. Je comprends donc pleinement M. le président Woerth et M. le rapporteur général lorsqu'ils insistent sur les questions de crédibilité, de lisibilité et de contrôle. D'une manière inversement proportionnelle à l'importance toute relative d'un rapport pour avis de la commission des finances sur une loi de programmation budgétaire, je propose que nous nous armions, avec les commissions des affaires culturelles et des affaires économiques notamment, afin de pouvoir faire le point sur l'articulation entre ce qui relève strictement du budget du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur, et ce qui relève d'autres dispositifs : plan de relance, PIA, Horizon Europe, contrats de plan État-région.
Mon regret est provisoire car, au fond, j'en appelle à la commission des finances pour qu'elle s'investisse dans son rôle de contrôle et d'aiguillon. Si j'insiste sur les clauses de revoyure et sur l'articulation entre nos débats d'orientation budgétaire, l'examen de la préparation de la loi de finances et, en amont, la mise en place de cette loi de programmation, c'est que j'ai conscience de la fragilité inhérente aux lois de programmation, quel que soit leur rythme.
Je vous rappelle, chère Valérie Rabault, que Jean-Pierre Chevènement avait défendu en 1982 une loi d'orientation et de programmation en tant que ministre de la recherche… et de l'industrie. Je ne vous propose pas d'en revenir là mais il me semble que nous pourrions nous rejoindre sur l'articulation entre économie, industrie et activités scientifiques.
Connaissant le sens de la mesure de notre collègue Patrick Hetzel, je n'aurai pas la cruauté de lui rappeler que la loi de programme de 2006 s'est éteinte après seulement vingt-quatre mois.
Chacun doit faire preuve d'humilité, votre serviteur y compris. Je m'occupe des questions d'éducation et d'enseignement supérieur depuis quarante ans, avant de m'occuper des collectivités locales – je prends donc ma part. Quel est notre rôle ? Alimenter la défiance ou se doter des moyens permettant de mesurer concrètement l'effort accompli, lequel ne saurait être résumé à la seule loi de programmation de la recherche ?
Les lois précédentes, pour reprendre l'expression de notre collègue Hetzel, visaient précisément à s'attaquer au millefeuille, or, elles ne l'ont pas fait. En l'occurrence, nous devions donc choisir : ou nous remettions sur la table l'ensemble du dispositif, trop complexe et illisible, de notre arsenal de recherche publique, ou nous nous fixions des objectifs de rattrapage, de développement et d'évolution. D'où les propos de Laurent Saint-Martin sur la façon de faire un diagnostic sur les SATT ou de défendre les unités mixtes de recherche ; d'où les questions d'articulation – Fabrice Le Vigoureux les connaît très bien – entre universités, organismes de recherche et recherche partenariale.
Concernant la question de l'augmentation annuelle des moyens consacrés à la recherche, je précise que la trajectoire ne sera pas celle qui a été indiquée mais qu'elle sera supérieure puisque je propose un amendement rétablissant dans la loi des éléments de programmation plus proches de la réalité dès 2021. La courbe de progression prévue, qui doit être analysée et contrôlée, n'est en rien chimérique puisque les augmentations doivent être très sensibles dès 2021 et 2022, à condition de mesurer la réalité de l'articulation entre les dispositifs financiers et les politiques de relance et de programmation.
Oui, cher Laurent Saint-Martin, le rattrapage des rémunérations des chercheurs repose pour l'essentiel sur un effort public, avec la souplesse qui s'impose – certaines rigidités sont en effet aujourd'hui insupportables – sans pour autant mettre en cause le caractère national de la fonction publique dans l'enseignement supérieur et la recherche. Le statut de tenure track est bien connu dans le monde entier, depuis longtemps, et la France est l'un des rares pays à ne pas utiliser un dispositif d'une telle souplesse, qui favorise l'attractivité des métiers de la recherche. Ceci alors même que les jeunes chercheurs restant chez nous sont voués à percevoir un peu plus du SMIC, ce qui ‑ nous pouvons au moins en être tous d'accord ‑ est insupportable et concourt à leur départ. Reconnaissons les efforts accomplis pour que les jeunes chercheurs expatriés, s'ils le souhaitent, puissent revenir et s'épanouir en France !
Nous pouvons également nous réjouir que des règles claires, transparentes, attractives, permettent d'assurer la mobilité des chercheurs entre les secteurs public et privé, et inversement.
J'insiste sur le rôle central de la commission des finances dans les étapes législatives à venir sur cette loi ambitieuse. On peut certes considérer cette ambition, à ce jour, comme théorique, mais je ne la juge pas quant à moi chimérique : sa concrétisation massive dès le budget pour 2021 relève de notre responsabilité, en ce qui concerne tant l'effort national de recherche que l'attractivité de ces métiers.