La commission examine la première partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) (M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général).
Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l'examen de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2021.
Je rappelle que nous avons commencé nos travaux sur ce texte le lundi 28 septembre, jour de sa présentation en Conseil des ministres, en auditionnant le président du Haut Conseil des finances publiques, puis les ministres Bruno Le Maire et Olivier Dussopt.
L'examen en séance publique de la première partie est prévu du lundi 12 au lundi 19 octobre, le vote solennel étant prévu pour le mardi 20, après les questions au Gouvernement.
Je me permets, par ailleurs, de devancer les interrogations que vous pourriez avoir quant à la mise en ligne des évaluations préalables des articles du PLF – vous savez qu'elles les accompagnent pour permettre de mieux les comprendre : cette année, les évaluations préalables n'ont pas été disponibles très rapidement, en tout cas pas avant l'expiration du délai de dépôt des amendements en commission, puisqu'elles n'ont été mises en ligne que samedi dernier. On peut le regretter, car cela a rendu l'analyse des articles moins évidente. Cela vaut également pour le rapport économique, social et financier.
Au total, 1 468 amendements ont été déposés en commission, contre 1 576 l'an dernier et 1 467 il y a deux ans. Une fois soustraits les amendements irrecevables et ceux retirés avant discussion, il reste un peu moins d'amendements que l'année dernière : 1 070 contre 1 139 – et 1 124 en 2018.
Le nombre très élevé d'amendements en discussion n'inclut pas, naturellement, les 340 amendements que j'ai été contraint de déclarer irrecevables en application des dispositions de l'article 40 de la Constitution et de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
Je vous rappelle toutefois que vous pourrez redéposer avec succès – ce qui ne préjuge pas du vote… – bon nombre de ces amendements, soit en commission à l'occasion de l'examen des articles de la seconde partie, soit pour l'examen en séance. Dans ce deuxième cas, la fonction « redépôt » de l'interface Eloi facilite beaucoup les choses.
Le fait que des amendements soient irrecevables en première partie de la loi de finances ne veut pas dire qu'ils le soient également en seconde partie. C'est le cas en particulier de tous les amendements portant sur des impositions de toute nature qui ne sont pas affectées à l'État mais à la sécurité sociale, aux collectivités territoriales ou à des organismes exerçant des missions de service public. Cela vaut notamment pour les amendements, assez nombreux, portant sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe d'aménagement. C'est également le cas, par exemple, d'amendements proposant de modifier des garanties de l'État.
N'ont pas plus leur place en première partie des amendements qui n'ont pas d'incidence sur l'équilibre budgétaire de l'État en 2021. Cela concerne notamment des amendements réformant ou créant des crédits d'impôt ou des réductions d'impôt à compter du 1er janvier prochain. En effet, dans la mesure où le bénéfice de ces dispositions ne se traduira pour le contribuable qu'avec une année de retard, ces amendements ont leur place en deuxième partie. En revanche, lorsqu'une proposition de réforme d'un crédit d'impôt ou d'une réduction d'impôt s'accompagne d'un effet d'aubaine, pour des dépenses engagées en 2020, cela permet à l'amendement d'avoir sa place en première partie – même si cela est sans doute de nature à l'affaiblir aux yeux du rapporteur général…
Le placement par erreur en première partie d'amendements qui auraient eu toute leur place en seconde partie a concerné cette année 254 amendements. Cela fait beaucoup, mais vous aurez tout loisir de les redéposer en seconde partie.
Cela ne sera en revanche pas possible pour les amendements – en nombre heureusement assez limité : trente-six au total – qui n'avaient aucun rapport avec la loi de finances, dont le domaine est strictement protégé par la LOLF et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
J'ai également dû déclarer irrecevables des amendements qui n'étaient pas gagés mais qui, s'ils l'avaient été correctement, auraient trouvé leur place en première partie du PLF. Vous pourrez donc les redéposer, assortis du bon gage, en vue de la séance publique. Leur nombre est également limité – vingt-huit au total.
Enfin, quelques amendements se sont heurtés à la jurisprudence habituelle, qui n'est pas propre aux lois de finances, de l'article 40 de la Constitution, à savoir l'impossibilité d'augmenter une charge publique. Par exemple, on ne peut pas proposer d'élargir le champ d'application de la disposition MaPrimeRenov'sans encourir cette irrecevabilité, car il s'agit d'une prime, et non d'un crédit d'impôt. Ces amendements ne peuvent pas être corrigés pour être rendus recevables. Heureusement, leur nombre est faible : seulement vingt-deux.
Au total, la plus grande partie des amendements que j'ai dû déclarer irrecevables – 282 sur 340 – pour la première partie du PLF pourront bénéficier rapidement, à un titre ou à un autre, d'une « seconde chance ».
Je souhaite aborder un dernier point, qui est la discipline devant présider à nos débats. Nous disposons de six séances pour examiner les amendements portant sur la première partie. L'an dernier, nous avions six séances et demie, pour un nombre d'amendements légèrement supérieur. Il est possible de tenir les délais que nous nous sommes impartis, c'est-à-dire de ne pas aller au delà de demain soir, si le temps de présentation des amendements est respecté et si l'on évite les redondances pour des amendements identiques. Sans oublier que bon nombre d'entre eux ont déjà été examinés les années précédentes ou lors des trois collectifs de cette année, et se verront réserver la même réponse… Ajoutons que certaines collègues ignorent la discipline, mais ne restent pas jusqu'au bout des débats, ce qui est un peu gênant pour ceux qui la respectent, et qui sont là du début à la fin.
Je souscris en tout point à vos propos, monsieur le président. Je suis ravi de tous vous retrouver pour mon premier PLF en tant que rapporteur général. Un certain nombre d'amendements sont ce que nous appelons dans notre jargon des marronniers : nous en avons déjà discuté les années précédentes ou dans le cadre d'autres textes parfois récemment. Je me bornerai à des réponses assez courtes – n'en prenez pas ombrage –, car mon avis sur ces marronniers n'a pratiquement jamais changé. Vous pourrez éventuellement relancer le débat de fond sur une politique fiscale en séance, avec le ministre.
Je vais vous donner les chiffres dans quelques minutes – le temps de faire une décomposition du total.
Article liminaire : Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques de l'année 2021, prévisions d'exécution 2020 et exécution 2019
La commission examine en discussion commune les amendements I-CF1426 de Mme Valérie Rabault, I-CF223 et I-CF222 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Comme tous les ans, cet amendement I-CF1426 revient sur les soldes structurel et conjoncturel : il s'agit de minorer le solde conjoncturel et, à l'inverse, de majorer le solde structurel.
Nos amendements I-CF223 et I-CF222 sont l'occasion d'appeler l'attention du Gouvernement et de la majorité sur le fait que ce PLF ne règle rien en ce qui concerne le déficit structurel. On comprend que le déficit conjoncturel soit affecté par la crise, mais la dégradation structurelle par rapport à la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques me paraît dangereuse. Je crois que je n'ai pas besoin de revenir sur le niveau du déficit et ses conséquences pour l'avenir… Nous le disons depuis longtemps : rien n'a été fait, en réformes de fond, pour régler le problème du déficit structurel.
Le deuxième amendement vise à alerter le Gouvernement sur la trop forte dégradation du solde structurel annoncé pour 2021.
Nous débattons des soldes conjoncturel et structurel au début de chaque texte financier. S'agissant de l'exercice 2021, les prévisions macroéconomiques sont forcément très incertaines compte tenu de la crise sanitaire – il faut avoir l'humilité de le reconnaître. Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques a néanmoins jugé sincères, crédibles, plausibles celles du Gouvernement.
Je partage totalement la vigilance de Mme Dalloz en ce qui concerne le solde structurel, mais il est normal qu'il se dégrade aussi en temps de crise – beaucoup moins, heureusement, que le solde conjoncturel. En pareil contexte, les économies de structure et la baisse de la dépense publique ne sont pas une priorité : je l'assume totalement. En revanche, nous aurons besoin, au premier semestre 2021, d'une trajectoire de redressement des finances publiques aussi claire que possible, dans le cadre d'une loi de programmation. Comme je l'ai dit lors de l'audition de M. Moscovici, nous ne pourrons le faire que lorsque la crise sanitaire sera derrière nous ; sinon, nous serons en permanence en train de revoir certaines prévisions conjoncturelles et structurelles.
Par conséquent, avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements I-CF1426, I-CF223 et I‑CF222.
Elle est saisie des amendements I-CF1302 et I-CF1307 du président Éric Woerth.
Ces deux amendements ont d'abord pour vocation de susciter un débat en séance publique, avec le Gouvernement, sur le niveau de l'endettement et le financement des dépenses liées à la crise. Les ratios d'endettement et de déficit marquent un réel décrochage, en pourcentage de recettes fiscales de l'État, et nous n'avons pas de véritables perspectives de financement dans les trois ou quatre ans à venir. Mais c'est davantage un débat de séance qu'un débat de commission…
Les amendements I-CF1302 et I-CF1307 sont retirés.
Je peux maintenant répondre à la question de Mme Rouaux. Sur les 1 468 amendements déposés, outre les dix amendements de la commission du développement durable, 108 amendements ont été déposés par des députés du groupe AGIR ensemble, 63 par des députés du groupe Écologie Démocratie Solidarité, 61 par des députés du groupe Gauche démocrate et républicaine, 81 par des députés du groupe La France insoumise, 163 par des députés du groupe La République en Marche, 681 par des députés du groupe Les Républicains – ce qui témoigne d'une grande créativité –, 161 par des députés du groupe Libertés et Territoires, 82 par des députés du groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, 35 par des députés du groupe Socialistes et apparentés, et 23 par des députés du groupe UDI & Indépendants.
La commission adopte l'article liminaire sans modification.
PREMIÈRE PARTIE :
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I.– IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A.– Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er : Autorisation de percevoir les impôts et produits existants
La commission adopte l'article 1er sans modification.
B.– Mesures fiscales
Article 2 : Indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu pour les revenus 2020 et des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source
La commission examine en discussion commune les amendements I-CF1191, I‑CF1173 et I-CF1208 de Mme Christine Pires Beaune.
L'article 2 tend à revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu (IR) pour tenir compte de l'inflation, comme nous le faisons chaque année. Pour 2021, le Gouvernement prévoit une évolution de 0,2 %. À la lumière d'une récente publication de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) sur l'évolution du niveau de vie, l'amendement I-CF1191 propose plutôt une revalorisation de 0,8 %.
Ce budget est marqué par un déséquilibre entre les réductions d'impôt, notamment ceux de production, et les mesures concernant les ménages. L'article 2 vise à neutraliser les effets de l'inflation s'agissant de l'impôt sur le revenu. C'est plutôt une bonne mesure, mais les 1 % de Français les plus riches pourraient contribuer un peu plus aux efforts dans la situation assez exceptionnelle que nous connaissons. Tel est l'objet de l'amendement I-CF1173.
Depuis la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le 29 septembre dernier, nous savons que les assurances complémentaires santé seront mises à contribution pour le remboursement des dettes résultant du plan de relance. Dans le même esprit – faire participer les mieux lotis à l'effort national de reconstruction –, l'amendement I-CF1208 tend à créer pour 2021 et 2022, c'est-à-dire le temps du plan de relance, une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu, supérieure de quatre points à la dernière tranche actuelle et applicable uniquement aux plus hauts revenus – les derniers 0,1 %.
Il faut regarder précisément qui souffre de la crise. Il faut concentrer, comme nous le faisons depuis le début de la crise, les efforts de soutien sur les ménages les plus fragiles. Au demeurant, l'augmentation de 0,2 % prévue suit l'inflation hors tabac, comme de coutume. Je rappelle aussi que nous avons réduit de 5 milliards d'euros l'impôt sur le revenu des ménages en 2020, ce qui était inédit. Nous avons démontré notre capacité à réduire la fiscalité des ménages, il faut s'y tenir. Je vous propose de retirer ces amendements, à défaut de quoi j'émettrai un avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements I-CF1191, I-CF1173 et I-CF1208.
Elle examine en discussion commune les amendements I-CF224 de Mme Marie-Christine Dalloz et les amendements identiques I-CF186 de M. Marc Le Fur, I-CF345 de Mme Véronique Louwagie et I-CF389 de Mme Émilie Bonnivard.
L'amendement I-CF224, comme l'amendement I‑CF186, propose de revenir sur une mesure profondément injuste adoptée par le Gouvernement précédent : le plafonnement du quotient familial, dispositif que le groupe Les Républicains considère comme essentiel à une politique d'encouragement de la natalité, et donc au remplacement des générations – question qu'on élude systématiquement, bien à tort. Cette réforme adoptée dans le cadre du PLF pour 2013 a durement touché les familles aux revenus moyens.
Avis défavorable. Nous avons chaque année ce débat de fond sur la fiscalité familiale : je ne crois pas qu'il faille revenir sur ce qui a été fait au cours du quinquennat précédent. Nous avons démontré, je l'ai dit, notre volonté de réduire la fiscalité des familles et de l'ensemble des ménages. Nous voulons le faire prioritairement pour ceux qui souffrent davantage de la crise. Or j'ai fait un calcul sur Leximpact : il faudrait que les revenus d'un ménage ayant trois enfants soient supérieurs à 7 000 euros pour que le foyer fiscal bénéficie d'une baisse d'impôt grâce à votre amendement. Je ne pense pas que ce soit notre cible prioritaire, même si j'entends bien que c'est davantage un débat de fond, d'idées et de principes qu'un débat fiscal. J'ajoute que la majorité a contribué à la politique de natalité depuis le dernier PLF : M. Holroyd et Mme Peyrol ont agrandi leurs familles respectives (Sourires).
(Sourires.)
Ce n'est pas seulement une question de fond, idéologique ou de principe, même si je pourrais vous taquiner sur ce point : La République en Marche ayant dérivé à droite, nous saurons le jour où vous voterez pour ce type d'amendement que vous êtes prêts à adhérer aux Républicains… Il s'agit aussi d'une question économique. On parle beaucoup de la faiblesse de la croissance potentielle. Or la démographie, selon le modèle néoclassique de Solow, est essentielle pour la croissance. La question n'est pas uniquement de savoir s'il faut aider les familles – vous aurez compris ce que j'en pense : il faut aussi avoir une réflexion économique sur la croissance potentielle. À cause du déficit démographique, on va chercher ailleurs les travailleurs, ce qui implique évidemment des coûts induits. Peut-être vaudrait-il mieux investir dans notre croissance naturelle que dans une croissance externe.
La commission rejette successivement l'amendement I-CF224 et les amendements identiques I-CF186, I-CF345 et I-CF389.
La commission adopte l'article 2 sans modification.
Après l'article 2
La commission examine les amendements identiques I-CF196 de M. Marc Le Fur et I-CF197 de M. Fabrice Brun.
L'amendement I-CF197 tend à appliquer un abattement temporaire aux revenus fonciers tirés de la location d'un bien à un jeune agriculteur. Cette mesure concrète facilitera la libération du foncier au profit de l'installation d'agriculteurs.
Ces amendements sont régulièrement redéposés chaque année, et reviendront sans doute en séance. Mon avis n'a pas changé : défavorable.
La commission rejette les amendements I-CF196 et I-CF197.
Elle est saisie de l'amendement I-CF1042 de Mme Lise Magnier.
Cet amendement permettra de mettre fin à une insécurité juridique relative à la rémunération des fonctions techniques des associés, sans contrat de travail, de sociétés ayant pour objet l'exercice d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire.
Cela me paraît une bonne idée. Afin de bien sécuriser juridiquement l'amendement, je vous propose néanmoins de le retirer et de le retravailler de concert, si possible, d'ici à la séance ; je pourrai alors lui donner un avis favorable.
L'amendement I-CF1042 est retiré.
Article additionnel après l'article 2 : Régime fiscal de la prestation compensatoire versée pour partie sous forme de rente et de la contribution aux charges du mariage
La commission examine l'amendement I-CF1013 de Mme Patricia Lemoine.
Le présent amendement a pour objet de tirer les conséquences de deux décisions prises en 2020 par le Conseil constitutionnel, en réponse à des questions prioritaires de constitutionnalité, au sujet du régime fiscal des prestations compensatoires versées en cas de divorce et de la déductibilité de la contribution aux charges du mariage.
Lorsque la prestation compensatoire est versée pour partie sous la forme d'un capital libéré dans les douze mois suivant le jugement ou la convention de divorce et pour partie sous la forme d'une rente, les versements en capital ouvriront droit à une réduction d'impôt.
Il permettra par ailleurs de déduire la contribution aux charges du mariage du revenu imposable de l'époux qui la verse, même lorsque le montant n'a pas été fixé ou homologué par le juge, les sommes admises en déduction étant corrélativement imposables entre les mains de l'époux bénéficiaire dans les conditions prévues à l'article 80 quater du code général des impôts.
C'est une proposition pertinente pour assurer le respect du principe constitutionnel d'égalité. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement I-CF1013 ( amendement 1118 ).
Après l'article 2
Elle est saisie de l'amendement I-CF1230 de M. Julien Aubert.
La suppression de l'exonération d'impôt sur le revenu pour les majorations de retraite ou de pension accordées au titre des enfants élevés ou à charge s'est traduite par un alourdissement de l'impôt pour un grand nombre de foyers fiscaux, parfois non imposables jusqu'alors. Nous proposons de revenir en arrière afin d'alléger la charge fiscale de personnes qui ont élevé des enfants.
L'avantage fiscal bénéficiait à hauteur de 40 % du total au dernier décile : je ne suis pas certain que revenir à la situation antérieure soit la priorité en temps de crise, d'autant que cela coûterait 1,4 milliard d'euros à l'État. J'émets un avis défavorable.
Ce sont traditionnellement les gens qui ont de gros revenus qui bénéficient de gros abattements d'impôt : c'est proportionnel… Les derniers déciles ont aussi le droit d'avoir des abattements fiscaux : cela aussi fait partie de la solidarité nationale, et contribue à un meilleur consentement à l'impôt.
La commission rejette l'amendement I-CF1230.
Elle examine l'amendement I-CF1221 de M. Julien Aubert.
Je propose d'exonérer d'impôt sur le revenu la rémunération d'un proche aidant versée grâce à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Ce sera une mesure de solidarité intergénérationnelle. Dans la situation de crise que nous vivons, nous avons plutôt intérêt à renforcer ce type d'aide. Si elle disparaît, cela finira inévitablement par peser sur les comptes sociaux car il faudra bien faire appel à des dispositifs d'aide de nature publique.
Si je comprends bien, votre amendement concerne un emploi familial qui est rémunéré par l'APA. Personnellement, je ne connais pas beaucoup de situations de ce type, mais il doit s'en trouver, je n'en doute pas. Ce serait un peu fromage et dessert, si vous me permettez l'expression. Je suis d'accord sur le fait que la solidarité intergénérationnelle doit absolument être améliorée et je pense qu'il y a probablement des outils pour le faire, mais je ne crois pas qu'il faille accorder un avantage fiscal en plus de l'aide sociale reposant sur le financement par l'APA de l'emploi, parce qu'il serait intrafamilial : c'est ou l'un ou l'autre. J'émets un avis défavorable.
L'amendement I-CF1221 est retiré.
La commission est saisie de l'amendement I-CF1330 de M. Jean-Noël Barrot.
En vue de renforcer les fonds propres des entreprises, l'amendement I-CF1330 propose d'autoriser le transfert de jours épargnés dans le cadre du compte épargne-temps (CET) ou de jours de repos, en l'absence de CET, vers un plan d'épargne d'entreprise, à condition que les sommes concernées servent à l'acquisition de titres de l'entreprise ou de parts ou actions de fonds d'actionnariat.
Nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen des projets de loi de finances rectificative (PLFR). M. Barrot avait lui-même reconnu que la défiscalisation proposée visait essentiellement à rendre l'amendement recevable en loi de finances : la vraie volonté politique était de porter de dix à vingt le nombre de jours pouvant être transférés du CET vers un plan d'épargne d'entreprise. Je vous propose de retirer votre amendement, comme précédemment cette année, et d'en redébattre éventuellement en séance publique.
L'amendement I-CF1330 est retiré.
La commission examine l'amendement I-CF75 de M. Fabrice Brun.
Nous nous sommes demandé comment soutenir à la fois le pouvoir d'achat de nos concitoyens, en particulier les salariés, et le commerce de proximité. L'amendement I-CF75 tend à doubler le plafond dans la limite duquel les bons d'achat et les cadeaux attribués aux salariés peuvent bénéficier d'une exonération – ledit plafond passerait de 169 à 338 euros. Ce sera une prime au pouvoir d'achat, servant à des dépenses dans les commerces de proximité. Tout le monde y gagnera : les salariés, les employeurs et nos commerçants.
Le fait que cet amendement permette de sécuriser juridiquement ces exonérations me paraît intéressant. En revanche, je ne souhaite pas que soient modifiés le champ et les modalités d'application actuels de ces exonérations. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de le retravailler ensemble d'ici à la séance, dans le seul objectif de sécuriser le dispositif.
Vous avez raison d'insister sur la sécurisation juridique. Une jurisprudence pourrait mettre en danger ces exonérations. Je suis prêt à retirer mon amendement et à le retravailler en vue de la séance, dans l'espoir d'obtenir alors un avis favorable.
Ce qui est étonnant dans ce dispositif, c'est que ce soit une décision administrative qui définisse l'assiette de l'impôt.
C'est une situation totalement anticonstitutionnelle. On ne peut pas accepter des exonérations sans base législative. Cet amendement est plein de bon sens ; reste à savoir comment le calibrer, et à quel niveau.
L'amendement I-CF75 est retiré.
La commission examine en discussion commune les amendements I-CF346 et I-CF347 de Mme Véronique Louwagie.
Nous avons un réel problème d'attractivité vis-à-vis des professionnels de santé dans nos territoires ruraux. Des dispositifs fiscaux avantageux pour l'installation de médecins libéraux ont été adoptés sous les deux précédentes législatures mais il existe une disparité avec les professionnels hospitaliers. Ces deux amendements, le second étant de repli, visent à appliquer aux praticiens hospitaliers les incitations fiscales dont bénéficient les médecins libéraux. La crise de la covid-19 vient de montrer que nous avons besoin de professionnels de santé dans nos hôpitaux partout sur le territoire national.
C'est un sujet important : on ne peut pas ignorer la question des personnels médicaux exerçant en milieu rural. Mais pourrait-on y répondre grâce à votre amendement ? Je ne le pense pas. L'exonération d'IR a du sens dans le cas des médecins libéraux : ils sont exposés à une prise de risque que ne connaissent pas, par définition, les personnels médicaux salariés – ou alors c'est d'une manière différente. Mais dans le cas de ces derniers, je ne crois pas que la réponse doive passer par une exonération de l'impôt sur le revenu.
Il faudrait, en revanche, mieux mettre en lumière certaines mesures récentes prises spécifiquement pour les zones sous-denses et regarder davantage leur efficacité, qu'il s'agisse de l'exonération de contribution foncière des entreprises (CFE), adoptée grâce à M. Dive, des exonérations de cotisations sociales pour les jeunes médecins introduites par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, ou encore de celles sur les rémunérations au titre de la permanence des soins. Même si cela concerne davantage la sécurité sociale que le budget de l'État, il faudrait peut-être réaliser un contrôle et une évaluation assez fine du fonctionnement de ces dispositifs dans les zones sous-denses. Nous devrions faire un point d'étape rapidement pour voir si les choses ont commencé à bouger : je rappelle qu'une des priorités de la stratégie Ma Santé 2022 était de lutter contre la désertification médicale en zone rurale. En attendant, avis défavorable sur ces deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements I-CF346 et I-CF347.
Elle est saisie des amendements identiques I-CF3 de M. Marc Le Fur, I-CF24 de M. Pierre Cordier et I-CF114 de M. Dino Cinieri.
Ces amendements visent à alléger les cotisations des entreprises sur les heures supplémentaires afin de leur permettre de se relancer dans le contexte actuel.
Nous avons adopté une disposition temporaire de bon aloi dans une loi de finances rectificative cette année : nous avons intérêt à revenir, à partir de 2021, au droit commun, c'est-à-dire aux conditions prévues dans le cadre des mesures d'urgence de la fin de l'année 2018. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements I-CF3, I-CF24 et I-CF114 .
Elle examine en discussion commune les amendements identiques I-CF1 de M. Marc Le Fur et I-CF22 de M. Fabrice Brun, ainsi que les amendements identiques I-CF10 de M. Pierre Cordier, I-CF111 de M. Dino Cinieri et I-CF762 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Alors que notre pays connaît une relance en accordéon dans de nombreux secteurs, nous gagnerions à faire preuve de davantage de flexibilité et à encourager davantage les acteurs économiques à récompenser les efforts. Dans cet esprit, l'amendement I-CF22 a pour objet d'étendre la défiscalisation des heures supplémentaires. C'est une mesure de soutien du pouvoir d'achat simple, concrète et efficace. L'amendement I-CF10 a le même objet.
La loi de finances rectificative du 25 avril 2020 a modifié l'article 81 quater du code général des impôts en prévoyant que les heures supplémentaires effectuées par les salariés du 16 mars 2020 à la fin de l'état d'urgence sanitaire, soit le 10 juillet au soir, seraient exonérées d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales dans la limite de 7 500 euros par an, alors que le plafond était de 5 000 euros depuis le 1er janvier 2019. L'amendement I‑CF111, comme l'amendement I-CF1, vise à prolonger cette mesure jusqu'au 31 décembre prochain.
La reprise d'activité étant très variable selon les secteurs, il convient d'accompagner les entreprises qui ont un besoin ponctuel de main-d'œuvre supplémentaire et qui, n'étant pas enclines à recruter dans le contexte actuel, préfèrent s'appuyer sur le savoir-faire de leurs salariés en poste. Voilà pourquoi notre amendement I‑CF762 tend lui aussi à reconduire le dispositif temporaire précédemment adopté.
La commission rejette les amendements identiques I-CF1 et I-CF22, puis elle rejette les amendements identiques I-CF10, I-CF111 et I-CF762.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF112 de M. Dino Cinieri et I-CF33 de M. Fabrice Brun.
L'amendement I-CF112 vise à mieux reconnaître le rôle de l'ensemble des soignants qui ont été en première ligne pendant la crise du covid-19 en relevant le plafond de l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires effectuées par les personnels soignants, médicaux, paramédicaux et ambulanciers visés par le décret du 11 juin 2020.
L'amendement I-CF33 vise à améliorer le pouvoir d'achat et cible les soignants, les ambulanciers et les professions paramédicales ayant effectué des heures supplémentaires lorsqu'ils étaient en première ligne face au covid. À cette fin, il relève le plafond de l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires pour les personnes concernées par le décret du 11 juin 2020.
Même avis défavorable que pour les précédents amendements, non parce que le sujet n'est pas intéressant, mais parce que je ne souhaite pas que nous modifiions les dispositions relatives aux heures supplémentaires pour 2021. Le Ségur de la santé fournit l'occasion d'aborder ces débats. Nous serons attentifs aux avancées en direction de ces publics lors de l'examen du PLFSS.
La commission rejette successivement les amendements I-CF112 et I-CF33.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l'amendement I‑CF348 de Mme Véronique Louwagie.
Elle en vient ensuite aux amendements identiques I-CF76 de M. Fabrice Brun et I‑CF255 de Mme Marie-Christine Dalloz.
L'objet de l'amendement I-CF255 est de fournir rapidement du travail aux entreprises du bâtiment et des travaux publics tout en s'attaquant au problème des passoires thermiques. En permettant aux bailleurs sociaux de déduire sans limite de leur revenu les déficits fonciers issus de travaux de rénovation thermique, on traiterait la question environnementale chère à la majorité tout en permettant aux entreprises locales de programmer leur activité pour les mois à venir.
En PLFR 3, nous nous étions demandé quels étaient les meilleurs outils fiscaux et d'aide publique pour inciter à la rénovation thermique des bâtiments. C'est l'une des priorités du plan de relance, notamment grâce à l'extension bienvenue de MaPrimeRénov'à de nouveaux foyers, mais aussi aux propriétaires bailleurs, comme le demandait très pertinemment le président de notre commission.
Exclure les dépenses de rénovation énergétique de la limite applicable aux déficits fonciers déductibles du revenu ferait doublon avec ce dispositif. Concentrons nos efforts sur la bonne application de MaPrimeRénov', qui n'est pas une mince affaire – il faudra un gros choc de simplification auquel nous, parlementaires, devrons travailler. De plus, le mécanisme du déficit foncier est déjà très avantageux, puisqu'il échappe notamment au plafonnement global des niches fiscales.
Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur général, si vous n'êtes pas favorable à l'amendement, le seriez-vous à un relèvement du plafond de 10 700 euros pour l'imputabilité des déficits fonciers sur le revenu global, qui n'a pas été modifié depuis des années ? Si oui, je déposerai un amendement en ce sens.
Plutôt que d'exclure certains types de travaux du plafond, pourquoi ne pas relever celui-ci, inchangé, de mémoire, depuis au moins quinze ans, et qui n'a jamais été indexé sur le coût de la construction, par exemple ?
Le montant du plafond est suffisamment généreux et la durée d'imputation sur les revenus fonciers est longue : le dispositif est clairement avantageux.
L'imputation du surplus éventuel de déficit foncier sur les revenus fonciers est tout de même possible pendant dix ans ! Je ne suis pas certain que les pays voisins proposent un avantage fiscal équivalent.
Si vous souhaitez que nous ayons ce débat, mes chers collègues, déposez des amendements pour actualiser le plafond.
La commission rejette les amendements I-CF76 et I‑CF255.
Suivant l'avis du rapporteur général, elle rejette ensuite l'amendement I-CF190 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Puis elle aborde l'amendement I-CF1231 de M. Julien Aubert.
Cet amendement vise les catégories de contribuables les plus fragiles : les personnes âgées de plus de 65 ans et celles qui sont frappées d'invalidité, très dépendantes de la politique de revalorisation des pensions et allocations. Nous proposons de doubler le montant de l'abattement spécifique qui les concerne déjà, afin de compenser l'augmentation de la CSG et de l'indice des prix à la consommation et de mieux les armer face à la tempête qui s'annonce.
Avis défavorable. D'une manière générale, je plaide pour la stabilité de la fiscalité des ménages. Plusieurs mesures s'appliquent déjà aux publics cités, dont l'abattement de 10 % sur les pensions de retraite et la majoration de quotient familial destinée aux contribuables invalides. Nous avons allégé la fiscalité des ménages de 22 milliards d'euros depuis 2017.
On ne doit répondre à la crise ni par une hausse d'impôts pour les particuliers, ni non plus, raisonnablement, par une baisse. Il faut appréhender la trajectoire de nos finances publiques. Nous réduisons les impôts des entreprises et nous leur apportons des aides publiques au nom de la compétitivité et de l'emploi, mais, je le répète, je ne souhaite pas que nous touchions à la fiscalité des ménages. Tous les amendements en ce sens recevront le même avis défavorable.
J'imagine que vous avez la même position « raisonnable » concernant la dette, l'explosion des dépenses et les hypothèses de croissance qui sous-tendent le budget…
La commission rejette l'amendement I-CF1231.
Elle en vient à l'amendement I-CF349 de Mme Véronique Louwagie.
Cet amendement permettrait d'anticiper le problème du financement de la dépendance grâce à un financement personnel par l'intermédiaire des rentes viagères.
Outre que le coût de l'amendement n'est pas chiffré, c'est un débat global et consolidé qu'il faudra, sans tarder, consacrer au financement de la dépendance. Nous avons créé la cinquième branche de la sécurité sociale et le cinquième risque : il faudra trouver les moyens de financement correspondants. Cela concerne notre voisine la commission des affaires sociales, mais nous devrons avoir une réponse à cette question dès cet automne.
La commission rejette l'amendement I-CF349.
Article additionnel après l'article 2 : Ajustement de la réforme de l'imposition des contribuables non-résidents.
La commission aborde alors l'amendement I-CF1044 de Mme Anne Genetet.
Cet amendement un peu technique concerne les revenus de source française des contribuables qui ne résident pas en France. Ces derniers sont quelque 240 000, dont de nombreux retraités – tous ne sont pas français – et des transfrontaliers. Dans leur cas, le mécanisme de collecte de l'impôt est assez complexe.
Il y a deux ans, la direction du trésor nous avait proposé une réforme qui aurait notamment conduit à augmenter de 400 % l'impôt dû par les contribuables relevant d'une certaine tranche de revenus. Ce n'était pas envisageable. Grâce à un travail de construction conjointe très bien menée depuis un an, et à la suite d'un rapport gouvernemental qui nous a été remis mi-juillet, nous avons trouvé un moyen de stabiliser la réforme et d'éviter une explosion du montant de l'impôt dû par les contribuables non-résidents, qui pour certains d'entre eux aurait été proprement dramatique.
Cet amendement vient enfin résoudre une difficulté posée par la réforme de la fiscalité des non-résidents. Il traduit l'issue trouvée avec le Gouvernement en juillet et dont je me réjouis. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement I-CF1044 ( amendement 1119 ).
Après l'article 2
La commission examine ensuite les amendements identiques I-CF108 de M. Fabrice Brun et I‑CF303 de Mme Marie-Christine Dalloz.
L'amendement I-CF108 fait partie des marronniers dont vous parliez, monsieur le rapporteur général – il conviendrait plutôt de parler de châtaigniers pour nous autres Ardéchois. Il tend à rétablir la demi-part fiscale pour l'ensemble des veufs et veuves ayant eu un enfant, au lieu de la limiter à ceux et celles qui en ont eu la charge pendant cinq ans.
Mon amendement I-CF303 a le même objet. Certes, une amélioration a été apportée au dispositif l'année dernière, en loi de finances initiale, pour certains veufs et veuves, mais malgré cette avancée, pas moins de 2 millions de personnes à ma connaissance restent lourdement pénalisées du point de vue fiscal par la suppression de la demi-part. Monsieur le rapporteur général, quelle est votre estimation du nombre total de personnes concernées compte tenu des mesures prises l'an dernier ?
Je manque un peu de recul à ce sujet, mais je veux bien y travailler avec vous, madame Dalloz, car je comprends que vous souhaitiez en savoir plus.
Monsieur Brun, je l'ai dit, je ne souhaite pas que l'on touche à la fiscalité des ménages cette année, outre le coût élevé que représenterait la mesure pour nos finances publiques. Rappelons que la suppression de la demi-part fiscale, en sifflet, a été entamée sous le gouvernement Fillon.
C'est vrai. Son rétablissement est en effet un marronnier, et certains le défendent depuis le début de la législature. Le débat est important. Mais il faut prendre en considération la situation des veufs et des veuves d'aujourd'hui, notamment du point de vue professionnel. Auparavant, la demi-part fiscale bénéficiait, à la mort de leur époux, aux femmes n'ayant jamais travaillé. Il serait donc bon de procéder à une étude qualitative sur le pouvoir d'achat des veufs et veuves d'aujourd'hui.
Je rappelle que le dispositif existe toujours, mais sous certaines conditions, dont le fait d'avoir élevé un enfant seul pendant cinq ans.
C'étaient d'ailleurs quasiment les mêmes qui encadraient le dispositif lorsqu'il a été créé…
Rappelons qu'à l'origine de la réforme de la demi-part, il y a une décision du Conseil constitutionnel, qui a relevé l'inconstitutionnalité de ce dispositif tel qu'il existait alors. En effet, il ne peut y avoir d'avantage fiscal sans contrepartie d'intérêt général ; quelle était-elle dans ce cas ? Le dispositif créait de fait des situations d'inégalité devant l'impôt. Il ne bénéficie plus, à la suite d'un amendement de votre serviteur, qu'aux veufs et veuves ayant élevé un enfant seuls pendant au moins cinq ans – car il y a là une contrepartie. Il faut donc faire très attention à l'aspect constitutionnel.
Ne refaisons pas l'histoire : la suppression de la demi-part a été difficile à vivre, mais elle était, au fond, juste vis-à-vis de beaucoup de contribuables. Vous ne mesurez pas à quel point le dispositif était injuste pour ceux qui n'en bénéficiaient pas. En outre, sa suppression a pris beaucoup de temps. Mais le sujet a marqué durablement les esprits.
La commission rejette les amendements I-CF108 et I‑CF303.
Elle en vient ensuite à l'amendement I-CF26 de M. Fabrice Brun.
Cela a été évoqué tout à l'heure, nous avons fait adopter l'an dernier des amendements rétablissant la demi-part fiscale pour les veuves âgées de plus de 74 ans, à condition que le mari ait perçu une pension militaire ou ait été titulaire d'une carte d'ancien combattant. La disposition qui en est issue s'appliquera au 1er janvier 2021. Nous proposons de ramener cette condition d'âge à 70 ans.
Je me suis toujours interrogé sur la constitutionnalité de la limite d'âge en la matière. Que celle-ci soit de 70 ou de 74 ans, la règle n'en est pas moins insensée ! Au passage, la mesure proposée ne coûterait pas grand-chose, selon les simulations que nous avons précédemment faites, car les personnes concernées sont très peu nombreuses. Mais, sans même discuter du fond, la limite d'âge vous paraît-elle constitutionnelle, monsieur le rapporteur général ? Comment justifier cela au regard du principe d'égalité ?
Les mesures d'âge existent en matière de fiscalité ; le droit constitutionnel ne les interdit pas, et le Conseil n'a en tout cas jamais censuré celle dont nous parlons.
Mais, en l'occurrence, il y a une rupture d'égalité manifeste : de deux veuves qui ont le même revenu, l'une aura droit à la demi-part et pas l'autre. Si j'avais poussé des associations d'anciens combattants à poser une question prioritaire de constitutionnalité à ce sujet, je pense qu'elles auraient gagné. Ne devrions-nous pas supprimer la condition d'âge avant d'en arriver là ?
La commission rejette l'amendement I-CF26.
Puis elle examine l'amendement I-CF1220 de M. Julien Aubert.
Nous proposons de créer un « quotient solidarité aîné » sous la forme d'une demi-part supplémentaire pour tout contribuable accueillant sous son toit un ascendant en perte d'autonomie et lui apportant une aide humaine ou matérielle.
Les pensions alimentaires versées aux ascendants sans ressources sont entièrement déductibles du revenu imposable.
Lorsque l'ascendant est hébergé chez le contribuable. Mais elles sont bien déductibles : une mesure fiscale existe en la matière.
Avis défavorable.
Je comprends votre argumentation, mais la solidarité intergénérationnelle est une vraie question. Ne nous voilons pas la face : nous avons vu ce qu'il est advenu dans les EHPAD pendant la crise sanitaire ; beaucoup de personnes préféreraient s'occuper de leurs ascendants eux-mêmes, mais ne peuvent pas le faire parce que les dispositifs fiscaux ne suffisent pas.
Une mesure comme celle que je propose permettrait également de simplifier la situation – il s'agit en quelque sorte d'un amendement d'appel. Dans le droit fiscal, la majoration de quotient familial ne s'applique que si l'ascendant est titulaire d'une carte d'invalidité. Et si vous rattachez à votre foyer votre père et votre mère, ils doivent tous deux en être titulaires et présenter chacun une invalidité d'au moins 80 %. Pourtant, la perte d'autonomie commence dès 60 % ; et vous n'allez pas séparer vos parents si votre père est invalide tandis que votre mère ne l'est pas.
Puisque l'on réfléchit au financement de la dépendance, ne pourrait-on envisager des moyens d'en alléger le coût tout en simplifiant les règles ? La déductibilité des pensions peut donner des résultats très hétérogènes selon les foyers et la structure familiale. Je suis à votre disposition pour retravailler la question d'ici à la séance publique.
La commission rejette l'amendement I-CF1220.
Elle aborde ensuite l'amendement I-CF881 de M. Éric Coquerel.
Cet amendement est le premier d'une série visant à procurer davantage de recettes pour l'État à travers les impôts tout en améliorant la justice fiscale. Nous le redéposons à chaque projet de loi de finances, mais il est rendu d'autant plus nécessaire par la crise du covid, qui entraîne une baisse des recettes de l'État – vous n'y allez pas de main morte avec les impôts de production, nous y reviendrons – et fait exploser les inégalités.
Il s'agit de réintroduire quatorze tranches d'imposition sur le revenu. La fiscalité française est de moins en moins progressive : les impôts progressifs y deviennent toujours plus minoritaires, de sorte que l'impôt perd sa dimension redistributive.
En outre, cette perte de progressivité favorise les plus riches. Selon l'INSEE, pour les 1 % les plus riches qui cumulent revenus du travail, revenus du capital et revenus exceptionnels, seuls 51 % de ces revenus sont soumis à l'impôt sur le revenu, le reste étant soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) que vous avez institué. Et pour les 0,1 % les plus riches, la part descend à 43 %. Il faut corriger cette inégalité que vous avez non pas instituée, mais renforcée.
Outre qu'elle permet plus d'égalité, la mesure que nous vous proposons permettrait selon LexImpact de faire économiser 723 euros d'impôt par an à un célibataire avec un enfant gagnant 2 500 euros par mois, tandis qu'elle accroîtrait substantiellement le montant des impôts d'un célibataire gagnant 30 000 euros par mois. Elle serait bénéfique pour 91 % de la population ; seuls les 9 % les plus aisés paieraient davantage d'impôt sur le revenu. En outre, elle apporterait plus de recettes à l'État. Je suis donc sûr que vous aurez à cœur de voter notre amendement !
Avis défavorable. Votre amendement à quatorze tranches, que vous redéposez en effet régulièrement, crée pour la dernière tranche un taux marginal d'imposition de 90 %. Les contributions additionnelles le porteraient à plus de 100 %. Le Conseil constitutionnel censurerait la disposition bien avant qu'on n'en arrive là…
Lors de crises très graves, dans d'autres pays, y compris les États-Unis d'Amérique, le taux d'imposition a été encore plus élevé : votre argument ne tient donc pas. Et il resterait suffisamment d'argent aux personnes en question pour vivre dans l'aisance.
La commission rejette l'amendement I-CF881.
Elle aborde ensuite l'amendement I-CF884 de M. Éric Coquerel.
Toujours dans le but d'améliorer la justice fiscale et les recettes de l'État, nous proposons, tout en préservant le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, d'éviter les effets d'aubaine qui peuvent en résulter pour les plus riches.
En 2015, la réduction moyenne d'impôt obtenue grâce à ce dispositif était de 625 euros. Nous suggérons donc d'abaisser au niveau de cette somme le montant maximal pouvant être touché au titre du crédit d'impôt. Le plafond actuel de 12 000 euros paraît effectivement très élevé : seuls quelques ménages privilégiés peuvent se permettre de telles dépenses de personnel. Ce plafond ne devrait être conservé que pour l'assistance aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap ou ayant besoin d'une aide personnelle.
Aujourd'hui, le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile permet une forme d'optimisation fiscale. Il fait partie de ceux qui coûtent le plus cher à l'État – 5,2 milliards d'euros selon les prévisions pour 2020. Notre réforme le rendrait plus juste tout en en préservant l'efficacité pour la plupart des Français.
Votre amendement exclut massivement les contribuables des classes moyennes employant un salarié à domicile pour la garde des enfants ou pour faire le ménage et auxquels le crédit d'impôt permet de payer ces services à un prix acceptable. C'est aller beaucoup trop loin : l'abaissement proposé du plafond exclut trop de Français du dispositif alors que les emplois en question leur sont utiles au quotidien. Ce n'est pas une bonne solution de sortie de crise.
En revanche, je suis d'accord pour dire que nous devons plus généralement réfléchir à cette dépense fiscale, peut-être en nous interrogeant sur un plafond par nature de dépenses. Début 2020, j'avais organisé des tables rondes sur la dépense fiscale ; la crise du covid a malheureusement suspendu ces travaux. J'espère les reprendre dès le premier trimestre 2021. En tout cas, le crédit d'impôt pour services à la personne mérite sans doute d'être retravaillé, car il ouvre par endroits probablement la porte à certains abus.
Avis défavorable.
J'ai entendu l'an dernier le même argument de la part de la majorité. Je veux bien qu'il faille un autre plafond que celui que nous proposons ; mais quand le plafond actuel sera-t-il révisé ? Vous évoquez la possibilité de travailler à un amendement ou à une réforme en ce sens l'an prochain, mais je crains que, d'année en année, nous n'arrivions à la fin de la législature sans que rien n'ait été fait.
La commission rejette l'amendement I-CF884.
Elle examine alors l'amendement I-CF115 de M. Dino Cinieri.
Depuis plusieurs années, les agriculteurs sont de plus en plus fréquemment victimes d'actes de malveillance de la part d'associations activistes. Afin de lutter contre l' agribashing, notre amendement vise à exclure du bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 200 du code général des impôts les dons aux associations dont les adhérents sont reconnus coupables d'actes d'intrusion ou de violence vis-à-vis des professionnels.
Nous avons eu ce débat avec Marc Le Fur en séance lors de l'examen du PLFR 3.
Je partage totalement votre indignation ; nous sommes nombreux à la ressentir, et cela va mieux en le disant. Simplement, la réponse à apporter au phénomène n'est pas fiscale – mais je comprends bien que votre amendement est d'appel –, mais pénale ; elle doit être ferme, rapide et exemplaire. J'espère que les crédits que nous consacrons à la justice permettront de réagir plus vite à ces incivilités qui sont des agressions, particulièrement préoccupantes pour le monde agricole. La plus grande fermeté s'impose.
La commission rejette l'amendement I-CF115.
Elle en vient aux amendements identiques I-CF187 de M. Marc Le Fur et I-CF188 de M. Fabrice Brun.
L'amendement I-CF188 vise à porter à 1 000 euros le plafond des dons aux associations caritatives déductibles du revenu au titre du dispositif dit Coluche, afin d'encourager les petits donateurs.
Vous proposez en fait de pérenniser une mesure que nous avons votée en PLFR 2. Je n'y suis pas favorable : réservons-la pour 2020, le cœur de la crise. Nous verrons si elle a fait augmenter le volume des dons ; mais, à voir la consommation des ménages et la prudence dont ils font montre, ce n'est pas certain. Profitons de la saison budgétaire pour rappeler, notamment au sein de nos circonscriptions, que le plafond a été relevé et que nos concitoyens peuvent consacrer leur épargne à l'aide aux associations caritatives qui soutiennent les plus fragiles d'entre nous. Les mesures temporaires prévues pour 2020 doivent le rester. Si, par malheur, la crise devait se poursuivre en 2021, voire empirer, nous en reparlerions.
C'est justement parce que nous voyons l'état de la consommation et des tensions affectant le pouvoir d'achat que nous souhaitons pérenniser la mesure : elle délestera les Français d'une partie de leur épargne pour la transférer au tissu associatif qui, lui aussi, souffre énormément des pertes de recettes dues au covid puisqu'il lui est impossible d'organiser des manifestations.
La commission rejette les amendements identiques I-CF187 et I-CF188.
Puis elle examine l'amendement I-CF1198 de M. Marc Le Fur.
Le deuxième alinéa du 2° de l'article 200 du code général des impôts prévoit que le bénévole œuvrant pour une association peut renoncer aux frais afférents à son bénévolat en échange d'un reçu fiscal ouvrant droit à une réduction d'impôt.
Beaucoup de bénévoles qui se mettent au service d'associations sont dans une situation financière précaire et, souvent, non imposables. En leur donnant droit à un crédit d'impôt plutôt qu'à une réduction d'impôt, nous proposons une mesure de justice sociale assurant l'égalité de traitement entre bénévoles imposables et non imposables : les crédits d'impôt s'appliquent dans les deux cas, alors que les réductions ne bénéficient qu'à ceux qui sont imposables.
Vous le savez, je ne suis qu'exceptionnellement favorable à l'ouverture de nouveaux crédits d'impôt : notre impôt sur le revenu est déjà suffisamment mité. Quand bien même la mesure serait pertinente, mieux vaut aider directement les associations que créer un crédit d'impôt sur le bénévolat. Ce dont les associations ont besoin, c'est de ressources pour pouvoir rembourser les frais avancés par les bénévoles : il est bien plus facile d'aider financièrement les associations à les prendre en charge sous forme de notes de frais que d'introduire un nouveau mécanisme fiscal au bénéfice des bénévoles. Les circuits de financement doivent rester simples.
Je profite de l'occasion pour rappeler les mesures du plan de relance destinées au tissu associatif : l'aide à l'emploi dans les associations sportives, ce que M. Dirx pourra confirmer, d'un montant de 10 millions d'euros en 2020 et 15 millions en 2021, qui se traduit par une aide de 10 000 euros par embauche versée à l'Agence nationale du sport pour soutenir les nouveaux emplois en 2020, 2021 et 2022 ; l'augmentation du nombre de parcours emploi compétences au sein des associations ; les 20 millions d'euros de crédits supplémentaires pour le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation prioritaire ; enfin, la montée en puissance du service civique – sans compter les outils de droit commun comme le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), par exemple.
Voilà pour le volet associations du plan de relance. En outre, des dispositifs fiscaux existent. Il faut renforcer financièrement les associations : vous me trouverez à vos côtés pour le faire. Nous pourrions muscler davantage le FDVA en cette fin d'année afin de les récompenser pour leur action pendant la crise du covid ou de compenser les pertes de recettes qu'elles ont subies, par exemple à cause de la baisse du nombre de licences pour les associations sportives. Nous avons effectivement besoin de nous concentrer sur le tissu associatif, mais peut-être cela relève-t-il davantage d'un PLFR de fin d'année que du PLF pour 2021.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement I-CF1198.
Elle examine ensuite l'amendement I-CF887 de Mme Sabine Rubin.
Il s'agit de mieux répartir les réductions d'impôt pour les dons versés aux candidats à des élections. Là encore, tout cela manque de justice fiscale ! L'idée est d'y remédier en rendant dégressives les réductions d'impôt au titre des dons des particuliers aux partis politiques.
L'injustice vient d'abord du fait que les seuls à pouvoir bénéficier de ces réductions d'impôt sont ceux qui en paient ; en d'autres termes, le coût global pour la collectivité ne bénéficie qu'à une partie de la population. Une fois de plus, le système actuel profite avant tout à ceux qui paient le plus d'impôts : ainsi, le taux de la réduction est de 66 % sur des dons plafonnés à 7 500 euros. Or seuls les ménages assujettis à l'impôt sur le revenu, à savoir les 43 % des ménages les plus fortunés, peuvent en bénéficier. On peut donc considérer que l'ensemble des Français assument le coût d'une réduction dont profitent seulement ceux qui peuvent donner jusqu'à 7 500 euros.
Nous proposons un mécanisme plus juste.
Je pourrais vous faire la même réponse que celle que Julien Aubert m'a faite tout à l'heure : par définition, c'est celui qui peut donner le plus qui bénéficie du plus grand avantage fiscal. Qui plus est, il n'est pas certain qu'un barème dégressif suffirait à produire l'effet voulu, et il ne faudrait pas mettre en péril les ressources financières déjà fragiles des partis. Avis défavorable.
Les réductions d'impôt à ce titre représentent 56 millions d'euros par an, soit presque autant que le financement des partis ou le remboursement des dépenses de campagne. Or elles s'appuient sur un système inégal qui favorise de facto les plus gros donateurs : cela ne peut qu'avoir des répercussions sur l'aide à tel ou tel parti. Il convient donc de réformer ce système. J'entends vos arguments, mais pour cette réforme non plus, n'attendez pas que votre mandat soit terminé. Sinon, ce sera pour le coup d'après…
La commission rejette l'amendement I-CF887.
La commission examine l'amendement I‑CF42 de M. Marc Le Fur.
L'article 204 J du code général des impôts permet au contribuable de demander une modulation de son taux de prélèvement, afin de tenir compte des évolutions de sa rémunération ou de certains changements de situation ayant une incidence sur le niveau de ses revenus. Nombre de contribuables vont avoir recours à cette possibilité dans le cadre de la crise du covid‑19. Ceux dont le revenu a diminué en raison de la crise sanitaire se verront en effet appliquer un taux d'imposition calculé sur la base des revenus de l'année 2019. Ce taux ne tiendra par conséquent pas compte des baisses de revenus des mois de mars à mai 2020, particulièrement pour les salariés concernés par le chômage partiel. Ces contribuables ont la possibilité, pour éviter d'avancer un impôt qui ne leur sera remboursé qu'à l'été 2021, après la déclaration de leurs revenus de 2020, de demander une modulation de leur taux. Toutefois, pour que ces demandes soient acceptées, l'écart entre le taux de prélèvement actuel et celui résultant du nouveau taux doit être, en vertu de l'article 204 J, de plus de 10 %. Il résulte de cette disposition que de nombreux contribuables ne pourront avoir recours à la modulation.
Monsieur Cinieri, nous sommes bien d'accord sur le fait que le pourcentage dont nous parlons correspond à l'écart entre le montant du prélèvement estimé par le contribuable au titre de sa situation et de ses revenus de l'année en cours et celui qu'il se voyait appliquer l'année précédente. Le passage de 10 % à 5 % risquerait de créer un effet d'aubaine en incitant certains contribuables à se faire de la trésorerie, en quelque sorte. Le taux de 10 % est un bon taux, qui laisse une marge d'appréciation tout en évitant les effets de bord. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement I‑CF42.
Elle examine, en discussion commune, les amendements I‑CF882 de Mme Sabine Rubin, ainsi que les amendements I‑CF771 et I‑CF772 de Mme Émilie Cariou.
Cet amendement I‑CF882, que nous avons déjà présenté l'an dernier, est d'autant plus pertinent aujourd'hui, alors que chacun devrait contribuer à surmonter la crise en fonction de ses revenus. Il vise à multiplier par trois la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), qui ne concerne que les revenus annuels supérieurs à 250 000 euros, soit des personnes qui peuvent se permettre de financer un peu plus nos services publics, d'autant que ce sont elles qui ont été les grandes gagnantes de la baisse des impôts depuis une trentaine d'années. Notre proposition s'inspire des travaux de l'économiste Julia Cagé.
Le groupe Écologie, Démocratie, Solidarité souhaite que les très hauts revenus, comme les très grandes entreprises multinationales, contribuent à la sortie de crise de manière exceptionnelle. L'amendement I‑CF771 vise à augmenter les taux de la CEHR, créée par Nicolas Sarkozy et présentée à l'époque comme un gage de sérieux budgétaire, de 0,3 point pour les revenus supérieurs à 250 000 euros et de 0,5 point pour les revenus supérieurs à 500 000 euros, et à supprimer la familialisation. Cela nous permettrait de récupérer environ 200 millions d'euros par an et d'envoyer un signal. C'est un outil très simple pour faire contribuer les plus hauts revenus au financement de la sortie de crise.
L'amendement de repli I‑CF772 vous propose les mêmes taux, sans toucher à la familialisation. Il permettrait à l'État de gagner 100 millions d'euros. Grâce à une telle justice fiscale, chacun contribuerait à la hauteur de ses moyens au financement de la sortie de crise. Cela nous paraît tout à fait faisable, très rapidement.
Faisable, monsieur Orphelin, ça l'est assurément ; souhaitable, je ne sais pas. L'enjeu de ces amendements, en réalité, n'est pas tant de produire des recettes fiscales – avec quelques centaines de millions d'euros, nous sommes loin de nos besoins de financement pour faire face à la crise et à la relance – que d'en faire un symbole de justice sociale. Je ne suis pas défavorable à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ; du reste, la CEHR existe toujours. Je considère seulement, de façon un peu clinique, qu'en France les hauts revenus sont correctement taxés, et c'est un euphémisme : en additionnant l'impôt sur le revenu, la CEHR et toutes les autres contributions, on dépasse les 65 %. Notre impôt sur le revenu est le plus redistributif ; il est quasiment sans équivalent dans le monde. Vous me direz qu'il ne représente que 7 % des ressources de l'État, mais c'est un autre débat… Les 10 % les plus riches de notre pays paient 60 % de l'impôt sur le revenu.
On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de redistribution fiscale. Or vos amendements laissent penser que, face à la crise, les riches ne paient pas. Cela n'est pas vrai : le mécanisme fiscal de redistribution fonctionne. Cela étant, la fiscalité est un message envoyé aux contribuables, et c'est bien la raison pour laquelle je tiens à une stabilité fiscale pour la sortie de crise. Si ce principe évoluera peut-être dans quelques années en fonction de nouvelles trajectoires budgétaires, je vous livre ma conviction en tant que rapporteur général à l'automne 2020 : augmenter la fiscalité des ménages, quels qu'ils soient, serait un signal négatif pour la consommation et l'investissement individuels. Avis défavorable.
Nous voterons ces deux amendements. Lors du débat sur le PLFR 1, monsieur le rapporteur général, nous avions déjà eu cette discussion. J'avais présenté des amendements pour dire qu'à une situation exceptionnelle devait répondre une contribution exceptionnelle des hauts revenus. Vous aviez alors semblé sensible à mon argument. Or, dans ce PLF, quelle est la contribution exceptionnelle que vous demandez aux plus hauts revenus, sachant que l'INSEE vient de montrer que, plus on grimpe dans la hiérarchie des revenus, mieux on se porte, et que le niveau de vie des 5 % les plus aisés a augmenté de 1,2 % ? Or nous n'avons relevé les tranches que de 0,2 %…
Monsieur le rapporteur général, pourquoi quelqu'un d'aussi intelligent dit‑il des choses aussi fausses ? Vous ne pouvez pas dire que le système fiscal français fait en sorte que les plus riches paient plus d'impôts. Certes, vous pouvez le dire sur l'impôt sur le revenu, mais vous savez comme moi qu'il pèse de moins en moins dans la fiscalité française. Thomas Piketty a écrit beaucoup de pages sur ce sujet et a montré que, globalement, l'impôt était devenu régressif et anti‑redistributif. Les personnes les plus riches ont, en réalité, un poids fiscal moindre que les classes moyennes, et vous n'avez fait qu'aggraver le problème, en supprimant l'ISF et en instaurant la flat tax. Vous ne pouvez pas nous dire que cette augmentation de la CEHR représenterait un poids supplémentaire sur les plus riches. Toutes les études montrent que la France s'est malheureusement largement alignée ces dernières années sur l'ensemble des pays occidentaux pour ce qui est de l'inégalité fiscale, à laquelle votre majorité a largement contribué.
Je ne partage pas la position du rapporteur général. Depuis 2018, il existe un mécanisme de plafonnement sur les revenus du capital, par le biais du prélèvement forfaitaire unique (PFU). La CEHR présente l'intérêt d'être un impôt marginal supplémentaire sur des revenus désormais protégés, pour ce qui est de l'IR, par le PFU. Après que certaines personnes ont exercé leur métier en première ligne de manière exceptionnelle – les caissières, les agents hospitaliers –, cela aurait été un bon signal de savoir que les très hauts revenus – nous parlons d'un revenu fiscal de référence (RFR) supérieur à 250 000 euros par an – participeront à leur tour un peu plus, d'autant que, contrairement à ce qu'a dit le rapporteur général, 200 millions d'euros, ce n'est pas négligeable. Alors que la solidarité fait tant défaut dans notre pays, les gens ont besoin d'être rassurés et d'avoir des signaux en ce sens.
Je rappelle tout de même que la CEHR, qui a été créée dans le contexte d'une autre crise, existe toujours et est une imposition marginale en plus de ce qui est dû en application du barème d'imposition sur le revenu. Le taux marginal d'imposition est très élevé…
Monsieur Coquerel, nous sommes au moins d'accord sur le fait que l'impôt sur le revenu est progressif et redistributif. Je ne dis pas qu'il n'y a aucun problème et qu'il faut être fermé à ce débat. Mais, tout d'abord, cessons de voir la fiscalité comme un principe statique, alors qu'elle enclenche des dynamiques d'investissement ou d'emploi. Par exemple, la fiscalité du capital que nous appliquons depuis trois ans et que vous contestez a largement contribué à ramener de l'investissement et à créer 500 000 emplois nets. Sans une telle fiscalité, le chômage n'aurait pas été de 7 % mais de 9 %, comme en 2017, à l'entrée dans la crise. Il faut prendre en considération la dynamique créée au lieu de rester à regarder seulement ce que l'on prend ou pas dans la poche de ceux qui ont de hauts revenus.
Enfin, cher Matthieu Orphelin, je maintiens qu'une augmentation des impôts aujourd'hui serait un signal particulièrement mauvais. Répondre à une crise par ce réflexe franco-français pavlovien d'augmentation de la fiscalité sur les ménages est mauvais. Les foyers ont besoin de consommer et d'investir, pour participer au redémarrage de notre pays. Sur ce point, notre vision et notre méthode diffèrent totalement, je le reconnais.
Pour notre part, monsieur Orphelin, nous ne cherchons pas les symboles, ni à envoyer des signaux aux ménages précaires et à tous ceux qui ont agi pendant la crise. Ce que nous voulons, c'est que, dans leur quotidien, ils voient la différence et que nous les avons soutenus. Je ne suis pas convaincue qu'augmenter l'imposition des plus aisés soit la solution ni que cela changera le quotidien de nos concitoyens. Nous faisons le choix de la stabilité fiscale pour les ménages et pour les entreprises.
Si 200 millions d'euros, obtenus grâce à un relèvement de 0,3 point de la CEHR, deviennent un symbole aux yeux de la majorité, nous n'avons effectivement pas la même définition de ce qu'est un symbole…
La commission rejette les amendements I‑CF882, I‑CF771 et I‑CF772.
Elle passe à l'examen de l'amendement I‑CF717 de M. Charles de Courson.
Vous connaissez le dispositif pour encourager les services à la personne : le crédit d'impôt et son acompte de 60 % calé sur le montant de l'année précédente. Nous sommes tous conscients que l'idéal serait de le contemporanéiser – une expérimentation est d'ailleurs en cours, dont les résultats ne seront pas connus avant un an. Mon amendement propose une mesure temporaire destinée à soutenir ces activités, en augmentant de 60 à 70 % le niveau de l'acompte. Il est donc neutre dans le temps, puisqu'une régularisation intervient par la suite.
La priorité est de parvenir à une réelle contemporanéisation de tous les crédits d'impôt, à laquelle nous travaillons. Augmenter l'acompte de 10 % ne changerait pas considérablement les choses. Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur général, la contemporanéisation est bien la solution. Mais elle n'arrivera pas en 2021, ni probablement en 2022. C'est pourquoi je vous propose une mesure intermédiaire.
Assurément, la contemporanéisation, ce ne sera pas pour janvier 2021. Des expérimentations vont être lancées. Votre mesure exigerait de la part de l'administration fiscale énormément de travail pour peu d'effets.
La commission rejette l'amendement I‑CF717.
Article 3 : Baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à hauteur de la part affectée aux régions et ajustement du taux du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée
La commission examine les amendements identiques I‑CF828 de M. Éric Coquerel et I‑CF926 de Mme Pires Beaune.
L'article 3 s'inscrit au cœur de votre dispositif d'aide aux entreprises et illustre votre invariable politique de l'offre et de la compétitivité, selon laquelle, pour éviter les délocalisations ou favoriser les relocalisations, il faut faire en sorte qu'elles soient compétitives. Mais vous ne vous interrogez pas sur les questions structurelles et le fait que les entreprises peuvent délocaliser sans problème, tout en bénéficiant du même marché européen. Vous proposez de faire baisser l'impôt de production, en l'occurrence la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et de le supprimer purement et simplement à terme. Cette politique a montré son inefficacité totale, contrairement à ce que vous dites. Une étude récente de France stratégie sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) vient de montrer que la préservation de 100 000 emplois en France pour cinq ans avait coûté 20 milliards d'euros par an, autrement dit un million par emploi au total… Aucune étude ne prouve que les exonérations d'impôt, sans contrainte ni fléchage, ont un effet positif sur l'emploi. Or vous persistez.
La baisse de l'impôt sur la productivité pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, elle est inégale. Une étude de Mediapart a révélé qu'un quart de cette baisse profiterait à 280 sociétés, les plus grosses, tandis que les 250 000 entreprises les plus petites ne gagneraient chacune que 125 euros. Les PME ne capteront que 30 % du gain. Par ailleurs, les secteurs les plus favorisés sont la production d'électricité et de gaz, les industries extractives et la finance : on fait mieux en matière de transition écologique ! Qui plus est, les collectivités locales pourraient souffrir de manière dramatique de la disparition de cette manne. Déjà, pour le RSA, l'État doit 4 milliards d'euros d'impayés aux départements, qu'il n'a jamais compensés. On peut donc s'inquiéter de la compensation de ces 20 milliards d'euros de baisse des impôts de production.
C'est un sujet important, et je n'ai pas abusé de mon temps de parole sur les autres amendements.
Enfin, les recettes de la CVAE ont augmenté de 71,8 % entre 2010 et 2018 alors que celles de la TVA n'ont progressé que de 28,6 %. En réalité, les collectivités locales perdront encore plus de ressources que prévu. Nous demandons donc, par notre amendement I‑CF828, la suppression de cet article.
Je vous rappelle que le temps de parole n'est pas fongible d'un amendement à l'autre. De la même façon, ce n'est pas parce que l'on dépose peu d'amendements que l'on a davantage de temps pour les défendre.
L'amendement I‑CF926 vise également à supprimer l'article 3, qui est le pilier du PLF. Le problème que posent les impôts de production me semble largement surévalué par ce Gouvernement et par le MEDEF, qui réclame leur suppression depuis des années. En réalité, la crise sanitaire n'est qu'un prétexte pour les réduire : du jour où il a été ministre, Bruno Le Maire a réclamé leur baisse. Le niveau de fiscalité, vous le savez, n'est pas le déterminant principal de la compétitivité ni du choix de la localisation. Les Pays‑Bas, le Danemark ou la Finlande ont des niveaux de taxation beaucoup plus élevés et sont compétitifs. À l'inverse, de nombreux pays ont des niveaux de taxation bien moindres que la France et sont pourtant beaucoup moins compétitifs. Qui plus est, une baisse généralisée des impôts de production entre en contradiction totale avec l'objectif écologique que le Gouvernement affiche : aucune condition environnementale. Quelle belle affaire pour certaines entreprises polluantes ! Enfin, vous aurez tous remarqué que l'on supprimait une recette destinée aux collectivités locales. Tous les rapports le disent : la répartition de la CVAE sur le territoire est totalement inique. En compensant, vous allez geler l'injustice pour des années.
Monsieur Coquerel, vous avez été chef d'entreprise. Reconnaissez‑vous que taxer une entreprise avant même son premier solde intermédiaire de gestion, avant même la première définition du profit, est assez contre‑intuitif ? Nous sommes le seul pays à avoir ce niveau d'impôts de production, autour de 4 % de la valeur ajoutée. Les Pays‑Bas que vous avez cités, madame Pires Beaune, sont autour de 1,5 %. Nous réduisons ces impôts, à hauteur de 10 milliards d'euros par an, pour faire gagner nos entreprises en compétitivité, et nous le faisons là où les impôts sont les plus absurdes, comme je le mentionnais dans mon rapport sur l'application des lois fiscales de fin juillet dernier. S'il y a un impôt qui ne paraît pas justifié par rapport à la création de richesse, qui doit être le bon indicateur d'une fiscalité d'entreprise, c'est bien la CVAE.
Je ne peux pas être d'accord avec vous lorsque vous prétendez que ces baisses ne sont pas ciblées. Les PME et les ETI en seront les principales bénéficiaires, puisqu'elles bénéficieront de 68 % du gain retiré de la baisse du plafonnement de la CET et de près de 80 % du gain résultant de la baisse du taux de la CVAE. Ce n'est donc pas une mesure pour nos grandes entreprises, mais d'abord pour notre vaste tissu de PME et d'ETI, particulièrement pour les petites entreprises industrielles. Nous assumons notre volonté de relocaliser l'emploi industriel. Je ne peux pas vous dire exactement combien d'emplois seront créés : la dynamique d'investissement ne se décrète pas. Mais un environnement fiscal se vote. Je tiens particulièrement à l'adoption de l'article 3, qui est effectivement une mesure phare du plan de relance.
Enfin, les industries et les commerces bénéficieront d'environ 40 % du gain total de la mesure. Il faut assumer de faire baisser les impôts de production et de renforcer la compétitivité de nos entreprises. C'est bon pour la relance et pour l'emploi, particulièrement industriel. Avis défavorable sur ces amendements.
Premièrement, vous nous dites que votre mesure bénéficiera surtout aux ETI et aux PME. Mais vous savez comme moi que ces catégories regroupent des entreprises très différentes : une ETI peut compter jusqu'à 5 000 salariés. Je maintiens que les 250 000 plus petites entreprises gagneront très peu par rapport aux plus grosses.
Deuxièmement, vous prétendez ne pas pouvoir donner de chiffres sur les emplois qui seront créés ou protégés. Mais France stratégie en a donné, par exemple sur les effets du CICE : on s'aperçoit que cela coûte très cher par emploi.
Troisièmement, le problème du chef d'une toute petite entreprise comme celle que je gérais, c'est d'abord le carnet de commandes et les contrats, surtout lorsque l'on est sous-traitant, d'une manière ou d'une autre, d'une grande institution financière. C'est quand les contrats baissent que l'impôt devient trop élevé. Le problème relève donc plus de la politique de la demande que de cotisations. Et il ne me choque pas que l'acteur social qu'est l'entreprise paie un impôt en tant qu'acteur social, puisqu'elle bénéficie de toutes les structures que l'impôt permet de financer.
Enfin, le fait est que cela va représenter 20 milliards d'euros de moins pour les collectivités. Il faudra m'expliquer comment elles vont faire. Toutes les études montrent que l'État ne compense pas intégralement les baisses de recettes qu'il leur impose.
Nous avons défendu à plusieurs reprises la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui nous paraissait l'impôt de production le plus toxique. Les impôts qui frappent le compte de résultat plus haut que le bénéfice sont très décourageants pour les entreprises, dans la mesure où elles les paient même les mauvaises années. Jouer sur l'impôt sur les sociétés est beaucoup plus neutre pour les entreprises, qui préfèrent être taxées sur leurs bénéfices, plutôt qu'au‑dessus. Quant à la demande, il y a évidemment celle des ménages et des consommateurs, mais aussi celle des entreprises vers les entreprises. Ainsi, dès lors que l'on encourage l'activité, la demande des entreprises tout comme le carnet de commandes de leurs fournisseurs sont stimulés.
Monsieur Coquerel, nous sommes d'accord sur un point : l'entreprise est un objet social qui doit payer des impôts. Soyez rassuré, nous ne faisons pas de la France un paradis fiscal : les prélèvements restent à un niveau confortable, pour parler poliment…
En revanche, vous ne pouvez pas rapprocher l'étude de France stratégie sur le CICE et la baisse des impôts de production. La différence d'approche est totale. Débattre pendant des heures au Parlement des crédits d'impôt, en se demandant à quel moment il faudra menacer les entreprises d'une demande de remboursement et sous quelles conditions elles en bénéficieront, crée un climat de défiance vis-à-vis de la fiscalité qui empêche la dynamique d'investissement et d'emploi – c'est exactement ce qui s'est passé sous le quinquennat précédent. Au contraire, la baisse directe d'imposition est un signal clair, ferme, direct, sans conditionnalité, et crée une dynamique d'investissement et d'emploi. Faire les choses à moitié, comme cela l'a été à l'époque du CICE, c'est effectivement la meilleure manière de grever la relance et l'investissement. Mieux vaut y aller franchement et mettre un bon coup de gouvernail plutôt qu'essayer de louvoyer.
Enfin, ne dites pas que nous privons les régions de 10 milliards d'euros ! Elles nous ont dit elles‑mêmes qu'elles étaient favorables au transfert d'une fraction du produit de la TVA en compensation de la perte de la CVAE. Pour bénéficier déjà d'une fraction de TVA, elles savent que c'est un impôt dynamique et que c'est favorable financièrement. La mesure prévue à l'article 3, c'est gagnant-gagnant, bon pour les entreprises comme pour les collectivités.
La commission rejette les amendements identiques I‑CF828 et I‑CF926.
Elle passe à l'examen de l'amendement I‑CF1350 de M. Éric Woerth.
Nous pensons pour notre part que la suppression progressive des impôts de production est une nécessité absolue. Mais nous allons un peu plus loin dans la provocation, en vous proposant cet amendement d'appel visant à supprimer totalement, dès cette année, la CVAE. C'est une manière d'appeler au secours et à une réforme structurelle de la fiscalité locale. On ne peut pas procéder comme vous le faites, en supprimant la taxe d'habitation, puis une partie de la CVAE et des autres impôts de production, sans se poser la question d'une vraie réforme de la fiscalité locale. Certes, vous compensez cette perte auprès des collectivités, en leur affectant des ressources souvent prises sur le produit de la TVA, comme si l'État en avait en surplus… Vous ne pourrez pas continuer à faire baisser les impôts de la sorte, sans réformer. Comme l'ont fait d'autres pays, il faudrait désolidariser les ressources locales du contribuable local. C'est ce que vous avez fait avec la taxe d'habitation, et ce que vous commencez à faire avec les impôts de production – vous auriez d'ailleurs pu choisir la C3S. Vous avez volontairement posé la question, vous devez donc y répondre ; on pourrait imaginer une partition des impôts nationaux entre le bloc local et le bloc national garantie par la Constitution. Il faudrait également s'interroger sur la possibilité de s'endetter sur la section de fonctionnement. Dès lors que vous indexez le niveau de fiscalité sur l'activité économique, par définition variable et saisonnière, se pose la question du fonctionnement des collectivités locales. Autant de questions assez vertigineuses, mais que vous posez à travers ces réductions des impôts locaux.
Même si c'est un amendement d'appel, les solutions qu'il propose méritent d'être commentées. Je ne suis pas sûr que les présidents de région soient favorables à une compensation par une fraction du produit de l'impôt sur les sociétés, dont l'assiette est la plus volatile qui soit. Cela dit, je vous rejoins sur la nécessité de remettre un jour à plat la fiscalité locale. Pour l'heure, il s'agit de répondre en priorité à la crise, en allégeant la fiscalité des entreprises et en nous assurant que les collectivités ne seront pas perdantes. Cette réflexion sur la réforme de la fiscalité locale serait un beau travail de programme électoral, pour présenter des solutions à nos concitoyens. En attendant, la priorité est de se dire que, face à la crise, une solution fiscale est possible. Les collectivités territoriales nous accompagnent dans cette dynamique. Avis défavorable, mais nous en reparlerons en séance avec le Gouvernement.
L'amendement d'Éric Woerth a le mérite de secouer le cocotier : depuis des années, on ne fait que bricoler en matière de fiscalité locale. Le grand combat du ministère des finances, selon lequel il ne saurait plus y avoir de fiscalité locale, est en train d'être gagné : gouvernement après gouvernement, l'autonomie fiscale des collectivités et la territorialisation de l'impôt disparaissent totalement. Résultat : les citoyens électeurs ont été totalement coupés de leurs élus. Sur quelle base les jugeront-ils ? Sur la bonne gestion des dotations de l'État ? Mais alors, mettez des fonctionnaires !
C'est un premier problème central, et qui n'est pas imputable à la majorité actuelle : toutes les majorités ont contribué à l'absence de réforme dans le sens d'un système de responsabilisation et d'autonomie fiscale locale.
Le second problème est le suivant : ce qui est le plus choquant, c'est que vous avez choisi des impôts dont le montant est fixe, ne dépendant pas des résultats de l'entreprise, à savoir la taxe sur le foncier bâti et la CFE. La CVAE, quant à elle, varie en fonction de la valeur ajoutée créée par l'entreprise ; vous avez choisi de l'alléger de 10 milliards d'euros. Pourquoi n'avez-vous pas supprimé totalement la taxe sur le foncier bâti et la CFE sur les bâtiments industriels, et réduit à peu près de moitié l'effort consacré à la CVAE ?
Enfin, si la mesure proposée concernant la CFE et le foncier bâti est ciblée sur l'industrie, pour laquelle la question de la compétitivité se pose le plus, ce n'est pas du tout le cas s'agissant de la CVAE : on va surtout arroser la grande distribution, les banques, les assurances, dans la mesure où la part de l'industrie dans la valeur ajoutée nationale ne dépasse pas 13-14 %. Les quelques éléments figurant dans l'étude d'impact montrent qu'elle ne bénéficiera que de 21 % de la réduction de moitié de la CVAE. La commission des finances se devra d'avoir le courage de dire non, de concentrer la mesure sur les bâtiments industriels, en doublant le montant prévu et en réduisant à due concurrence la disposition portant sur la CVAE.
Je rappelle à M. de Courson, qui le sait d'ailleurs très bien, que notre Constitution ne parle pas d'autonomie fiscale des collectivités, mais de leur autonomie financière – ce qui n'empêche pas de remettre à plat un certain nombre de choses.
Il s'agissait d'un amendement d'appel : je le retire. Nous aurons le débat en séance publique.
L'amendement I‑CF1350 est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF1169 et I‑CF1338 de M. Christophe Jerretie, l'amendement I-CF1188 de M. Fabrice Brun, l'amendement I-CF901 de M. Dominique Potier et les amendements I-CF1404 et I-CF1407 de Mme Émilie Cariou.
En réalité, quatre articles sont concernés par le dispositif : les articles 3, 4, 23 et 42. On souhaite toucher à la CVAE, à la CFE et à la taxe foncière sur les propriétés bâties, soit trois impôts pour une même cible. Mes amendements I-CF1169 et I‑CF1338 proposent de supprimer purement et simplement la CFE, souvent décriée dans nos territoires car les entreprises paient déjà la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit de supprimer 50 % de la CVAE. Dans la mesure où il y a déjà 5 à 6 milliards d'euros de dégrèvements, cela ferait, au total, près de 15 milliards d'euros sur les 25 milliards d'euros de CVAE potentielle, autrement dit 60 % qui ne seraient pas versés par les entreprises : on entrerait exactement dans la même logique qu'avec la taxe d'habitation, qui a conduit à sa suppression. Or les conclusions du groupe de travail dont je faisais partie, ainsi que Charles de Courson et Christine Pires Beaune, ont montré que la CVAE était plutôt un impôt juste : elle a été élaborée il y a une dizaine d'années pour essayer de répondre au problème posé par l'absence d'un impôt fixe.
Le groupe MODEM propose de ne pas toucher, en revanche, à la taxe foncière sur les propriétés bâties. En effet, pourquoi modifier celle-ci pour un seul secteur, alors qu'elle pose problème pour tous ?
En outre, je propose de basculer la part régionale de CVAE sur le bloc communal. En même temps, parce que je suis un homme éduqué, je souhaite que soit respecté l'engagement pris par le Premier ministre à l'issue de la négociation avec les régions : la compensation par l'attribution d'une part de TVA serait maintenue.
Comme je suis également respectueux, j'ai fait en sorte d'atteindre la même somme, c'est-à-dire 10 milliards d'euros, et de supprimer un peu de CVAE, si tant est que ce soit nécessaire. Je propose donc un dispositif différent, mais qui poursuit les mêmes objectifs.
Je terminerai par une question : si un jour on arrive à taxer les GAFA, sur quelle base le fera-t-on : la CFE, c'est-à-dire l'immobilier, ou la CVAE, c'est-à-dire la valeur ajoutée ?
L'amendement I-CF1188 vise à exclure les grandes entreprises du dispositif de baisse de la CVAE prévu dans le plan de relance. En creux, nous posons une question qui traverse tout ce PLF et le plan de relance : quelles entreprises vont bénéficier des mesures d'urgence – en l'occurrence, de la diminution des impôts de production ? Nous relayons ainsi les inquiétudes légitimes des TPE – artisans, commerçants, agriculteurs – et des travailleurs indépendants.
Hier, les services de la commission des finances nous ont transmis un tableau montrant les différentes strates pour les 17 776 communes qui bénéficieront d'une compensation des pertes de taxe foncière résultant de l'article 4, mais quelles sont les catégories d'entreprise qui vont profiter de votre mesure d'allégement de la CVAE – s'agira-t-il des petites, des moyennes ou des grosses entreprises ? C'est bien la vraie question, et vous devez y répondre devant la commission des finances, de façon à nous éclairer quant à l'impact réel de cette mesure sur l'économie française.
Vous faites le choix d'une baisse des impôts de production à travers la CVAE, mais ses effets ne seront pas visibles tout de suite. Vous ne répondez donc pas aux besoins immédiats. Nous avons même plutôt l'impression que c'est la situation liée au covid-19 qui vous donne une excuse pour mener une politique plus libérale, tournée vers l'offre. En plus, 26 % de la mesure est captée par les très grandes entreprises, sans contrepartie, notamment sur le plan écologique, sans parler du risque d'une augmentation de la distribution de dividendes.
L'amendement I-CF901 vise donc à exclure du bénéfice de cette mesure les 250 plus grandes entreprises, dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1,5 milliard d'euros. Elles n'ont sans doute pas de problèmes de compétitivité liés aux coûts ; s'il y avait quelque chose à faire, cela concernerait plutôt le domaine de l'innovation.
L'économie ainsi réalisée pourrait servir à mieux cibler les TPE-PME, notamment celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 000 euros, qui ne sont pas concernées par la baisse des impôts de production. M. le rapporteur semblait sensible aux nouvelles mesures qui pourraient leur être destinées.
La baisse des impôts de production représentera 20 milliards d'euros sur deux ans. Dans le même temps, le rapport annexé compte sur la création de 240 000 emplois – M. Castaner parlait même, quant à lui, de 300 000 emplois –, ce qui fait un soutien public de 83 000 euros par emploi…
La baisse de la CVAE, d'autres l'ont dit, bénéficiera majoritairement aux grandes entreprises : plus de la moitié des entreprises qui y sont assujetties ne versent que la cotisation minimale, c'est-à-dire 250 euros par an – elles sont plus de 280 000 dans ce cas. Ce n'est donc pas une mesure qui va aider beaucoup les TPE et les PME : avec 125 euros par an, on est bien loin du soutien annoncé par le Gouvernement.
D'où les deux amendements que nous vous proposons. L'amendement I-CF1404 vise à exclure de la baisse de CVAE les grandes entreprises réalisant un chiffre d'affaires excédant 1,5 milliard d'euros. L'amendement I-CF1407 vise lui aussi à les exclure, sauf si elles justifient de contreparties environnementales et sociales. La baisse d'impôts serait liée à quatre conditions : publier dans les six mois un rapport intégrant le bilan des émissions de gaz à effet de serre de l'entreprise, être doté d'un plan de vigilance, maintenir les emplois sur le territoire français et publier des indicateurs de performance sociale.
Ces amendements sont en discussion commune, mais les enjeux en sont très différents.
Les amendements de M. Jerretie visent à remplacer la diminution de la CVAE par la suppression de la CFE. Or l'équité de la cotisation foncière des entreprises a été largement améliorée ces dernières années, notamment du fait de la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels. Est-ce le bon moment pour la supprimer intégralement ?
Par ailleurs, monsieur Jerretie, ce que vous proposez va dans le sens inverse de la remarque de M. de Courson : vous voulez supprimer un impôt dont le taux peut être fixé au niveau local, autrement dit vous allez encore plus dans le sens de ce qu'il critiquait, et que je peux comprendre, à savoir la tendance à rompre le lien avec le contribuable économique. Le taux de la CVAE est voté au Parlement ; celui de la CFE est libre. S'agissant du pouvoir fiscal des collectivités – car c'est bien cela qui est en jeu, plus qu'une supposée autonomie fiscale –, un niveau assez sensible a déjà été atteint, comme l'a très bien dit le président Woerth : on n'est pas obligé d'aggraver les choses en supprimant totalement la CFE.
En outre, je vous renvoie à mon rapport d'application de la loi fiscale (RALF) du mois de juillet, où j'expliquais pourquoi je considérais que la baisse de la CVAE était le meilleur outil. Beaucoup d'entreprises de l'industrie et du commerce peuvent en bénéficier.
Le Conseil d'analyse économique (CAE) a réalisé une étude présentant les réponses comportementales des entreprises à la CFE. Il relevait assez peu de distorsions économiques. La CFE est donc en fait plutôt un bon impôt, même si, jusque-là, ses modalités de calcul étaient peut-être trop défavorables à l'industrie. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'article 4 propose à la fois une réduction de 50 % de sa valeur et de nouvelles modalités d'évolution des bases de calcul. Cette démarche est plus intéressante qu'une suppression de l'impôt lui-même, lequel, je le répète, est plutôt un bon impôt depuis la rénovation des valeurs locatives des locaux professionnels. Pour la CVAE, c'est différent : l'impôt est plus contestable en lui-même.
Votre proposition reviendrait donc à supprimer entièrement le moins mauvais de ces impôts, tout en maintenant celui qui mériterait le plus de disparaître. J'y suis donc très défavorable. Celle du Gouvernement me semble beaucoup plus adaptée à la situation.
Les autres amendements posent la question de savoir qui va bénéficier de la baisse des impôts de production. J'y travaille, monsieur Brun, même s'il s'agit forcément d'un travail prospectif. À ce stade, je ferai quelques remarques.
D'abord, je trouve qu'on a trop tendance à dire que les grandes entreprises ne doivent pas bénéficier des réductions fiscales, en s'imaginant qu'elles dégagent des bénéfices incroyables. Or beaucoup de nos fleurons industriels ont besoin de cette baisse des impôts de production pour relocaliser. Non seulement les grandes entreprises totalisent un tiers de la valeur ajoutée nationale, mais n'oublions pas la sous-traitance : de nombreuses externalités économiques sont créées grâce à elles. Je trouve dommage que, dans notre pays, l'on stigmatise la grande entreprise, comme si c'était le mauvais élément économique et que la petite ou moyenne entreprise serait forcément la plus vertueuse. Certes, il faut aider notre tissu de PME – je ferai d'ailleurs une proposition dans ce sens un peu plus loin –, mais il faut aussi aider, en sortie de crise, les grandes entreprises, qui sont nos fleurons industriels. Il y a, dans notre pays, de grandes et formidables entreprises industrielles ; j'assume totalement de dire qu'il faut qu'elles bénéficient de la baisse des impôts de production. Il est hors de question de les mettre en difficulté en les excluant. Elles évoluent dans un environnement marqué par une concurrence internationale accrue, elles exportent et ont besoin du soutien d'une fiscalité plus attractive pour relocaliser des emplois industriels : ce sont elles qui vont être à la manœuvre, c'est d'elles que l'on attend le plus en termes de relocalisation d'emplois.
Je ne veux donc pas, monsieur Brun, monsieur Bricout, qu'on enlève les grandes entreprises du champ des bénéficiaires de cette diminution d'un impôt de production : il est très important de faire en sorte que cette dynamique concerne l'ensemble de nos entreprises. Les grandes entreprises ont souffert de la crise comme toutes les autres. Elles doivent elles aussi redémarrer, d'autant que s'ajoute pour elles une sorte d'« effet paquebot » : il est parfois plus long et difficile de redémarrer. Ce coup d'accélérateur fiscal me semble donc tout à fait bienvenu.
Monsieur Orphelin, je suis défavorable à l'introduction d'une conditionnalité pour les impôts de production. Le vrai préalable doit être de créer un environnement fiscal permettant l'investissement et la relocalisation d'emplois. Vous ne pouvez pas, alors que vous mettez en place une fiscalité à peu près standard par rapport à celles des autres pays européens, exiger des entreprises qu'elles répondent au préalable à un certain nombre de critères. Qu'on leur demande des contreparties en échange d'un certain nombre d'aides publiques à l'investissement ou de subventions, cela peut s'entendre, et nous aurons ce débat, mais en envisager en échange d'une baisse de la fiscalité, je trouve cela assez baroque : une baisse de la fiscalité, ce n'est pas fait pour demander des contreparties, mais pour créer une dynamique d'investissement et d'emploi. Sur ce point, nous n'avons donc pas la même vision. Avis défavorable.
Attaquer les grandes entreprises, c'est tellement simple ! Mais à force de le faire, il n'y aura plus que de petites entreprises, ce qui posera d'énormes problèmes.
Dans le cadre d'un groupe de travail sur la CVAE, nous avons également réfléchi sur la CFE. À cet égard, il ne faut pas oublier que la revalorisation des valeurs locatives a réservé de belles surprises, au point que nous avons été obligés d'y revenir en PLFR. Nous modifions la CFE tous les ans et, dans le présent texte, deux articles s'y rapportent. Quand on légifère et délégifère aussi souvent à propos du même impôt, c'est bien qu'il pose problème.
En ce qui concerne l'autonomie fiscale, ce que vous avez dit est un peu fort de café : j'ai toujours défendu celle du bloc communal, et je défends de la même façon la CVAE. Néanmoins, je considère qu'il faut engager la réforme fiscale qu'on n'a pas voulu faire pour la taxe d'habitation. Là est la vraie question. Réformer un impôt, c'est très bien ; encore faut-il avoir une cible définie. En l'occurrence, on touche à trois impôts : la CVAE, la taxe foncière sur les propriétés bâties et la CFE, qui concernent tous les collectivités. Intellectuellement, cela me pose problème.
Quand un archer a besoin de trois flèches pour toucher sa cible, cela peut vouloir dire qu'il est maladroit ou qu'il s'est trompé, mais cela peut aussi signifier que la cible est trop éloignée ou qu'elle n'est pas bien définie. C'est précisément ce qui me pose problème ici, et non la baisse d'impôts en tant que telle : ce dispositif met à mal les collectivités et restreint la visibilité, et encore plus la capacité de choix des entreprises, puisqu'on n'est pas en mesure de dire lesquelles seront concernées – l'étude d'impact en témoigne.
Enfin, n'oubliez pas que le raisonnement doit à la fois être territorial et prendre en compte toutes les situations, tous les secteurs d'activité. Comme il s'agit d'une réforme structurelle – c'est même la réforme phare de ce PLF –, le dispositif va perdurer : il faudrait y travailler beaucoup plus en profondeur. D'ailleurs, il y a trois mois, ce n'étaient pas les mêmes éléments qui étaient annoncés pour cette réforme des impôts de production.
D'abord, et une fois pour toutes, il est malhonnête de dire que nous ne compensons pas à l'euro près la baisse des impôts pour les collectivités territoriales. Nous faisons même mieux, puisque nous compensons sur la base de l'année 2020, qui correspond au niveau maximum de CVAE touché par les régions, alors que le rendement de cet impôt aurait dû diminuer de 1,2 milliard d'euros l'année prochaine. Par ailleurs, toutes les recettes seront dynamiques pour l'intégralité des collectivités territoriales.
Je peux comprendre votre proposition, monsieur Jerretie. Mais les collectivités territoriales souhaitent-elles une nouvelle réforme de la fiscalité. À l'évidence non. Du reste, nous sommes d'ores et déjà en pleine réforme de la fiscalité, puisque la suppression de la taxe d'habitation sera effective le 1er janvier prochain.
En outre, si rien ne changerait pour les régions avec votre dispositif, le bloc communal se verrait affecter de la CVAE au lieu de la CFE. Or, en procédant ainsi, comme l'a dit le rapporteur général, vous supprimeriez le pouvoir de taux sur une part significative des recettes. Ce n'est pas ce que veulent les collectivités territoriales. Qui plus est, vous remplaceriez un impôt par définition très territorialisé, mais aussi relativement stable, par un autre qui n'est ni stable ni territorialisé : la CVAE connaît des effets de fluctuation très importants, et la valeur ajoutée va plutôt vers les métropoles que vers les territoires ruraux.
Par ailleurs, la réforme que nous proposons est ciblée sur l'industrie, alors qu'avec votre dispositif, on arroserait trop large. Le secteur industriel bénéficie de 25 % de la suppression d'une partie de la CFE et de la taxe foncière ; la diminution de la CVAE le concerne elle aussi. Au total, la baisse d'impôts sera bien plus significative pour ce secteur que certains d'entre vous ne le disent. On a là un équilibre qui répond aux demandes des collectivités territoriales, sans pour autant créer un nouveau Monopoly fiscal.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas une réforme de la fiscalité : c'est une baisse d'impôts, financée comme d'habitude par des compensations…
L'enjeu n'est pas tant d'exclure les grandes entreprises que de parvenir à cibler les petites entreprises qui vont être les plus malmenées par la crise, et c'est précisément la philosophie des amendements qui ont été proposés notamment par certains de mes collègues des Républicains. S'agissant des grandes entreprises, j'ai beaucoup apprécié votre argumentaire, monsieur le rapporteur général, mais, si je puis me permettre, il était tout à fait possible de le décalquer tout à l'heure, alors que vous avez défendu le contraire à propos de l'imposition des ménages en m'expliquant que ce n'était pas le moment de faire bénéficier les derniers déciles d'avantages fiscaux. La problématique est rigoureusement la même pour eux que pour les grandes entreprises ; et les riches peuvent s'expatrier.
Reste que l'objectif est de faire en sorte que les chiffres que vous annoncez profitent aux PME. Or il peut y avoir des trous dans la raquette, et certains secteurs risquent de subir des effets de bord. Serait-il possible, d'ici à la séance, et sur la base de nos échanges, de s'assurer que les PME ne seront pas oubliées ? Il faut faire en sorte que l'impact de ces exonérations soit substantiel, car elles connaissent de graves difficultés. Le moyen proposé ici n'est pas forcément le meilleur, mais l'objectif doit bien être celui-là.
Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous me confirmer clairement que la baisse de la CVAE ne se traduira, pour près de 290 000 TPE et PME, que par une diminution de 125 euros par an de leur contribution ? C'est le chiffre qui figure dans les documents budgétaires ; je voudrais être sûr que vous ne le contestez pas.
Ensuite, j'ai bien pris note, tout en la regrettant, de la fermeture totale de la majorité quant à l'idée d'assortir la baisse des impôts de production d'une quelconque éco-conditionnalité. Sur ce point, votre réponse avait au moins le mérite de la clarté. Vos collègues de la majorité ont adopté, en commission du développement durable, le principe d'une éco-conditionnalité – dont on peut discuter l'efficacité, mais enfin elle existe. Ce matin, votre position est claire, nette et tranchée : il n'y aura aucune éco-conditionnalité pour la baisse des impôts de production dans le PLF pour 2021. Il y a donc effectivement, entre nous, une forte différence d'analyse politique.
Nous proposions, à travers l'amendement I-CF1407 d'Émilie Cariou, d'introduire, pour les grandes entreprises, une éco-conditionnalité très simple à mettre en œuvre. Je retiens votre réponse : circulez, il n'y a rien à voir, il n'y aura aucune éco-conditionnalité pour cette baisse de 20 milliards d'euros des impôts de production. Pour le groupe Écologie Démocratie Solidarité, c'est une véritable erreur.
Mon amendement visait à faire un peu de provocation – Éric Woerth n'est pas le seul à en faire. Je le retire. L'idée était de susciter un débat de fond et, au vu de nos discussions, nous y reviendrons longuement en séance.
De la même façon que les services de la commission des finances ont commencé à nous éclairer sur les conséquences de la mesure pour les différentes strates de communes, vous devez nous éclairer, monsieur le rapporteur général, d'ici à la séance, sur les différentes strates d'entreprises bénéficiaires de l'allégement de CVAE. Vous avez dit que vous y travailliez : il faut accélérer, car nous avons vraiment besoin de connaître la réalité des entreprises bénéficiaires de cette disposition présentée comme une des mesures phares du plan de relance. Quel sera son impact en fonction de la taille de l'entreprise ? La question se pose pour nos petites entreprises, pour les agriculteurs, les commerçants, les indépendants, pour les différents acteurs de l'économie qui maillent l'emploi, même si, j'en suis d'accord, l'industrie doit être particulièrement ciblée, au vu des enjeux d'indépendance économique auxquels notre pays est confronté, particulièrement en cette période de crise sanitaire.
L'enjeu est d'importance : il est normal que des points de vue divers s'expriment ce matin. Une réduction d'impôt de 10 milliards d'euros, c'est extrêmement important ; c'est même exceptionnel. Notre exigence doit être à la hauteur de l'enjeu. Beaucoup d'entre nous l'ont dit, de différents groupes : nous n'avons pas suffisamment d'éléments sur l'impact de cette mesure selon les catégories d'entreprise. D'ici à la séance, nous devons absolument avoir une vision claire du détail des conséquences d'une telle mesure, et de la manière dont le monde économique va bénéficier de cette baisse hors normes.
En ce qui concerne l'autonomie fiscale, je partage votre avis, monsieur le rapporteur général : la proposition de Christophe Jerretie la réduirait encore, ce qui pose problème, même si elle n'est pas inscrite dans la Constitution. Nous avons plus que jamais besoin d'une réforme de la fiscalité locale. Avec la suppression de cet impôt inéquitable qu'était la taxe d'habitation, nous arrivons à la fin d'un chantier. Il n'en demeure pas moins que les marges de manœuvre des collectivités, en matière fiscale, sont extrêmement réduites – et même, de mon point de vue, insuffisantes. La suite logique des décisions prises au cours de cette législature, mais aussi des précédentes, car il y a une forme de continuité en matière d'autonomie fiscale, serait effectivement de mener – enfin – une réforme de fond de la fiscalité locale.
Je n'ai pas déposé d'amendement sur le dispositif car, je vous le dis sincèrement, proposer une mesure de cette nature et d'un tel montant sans l'assortir de la moindre simulation, ce n'est pas du travail. Lors des précédentes réformes de la fiscalité, on avait au moins une idée de qui en bénéficiait, comment, pourquoi, où – bref, on avait un minimum d'informations. Le tableau qui nous a été remis n'est pas suffisant. Soyons sérieux ! On nous dit de ne pas nous inquiéter, que tout va bien, circulez, il n'y a rien à voir, faites-nous confiance… Vous faire confiance ? Oui et non…
Monsieur Cazeneuve, tous les gouvernements expliquent que la compensation se fait à l'euro près, bien entendu ; et puis, au fil des années, l'addition se révèle très lourde : ce sont des milliards d'euros qui ne sont plus compensés aux collectivités locales. (Exclamations.) On peut toujours dire non, ne pas lire les textes de loi, ne pas lire les rapports, ne pas voir les choses, mais la vérité est ce qu'elle est !
On peut essayer de faire une réforme, sur la base d'une proposition intéressante, avec des éléments concrets d'ici à la séance et en menant un débat constructif auquel nous sommes tous prêts à participer ; mais avancer à l'aveugle, comme on le fait ici, ne me paraît pas être une bonne manière de faire.
Je partage totalement les propos de M. Pupponi et de Mme Dupont : d'ici à la séance, nous devons disposer d'un tableau précis montrant à qui va profiter cette baisse exceptionnelle – qui n'a plus rien d'exceptionnel, d'ailleurs, car elle devient pérenne, ce qui est encore pire : vous mettez en place une baisse des impôts de production de 10 milliards d'euros qui va se répercuter tous les ans. Exceptionnelle, en revanche, elle l'est par son ampleur !
Quand vous aurez voté ce PLF, quelle sera la part de prélèvements obligatoires payés par les ménages, d'une part, et par les entreprises, d'autre part ? Cela aussi, j'aimerais le savoir d'ici à la séance.
En ce qui concerne la compensation aux collectivités locales, j'entends le président Cazeneuve nous dire qu'elle sera totale. Est-ce à dire que, dans ce PLF, vous déposerez des amendements pour supprimer les dispositions qu'il contient concernant les variables d'ajustement, de manière à éviter des ponctions sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ?
Monsieur Aubert, on peut effectivement établir un parallèle entre les grandes entreprises et les ménages les plus riches, à ceci près que les premières ont entre les mains des milliers d'emplois, ce qui n'est pas le cas des seconds, à moins qu'ils n'emploient beaucoup de personnes à domicile… Vous m'accorderez que l'impact sur l'emploi dans notre pays n'est pas tout à fait le même dans les deux cas, et que ma réponse non plus ne peut donc être identique.
Vous avez presque tous abordé la situation des petites entreprises : que fait-on pour elles et est-on sûr qu'elles ne passent pas complètement sous le radar ? Je rappelle que les entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur à 500 000 euros ne sont pas assujetties à la CVAE. Nous pouvons sans doute tomber d'accord sur le fait qu'il est normal de ne pas bénéficier de la suppression d'un impôt qu'on ne paie pas. Cela dit, je suis d'accord avec vous pour dire que le plan de relance aurait peut-être dû renforcer l'accompagnement de certaines PME. C'est la raison pour laquelle je propose, à travers quelques amendements, d'élargir le nombre de PME assujetties à un taux réduit d'IS : cela permet de compléter la baisse des impôts de production.
Monsieur Pupponi, madame Pires Beaune, vous demandez si l'on sait exactement quels seront les comportements économiques liés à la baisse fiscale. Je vous ferai observer que la précédente majorité avait voté une trajectoire de baisse de l'IS sans anticiper la manière dont allait se comporter le monde économique. Le principe d'une baisse de fiscalité, je le répète, est tout simplement de parvenir à un certain niveau fiscal ; à partir de là se créent des comportements – investissements, création d'emplois – liés aux marges ainsi dégagées. On peut considérer qu'il faut une économie administrée, et imposer, en face de chaque mesure publique, un comportement précis de l'entreprise concernée ; ce n'est pas ma vision. Notre pays souffre depuis des décennies de ne pas savoir où il se situe, s'agissant de la décision publique, entre économie administrée et économie de marché. Je considère que cette manière d'encourager les entreprises à créer de l'emploi tout en essayant de les tenir via des baisses de fiscalité ou des subventions publiques est exactement ce qui empêche d'engager une dynamique fondée sur la confiance économique. Il faut établir un climat de confiance, favorable à l'investissement : c'est ce que l'on appelle le climat des affaires. C'est ma conviction, je n'oblige personne à la partager, mais, pour avoir travaillé avec des entreprises dans ma vie d'avant – comme plusieurs d'entre vous –, je crois vraiment que c'est ce qui manque dans notre pays.
Pourquoi ne pas prendre une mesure de baisse de la fiscalité qui ne prétende pas être autre chose ? Quel problème cela pose-t-il ? Ce n'est pas pour cela qu'on fait de notre pays un paradis fiscal : il s'agit simplement d'avoir une fiscalité à peu près comparable à celle des autres pays de l'OCDE. C'est cela, l'attractivité – car nous sommes dans une économie ouverte, il existe une compétition mondiale, et attirer à nouveau des emplois industriels dans notre pays est un enjeu de compétition mondiale.
Nos ingénieurs et nos ouvriers sont réputés, reconnus. Il faut créer des conditions fiscales à peu près équivalentes à celles des autres pays de l'OCDE, ce qui n'est toujours pas le cas. C'est le seul objectif de la mesure dont nous discutons, et je pense qu'il faut lui conserver sa pureté, ce qui suppose de ne pas imposer la conditionnalité. Cela me permet de rebondir sur vos propos, monsieur Orphelin : libre à vous de résumer les choses comme vous l'avez fait, mais ma conditionnalité, je vous le dis très sincèrement et amicalement, c'est le maintien et la création d'emplois dans notre pays, ce qui passe par le développement d'un climat des affaires propice.
Ne dites pas que cela ne marche pas : 500 000 emplois nets ont été créés en trois ans grâce à une fiscalité attractive.
Une baisse de fiscalité, cela ne se conditionne pas ; en revanche, cela s'évalue, cela se contrôle, bien sûr : il faut que la représentation nationale puisse observer combien d'emplois ont été créés, dans quels secteurs, quelle est la taille des entreprises concernées. Mais je vous assure que le fait de conditionner la mesure ex ante est le meilleur moyen de ne pas créer un climat propice au redémarrage de notre économie.
Je ne reprends la parole que pour avoir la réponse du rapporteur général : est-il d'accord avec l'analyse selon laquelle, pour 289 000 PME, la baisse de la contribution ne sera que de 125 euros ? Confirme-t-il qu'il n'y aura aucune éco-conditionnalité dans ce PLF pour la baisse des impôts de production ? S'il me répond, cela fera gagner du temps à la commission par la suite.
Votre argument est bien connu, monsieur le rapporteur général. Bruno Le Maire, quand nous lui avions demandé ce qui pouvait pousser le capitalisme à utiliser en faveur de l'intérêt général et de l'investissement les marges de manœuvre qui lui étaient offertes à coups d'exonérations, nous avait répondu : « le bon sens ». Or tout montre, depuis vingt ans, que cette politique ne fonctionne pas. À partir du moment où vous n'imposez aucune contrainte à un système dont le premier critère, en tout cas la forme dominante, est la rente des actionnaires, l'argent que vous leur donnez va d'abord à la rente. Au cours des dix dernières années, les dividendes ont explosé par rapport à l'investissement. Plus vous faites des cadeaux fiscaux sans contrainte, plus vous renforcez le phénomène. Allez-y, continuez : non seulement cela appauvrit l'État, mais cela nuit à la santé économique du pays.
Je retire mes deux amendements : nous terminerons ce débat avec le Gouvernement dans l'hémicycle.
Les amendements I-CF1169, I-CF1338 et I-CF1188 sont retirés.
La commission rejette successivement les amendements I-CF901, I-CF1404 et I‑CF1407.
La commission examine l'amendement I-CF1371 de M. Éric Woerth.
Cet amendement vise à modifier les modalités d'établissement de l'assiette et de calcul des taux de la CVAE. La baisse des impôts de production ne permettra de restaurer la compétitivité des entreprises que pour autant que nous saurons corriger les effets de distorsion de ces impôts. Il s'agit notamment de supprimer la prise en compte du chiffre d'affaires qui, selon la nature des entreprises et des productions, peut ne pas être lié à la valeur ajoutée.
Sur le fond, votre raisonnement me paraît plutôt juste. Je note, non sans malice, que l'évaluation des politiques publiques a du bon, puisque votre amendement porte sur un impôt créé lorsque vous étiez ministre du budget…
L'article 3 est le fruit d'une longue concertation et de négociations avec les entreprises et les collectivités territoriales. Il paraît difficile de bouger un des rouages de ce mécanisme fiscal et il est préférable de réduire cet impôt sur sa base actuelle. Cela dit, l'idée de supprimer la prise en compte du chiffre d'affaires dans le calcul de la CVAE est loin d'être inintéressante ; nous pourrions en débattre en séance avec le ministre.
La commission rejette l'amendement I-CF1371.
La commission est saisie des amendements identiques I-CF60 de M. Fabrice Brun, I‑CF334 de Mme Véronique Louwagie et I-CF724 de M. Charles de Courson.
Pour garantir une meilleure répartition, l'amendement I-CF60 vise à moduler les taux applicables aux différentes entreprises.
L'amendement I-CF334 vise également à s'assurer que la suppression de la moitié du produit de la CVAE, conjuguée à l'abaissement du taux de plafonnement de la CET, profitera à l'ensemble des entreprises.
Contrairement à ce que l'on peut croire, la CVAE s'applique aux entreprises selon un barème progressif, le taux de 1,5 % ne s'appliquant qu'aux entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 50 millions d'euros. Par l'amendement I-CF724, nous souhaiterions, à coût inchangé, voir redistribuer une plus grande partie des 7,25 milliards d'euros aux PME.
Pour cela, nous avons besoin de simulations, monsieur le rapporteur général. Or, s'agissant d'un problème aussi central, l'étude d'impact est vide. Qui bénéficiera de l'abaissement du taux de plafonnement à 2 % ? L'étude d'impact souligne que le plafonnement à 3 % de la CET profite, pour 57 %, à l'industrie ; l'abaissement de ce taux contribuera-t-il à augmenter ou à réduire cette part ? On ne sait pas.
Le rapport contiendra des éléments tendant à montrer que l'abaissement du taux de plafonnement profitera fortement aux PME et aux ETI, majoritairement dans le secteur industriel. Mais il est toujours difficile de réfléchir ex ante ; c'est une évaluation a posteriori des conséquences de cette mesure qui sera nécessaire. Je m'en tiendrai ici aux objectifs que nous nous fixons : la relocalisation industrielle, et un redémarrage des entreprises rendu plus rapide par l'amélioration de leurs marges.
S'agissant de la modification des barèmes, je répéterai ce que j'ai dit au président Woerth : la CVAE n'est probablement pas une taxe parfaite, mais si nous la diminuons, ce doit être sur la base de l'existant. Lorsque l'on touche à la fiscalité, il faut le faire avec clarté, lisibilité et constance. Modifier le mode de calcul de la CVAE en cours de route serait le meilleur moyen pour que tout le monde soit perdu et ne se pose plus qu'une question : vais-je y gagner ou y perdre ? Non, les entreprises doivent être certaines d'une chose : la fiscalité baissera pour chacune d'entre elles.
La commission rejette les amendements identiques I-CF60, I‑CF334 et I-CF724.
Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques I-CF59 de M. Fabrice Brun, I-CF332 de Mme Véronique Louwagie, I-CF396 de Mme Lise Magnier et I‑CF723 de M. Charles de Courson, ainsi que de l'amendement I-CF333 de Mme Véronique Louwagie.
Nous proposons par l'amendement I-CF59 d'inclure la TASCOM dans le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée (PVA). Je souligne, une fois de plus, que les entreprises du e-commerce ne s'acquittent pas de cet impôt, ce qui constitue une distorsion de concurrence, au détriment du commerce de proximité, durement touché par la crise sanitaire.
L'amendement I-CF332 a le même objet. Dans les territoires ruraux, les petits commerces ont beaucoup souffert de l'épisode des gilets jaunes, puis de la crise du coronavirus. Même si le produit de la TASCOM est moindre que celui des autres taxes au niveau macroéconomique, cet impôt pèse beaucoup dans la comptabilité de ces entreprises.
La TASCOM étant assise sur le chiffre d'affaires, nous considérons qu'il s'agit aussi d'un impôt de production. Il convient donc de l'intégrer dans le PVA, comme le propose mon amendement I-CF396.
Mon amendement I-CF723, identique, vise à inclure la TASCOM dans le plafonnement applicable à la CET – qui regroupe la CVAE et la CFE.
Je présenterai dans un instant un amendement d'appel, I-CF703, monsieur le rapporteur général, pour connaître votre position sur l'intégration de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dans le PVA. Il faut rappeler que la CFE et le foncier bâti ont la même assiette. Il est aberrant que les entreprises paient deux impôts sur la même assiette ! J'ai toujours préconisé, pour plus de clarté, la fusion de la TFPB et de la CFE.
En deuxième partie, nous aurons une discussion approfondie sur la TASCOM, sur la fiscalité des entrepôts et sur la fiscalité des entreprises du numérique. La question est complexe et je crains qu'il n'y ait pas de solution magique – des collègues comme Benoit Potterie, qui ont beaucoup travaillé sur le sujet, ne me contrediront pas.
Je serai honnête : inclure la TASCOM dans le PVA aurait un coût très élevé pour les finances de l'État, puisque le dégrèvement sur CFE augmenterait dans des proportions importantes. Même si je comprends la philosophie de ces amendements, je ne pourrai, en tant que rapporteur général, qu'émettre un avis défavorable.
Monsieur de Courson, il serait compliqué d'intégrer la TFPB dans le plafonnement puisque l'impôt sur le foncier bâti est aussi acquitté par les ménages. Il faudrait pouvoir distinguer la part de la TFPB pouvant être intégrée au plafond applicable à la CET – un impôt par définition économique. La question est fort intéressante, mais je crains que votre solution ne soit pas possible en termes de cohérence fiscale. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF59, I-CF332, I-CF396 et I‑CF723, ainsi que l'amendement I-CF333.
Elle en vient à l'examen de l'amendement I-CF703 de M. Charles de Courson.
Je viens de le défendre. Je ne vois pas, monsieur le rapporteur général, en quoi il serait problématique d'intégrer la TFPB dans le plafonnement à 2 % : il reviendrait simplement à l'entreprise de faire le calcul et de demander le dégrèvement correspondant.
Je me souviens avoir lu dans l'étude d'impact que le coût du dégrèvement pour l'État était de 3 milliards d'euros. Pourriez-vous me dire de combien il serait majoré si la TFPB était intégrée dans le PVA ?
Il serait logique de prendre une telle mesure. Ce qui est illogique, c'est de ne pas l'avoir envisagé lorsque nous avons mené la réforme de la taxe professionnelle.
L'objet de la TFPB n'est pas le même que celui de la CET et une telle mesure nous contraindrait à établir une distinction entre la TFPB applicable aux ménages et la TFPB applicable aux entreprises. Ce serait incohérent d'un point de vue fiscal.
En séance, je préciserai le coût actuel du dégrèvement pour l'État et le coût que représenterait l'intégration de la TFPB au PVA.
La commission rejette l'amendement I-CF703.
Puis elle examine l'amendement I-CF1033 de M. Jean-René Cazeneuve.
Il s'agit de reporter au mois de décembre le versement du second acompte de CVAE, normalement exigible en septembre. Cela permettrait de tenir compte de la valeur ajoutée réellement constatée sur les onze premiers mois de l'année et de calculer un versement plus proche du résultat effectif. Cette mesure serait d'autant plus importante que, compte tenu de la crise, les acomptes seront sans doute sous-estimés.
Je ne suis pas sûr de comprendre votre amendement : les acomptes de l'année N sont assis sur la valeur ajoutée de la dernière déclaration de résultats, donc sur la valeur ajoutée de N-1. Je vous suggère de retirer l'amendement.
L'acompte est payé sur la valeur ajoutée prévisible de l'année en cours. Le solde est reversé aux collectivités territoriales l'année suivante, mais il s'agit bien des résultats de l'année en cours.
L'amendement I-CF1033 est retiré.
La commission examine l'amendement I-CF185 de M. Charles de Courson.
En raison de la crise sanitaire, nous proposons, pour compenser les pertes de recettes de CVAE subies par les régions, de prendre l'année 2019 plutôt que l'année 2020 comme année de référence. Cela paraît plus équitable.
Il faut tenir compte du décalage d'un an dans le calcul, monsieur de Courson. Les régions sont favorables à ce que l'on prenne pour référence l'année 2020 – je parle sous le contrôle de M. Cazeneuve.
Le calcul que vous proposez ne serait pas favorable aux régions, monsieur de Courson. Je vous propose de retirer votre amendement.
L'amendement I-CF185 est retiré.
La commission examine les amendements identiques I-CF927 de Mme Valérie Rabault, I-CF1020 de M. Robin Reda et I-CF1175 de M. Fabrice Brun.
Les régions seront incapables d'inscrire au budget primitif de 2022 le montant de la fraction de TVA, puisque le ratio, qui dépend du produit net encaissé de la TVA sur 2021, ne sera connu qu'au milieu de l'année 2022. L'amendement I-CF927, proposé par l'Association Régions de France (ARF), prévoit donc un nouveau calcul du ratio.
La rédaction proposée par l'amendement I-CF1020 est similaire à celle utilisée dans le cadre du remplacement de la DGF par l'affectation d'une fraction de TVA.
L'administration ne m'a pas fourni dans les temps les éléments me permettant d'évaluer l'intérêt de ce nouveau calcul, si bien que j'ai du mal à apprécier, sans mauvais jeu de mots, la valeur ajoutée de ces amendements… Je vous demande de bien vouloir me donner davantage d'explications ou, à défaut, de les retirer.
La commission rejette les amendements identiques I-CF927, I-CF1020 et I-CF1175.
Puis elle examine les amendements identiques I-CF903 de Mme Valérie Rabault, I‑CF1019 de M. Robin Reda et I-CF1171 de M. Fabrice Brun.
L'amendement I-CF903 vise à figer en 2021, en valeur absolue, le montant de la péréquation versée ou reçue par chaque région. Il convient de rappeler que la péréquation entre régions est la plus faible des péréquations horizontales, puisqu'elle représente 1 % des recettes de fonctionnement. Nous défendrons en séance d'autres amendements sur ce sujet. Celui-ci émane de l'ARF et s'inscrit dans l'esprit de l'accord de partenariat signé entre le Premier ministre et les régions.
L'amendement I-CF1019 a le même objet. Ce mécanisme conservatoire vaudra pour la seule année 2021 et permettra de préserver les ressources de chaque région, qu'elle soit contributrice ou bénéficiaire au fonds de péréquation.
La suppression de la part régionale de la CVAE sera compensée, pour les régions, par l'affectation d'une fraction de TVA. Cela suppose d'inventer de nouvelles règles de calcul pour la péréquation. L'accord de partenariat État-régions précise que « pour l'année 2021, les règles actuelles du système de péréquation restent inchangées ». Est-ce à dire que les montants le seront également ? J'en doute, mais je propose que nous demandions au Gouvernement de préciser sa position en séance. Je vous demande, dans l'intervalle, de retirer ces amendements.
On sait que les montants de la péréquation entre régions sont très inférieurs à ceux du fonds de péréquation des départements et des dotations de péréquation pour le bloc communal. L'objectif, et c'est l'esprit de l'accord signé avec le Gouvernement, est que la péréquation régionale progresse le plus rapidement possible, dès 2021. Ces amendements m'étonnent, car figer le montant de la péréquation en le maintenant au niveau de 2020 pourrait bien constituer un recul dans la mesure où il devrait déjà augmenter mécaniquement de 20 à 40 millions d'euros. Ce serait aggraver le problème.
Nous disons la même chose : la péréquation des régions est bien en deçà des autres péréquations. Ces amendements permettent précisément de respecter l'esprit de l'accord en prévoyant que les règles, mais aussi les sommes payées ou reçues par chaque région, resteront inchangées en 2021.
Jean-René Cazeneuve a raison : figer les montants pourrait empêcher la progression en volume de la péréquation. Le ministre des comptes publics devra répondre à cette question très technique en séance.
Les amendements identiques I-CF903, I‑CF1019 et I-CF1171 sont retirés.
La commission en vient à l'amendement I-CF1461 de la commission du développement durable.
Notre rapporteur pour avis M. Jean-Marc Zulesi étant absent, je défends cet amendement, adopté hier par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui vise à conditionner le bénéfice de la baisse de la CVAE pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires de plus de 500 millions d'euros à la souscription d'engagements forts en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Un amendement semblable a été adopté lors de l'examen du PLFR 3. Nous proposons ainsi de concilier transition écologique et soutien aux entreprises et à l'emploi.
J'ai déjà expliqué que j'étais défavorable à l'idée de soumettre à conditions la baisse des impôts de production. Nous avons collectivement intérêt à montrer aux entreprises que nous attendons de leur part des engagements clairs, que ce soit en matière de réduction des gaz à effet de serre, d'égalité entre les hommes et les femmes ou de partage de la valeur. Vous le savez, des députés de la majorité ont travaillé sur ces questions et feront des propositions d'ici à la séance. Mais tout n'est pas législatif. Nous devons trouver une formule plus partenariale pour progresser ensemble dans le cadre de ce plan de relance, plutôt que d'opposer comportements et baisse de fiscalité. Avis défavorable.
Les amendements portant sur la conditionnalité des dispositifs sont un fait nouveau et il n'y a pas d'antécédents clairs sur leur recevabilité. Je regrette que le président de la commission des finances ait décidé que seuls les amendements portant sur des dispositions modifiées par le texte seraient recevables. Cela nous conduit à ne proposer des amendements que sur les dispositifs auxquels nous sommes opposés, comme la baisse des impôts de production. Il aurait été beaucoup plus logique de proposer de mettre sous conditions l'accès à des dispositifs tels que le PGE, le chômage partiel ou le fonds de solidarité. Je regrette que l'opportunité législative soit aussi restreinte.
Comme je l'ai expliqué en début de séance, vous pourrez déposer des amendements de conditionnalité portant sur des dispositifs d'aide ou de garantie, sur le PGE par exemple, en deuxième partie du PLF. Seuls les amendements de conditionnalité liés à la fiscalité ont leur place en première partie.
Ce budget et le plan de relance qu'il contient poursuivent le même objectif : accompagner les entreprises dans la transition écologique tout en modernisant leur outil de production. Nous examinerons des crédits qui ont cette vocation. Dans la première partie, c'est la question des instruments que nous pourrions créer pour accompagner ces entreprises qui se pose. Cela dit, je partage une des réserves du rapporteur général : que les entreprises prennent des engagements ne peut être la condition du soutien de l'État. Dans cette crise dramatique, elles doivent être soutenues d'urgence, et de façon efficace. Le groupe LAREM votera contre ces amendements, mais il proposera des avancées en matière de réduction des gaz à effet de serre, d'égalité entre les femmes et les hommes et de dialogue social. Il s'agit bien d'accompagner les entreprises, sans limiter la mise en œuvre du plan de relance.
La première condition, c'est que ce soutien doit se poursuivre tant que nous aurons, dans cette compétition mondiale, des impôts de production plus élevés qu'ailleurs ! On peut tout conditionner, trouver des contreparties aux aides de l'État – c'est souvent légitime –, mais pas dans la situation actuelle ! Les entreprises se battent pour survivre : leur demander des engagements, c'est un peu comme soumettre un malade à un accord avant de le soigner. Certes, les mesures proposées par le Gouvernement ne sont pas ponctuelles, mais structurelles : additionner des milliards d'euros annuels n'a d'ailleurs aucun sens. C'est en ce sens que les impôts de production baissent dans des proportions importantes. Même si leur niveau reste élevé par rapport aux autres pays européens, cette réduction rendra aux entreprises françaises un peu plus de compétitivité, et donc de capacité de survie.
La commission rejette l'amendement I-CF1461.
Puis elle examine l'amendement I-CF236 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Avec le temps, j'ai appris à être très prudente face à ce type de mesures et à évaluer leurs conséquences sur les différents secteurs. Ma crainte, c'est que ce dispositif profite bien davantage aux grandes entreprises qu'aux PME et TPE. Je propose donc que le Gouvernement remette un rapport en début d'année sur les modalités de mise en œuvre de cette réforme, par secteur et par taille d'entreprise. Cela permettrait de clarifier les choses.
Non, c'est volontairement que j'ai choisi une date aussi rapprochée : ce rapport a vocation à remplacer l'étude d'impact, inexistante sur cette question.
Nous essaierons de préciser, pour la séance, quelles seront les entreprises qui bénéficieront le plus de la baisse de la CVAE, par taille et par secteur. Mais, je le répète, l'efficacité de ces mesures ne peut s'évaluer qu' a posteriori.
La seule condition à la reprise, c'est que nous redémarrions tous ensemble, ménages, grandes entreprises, ETI, PME, TPE. Le plan de relance, c'est 100 milliards d'euros d'argent public : les entreprises ont un rôle à jouer, au niveau économique et au niveau des emplois. En tant que rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Plan de relance, Éric Woerth et moi-même ferons une évaluation régulière de ces indicateurs. La relance, dans son ensemble, doit être mesurée régulièrement. Mais l'évaluation ex ante, cela s'appelle une étude d'impact. Je vous demande de retirer cet amendement.
Il me paraît de bon sens de demander que nous soient transmis, dès l'année prochaine, les premiers éléments sur l'impact de cette réforme, comme cela a été le cas pour la taxe professionnelle.
Je me permets de vous poser à nouveau la question, monsieur le rapporteur : quel est le coût pour l'État du PVA à 3 %, et quel sera le coût de son abaissement à 2 % ? J'ai lu attentivement l'étude d'impact, mais je n'ai pas trouvé la réponse.
Nous devrions disposer de ces éléments ! Faute d'une étude d'impact suffisamment détaillée, il faut voter cet amendement.
En 2019, le montant du dégrèvement était de 1,1 milliard d'euros. Nous tenterons d'évaluer les effets d'un abaissement du PVA à 2 % ainsi que le coût prévisible d'une éventuelle intégration de la TASCOM et de la TFPB.
La commission rejette l'amendement I-CF236.
Elle en vient à l'amendement I-CF976 de M. Éric Coquerel.
Il s'agit aussi d'une demande de rapport, dont la date de remise aurait dû être fixée plus tôt, comme dans l'amendement de Mme Dalloz. Il convient d'évaluer les mécanismes de compensation pour les régions. Entre 2010 et 2018, les recettes de la CVAE ont augmenté de 71,8 % alors que celles de la TVA ne progressaient que de 28,6 %. Le taux de croissance annuel moyen de la CVAE sur cette période est de 7 %, contre seulement 2,7 % pour la TVA. La compensation se traduira donc par une perte de recettes annuelle de 4,3 % pour les régions.
Votre analyse est erronée. Les régions auront tout intérêt à recevoir une fraction de TVA, dont le produit sera d'autant plus dynamique que la consommation reprendra. Et l'effet de cette réforme sera doublement positif puisque l'année de référence sur laquelle sera calculé le dernier versement de CVAE ne sera pas celle de la crise. C'est donc avantageux pour les régions !
Monsieur Coquerel, ne soyez pas plus régionaliste que les régions, qui se montrent satisfaites de cet accord. Je crains que vos chiffres ne soient faux, car la CVAE évolue exactement comme le PIB sur le long terme. Si le PIB avait augmenté de 78 % durant cette même période, nous serions tous très heureux !
Si vous avez d'autres chiffres, donnez-les nous, cher collègue ! Monsieur le rapporteur, vous parlez du dynamisme de la TVA, mais son évolution a été trois fois moindre que celle de la CVAE cette dernière décennie.
Sortez donc vos chiffres ! Je vous donne les chiffres réels de l'évolution de la TVA et de la CVAE entre 2010 et 2018. Vous devez avoir une sacrée confiance dans la relance économique post-covid pour croire que le regain de dynamisme de la TVA sera tel qu'il effacera l'évolution constatée depuis bientôt dix ans ! Que vous vous basiez sur des prévisions aussi hypothétiques est inquiétant pour les régions ; et le moins que l'on puisse dire, c'est que vous ne nous rassurez pas.
La commission rejette l'amendement I-CF976.
Enfin, elle adopte l'article 3 sans modification.
Après l'article 3.
La commission examine l'amendement I-CF1331 de M. Jean-Noël Barrot.
Demain, 7 octobre, le sursis dont bénéficiaient les entreprises pour se déclarer en cessation de paiements prendra fin et les tribunaux de commerce devront sans doute faire face à un afflux important de procédures. Pour aplanir la courbe potentiellement ascendante des défaillances d'entreprise, nous proposons cet amendement, déjà défendu lors des PLFR pour 2020 successifs. Il s'agit de neutraliser les conséquences fiscales d'un abandon de créance : le fournisseur qui renonce à une créance pourra déduire de ses impôts la somme non perçue.
Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises et nous avons trouvé, dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, un bon équilibre. Je vous propose de retirer cet amendement, à défaut de quoi l'avis sera défavorable.
La commission rejette l'amendement I-CF1331.
Elle est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF358 de Mme Véronique Louwagie et I-CF238 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Les bénéfices des entreprises relevant de l'impôt sur le revenu (IR) sont imposés en totalité à l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et soumises aux charges sociales, même s'ils ont été laissés à titre de réserve au sein de l'entreprise pour procéder, par exemple, à des investissements.
L'amendement I-CF358, que j'ai déjà présenté l'an dernier, prévoit que la part du résultat affectée aux réserves ne soit pas soumise aux taxes, dans la limite de 13 % du résultat fiscal et de 7 000 euros par exercice, en respectant un plafond de 35 000 euros. Les sommes capitalisées et leurs intérêts seraient réintégrés au résultat de l'exercice tous les cinq ans. Ce serait un outil utile, car il permettrait aux chefs d'entreprise sans trésorerie d'investir et de développer leur activité.
Je propose par mon amendement I-CF238 un dispositif semblable, mais en fixant une autre limite : la part laissée en compte d'attente et exonérée de taxe pourrait atteindre 40 % du résultat fiscal. Cela permettra de conforter la trésorerie et les fonds propres, et d'assurer la pérennité de l'entreprise.
Mme Dalloz fait monter les enchères : elle passe de 13 à 40 %, puis elle enlève la réintégration, qui est tout de même un élément important du dispositif !
Ça, c'est sûr ! Si les régimes de l'IS et de l'IR sont différents, c'est parce qu'ils présentent chacun des avantages. Comme dit Valérie Rabault, la fiscalité, ce n'est pas fromage et dessert… Un professionnel doit savoir quel régime est le plus avantageux ou le plus pertinent pour son activité. Ces amendements, qui nous sont régulièrement soumis, me paraissent d'autant moins justifiés que la possibilité de passer d'un régime à l'autre a été assouplie par la loi de finances pour 2019. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements I-CF358 et I-CF238.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF319, I-CF318 et I-CF317 de Mme Véronique Louwagie.
Je vais défendre en même temps ces trois amendements, que j'avais déjà déposés dans le cadre du PLFR 3. Lors des débats en commission des finances et en séance, j'avais cru comprendre que le Gouvernement examinerait avec bienveillance un dispositif allant dans ce sens.
Je rappellerai trois règles. Tout d'abord, pour être déductibles fiscalement, les amortissements des immobilisations doivent obligatoirement être comptabilisés. Ensuite, les modifications de durée ou de plan d'amortissement qui pourraient être décidées ne sont pas possibles fiscalement, même si cela est possible comptablement. Enfin, l'épidémie de la covid-19 a entraîné une non-utilisation de certains biens, qui ne se sont donc pas dépréciés.
Je vous propose de permettre aux entreprises de ne pas comptabiliser leur amortissement fiscal, sans pour autant subir de préjudice fiscal, c'est-à-dire en leur permettant de déduire ces amortissements ultérieurement, au moment où ceux-ci seraient comptabilisés. Cela permettrait d'aider les entreprises à reconstituer leurs fonds propres, lesquels sont très importants lorsque les entreprises cherchent à recourir à des moyens financiers. En effet, un des éléments les plus importants étudiés par les organismes financiers est justement la quote-part des capitaux propres dans le total du bilan. J'en veux pour preuve l'article 5 du projet de loi de finances sur la neutralisation fiscale de la réévaluation libre des actifs, qui vise à permettre aux entreprises de reconstituer leurs capitaux propres.
Les trois amendements proposent des dates différentes : le premier vise à appliquer ce mécanisme du 17 mars 2020 jusqu'au 31 décembre 2022, le deuxième jusqu'au 31 décembre 2021 et le troisième jusqu'au 31 décembre 2020.
Nous avons déjà eu ce débat dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Je suis d'accord avec vous : il nous fallait trouver une solution comptable plus que fiscale, l'une ayant des conséquences sur l'autre. Les articles 5 et 6 du projet de loi apportent de bonnes réponses sur la neutralisation fiscale de la réévaluation des actifs, qui a un effet direct sur le renforcement des fonds propres ; et sur l'étalement de la plus-value de cession-bail. C'est le type même de la mesure fiscale efficace, à même d'aider les entreprises.
Toutefois, je ne suis pas sûr que les amortissements différés soient la bonne solution à ce stade ; vous l'aviez d'ailleurs vous-même souligné lors de l'examen du troisième PLFR pour 2020. Il faudrait comparer votre proposition avec celle de l'article 5 : à mon avis, les entreprises préfèrent la neutralisation fiscale au maintien des suramortissements. Avis défavorable.
Si l'article 5 peut constituer un dispositif intéressant, celui-ci ne sera pas forcément utilisable facilement par les petites et les très petites entreprises. À l'inverse, le dispositif que je vous propose est d'une extrême simplicité : il suffit de modifier le plan d'amortissement, sans créer de mécanisme de réévaluation libre. Si ce dernier ne pose aucun problème technique aux entreprises d'une certaine taille, qui disposent des ressources en interne, il représente en revanche une vraie difficulté pour les très petites entreprises.
La commission rejette successivement les amendements I-CF319, I-CF318 et I-CF317.
Article additionnel après l'article 3 : Prorogation des dispositifs de déductions en faveur des entreprises de presse
La commission en vient à l'amendement I-CF1352 de Mme Aurore Bergé.
Le présent amendement propose de proroger de trois ans deux dispositifs permettant de soutenir les capacités d'investissement des entreprises du secteur de la presse, très affectées par la crise, et de pallier la faiblesse de leurs fonds propres.
Ces dispositifs permettent, pour l'un, de constituer une provision déductible du résultat imposable pour financer des développements et des acquisitions et, pour l'autre, de procéder à une déduction directe des dépenses exposées en vue de l'acquisition de certains éléments d'actifs, par dérogation au droit commun. Instaurés en 1996, ces dispositifs ont systématiquement été prorogés depuis ; je vous propose de continuer à le faire jusqu'en décembre 2023.
Cette prorogation est la bienvenue et a le mérite de sécuriser le dispositif au regard de la réglementation européenne. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement I-CF1352 ( amendement 651 ).
Après l'article 3
Elle examine l'amendement I-CF110 de M. Fabrice Brun.
Nous souhaitons réintroduire le suramortissement dans le code général des impôts. Ce dispositif, qui a fait ses preuves, est un très bon outil de soutien à l'investissement et, par conséquent, à la relance économique. Je citerai l'exemple de la filière touristique, notamment l'hôtellerie de plein air, dans laquelle la région Auvergne-Rhône-Alpes excelle – en particulier l'Ardèche. Chaque année, les campings investissent pour coller à l'évolution de la demande de la clientèle. Ces investissements importants permettent de soutenir toute la filière puisque les fabricants de mobile-homes et d'habitat léger de loisirs sont tous français. En adoptant cette mesure, nous favoriserions l'investissement et l'emploi dans la filière – des emplois situés en France. Voilà pourquoi nous apportons un soutien fort et déterminé à cette proposition émanant des acteurs économiques et touristiques.
J'ai toujours dit, lors de l'examen des projets de loi de finances rectificative pour 2020, que le suramortissement était un outil efficace, et je le maintiens – même si Charles de Courson le qualifie de produit stupéfiant.
(Sourires.)
En effet. Le suramortissement est une option et cela fonctionne bien, reconnaissons-le. Toutefois, le plan de relance propose des mesures encore plus efficaces, sous la forme de subventions directes à l'investissement. Reprenons-les dans l'ordre : 20 milliards d'euros de baisse des impôts de production sur deux ans ; le renforcement des fonds propres avec les outils prévus aux articles 5 et 6 ; les subventions directes. Le plan de relance comporte en effet de nombreuses mesures de subvention de l'investissement, notamment pour l'acquisition de machines, et cible des technologies plus vertes. Je trouve cela préférable au suramortissement proposé, car la subvention directe est davantage pilotable : ce sont des crédits budgétaires, qui seront contrôlés par les parlementaires. En outre, les aides accordées dans le cadre du quatrième plan d'investissement d'avenir (PIA 4) seront directement liées aux investissements des entreprises.
Ainsi, le plan de relance prévoit un soutien massif à l'investissement et fixe des trajectoires écologiques et industrielles – les deux ne sont pas incompatibles. Nous avons la bonne réponse ; à nous, parlementaires, de contribuer à la faire appliquer sur le terrain et de contrôler la bonne exécution des crédits. C'est un outil plus efficace à court terme pour favoriser la reprise de l'investissement que le suramortissement qui, lui, a forcément un effet décalé dans le temps. Avis défavorable.
Je persiste à penser que c'est une erreur de ne pas intégrer dans le plan de relance le dispositif de suramortissement. Ce dispositif est stupéfiant, en effet – stupéfiant d'efficacité et de simplicité pour les acteurs économiques, quelle que soit leur taille, contrairement au plan de relance, qui a parfois les apparences d'une usine à gaz.
La commission rejette l'amendement I-CF110.
Elle examine, en discussion commune, l'amendement I-CF1194 de M. Jean-Noël Barrot, les amendements identiques I-CF64 de M. Fabrice Brun, I-CF337 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1387 de M. Benoit Potterie, ainsi que l'amendement I-CF338 de Mme Véronique Louwagie.
La proposition présentée dans mon amendement I-CF1194 va dans le même sens, même si elle est un peu plus ciblée. Je ne suis pas un grand adepte du suramortissement, mais il me semble que l'on aurait pu imaginer de proroger d'un an le suramortissement créé en 2019 et de l'étendre aux commerces pour faciliter leur transition numérique. Cela aurait été un investissement utile pendant la crise et le confinement.
La loi de finances pour 2019 avait créé un mécanisme de suramortissement visant à soutenir les investissements numériques des industriels. L'amendement I-CF64 propose d'étendre cette mesure de soutien aux investissements des commerçants afin de leur permettre de lutter dans le combat déséquilibré qu'ils mènent face à l'e-commerce.
Mon amendement I-CF337, identique, a pour objet de prolonger la mesure au-delà de 2020 car, cette année ayant été très particulière, un certain nombre d'entreprises n'ont pas pu réaliser les investissements qu'elles souhaitaient faire et n'ont ainsi pu recourir au dispositif tel qu'il avait été prévu. Il est donc opportun de pouvoir l'activer pour 2021 puisque l'économie devrait reprendre un fonctionnement plus normal.
L'amendement I-CF338, qui procède du même esprit, est défendu.
L'amendement I-CF1387 de notre collègue Potterie va dans le même sens. Les commerçants ont eu la force de se réinventer pendant la crise en proposant des outils de vente en ligne et de livraison à domicile, et il est nécessaire de les accompagner dans cette démarche. Nous proposons donc de prolonger le suramortissement jusqu'en 2021 et de l'étendre à l'ensemble des commerçants.
Avis défavorable à l'ensemble des amendements proposant le suramortissement. Nous préférons, pour la présente période, la subvention directe et le soutien à l'investissement des entreprises.
Je trouve votre réponse un peu courte ! Venez avec moi à la prochaine réunion de la chambre de commerce et d'industrie de l'Ardèche pour répondre aux interrogations des acteurs locaux. Je vais me retrouver face à des industriels qui bénéficient du dispositif et des commerçants qui n'en bénéficient pas, alors qu'ils ont été fermés entre deux et trois mois, pendant la période du confinement. Ils font face à des enjeux majeurs : l'évolution des modes de consommation, le développement du e-commerce. Et ils prennent eux-mêmes des initiatives dans le numérique ; il est vraiment important de les accompagner avec ce dispositif pour soutenir l'économie et l'emploi au cœur des territoires.
Lorsque nous proposons des aménagements fiscaux, vous nous répondez qu'il faut y aller mollement parce que le terrain est déjà très miné ; et quand nous parlons des procédures de suramortissement, vous nous dites que ce n'est pas le bon dispositif. Nous avons besoin d'envoyer un signal fort aux petites entreprises et aux commerçants. Certains des outils proposés ne leur profiteront que de manière très minime ; or ils sont pourtant en première ligne dans cette crise.
Votre majorité a annoncé un plan de relance : c'est une bonne chose, mais encore faut-il d'abord sauvegarder l'existant. Pour les commerces, notamment ceux des centres-villes, qui ont le plus souffert, c'est bien le passage au numérique qui importe. Je comprends vos arguments techniques, mais n'entamons pas un dialogue de sourds : quelles dispositions du budget permettront à nos commerçants et petites entreprises de rééquilibrer la concurrence avec les grandes entreprises ? Voilà l'enjeu politique ! Le prêt garanti par l'État ne peut pas être la seule arme : les emprunts, ça se rembourse… Nous avons besoin de mesures concrètes ; c'est pourquoi j'apporte mon soutien à ces amendements.
Le plan de relance comportera des crédits budgétaires importants pour la numérisation des TPE-PME, notamment dans le secteur du commerce. Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, a indiqué très clairement hier que son objectif était d'aider un million de petites entreprises à digitaliser leur activité. Notre majorité a fait le choix de soutenir ce secteur par le canal des crédits budgétaires plutôt que de multiplier les dispositifs fiscaux : c'est une bonne méthode. Par conséquent, nous ne sommes pas favorables à ces amendements.
Nous partageons tous l'objectif d'aider les entreprises à opérer leur transition. En revanche, nous ne sommes pas d'accord sur l'outil. Que la transition soit numérique ou écologique, les chefs d'entreprise et les artisans n'ont pas le temps de se demander ce qu'ils doivent faire. Si cela doit prendre la forme d'un crédit d'impôt, ils seront seuls pour effectuer les démarches. Nous préférons leur proposer un accompagnement, par exemple avec les actions menées dans le cadre de l'initiative France Num. C'est la bonne façon de procéder et je la revendique aussi pour la transition écologique, parce que les artisans et les TPE ont besoin d'être accompagnés de manière très rapprochée.
Concernant l'accompagnement des chefs d'entreprise face aux enjeux du numérique et de la transition écologique, dans certains territoires, 90 % des entrepreneurs sont des indépendants. J'espère que vous tiendrez le même discours lorsque nous en viendrons aux moyens dédiés aux chambres de commerce et d'industrie.
Je viendrai avec grand plaisir dans l'Ardèche, si M. Brun m'y invite, pour expliquer aux industriels et aux commerçants en quoi le plan de relance les concerne au quotidien. Nous devons tous le faire dans tous les territoires. Le suramortissement est un fantasme très exagéré – cela représente environ 20 millions d'euros en 2020 ! Le plan de relance consacre plus de 385 millions d'euros au seul renouvellement de l'outillage et des machines : on n'est pas du tout dans la même dimension. Et ce n'est pas l'un contre l'autre, monsieur Aubert : nous sommes tous obligés de nous placer dans une nouvelle perspective avec les nouvelles aides à l'investissement figurant dans le plan de relance. Elles représentent le coup d'accélérateur de toute reprise d'investissement d'une entreprise, quels que soient sa taille et son secteur d'activité. Le plan de relance n'est pas parfait et l'on aurait évidemment pu aller plus loin, mais chacun doit faire connaître dans les entreprises de son territoire les mesures que le Parlement s'apprête à voter.
La commission rejette successivement l'amendement I-CF1194, les amendements identiques I-CF64, I-CF337 et I-CF1387, ainsi que l'amendement I-CF338.
Elle examine, en discussion commune, l'amendement I-CF766 de M. Dino Cinieri, l'amendement I-CF443 de M. Julien Dive, ainsi que les amendements identiques I-CF1047 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1303 de M. Hervé Pellois.
Afin de les aider à mieux concilier productivité et écologie, il est indispensable d'aider les agriculteurs à se doter des meilleures technologies. L'amendement I‑CF766 vise par conséquent à étendre le régime de déduction de l'article 39 decies B du code général des impôts aux nouveaux équipements agricoles jusqu'au 31 décembre 2023.
L'amendement I-CF1047 tend à élargir la possibilité de suramortissement du matériel robotique aux agriculteurs. L'agriculture a besoin de poursuivre sa transformation. Tout ce qui concerne la robotique et les systèmes numériques est d'une extrême importance pour les agriculteurs, que nous devons soutenir dans leur démarche.
Compte tenu des explications apportées par le rapporteur général sur le plan de relance, je retire mon amendement I-CF1303.
L'amendement I-CF1303 est retiré.
Les aides pour le renouvellement des agroéquipements s'élèvent à 250 millions d'euros dans le plan de relance. Je me ferai souvent, pendant cet automne budgétaire, le VRP du plan de relance : il faut vraiment rappeler toutes les mesures ainsi créées pour bien les déployer.
La commission rejette successivement les amendements I-CF766, I-CF443 et I-CF1047.
Elle en vient à l'amendement I-CF113 de M. Fabrice Brun.
L'objectif de cet amendement est d'étendre le dispositif de suramortissement aux matériels et outillages industriels dans le secteur de l'économie circulaire. Cela est nécessaire pour accélérer le recyclage du plastique qui a connu, et c'est assez paradoxal, une augmentation de son utilisation durant la crise sanitaire.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l'amendement I-CF113.
Elle rejette ensuite, sur avis défavorable du rapporteur général, les amendements identiques I-CF952 de Mme Lise Magnier et I-CF960 de M. Vincent Rolland, puis, successivement, les amendements I-CF616 et I-CF1397 de M. Benoit Potterie.
Elle examine l'amendement I-CF764 de M. Fabrice Brun.
J'ai eu l'occasion de me faire l'ambassadeur des mesures de soutien à l'investissement dans le secteur touristique ; cet amendement est donc défendu.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l'amendement I-CF764.
Elle en vient à l'amendement I-CF846 de M. Christophe Naegelen.
Le présent amendement propose une incitation fiscale pour les entreprises qui souhaitent déménager leurs sièges sociaux vers des territoires ruraux.
Votre amendement pose un problème de fond. Encourager le déménagement des sièges sociaux ne pose pas de difficulté ; en revanche, avant de créer une déduction fiscale encourageant les entreprises à quitter l'Île-de-France, il faudrait en parler aux élus franciliens ! Avis défavorable.
Le but est simple : il s'agit de souligner le fait que les territoires ruraux sont toujours laissés pour compte lorsqu'il est question d'implanter des sièges sociaux, contrairement à la région Île-de-France qui, avec Paris, en est la principale bénéficiaire. Il pourrait être intéressant d'inciter fiscalement, fût-ce pour une durée limitée, les entreprises à franchir le pas : cela permettrait de ramener de l'emploi dans les territoires ruraux.
La commission rejette l'amendement I-CF846.
Elle est saisie de l'amendement I-CF311 de M. Fabrice Brun.
La crise de la covid-19 a révélé nos failles, notre dépendance économique, sanitaire, alimentaire et même agricole vis-à-vis d'autres continents. Nous partageons l'objectif de relocaliser certaines activités et productions industrielles. Le présent amendement vise donc à exonérer d'impôt sur les sociétés pendant cinq ans les entreprises qui relocaliseraient leurs activités en France et à permettre aux collectivités locales d'accorder des exonérations de taxes locales. Parallèlement, un dispositif de remboursement des aides fiscales serait d'emblée mis en place, au cas où une entreprise ayant bénéficié de ce régime d'exonérations fiscales déciderait de délocaliser à nouveau ses activités à l'étranger.
Je partage la volonté d'encourager la relocalisation d'entreprises en France. Le PLF prévoit d'ailleurs une batterie de mesures allant dans ce sens, à commencer par la baisse des impôts de production à laquelle s'ajoute la diminution de l'impôt sur les sociétés. Même si les montants des subventions à l'investissement sont plus faibles que les montants consolidés de la baisse des impôts de production, les PME et ETI industrielles doivent absolument se saisir de ces aides : ce sont les meilleures solutions que nous pouvons leur apporter.
J'émets donc un avis défavorable parce que cette mesure ferait doublon avec le plan de relance ; il n'est pas nécessaire d'ajouter des exonérations fiscales à la baisse des impôts de production. Au-delà, cela poserait un risque de rupture de l'égalité devant l'impôt. Enfin, ce serait une prime à celui qui revient, alors qu'il faut rendre le territoire attractif pour tout le monde et encourager tous les créateurs d'emplois à venir s'installer dans notre pays.
La commission rejette l'amendement I-CF311.
Elle examine l'amendement I-CF611 de M. Philippe Huppé.
Cet amendement a pour objet de créer un crédit d'impôt pour le « fabriqué en France », qui serait égal à 10 % des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement affectés à la fabrication de produits intégralement sur le territoire français et constitués d'éléments dont l'extraction et la croissance ont lieu à au moins 50 % en France. En outre, le bénéfice de ce crédit d'impôt serait conditionné à la poursuite d'engagements en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale par l'entreprise. Il s'agit d'accompagner la volonté du Gouvernement de relocaliser la fabrication en France.
Je m'efforce d'être cohérent dans mes avis. J'ai dit le mal que je pouvais penser du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Je ne veux pas donner un avis favorable à une proposition de crédit d'impôt sur la masse salariale – surtout à 10 % ! C'est typiquement de la mauvaise incitation fiscale. Ce ne sont pas des outils à privilégier. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement I-CF611.
Elle en vient à l'amendement I-CF146 de M. Dino Cinieri.
Cet amendement propose de limiter à deux ans, pour les entrepreneurs exerçant leur activité à titre principal, la possibilité d'être soumis au régime de la microentreprise.
Avis défavorable, car cela remet en cause l'application d'une réforme récente et sur laquelle nous manquons de recul. Et surtout, j'aimerais que nous soyons tous comptables d'une certaine stabilité fiscale à partir de maintenant. Je sais que c'est un peu frustrant parce que l'initiative fiscale est un peu la seule à disposition des parlementaires en raison de l'article 40 de la Constitution, mais, pour le bien de notre pays et pour favoriser la reprise économique, nous devons prendre appui sur la situation fiscale actuelle. De plus, pourquoi votre dispositif ne concernerait-il que le régime micro-BIC, et pas les régimes micro-BNC et micro-BA ? Je l'ignore. En tout état de cause, je souhaite sur ce point au moins maintenir la fiscalité en l'état.
La commission rejette l'amendement I-CF146.
Elle est saisie de l'amendement I-CF257 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Les activités annexes d'une exploitation agricole – repas à la ferme, camping à la ferme, chambres d'hôtes à la ferme – ont un lien direct avec celle-ci. Or elles n'entrent pas dans la définition des bénéfices agricoles (BA) pour leur imposition, étant imposées au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Je propose de clarifier ce flou fiscal et comptable qui nuit à tous, aux finances de l'État comme aux exploitants agricoles. C'est un amendement très simple…
Mais il me paraît partiellement satisfait. Les activités annexes sont prises en compte dans le régime BA, dans le cadre de la pluriactivité, jusqu'à un certain montant. Au-delà, cela créerait une concurrence déloyale avec ceux qui pratiquent ces activités à titre industriel et commercial : elles doivent donc être imposées dans la catégorie des BIC. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement I-CF257.
Article additionnel après l'article 3 : Abaissement de 5 à 3 du coefficient multiplicateur dans le cadre des opérations à façon
La commission examine ensuite les amendements identiques I-CF39 de M. Marc Le Fur, I-CF359 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1361 de M. Hervé Pellois, qui font l'objet d'un sous-amendement I-CF1469 du rapporteur général.
L'amendement I-CF359 concerne le régime fiscal des contrats d'intégration en agriculture. Dans le but d'assurer une neutralité fiscale entre les différentes formes d'exploitation, un coefficient multiplicateur de 5 est appliqué au chiffre d'affaires des agriculteurs sous contrat d'intégration pour obtenir une estimation de leurs recettes agricoles. Cela permet de comparer les recettes des agriculteurs, qu'ils aient ou non recours au contrat d'intégration. Si le coefficient correspondait à la réalité lorsqu'il a été créé, des différences significatives sont apparues par la suite. Je vous propose donc de faire passer ce coefficient de 5 – c'est énorme – à 3, ce qui refléterait davantage la réalité.
Ce régime fiscal instauré il y a plusieurs décennies constitue un frein à la transmission des exploitations. Pour des activités comme la production de veau de boucherie, c'est très pénalisant. Les éleveurs en intégration qui, souvent, ne gagnent pas beaucoup d'argent, sont particulièrement désavantagés lors de la transmission de leurs exploitations. J'espère que mon amendement I-CF1361 va enfin être adopté.
J'émets un avis favorable sur ces amendements identiques, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement I-CF1469 de précision légistique. Il est vrai que le coefficient, mis en place en 1981, date un peu ; d'aucuns diront que nous détricotons encore 1981 mais, en l'occurrence, c'est nécessaire et cela va dans le bon sens.
Quelqu'un pourrait-il nous expliquer à quoi correspond ce coefficient et s'il est identique quelles que soient les filières – porc, bœuf, mouton ?
Ce coefficient avait probablement tout son sens lors de sa création. Un exploitant en contrat d'intégration perçoit moins de recettes puisqu'il n'est rémunéré que sur la marge, laquelle constitue son chiffre d'affaires. Cet exploitant pouvait bénéficier de dispositifs d'exonération de plus-values qui n'étaient pas permises à un exploitant réalisant la même activité sans être en contrat d'intégration. Pour rétablir une équité fiscale, il avait donc été décidé d'appliquer un coefficient pour déterminer les recettes potentielles de l'exploitant s'il n'était pas en contrat intégration. Mais ce coefficient apparaît désormais excessivement élevé : les mécanismes ont changé, les prix d'élevage ont diminué, les marges ont évolué. Le coefficient de 5 n'a plus de sens.
La commission adopte le sous-amendement I-CF1469.
Puis elle adopte les amendements identiques I-CF39, I-CF359 et I-CF1361 ainsi modifiés ( amendement 1120 ).
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 6 octobre à 9 heures
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, M. Gilles Carrez, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Francis Chouat, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, Mme Cécile Delpirou, M. Benjamin Dirx, Mme Christelle Dubos, Mme Stella Dupont, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Michel Lauzzana, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, M. Christophe Naegelen, Mme Catherine Osson, Mme Zivka Park, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, Mme Claudia Rouaux, M. Laurent Saint-Martin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Damien Abad, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Marc Le Fur, M. Olivier Serva