Au lieu de nous partager le temps de parole de cinq minutes accordé aux rapporteurs spéciaux en commission, Jean-Noël Barrot et moi-même avons décidé d'intervenir chacun cinq minutes, lui dans l'hémicycle et moi en commission. Bien entendu, nous répondrons conjointement aux questions qui nous seront posées.
La mission Immigration, asile et intégration comporte deux programmes, le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française et le programme 303 Immigration et asile. Ses crédits de paiement s'élèvent à 1,848 milliard d'euros et ses autorisations d'engagement à 1,757 milliard d'euros. Les premiers sont en progression de 2 % et les secondes sont en baisse de 9 %. En matière d'intégration, le budget de la mission prolonge la politique engagée depuis plusieurs années en faveur des réfugiés, auxquels elle consacre 433 millions d'euros.
En matière de politique de l'asile et de lutte contre l'immigration irrégulière, plusieurs points saillants méritent d'être relevés. Le premier tient au contexte sanitaire, dont l'incidence sur les politiques migratoires est significative. Pour la première fois depuis 2015, le nombre de demandes d'asile introduites en France est en recul. En 2020, notre pays devrait en enregistrer environ 100 000, soit un recul de 30 % par rapport à 2019. La chute du nombre de demandes d'asile a été très forte lorsque l'état d'urgence sanitaire était en vigueur. Au mois de septembre, le rythme de dépôt des demandes d'asile n'avait pas retrouvé son niveau antérieur à la crise – 8 000 demandes d'asile contre 11 000 au mois de janvier. Dans ce contexte, prédire l'évolution du nombre de demandes d'asile en 2021 s'avère complexe. Le ministère de l'intérieur anticipe un nombre de demandes équivalent à celui enregistré en 2019, soit un peu plus de 130 000. Cette hypothèse nous semble prudente.
Le deuxième point saillant est le choix de créer 6 000 places d'hébergement supplémentaires en 2021, dont 4 000 financées par la présente mission et 2 000 par le plan de relance. Je suppose que nos débats sur la répartition des crédits entre budget général et plan de relance seront similaires à ceux que nous avons eus lors de l'examen de la mission précédente. La création de ces places a un coût ; les sommes engagées en faveur de l'hébergement des demandeurs d'asile atteindront 730 millions d'euros en 2021, soit 200 millions d'euros de plus qu'en 2017. L'effort visant à améliorer l'hébergement des demandeurs d'asile est donc constant et significatif. Un an après la création de 200 postes supplémentaires en faveur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le budget met l'accent sur la création de places d'hébergement. Jean-Noël Barrot et moi-même soutenons pleinement ce choix.
Troisième point saillant : la poursuite de l'accroissement des crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière. Les crédits de paiement de l'action 03 du programme 303 augmentent de plus de 15 % par rapport à 2020. Depuis 2017, l'effort est très significatif : les sommes mobilisées sont passées de 93 millions d'euros à près de 130 millions d'euros, ce qui a permis un effort renouvelé en matière d'éloignement aidé du territoire.
Le quatrième point saillant de la mission, c'est le renforcement de sa sincérité budgétaire. Lors du Printemps de l'évaluation, nous avions déploré les défauts de prévision et la consommation insuffisante des crédits constatée depuis plusieurs années. Les dépenses en faveur de l'asile étaient sous-estimées, ce qui contraignait à réduire les dépenses d'intégration en cours d'exécution du budget pour répondre aux besoins de financement des politiques publiques. Le projet de loi de finances pour 2021 comporte de réels progrès en la matière. La prévision de l'évolution de la demande d'asile nous semble raisonnable ; les crédits prévus au titre du financement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) nous paraissent également crédibles.
Nous saluons ces progrès, non sans formuler deux réserves. La première découle du fait que la crise sanitaire rend difficile toute anticipation. Le nombre d'arrivées sera-t-il modifié en raison de la crise sanitaire ? On peut le penser. Le budget est calibré pour un peu plus de 130 000 demandes, mais peut-être en compterons-nous moins. Toutefois, la durée de traitement des demandes augmentera peut-être, car le contexte sanitaire contraignant rendra l'instruction des dossiers plus longue que prévu. L'exercice est objectivement difficile.
La seconde réserve porte sur l'intégration, dans la mission Plan de relance, de certaines dépenses relatives au financement de l'hébergement des demandeurs d'asile et des dispositifs d'aide au retour. Nous estimons que ces dépenses auraient pu relever des crédits de la présente mission, dans un souci de lisibilité budgétaire, quand bien même leur inscription dans la mission Plan de relance garantit un financement sur deux ans, ce qui est tout à fait positif.
Hormis ces questions de technique budgétaire, nous retenons surtout la création de 6 000 places d'hébergement supplémentaires dans les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) et vous appelons, chers collègues, à approuver les crédits de la présente mission.