Intervention de Benoit Potterie

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoit Potterie :

Les débats sur la taxe sur les surfaces commerciales lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, ont entraîné la création de ce groupe de travail. La crise sanitaire a retardé le début de ses travaux. Les premières auditions ont eu lieu en juin dernier.

La taxe sur les surfaces commerciales a été créée en 1972 pour favoriser un développement équilibré du commerce. Elle finançait à l'origine le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales (FISAC). Les redevables de la TASCOM sont les magasins et commerces de détail ouverts à compter du 1er janvier 1960, dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés et dont le chiffre d'affaires annuel des ventes au détail est supérieur à 460 000 euros.

L'efficacité de cette taxe reste à prouver. La direction de la législation fiscale indique qu'elle ne semble pas avoir exercé de véritable effet désincitatif à la généralisation des grandes surfaces. Elle demeure cependant une source de rendement, à la fois pour les collectivités territoriales et pour l'État. En 2019, le produit de la TASCOM s'établissait à 972 millions d'euros, dont 774 millions d'euros pour les collectivités territoriales. L'État touche une partie de la TASCOM depuis l'instauration d'une majoration spécifique par la loi de finances rectificative pour 2014.

Cette taxe présente plusieurs problèmes ; j'en détaillerai trois. J'ai d'ailleurs déposé des amendements au projet de loi de finances pour 2021 pour réduire les distorsions induites par ces caractéristiques.

Le premier problème concerne la taxation des succursales. Les entreprises sont différemment taxées selon leur mode d'organisation : les magasins organisés sous forme de filiales ou de succursales sont assujettis à la taxe, même si leur surface de vente est inférieure à 400 mètres carrés. Seuls les magasins n'étant pas contrôlés directement ou indirectement sous une même enseigne sont exonérés de cette taxe. L'existence de cette différence, validée par le Conseil constitutionnel en 2010, crée une distorsion entre les magasins organisés en franchises et ceux organisés en succursales. Cette distinction induit également qu'un magasin d'une surface inférieure à 400 mètres carrés situé en centre-ville peut être assujetti à la TASCOM, ce qui est en contradiction avec l'objectif même de la taxe. J'ai déposé un amendement lors de l'examen du PLF pour 2021 visant à supprimer l'assujettissement des succursales dont la surface de vente est inférieure à 400 mètres carrés mais celui-ci n'a pas été adopté.

Le deuxième problème réside dans la majoration perçue par l'État. Cette majoration de 50 % pèse sur les entreprises ayant une surface de vente supérieure à 2 500 mètres carrés. Elle contribue à la concentration de la taxe sur quelques redevables. L'instauration de cette majoration a été justifiée en 2014 par le fait que les grandes surfaces bénéficiaient du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) alors même qu'elles étaient moins soumises à la concurrence internationale. Alors que les plateformes internationales de vente en ligne continuent de se développer, un tel argument ne semble plus fondé aujourd'hui. J'ai donc proposé la suppression progressive de cette majoration sur trois ans, qui n'a pas été adoptée par l'Assemblée nationale.

Le troisième problème est la différence de taxation des drives selon l'organisation des magasins qui les exploitent. Si un drive est rattaché à un magasin disposant d'une surface de vente, alors son chiffre d'affaires est pris en compte dans le calcul de la TASCOM. À l'inverse, un drive qui n'est adossé à aucune surface de vente n'est pas taxé. J'ai donc proposé d'élargir l'assiette de la taxe en incluant les espaces de stockage de marchandises vendues en drive. Cette proposition n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale.

Au delà de ces éléments structurels, il s'avère que cette taxe n'est pas en phase avec les évolutions du commerce. La fiscalité du commerce est majoritairement basée sur le foncier. Selon les chiffres de la fédération du commerce, les taxes foncières peuvent représenter jusqu'à 2 % du chiffre d'affaires d'un magasin. Or, les entreprises pratiquant uniquement la vente à distance ne sont pas assujetties à la TASCOM.

Cela explique que l'élargissement de la TASCOM aux entrepôts soit régulièrement avancé comme une solution pour rétablir l'équité fiscale entre les différentes formes de commerce. J'ai déposé un amendement en ce sens lors des trois premiers projets de loi de finances initiale de la législature. Le groupe de travail s'est attaché à étudier les conditions d'un tel élargissement et a conclu qu'il ne serait pas opportun pour plusieurs raisons. D'abord, une taxation supplémentaire sur les entrepôts fragiliserait la compétitivité d'un secteur qui en dépend directement : la logistique, qui représente 10 % de l'emploi salarié français. Ce premier effet serait renforcé par la potentielle délocalisation des entrepôts des entreprises multinationales. Pendant le premier confinement, la société Amazon n'a pas hésité fermer ses entrepôts français après la décision du juge des référés du tribunal de Nanterre. Notre entretien avec le directeur de la stratégie d'Amazon France n'a pas été rassurant à ce sujet. Il nous a confirmé que ses réseaux étaient organisés à l'échelle européenne et que les livraisons en France pouvaient tout aussi bien se faire depuis les pays voisins. Non seulement une taxe supplémentaire sur les entrepôts pénaliserait les sociétés françaises de la logistique, mais elle risquerait aussi de peser sur les entreprises françaises n'ayant pas la possibilité de délocaliser leurs entrepôts. Élargir la TASCOM aux entrepôts présente également le risque de taxer des entreprises qui ne sont pas en concurrence directe avec les magasins de détail. C'est le cas de La Poste, dont la filiale Urby propose un service de stockage et de livraison urbaine. Ces éléments sont décisifs quant à l'opportunité de taxer les entrepôts. À ceci s'ajoutent des difficultés juridiques, comme la très grande difficulté à distinguer au sein d'un entrepôt les mètres carrés dévolus au stockage de biens vendus en ligne et ceux dévolus à des biens vendus en magasin.

Pour autant, le statu quo est difficilement soutenable. Le groupe de travail a donc envisagé plusieurs options. La suppression sèche de la TASCOM fragiliserait les ressources des collectivités territoriales et n'est donc pas envisageable. L'instauration d'une taxe sur les livraisons de colis à domicile, évoquée l'année dernière comme levier pour équilibrer la fiscalité du commerce, serait dommageable pour les plus petits commerces qui se lancent dans la vente sur Internet.

C'est plutôt une réforme d'ampleur de la fiscalité pesant sur le commerce qui permettrait de résoudre les problèmes posés par la TASCOM. L'un des premiers pas consisterait à mieux taxer les géants du numérique par l'instauration d'une taxe au niveau de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Dans l'attente de telles réformes, il convient de mieux soutenir les commerces, notamment ceux de centre-ville.

Ces conclusions rejoignent celles du rapport rendu par le Gouvernement qui vous a été communiqué en même temps que la communication du groupe de travail. Ce rapport analyse l'ensemble de la fiscalité sur les commerces et ne préconise pas réellement de nouvel outil fiscal pour rétablir l'équité.

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