Le tourisme est certainement le secteur économique qui a été le plus violemment et le plus profondément impacté par la crise inédite que nous connaissons. Si je salue l'objectif du Gouvernement, qui consiste à aider les entreprises du secteur à garder la tête hors de l'eau, force est de constater, avec la nouvelle période de restrictions qui s'ouvre, que leur avenir, leur capacité à se relever et à maintenir leurs emplois à moyen et long termes, est véritablement en jeu. Il faut certes répondre à l'urgence, mais n'oublions pas l'avenir, car la France ne peut se permettre de perdre une partie importante du savoir-faire, des entreprises, des emplois et des infrastructures qui en font la première destination touristique mondiale.
Quelques éléments de bilan sur cette année 2020, si particulière : les restrictions massives de déplacements internationaux ont fait chuter le tourisme international en France ; Nous avons perdu près de deux tiers de la clientèle étrangère cette année et près de 50 % des recettes associées : de 40,2 milliards d'euros en 2019, nous sommes passés à 21,4 milliards d'euros cette année. Les pertes d'activité ont atteint 90 % durant les mois de fermeture administrative, les stations de ski ont perdu plus de 25 % de leur chiffre d'affaires et les vacances de Pâques ont été inexploitables dans les territoires touristiques.
Après une très faible reprise en juin, l'été a été une saison plutôt réussie, voire très réussie pour certains territoires, grâce à une très bonne fréquentation de la clientèle française, qui sortait de plusieurs mois de confinement et qui est beaucoup moins partie à l'étranger. Entre le 1er juillet et le 12 août 2020, la fréquentation française dans le Sud était par exemple en progression de 23 % par rapport à 2019 ; la montagne a elle aussi beaucoup bénéficié de ce report de la clientèle française.
Ce constat sur la fréquentation touristique domestique doit nous pousser à nous interroger sur la stratégie déployée vis-à-vis de ce marché. Depuis trois ans, j'insiste sur la nécessité que la politique du Gouvernement s'intéresse davantage au potentiel du marché domestique et au tourisme comme vecteur de développement local dans tous nos territoires, y compris dans les territoires ruraux. Il faudra vraiment, après la crise, capitaliser sur ce bilan, tant en métropole qu'outre-mer, et mener une politique plus ambitieuse vis-à-vis de notre marché domestique. Ces dernières années, le nombre de Français partant en vacances à l'étranger progressait deux fois plus vite que le nombre d'étrangers venant en vacances en France, au détriment de notre balance commerciale – même si elle est une des rares à être positive.
Toutefois, cette relativement bonne fréquentation est à nuancer, car elle n'a pas permis de rattrapage économique pour les entreprises du secteur, pas plus qu'elle n'a bénéficié aux régions les plus dépendantes de la clientèle étrangère, comme Paris et l'Île-de-France, qui cumulent les difficultés, avec l'annulation de tous les grands salons et une chute du tourisme d'affaires.
L'opérateur Atout France, qui n'avait pas les moyens d'agir sur la promotion à l'étranger, s'est recentré en grande partie sur le tourisme domestique. À cet égard, je regrette que les 5 millions d'euros votés lors du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR 3) pour permettre à Atout France de lancer des campagnes de promotion plus importantes sur le territoire national ou pour préparer la saison hivernale n'aient quasiment pas été consommés. Je trouve incompréhensible que les régions, les départements, les offices de tourisme et les communes aient réussi à dépenser plusieurs millions d'euros pour assurer la saison touristique estivale et pour préparer l'hiver et que le principal opérateur de l'État en matière de promotion du tourisme ait à peine dépensé 1,5 million d'euros. Les 5 millions votés en urgence dans le PLFR 3 n'étaient pas destinés à combler les restructurations chez Atout France ou à anticiper une perte de recettes sur les visas, mais bien à accompagner nos territoires dans la crise !
La baisse de 2,2 % des crédits accordés à Atout France dans le projet de loi de finances pour 2021 me paraît pour le moins étonnante, compte tenu de la situation et des difficultés que l'opérateur aura à lever des financements privés pour la promotion du tourisme. Toutefois, je ne demanderai pas d'augmentation de ces crédits dans la mesure où ceux qui ont été votés n'ont pas été consommés. C'est avec regret et scepticisme que je prends acte de ces choix.
La mission Économie contient elle aussi un grand nombre de dispositifs en faveur du tourisme. Il est difficile pour moi de les commenter dans la mesure où les crédits dédiés au tourisme sont très éclatés, et pas totalement budgétés, entre le plan de relance et le plan d'urgence, sans compter ceux qui avaient été adoptés dans le cadre de la loi de finances pour 2020, en partie caducs. Je souhaite toutefois saluer globalement les décisions du Gouvernement en faveur du tourisme, que nous allons voter pour l'essentiel, ainsi que les mesures annoncées dans le cadre du comité interministériel du tourisme (CIT).
J'émettrai toutefois quelques réserves : je n'ai pas obtenu de réponse à mes questions sur l'éligibilité à ces mesures de certaines entreprises fortement impactées. Le plafond de 60 000 euros de bénéfices pour l'éligibilité au fonds de solidarité est-il maintenu ? C'est une question cruciale, en particulier pour les agences de voyages, en grande difficulté et dont certaines n'ont pas pu bénéficier du fonds de solidarité. De la même manière, les exonérations de charges conditionnées aux interdictions administratives sont insuffisantes : les centres de vacances, par exemple, ne sont pas forcément dans les zones éligibles, mais la grande majorité des académies interdisent les départs d'élèves, ce qui assèche totalement leur clientèle habituelle. Il y va de la survie de certains opérateurs qui connaissent, plus que d'autres, des faillites en cascade. Les centres de vacances notamment, même s'ils ne sont pas fermés, ont subi une chute d'activité de 67 % en 2020. Ces entreprises et ces associations du secteur de l'économie sociale et solidaire ne pourront pas se relever d'une seconde année quasi-blanche si nous ne mobilisons pas les dispositifs adéquats : c'est ce que je vous proposerai dans le cadre de la mission Économie.