Il me revient de vous présenter les chiffres principaux du PLFR 4 tel qu'il a été dévoilé ce matin en Conseil des ministres.
La prévision de récession est désormais établie à – 11 %, celle de l'endettement à 119,8 % du PIB et l'objectif de déficit, révisé, s'établit à 11,3 %, contre 11,5 % en PLFR 3 et 10,2 % au moment de l'ouverture du débat sur le PLF pour 2021.
Je repartirai de ce chiffre du déficit public pour confirmer les propos liminaires de M. le président : celui-ci s'élèverait à 247,9 milliards d'euros, dont 222,9 supportés par l'État. Cela signifie que, en 2020, la moitié des dépenses de l'État, qu'il s'agisse de dépenses courantes ou de dépenses liées à la crise, sera financée par du déficit. Cette dégradation considérable tient à deux causes principales : d'un côté, la diminution des recettes – entre l'inscription en LFI 2020 et les montants constatés au moment de l'examen du PLFR 4, les administrations publiques perdent au total 100 milliards d'euros de recettes du fait de la baisse d'activité et des dispositifs d'exonération mis en place ; de l'autre, les dépenses supplémentaires liées à la crise à hauteur de 86 milliards d'euros – 66 milliards liés à la première vague de l'épidémie et 20 milliards inscrits dans le PLFR 4.
Ces 20 milliards d'euros financent pour l'essentiel les mesures de soutien à l'économie que vient de vous présenter Bruno Le Maire : ainsi, 10,9 milliards d'euros supplémentaires seront inscrits au titre du fonds de solidarité, dont les crédits passeront à 19,4 milliards d'euros, 3,2 milliards d'euros pour le financement de l'activité partielle, ce qui portera l'enveloppe correspondante pour l'ensemble de 2020 à 34 milliards d'euros, 3 milliards d'euros pour compenser les nouvelles exonérations de cotisations, ce qui portera l'effort total en la matière à 8,2 milliards d'euros. Nous prévoyons également de revoir à la hausse le financement de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à hauteur de 2,4 milliards d'euros : la prévision du PLFR 3 de dépenser 500 millions d'euros à ce titre est donc complétée à hauteur de 1,9 milliard d'euros. Enfin, 1,1 milliard d'euros permettront de verser une prime aux foyers les plus modestes, bénéficiaires d'allocations, ainsi qu'aux boursiers percevant ou non l'aide personnalisée au logement (APL) et aux jeunes de moins de 25 ans percevant l'APL.
Sur ce total de 20,1 milliards d'euros, 17,3 milliards d'euros seront inscrits dans la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire et 2,8 milliards d'euros dans d'autres missions. Ainsi, la prime pour les ménages les plus fragiles intégrera la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.
Un autre poste de dépenses doit être souligné : le renforcement du soutien aux collectivités locales, qui se traduit principalement de deux façons. Tout d'abord, le fonds de stabilité en faveur des départements a été porté à 200 millions d'euros – traditionnellement, depuis trois ans, son montant était de 115 millions d'euros. Nous avons voulu le renforcer pour mieux accompagner les départements face à la crise. Le PLFR 4 prévoit par ailleurs les financements nécessaires au dispositif d'avances remboursables au profit des autorités organisatrices de mobilité : 1,2 milliard d'euros pour Île-de-France Mobilités et 750 millions d'euros pour les autres autorités organisatrices de transports. Nous prendrons en compte non seulement les pertes de recettes du versement mobilité, mais également une partie des pertes de recettes tarifaires, comme nous l'avons fait dans le cadre du protocole liant l'État à Île‑de‑France Mobilités.
Au-delà de ces chiffres principaux, et dès lors que le PLFR 4 a pour principal objectif de porter les crédits de réponse à la deuxième vague de l'épidémie, quatre remarques doivent être formulées.
Premièrement, conformément à la méthode que nous avons arrêtée depuis fin 2018, ce PLFR 4 est bien un projet de fin de gestion budgétaire, même s'il comporte des crédits liés à la crise. Nous ne vous proposons aucune mesure fiscale nouvelle, à l'exception du crédit d'impôt sur les loyers. Comme nous en avons pris l'habitude, nous ne proposons pas de faire du PLFR un prétexte à la réédition des débats traditionnels sur les PLF. Nous faisons également en sorte de terminer cet exercice sans décret d'avance, ce qui explique que nous ayons maintenu inchangé le calendrier de présentation du PLFR devant votre assemblée.
Deuxièmement, les chiffres présentés sont bien évidemment dégradés, mais dans une moindre mesure que ce que l'on pouvait craindre, grâce à une reprise plus vigoureuse qu'attendu pour le troisième trimestre – avec une croissance de 18,2 % comme vient de le dire M. Bruno Le Maire –, ce qui permet de majorer les recettes fiscales de 2,4 milliards d'euros. L'écart, positif par rapport au PLF initial, est de 600 millions d'euros pour l'impôt sur le revenu, de 700 millions d'euros pour la taxe sur la valeur ajoutée et de 2,8 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés. En revanche, les recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sont en retrait de 1,4 milliard d'euros par rapport aux prévisions. Au final, le solde des recettes fiscales de l'État est positif de 2,4 milliards d'euros.
Troisièmement, ce PLFR 4 nous offre l'occasion de sincériser le schéma d'emplois de l'État à la fin de l'exercice 2020, qui sera positif à hauteur de 5 350 ETP. Ces créations de postes participeront de notre réponse à la crise : je pense notamment aux 2 383 postes créés pour Pôle emploi, aux 125 postes créés pour l'accompagnement des parcours de formation au sein de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes et encore aux 420 postes créés au sein des agences régionales de santé pour faire face à la crise. D'autres créations sont liées à des engagements pris par le Gouvernement et le Président de la République : maintien des classes en zones rurales pour 1 500 postes, développement des BTS pour 475 postes en 2020 et efforts en gestion pour rattraper l'exécution de la loi de programmation de la justice, qui annonçait des créations de postes dès 2020, en plus de celles prévues dans le PLF 2021 que vous examinez par ailleurs.
Quatrièmement, ce PLFR 4 propose comme à l'accoutumée des ouvertures et des annulations de crédits. La totalité des annulations se situe dans le cadre de l'enveloppe dite de la réserve de précaution : elles ne se traduisent pas par des annulations d'engagements ou de contrats, mais sont globalement inférieures à la réserve de précaution. Nous proposons également des ouvertures pour répondre à des besoins : ainsi, 1,9 milliard d'euros seront alloués au financement des APL, afin de répondre à l'évolution de la situation et de tenir compte du décalage de la réforme dite de contemporanéisation, et plus de 520 millions d'euros affectés au financement de l'allocation aux adultes handicapés, à la garantie ressource de travailleurs handicapés réformée et à l'allocation supplémentaire d'invalidité. Je peux encore mentionner le rechargement des dispositifs d'aide exceptionnelle à l'apprentissage et de la prime à l'embauche des jeunes, qui rencontrent un vrai succès, à hauteur de 311 millions d'euros.
Nous mettons également à profit ces ouvertures pour répondre à des situations liées à la crise, mais qui ne peuvent être prises en charge dans le cadre de la mission Plan d'urgence : c'est le cas des 115 millions d'euros que nous débloquons pour le secteur de la culture et des industries culturelles, des quelque 100 millions d'euros qui permettront d'accompagner les acteurs sportifs qui perdent beaucoup de recettes de guichet du fait de la fermeture des stades ou de la diminution des jauges de spectateurs, et des 200 millions d'euros ouverts pour améliorer les conditions de l'hébergement d'urgence et permettre une mise à l'abri généralisée, bienvenue en ces temps d'épidémie.
Dans le cadre de notre fin de gestion, nous avons veillé à maintenir un certain nombre de crédits qui auraient pu, en temps classique, être annulés : ainsi en est-il des crédits nécessaires au financement de la prolongation des contrats de doctorants et de post-doctorants du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, contrats qui ont été prolongés de presque autant de mois que la durée de la période de confinement.
Pour en terminer, je reviendrai sur la situation générale des finances publiques, en termes de dette, de déficit et d'évolution économique – récession cette année, mais retour de la croissance l'année prochaine. Postulat de départ : la dette que nous accumulons devra être remboursée et elle le sera. Nous devons reconstruire une trajectoire des finances publiques tout à la fois crédible dans le temps et suffisamment solide pour conserver notre crédit sur les marchés financiers ; nous devons nous interroger sur les notions de gestion et de cantonnement de la dette, qu'elle soit sociale ou d'État.
Nous nous appuierons sur les travaux initiés par vos assemblées – je pense notamment aux travaux du rapporteur et du président de votre commission consacrés aux questions de gouvernance et de réforme de la loi organique sur les lois de finances. Dans ce cadre, pour éclairer nos travaux et dans la perspective de la révision de la trajectoire pluriannuelle demandée par le Haut Conseil des finances publiques, nous aurons l'occasion, avec Bruno Le Maire, d'installer prochainement un groupe de travail composé de personnes qualifiées. Celui-ci aura très certainement l'occasion d'interroger les parlementaires que vous êtes et de se nourrir de vos travaux pour permettre au Gouvernement – j'insiste ici sur le caractère gouvernemental de l'initiative – de construire des scénarios autour desquels, au-delà de nos différends politiques, nous pourrions nous retrouver et voir comment reconstruire une trajectoire à cinq ou dix ans, et ce faisant restaurer, sinon des ancres et de la stabilité, en tout cas notre crédibilité. Tel est le travail que nous vous proposons pour les prochaines semaines.