Ces amendements sont en discussion commune, mais les enjeux en sont très différents.
Les amendements de M. Jerretie visent à remplacer la diminution de la CVAE par la suppression de la CFE. Or l'équité de la cotisation foncière des entreprises a été largement améliorée ces dernières années, notamment du fait de la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels. Est-ce le bon moment pour la supprimer intégralement ?
Par ailleurs, monsieur Jerretie, ce que vous proposez va dans le sens inverse de la remarque de M. de Courson : vous voulez supprimer un impôt dont le taux peut être fixé au niveau local, autrement dit vous allez encore plus dans le sens de ce qu'il critiquait, et que je peux comprendre, à savoir la tendance à rompre le lien avec le contribuable économique. Le taux de la CVAE est voté au Parlement ; celui de la CFE est libre. S'agissant du pouvoir fiscal des collectivités – car c'est bien cela qui est en jeu, plus qu'une supposée autonomie fiscale –, un niveau assez sensible a déjà été atteint, comme l'a très bien dit le président Woerth : on n'est pas obligé d'aggraver les choses en supprimant totalement la CFE.
En outre, je vous renvoie à mon rapport d'application de la loi fiscale (RALF) du mois de juillet, où j'expliquais pourquoi je considérais que la baisse de la CVAE était le meilleur outil. Beaucoup d'entreprises de l'industrie et du commerce peuvent en bénéficier.
Le Conseil d'analyse économique (CAE) a réalisé une étude présentant les réponses comportementales des entreprises à la CFE. Il relevait assez peu de distorsions économiques. La CFE est donc en fait plutôt un bon impôt, même si, jusque-là, ses modalités de calcul étaient peut-être trop défavorables à l'industrie. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'article 4 propose à la fois une réduction de 50 % de sa valeur et de nouvelles modalités d'évolution des bases de calcul. Cette démarche est plus intéressante qu'une suppression de l'impôt lui-même, lequel, je le répète, est plutôt un bon impôt depuis la rénovation des valeurs locatives des locaux professionnels. Pour la CVAE, c'est différent : l'impôt est plus contestable en lui-même.
Votre proposition reviendrait donc à supprimer entièrement le moins mauvais de ces impôts, tout en maintenant celui qui mériterait le plus de disparaître. J'y suis donc très défavorable. Celle du Gouvernement me semble beaucoup plus adaptée à la situation.
Les autres amendements posent la question de savoir qui va bénéficier de la baisse des impôts de production. J'y travaille, monsieur Brun, même s'il s'agit forcément d'un travail prospectif. À ce stade, je ferai quelques remarques.
D'abord, je trouve qu'on a trop tendance à dire que les grandes entreprises ne doivent pas bénéficier des réductions fiscales, en s'imaginant qu'elles dégagent des bénéfices incroyables. Or beaucoup de nos fleurons industriels ont besoin de cette baisse des impôts de production pour relocaliser. Non seulement les grandes entreprises totalisent un tiers de la valeur ajoutée nationale, mais n'oublions pas la sous-traitance : de nombreuses externalités économiques sont créées grâce à elles. Je trouve dommage que, dans notre pays, l'on stigmatise la grande entreprise, comme si c'était le mauvais élément économique et que la petite ou moyenne entreprise serait forcément la plus vertueuse. Certes, il faut aider notre tissu de PME – je ferai d'ailleurs une proposition dans ce sens un peu plus loin –, mais il faut aussi aider, en sortie de crise, les grandes entreprises, qui sont nos fleurons industriels. Il y a, dans notre pays, de grandes et formidables entreprises industrielles ; j'assume totalement de dire qu'il faut qu'elles bénéficient de la baisse des impôts de production. Il est hors de question de les mettre en difficulté en les excluant. Elles évoluent dans un environnement marqué par une concurrence internationale accrue, elles exportent et ont besoin du soutien d'une fiscalité plus attractive pour relocaliser des emplois industriels : ce sont elles qui vont être à la manœuvre, c'est d'elles que l'on attend le plus en termes de relocalisation d'emplois.
Je ne veux donc pas, monsieur Brun, monsieur Bricout, qu'on enlève les grandes entreprises du champ des bénéficiaires de cette diminution d'un impôt de production : il est très important de faire en sorte que cette dynamique concerne l'ensemble de nos entreprises. Les grandes entreprises ont souffert de la crise comme toutes les autres. Elles doivent elles aussi redémarrer, d'autant que s'ajoute pour elles une sorte d'« effet paquebot » : il est parfois plus long et difficile de redémarrer. Ce coup d'accélérateur fiscal me semble donc tout à fait bienvenu.
Monsieur Orphelin, je suis défavorable à l'introduction d'une conditionnalité pour les impôts de production. Le vrai préalable doit être de créer un environnement fiscal permettant l'investissement et la relocalisation d'emplois. Vous ne pouvez pas, alors que vous mettez en place une fiscalité à peu près standard par rapport à celles des autres pays européens, exiger des entreprises qu'elles répondent au préalable à un certain nombre de critères. Qu'on leur demande des contreparties en échange d'un certain nombre d'aides publiques à l'investissement ou de subventions, cela peut s'entendre, et nous aurons ce débat, mais en envisager en échange d'une baisse de la fiscalité, je trouve cela assez baroque : une baisse de la fiscalité, ce n'est pas fait pour demander des contreparties, mais pour créer une dynamique d'investissement et d'emploi. Sur ce point, nous n'avons donc pas la même vision. Avis défavorable.