Madame Bonnivard, toutes les entreprises qui sont fermées pourront recevoir du fonds de solidarité une indemnisation allant jusqu'à 10 000 euros, sans reste à charge, tout en conservant la possibilité d'offrir un service click and collect et de bénéficier du dispositif de l'abandon de loyer. Il est vrai, en revanche, que nous avons laissé un reste à charge aux entreprises qui ne sont pas fermées administrativement, tout en étant proches du secteur fermé, pour les inciter à poursuivre leur activité. Prenons l'exemple d'un grossiste qui fournirait les restaurants et les restaurants d'entreprise : si vous ne lui laissez aucun reste à charge, il n'a aucun intérêt à poursuivre le travail alors qu'il y est autorisé. Notre philosophie est la même depuis le début : favoriser la poursuite de l'activité économique.
Je partage la position d'Émilie Cariou concernant l'assurance pandémie. De tels événements peuvent se reproduire et l'État ne pourra pas, à chaque fois, éponger les problèmes de trésorerie. Les assureurs doivent jouer le jeu et j'espère que nous aboutirons à un accord avec eux d'ici à la fin de l'année.
Je suis également de votre avis pour ce qui est de la réorientation dans les métiers, mais le sujet relève d'une réflexion beaucoup plus large. Un dispositif de crise n'est efficace que s'il est temporaire et ciblé – et c'est exactement ce qu'il est en l'espèce. Cela étant dit, le plus difficile est d'organiser la sortie de la crise pour que les entreprises ne se trouvent pas confrontées à de trop grandes difficultés. Il faut également éviter de nous retrouver face à une multiplication d'entreprises zombies, ce qui représenterait un coût vertigineux pour les finances publiques et grèverait les entreprises les plus dynamiques. Il faut être capable de réorienter certains salariés vers d'autres métiers. Beaucoup d'organisations syndicales y sont d'ailleurs favorables, en particulier la CFDT qui nous a souvent alertés à ce sujet. Nous devons commencer à réfléchir à la manière d'accompagner les entreprises qui ont de l'avenir tout en évitant de favoriser la multiplication des entreprises zombies qui pèsent sur les finances publiques. Comment orienter les salariés vers de nouveaux métiers quand on sait que certains seront en grandes difficultés dans les prochaines années ?
Mme Dalloz a posé deux questions techniques très légitimes. Concernant tout d'abord le prêt garanti par l'État, il est vrai que tout report d'un premier remboursement conduit la Banque de France, conformément à la procédure en vigueur, à constater un défaut de paiement. Il est bien évident qu'il n'y a aucun intérêt à ouvrir cette possibilité si les entreprises qui demandent à en bénéficier se retrouvent fichées à la Banque de France. Nous avons donc négocié avec la Banque de France pour que ces délais supplémentaires ne soient pas considérés comme un défaut de paiement des entreprises. La question ne relevant pas des autorités européennes, elle n'a posé aucune difficulté. La négociation aura lieu au cas par cas entre l'entreprise et la Banque de France et nous avons obtenu de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution qu'il n'en découle aucune stigmatisation de l'entreprise.
Concernant les entreprises, notamment les indépendants, qui se retrouveraient en grande difficulté et ne pourraient toujours pas s'acquitter de leurs charges après avoir obtenu la possibilité d'en étaler le paiement jusqu'à trente-six mois, nous avons négocié avec les URSSAF pour qu'elles puissent étudier, au cas par cas, la possibilité de les annuler.
M. Bricout m'a interrogé sur les plateformes dites marketplaces (places de marché). Cette orientation est très positive pour les communes moyennes et nous devons profiter de cette crise pour accélérer la digitalisation des communes et des entreprises. Beaucoup de communes moyennes sont déjà concernées. La place de marché peut être proposée par une entreprise spécialiste du digital, voire par La Poste. Les coûts de cette dernière sont moins élevés pour l'entreprise et la commune, mais les services qu'elle propose sont un peu moins performants. Par exemple, elle n'offre pas de service de stockage aux entreprises. Cela étant, La Poste s'apprête à se moderniser dans ce domaine. Concrètement, en cliquant sur le nom d'une ville, par exemple Angers, vous voyez apparaître l'ensemble des commerces. Il vous suffit alors de sélectionner un commerçant pour passer directement commande. L'entreprise peut réaliser jusqu'à 25 ou 30 % de son chiffre d'affaires sur les places de marché. Je suis très favorable au développement de ce dispositif et je ferai des propositions spécifiques, d'ici à la fin de la semaine, pour que ces plateformes se développent dans les communes et répertorient les commerces de proximité. La charge de s'identifier ne pèsera pas sur les commerces mais sur les communes, qui s'en occuperont avec des professionnels du numérique. Le système est efficace et ne représente pas un coût prohibitif.
Monsieur Mattei, concernant le rechargement des PGE, le montant total par entreprise des prêts pouvant être couverts par la garantie de l'État peut représenter jusqu'à 25 % de leur chiffre d'affaires. La moyenne tourne autour de 17 % aujourd'hui, ce qui laisse de la marge. Rappelons d'ailleurs aux entreprises qui voudraient souscrire de nouveaux PGE et dont beaucoup sont dans le secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, que le seuil n'y est pas fixé à 25 % du chiffre d'affaires mais aux trois meilleurs mois de 2019, qui peuvent représenter jusqu'à 80 ou 90 % du chiffre d'affaires. Là encore, la marge est suffisamment importante pour recharger les PGE.
Enfin, monsieur Pupponi, je comprends votre raisonnement quant à l'abandon des loyers mais attendons de voir ce que donne la mesure fiscale du crédit d'impôt. On a provisionné un milliard d'euros et j'incite toutes les PME, les TPE, les indépendants, à négocier de gré à gré avec leurs bailleurs le montant de l'allégement de loyer, qui doit être d'au moins un mois, mais qui peut aller jusqu'à trois mois. On peut très bien imaginer que les bailleurs acceptent de renoncer à trois mois de loyer en raison de la crise, parce qu'ils bénéficieront d'un crédit d'impôt égal à 30 % du montant des loyers abandonnés ; et ils seront assurés qu'au bout de ces trois mois, leur locataire pourra continuer à les payer. C'est une affaire d'arbitrage : entre un impayé qui ne vous sera remboursé qu'au bout de deux ou trois ans et l'abandon de deux ou trois mois de loyers en échange d'un crédit d'impôt de 30 %, mieux vaut peut-être choisir la deuxième solution… Mais il appartiendra à chaque entreprise d'en discuter avec son bailleur.
Quant aux banques françaises, nous sommes en relation chaque semaine, pour ne pas dire tous les jours, ce qui nous permet d'opérer tous les ajustements nécessaires.