Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 9h00

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La commission entend M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport public thématique de la Cour relatif à la gestion des finances publiques.

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Nous avons le plaisir de recevoir ce matin M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, qui nous présente le rapport public thématique de la Cour des comptes consacré à la réforme du cadre organique et de la gouvernance des finances publiques, qui est rendu public ce jour.

Ce rapport vient utilement enrichir la réflexion conduite par le Parlement l'an dernier lors des travaux de la mission d'information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF). La mission s'était conclue par la présentation d'un rapport en septembre 2019. Ce rapport recommandait de renforcer la programmation pluriannuelle des finances publiques, de promouvoir leur vision globale et d'assurer une portée plus forte au principe d'unité budgétaire. Le rapport de la Cour des comptes va également dans ce sens et nous remarquons plusieurs sujets de préoccupation convergents.

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des Comptes

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité à vous présenter le rapport public thématique de la Cour sur le cadre organique et la gouvernance des finances publiques. Ce rapport est le fruit d'un long et important travail, qui a mobilisé une équipe nombreuse au sein d'une formation inter-chambres. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, il y a une forte convergence entre votre travail et notre démarche.

Plusieurs membres de la Cour sont présents à mes côtés : Christian Charpy, le président de la première chambre, Cécile Fontaine, la rapporteure générale de ce travail, ainsi que deux rapporteurs, Nicolas Carnot et Cyprien Canivenc. D'autres de nos membres sont également présents en ligne : Michèle Pappalardo, la rapporteure générale de la Cour, Emmanuel Belluteau, Lionel Vareille, Vianney Bourquard, Livia Saurin et Thierry Clappier, qui ont tous contribué au rapport, ainsi que Jean-Pierre Laboureix, le contre-rapporteur. J'en profite pour les remercier chaleureusement pour le volume et la qualité du travail fourni. Cela illustre que ce rapport est un réel investissement pour la Cour des comptes.

Ce rapport public thématique intervient près de vingt ans après l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, votée en 2001. La Cour a eu plusieurs fois l'occasion de s'exprimer sur le bilan de ce texte. Elle l'a fait en 2011 dans un rapport public dédié aux dix ans de la LOLF, mais elle le fait très régulièrement, notamment dans les travaux sur le budget de l'État, particulièrement en 2018 et 2019 dans le rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques, ou dans d'autres rapports thématiques.

Nous avions pour projet initial de publier en 2021 un rapport portant sur les 20 ans de la LOLF. Votre commission, de son côté, a décidé de reconstituer la mission d'information sur la LOLF, la MILOLF, qui a réalisé un important et très remarquable travail sur le sujet en septembre dernier et formulé 45 propositions. La Cour en a bien sûr pris connaissance avec le plus grand intérêt, tout comme de votre projet de préparer une proposition de loi organique. En conséquence, nous avons souhaité avancer et élargir les travaux sur la LOLF pour soutenir cet élan et contribuer à notre niveau au renforcement du cadre de gouvernance des finances publiques dans leur ensemble.

La crise actuelle nous a conduits à faire à nouveau évoluer nos travaux. Nous savons désormais que la crise laissera sur nos finances publiques une empreinte durable. Nous avons donc décidé d'intégrer les conséquences de la crise à nos réflexions en cours afin de publier un rapport thématique qui prenne en compte ce nouveau paysage des finances publiques.

Ce nouveau paysage, fortement et durablement dégradé, est très éloigné de tout ce que nous avions prévu ou connu. Cela ne rend pas obsolète la réflexion sur l'évolution du cadre organique et de la gouvernance des finances publiques. Bien au contraire, cela souligne son actualité et sa nécessité, puisque la crise met en évidence les limites du cadre en vigueur et renforce la nécessité à la fois d'ancrer la soutenabilité de la dette publique et d'améliorer l'efficacité des politiques publiques. Comme nous avons eu l'occasion de le souligner déjà dans notre rapport de juin dernier et comme j'ai pu le rappeler en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, une trajectoire de redressement structurel des finances publiques devra être élaborée et engagée à travers une nouvelle loi de programmation des finances publiques dès que les conditions économiques et sanitaires le permettront. Nous sommes convaincus que cette trajectoire doit s'inscrire dans un cadre rénové.

Pour dresser le bilan de la stratégie pluriannuelle existante et contribuer à dessiner ce futur cadre, notre rapport s'est appuyé sur plusieurs de nos travaux, des enquêtes spécifiques, des auditions et des comparaisons internationales.

Il est organisé en trois parties, que je vous présenterai successivement. La première partie porte sur les modalités de pilotage et de programmation des finances publiques, qui doivent permettre d'assurer leur soutenabilité. La deuxième partie examine l'excessive fragmentation de l'architecture d'ensemble des finances publiques et formule des propositions pour y remédier. Enfin, la troisième partie se concentre sur le budget de l'État et l'efficience de ses politiques, afin d'étudier la structure émiettée de celui-ci et de proposer un nouveau cadre pour revenir à l'esprit initial de la loi organique relative aux lois de finances.

Notre rapport formule au total seize recommandations pour renforcer le cadre organique et la gouvernance de nos finances publiques, qui s'articulent avec un grand nombre de propositions déjà formulées par la Cour par le passé. Nous avons choisi de ne proposer que des orientations pouvant être mises en œuvre sans modification constitutionnelle. C'est un choix que nous assumons pleinement, car réformer le texte suprême, nous le savons, prend du temps et consomme beaucoup d'énergie, alors que la situation actuelle appelle des mesures rapides et opérationnelles. Par ailleurs et à l'exception de sa troisième partie, centrée sur l'État, le rapport porte sur l'ensemble des administrations publiques.

J'aborderai d'abord la programmation et le pilotage des finances publiques. Notre rapport souligne en préambule l'intérêt d'une vision pluriannuelle des finances publiques. La démarche de programmation à moyen terme vise à assurer la cohérence et la soutenabilité de l'action publique dans la durée. Elle est donc indispensable dans la situation actuelle, où le creusement massif du déficit et de la dette impose, dès que les conditions le permettront, un redressement graduel mais ferme.

Elle est aussi essentielle pour préparer et pour mener des réformes. Déjà, depuis plus de dix ans, l'horizon du temps long s'est progressivement imposé en France dans la gouvernance des finances publiques. La révision constitutionnelle de 2008 a créé les lois de programmation des finances publiques, au sein de l'article 34 de la Constitution. Ce dernier mentionne désormais l'existence d'« orientations pluriannuelles des finances publiques » qui doivent s'inscrire dans l'« objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ». Le contenu de ces lois de programmation a été précisé par la loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques, promulguée le 17 décembre 2012, qui a aussi créé le Haut Conseil des finances publiques.

Le cadre de programmation a donc été considérablement renforcé et structuré depuis 2008. Notre rapport montre que ce cadre, très complet sur le papier, revêt dans la pratique une portée encore trop limitée. Le bilan de dix ans de mise en œuvre de stratégie pluriannuelle est plutôt mitigé, pour ne pas dire décevant. Je veux m'en expliquer.

Depuis 2008, cinq lois de programmation des finances publiques ont été votées, mais leur mise en œuvre a été marquée par des dérapages répétés : leurs objectifs ont rarement été atteints, qu'il s'agisse de la variation du déficit structurel ou encore des objectifs de dépenses, de recettes ou de dette publiques. Par exemple, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2014-2019 prévoyait que la progression en volume de la dépense publique devait être contenue à moins de 0,3 % sur la période – or elle a atteint près de 1,2 %. Concernant la dette, il est inutile d'insister sur le fait que les objectifs de stabilisation puis de réduction n'ont jamais été respectés.

Comment expliquer ce décalage entre le cadre juridique existant et sa portée effective ? Nous avons identifié deux faiblesses principales.

La première concerne l'inefficacité des forces de rappel prévues par les textes. La loi organique de 2012 a bien institué un mécanisme de correction, censé être déclenché en cas d'écart à la trajectoire. Mais il contient des flexibilités importantes, qui ne lui ont pas permis de prévenir et de corriger les écarts répétés qui ont été constatés. Dans les faits, au lieu d'adopter des mesures de correction, le choix a plutôt été de présenter une nouvelle LPFP se contentant de décaler la trajectoire de retour à l'équilibre. C'est ce qui a été fait en 2014, après que le Haut Conseil des finances publiques a déclenché le mécanisme.

La deuxième faiblesse est l'articulation défaillante entre les différents textes financiers. Elle s'explique principalement par des raisons de hiérarchie des normes – les LPFP ne peuvent pas s'imposer aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale – et par des raisons de calendrier – les exercices pluriannuels organisés au printemps et à l'automne sont largement déconnectés. Les programmes de stabilité présentent ainsi presque systématiquement des trajectoires financières distinctes de celles de la LPFP adoptée quelques mois auparavant. La logique voudrait pourtant que la loi de programmation soit l'exercice moteur.

Cette faible portée des mécanismes actuels de pluriannualité entame considérablement la crédibilité des exercices de programmation des finances publiques, mais ce n'est malheureusement pas son unique inconvénient. Elle affaiblit aussi la pertinence de l'allocation des moyens financiers à des politiques publiques par essence pluriannuelles.

Le renforcement du cadre pluriannuel est indispensable : il doit nous permettre d'améliorer notre capacité à faire des choix et à nous y tenir, et cette capacité sera plus essentielle que jamais dans les années à venir.

Les comparaisons internationales montrent que ce renforcement est possible et mettent en évidence, chez nos principaux partenaires de la zone euro, quelques éléments clefs du succès. J'en citerai quelques-uns particulièrement éclairants.

D'abord, dans ces pays, le pilotage des finances publiques bénéficie d'un engagement fort au niveau politique. Aux Pays-Bas par exemple, l'accord de coalition au sein de la formation gouvernementale fixe les plafonds pluriannuels de dépense pour la durée de la législature. C'est aussi le cas en Finlande.

Ensuite, les cibles de dépense sont stables et couvrent un large périmètre. Toujours aux Pays-Bas, le pilotage des finances publiques est organisé autour d'un plafond global qui représente environ 85 % de la dépense des administrations publiques et qui est divisé en sous-objectifs. Le Danemark s'appuie quant à lui sur une enveloppe pluriannuelle couvrant 75 % des dépenses publiques. Même si comparaison n'est pas raison, et sans omettre bien sûr les différences qui nous séparent de ces pays, les dépenses publiques sous norme représentent en France à peine plus du tiers du total des dépenses. Nous avons donc une très grande marge de progrès.

Dans ces différents pays, il existe enfin des mécanismes de flexibilité qui permettent de respecter les enveloppes définies, même en cas d'imprévus. Concrètement, ce dispositif passe par un système de provisionnement, comme en Suède, ou par redéploiements, comme aux Pays-Bas. En France, deux de nos cinq LPFP avaient prévu des réserves de programmation, mais les sommes en jeu étaient faibles et concentrées sur le seul budget de l'État.

Pour résumer, que nous révèlent ces exemples étrangers ? Qu'élaborer et respecter une trajectoire pluriannuelle crédible en matière de finances publiques est possible à condition de respecter deux prérequis : un engagement politique affirmé et des procédures de qualité.

Sur ce second point – le premier n'étant pas de notre ressort – notre rapport fait plusieurs recommandations. Il propose tout d'abord de fixer une trajectoire financière soutenable, réaliste et transparente, avec des enveloppes de dépenses et de mesures nouvelles sur les recettes fixées en milliards d'euros, et un budget triennal glissant pour l'État.

Mais il ne faudra pas s'en tenir là. Puisque nous nous sommes inscrits dans le cadre constitutionnel actuel, nous n'avons pas recommandé d'imposer la primauté des LPFP sur les lois financières. Nous formulons dès lors plusieurs propositions. D'abord, d'obliger à la transparence : les écarts entre les lois financières annuelles et la trajectoire arrêtée en loi de programmation doivent être décomptés et expliqués chaque année. Ensuite, nous recommandons de clarifier les modalités de prise en compte des aléas, avec une provision de programmation fixée en LPFP. Nous proposons également de réaliser des revues de dépenses pour garantir l'atteinte de la trajectoire, selon un calendrier défini en loi de programmation – cela est très important. Enfin, il serait souhaitable d'établir le budget de l'État sur trois années glissantes pour qu'il s'articule mieux avec la programmation, comme la MILOLF l'a également proposé.

Parce qu'une bonne trajectoire doit être surveillée, nous formulons aussi deux recommandations en la matière. Nous proposons d'abord d'élargir le mandat du Haut Conseil des finances publiques, notamment pour lui permettre d'apprécier le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses et d'identifier les risques d'écart à la trajectoire. J'y suis particulièrement attaché, d'abord car cela est essentiel pour nourrir le débat contradictoire, ensuite car cela est nécessaire au regard du fonctionnement des autres institutions budgétaires indépendantes en Europe, aux compétences beaucoup plus étendues. Nous proposons ensuite d'instaurer un débat annuel sur la dette publique et sur sa soutenabilité. Nous portons cette proposition depuis plusieurs années déjà et elle nous semble plus que jamais d'actualité.

La deuxième partie du rapport porte sur la nécessité de rétablir la vision globale des finances publiques. Le cadre dans lequel se déploie la dépense publique est fondamental, car il détermine à la fois les choix de l'action publique, les conditions de vote du Parlement, les modalités de contrôle et la clarté de l'information transmise, notamment aux citoyens.

Or, en France, ce cadre est morcelé et fragmenté, car il est à l'image de notre système institutionnel. Cette fragmentation tient à plusieurs éléments.

D'abord et contrairement à beaucoup d'idées reçues, le poids de l'État dans la dépense publique est plus modeste en France qu'à l'étranger. Il représente 35 % de notre dépense publique, contre 38 % en moyenne dans l'Union européenne. Au Royaume-Uni, ce poids atteint par exemple près de 80 %.

Ensuite, les recettes publiques sont réparties entre les différents niveaux d'administration publique sans cohérence d'ensemble. Prenons l'exemple de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) : elle est affectée à la fois au budget général de l'État, à un compte d'affectation spéciale, aux régions, aux départements et à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). L'affectation de la TVA est encore plus complexe. Quant à la sécurité sociale, elle n'est aujourd'hui plus financée qu'à 50 % par des cotisations sociales. Il en résulte une réelle confusion, qui nuit à la lisibilité de l'action publique et à la bonne compréhension de l'utilisation qui est faite de nos ressources.

Enfin, le dernier élément majeur de fragmentation des finances publiques tient à la gouvernance d'ensemble et au pilotage global – ceux-ci sont insuffisants. En théorie, la trajectoire des finances publiques devrait, au vu de notre organisation nationale, découler de l'addition des trajectoires financières de tous les secteurs d'administrations publiques ; pourtant, cette méthode ne fonctionne pas, car les textes financiers sont disparates, peu coordonnés, et les lois financières annuelles ne couvrent que les trois quarts de notre dépense publique. Il n'existe par ailleurs pas de mécanisme ou d'instance de coopération entre les différentes catégories d'administrations publiques, comme en Allemagne ou en Espagne. Une conférence nationale des finances publiques avait bien été créée en 2006, mais elle n'a été réunie que trois fois entre sa date de création et 2010.

Cette fragmentation qui caractérise nos finances publiques n'est pas une simple gêne cosmétique. Elle emporte des inconvénients majeurs, pour les finances publiques comme pour la transparence de l'action publique.

Commençons par le plan financier. Ce cadre institutionnel est si complexe qu'il affecte la capacité à lire et à comprendre les équilibres entre les recettes et les dépenses des administrations publiques. Les soldes de chaque catégorie d'administrations publiques n'ont plus qu'une signification limitée, alors même qu'ils orientent des choix décisifs.

De plus, la répartition des recettes et les décisions prises depuis plusieurs années en matière de financement de la sécurité sociale et des collectivités territoriales ont conduit à concentrer sur l'État la plus grande partie du déficit et de la dette des administrations publiques. Cette situation résulte logiquement de son rôle d'assurance collective, qui est décisif dans la crise que nous traversons, comme il l'a été en 2008. Il y a donc un risque qu'au sortir de la crise, la majeure partie de l'effort de redressement soit supportée par le budget de l'État. Un partage équitable de l'effort entre les différents niveaux d'administration publique exige de disposer d'une vision globale des finances publiques.

Le deuxième inconvénient que présente la fragmentation des finances publiques a trait à la transparence de l'action publique. Le consentement à l'impôt exige l'adhésion aux dépenses qu'il autorise, ce qui suppose que le budget soit lisible et qu'il soit possible de comprendre à quoi servent les recettes publiques. Pour pouvoir redresser nos finances publiques dans les prochaines années en faisant les bons choix, nous devrons disposer d'une information globale, fiable et compréhensible par toutes et tous.

Pour y parvenir, notre rapport formule plusieurs recommandations conçues pour pouvoir être mises en œuvre sans réformer la Constitution.

Pour associer la sécurité sociale et les collectivités locales à l'objectif de soutenabilité des finances publiques du pays, nous proposons d'abord de mettre en place une instance de concertation pérenne et de fixer en LPFP les règles de partage des impôts et de garanties de ressources entre administrations.

Nous suggérons également d'instaurer dans chaque assemblée une discussion générale, préalable à l'examen des projets de loi de finances (PLF) et des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), sur les recettes publiques, leur partage et les conditions de l'équilibre des finances de l'État et de la sécurité sociale.

Nous recommandons enfin d'étendre et de clarifier les lois financières, notamment pour la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) qui devrait être élargie aux régimes de retraite complémentaire obligatoire et à l'assurance chômage.

Il serait également souhaitable de créer pour ce secteur une « loi de résultat » de la sécurité sociale, présentée au printemps comme la loi de règlement du budget de l'État, qui pourrait être examinée dans le cadre de votre nouveau printemps de l'évaluation. Ce dernier constitue un grand progrès et je comprends votre souhait de le pérenniser. La Cour sera toujours disponible pour y participer.

S'agissant des collectivités locales, l'option d'une loi de financement des collectivités, défendue par la Cour par le passé, n'a pas été retenue ici car elle aurait nécessité de réviser la Constitution. Nous proposons plutôt la création d'une nouvelle mission budgétaire qui rassemblerait l'ensemble des concours versés par l'État aux collectivités territoriales – crédits budgétaires, prélèvements sur recettes, remboursements et dégrèvements d'impôts locaux. Chacun d'entre eux pourrait conserver la forme qu'il prend aujourd'hui. L'examen de cette mission deviendrait le cadre de discussion des finances locales devant le Parlement.

J'en arrive maintenant à la troisième partie du rapport, qui se concentre sur le cadre budgétaire de l'État. Il ne s'agit pas ici de braquer le projecteur sur un secteur d'administration qui serait plus fautif que les autres, mais de s'intéresser de près au dispositif mis en place par la LOLF, un texte consacré avant tout à l'État. Nous formulons sur ce sujet un certain nombre de constats.

Le premier réside dans l'émiettement croissant du budget de l'État, qui est tout aussi préoccupant que la fragmentation des finances publiques. En effet, à l'extérieur comme à l'intérieur de ce budget, les dispositifs dérogatoires subsistent malgré la LOLF, et se multiplient même. Il s'agit ici des dépenses fiscales, des impôts et taxes affectées, des fonds sans personnalité juridique, des comptes spéciaux ou encore des budgets annexes. Tous portent atteinte aux principes budgétaires fondamentaux que sont l'unité et l'universalité. Je sais que la MILOLF partageait nos constats et avait formulé sur ce point de nombreuses recommandations.

Or, malgré le dynamisme de ces dispositifs dérogatoires, l'autorisation parlementaire reste concentrée sur les dépenses du budget général. Il s'agit de notre deuxième constat. Un double inconvénient persiste ici : budgétaire, puisque beaucoup de ces dispositifs de financement échappent aux règles de contrôle et de pilotage en place, et de transparence, puisque le pouvoir du législateur est affaibli. Les sommes en jeu sont pourtant très significatives, s'agissant par exemple des dépenses fiscales, des taxes affectées aux opérateurs ou des programmes d'investissement d'avenir, qui ont majoritairement recouru à ce type de financement.

Pour rétablir l'unité et l'universalité budgétaires, nous proposons de compléter les missions budgétaires actuelles en élargissant l'information qu'elles fournissent. Y figureraient désormais non seulement les crédits budgétaires mais également les dépenses fiscales, les prélèvements sur recettes, les taxes affectées, et plus largement l'ensemble des moyens déployés par l'État pour financer ou soutenir une politique publique. La pertinence de l'ensemble des dérogations au droit commun budgétaire devrait être examinée de façon systématique au cours d'une période de transition de trois à cinq ans avant l'entrée en vigueur définitive du nouveau dispositif. Les comptes spéciaux et budgets annexes devraient dans ce cadre faire l'objet d'une attention particulière.

Enfin, le rapport s'intéresse à l'ambition initiale de la LOLF, qui visait à favoriser l'efficience de la dépense publique. Or, la recherche de l'efficience reste beaucoup trop marginale par rapport à la préoccupation du maintien ou de l'augmentation des enveloppes budgétaires.

Je n'arrive pas à me résoudre à l'idée que nous serions le seul pays européen où la recherche de la meilleure politique au meilleur prix serait considérée comme péjorative. Quand ils font des achats, les Français recherchent chaque jour le meilleur rapport qualité-prix. Pourquoi ne feraient-ils pas la même chose en tant que contribuables, citoyens, ou usagers du service public ? Je suis persuadé que les bouleversements que nous traversons nous imposent plus que jamais de nous concentrer sur la qualité et l'efficacité de la dépense publique au moindre coût, pour que nous soyons capables de faire face aux conséquences de la crise sur notre économie et de financer les nouvelles priorités que nous nous donnons collectivement. Il ne s'agit pas de revenir ici à des dogmes d'austérité. Il s'agit d'affecter les bonnes ressources aux bonnes politiques.

Pour cela, nous formulons plusieurs propositions. Tout d'abord, nous souhaitons appliquer la démarche de performance à l'ensemble des moyens des politiques publiques, et non plus aux seuls crédits budgétaires. Ensuite, nous suggérons de conforter la vision pluriannuelle du budget, pour renforcer l'évaluation à moyen terme des politiques publiques, en accompagnant les lois de règlement d'un bilan de l'exécution sur trois ans. Enfin, nous recommandons de clarifier et de renforcer la responsabilité des gestionnaires publics pour qu'ils disposent des leviers nécessaires à leur mission, notamment en réduisant les mises en réserve générales de crédits.

Pour conclure, je retiens deux principaux messages pour résumer mon propos.

Tout d'abord, le contexte actuel de crise nous invite à définir une nouvelle stratégie de finances publiques. Cette stratégie exigera un cadre organique et une gouvernance rénovés. C'est à ce prix que le pays pourra atteindre des objectifs difficiles de redressement des finances publiques, tout en préservant au mieux les politiques publiques auxquelles les Français sont attachés et sans renoncer à de nouvelles ambitions.

Ensuite, nous n'appelons pas au grand soir mais nous suggérons une démarche très pragmatique. De la même façon que la crise de 2008 avait conduit, sous l'influence du cadre européen, à l'adoption de la loi organique de 2012, cette crise doit nous aider à franchir une nouvelle étape dans la construction de notre cadre de gouvernance. Les politiques publiques de demain appellent à davantage de projection dans le temps long, de coordination et de transparence. Sans ces éléments, nous ne pourrons pas relever des défis comme celui de la transition écologique ou du vieillissement de la population.

Il va de soi que notre rapport ne rétablira pas à lui seul nos finances publiques. Mais il fournit plusieurs clés de lecture de la situation actuelle ainsi qu'un certain nombre de pistes concrètes pour rénover notre cadre de gouvernance financière. Nous espérons qu'elles vous seront utiles ainsi qu'au Gouvernement. Nous sommes évidemment prêts à travailler avec vous sur les suites à lui donner.

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Merci, monsieur le Premier président. Ce rapport est fondamental et nous partageons beaucoup de ses sujets de préoccupation.

Tout d'abord, vous constatez un fractionnement des finances publiques et vous souhaitez la création d'une instance pérenne de concertation associant les administrations publiques. Vous appelez à une réunion de cette instance à l'automne pour mener une discussion sur les recettes et les dépenses publiques. Comment pourrait s'articuler le rôle de cette instance avec celui du Parlement ? En 2006, nous avions créé une conférence nationale des finances publiques, dont les travaux se sont malheureusement rapidement arrêtés. Peut-être faut-il recréer, sous une autre forme, cette conférence nationale des finances publiques ? Elle avait été très utile au sortir de la crise. Je souligne également le fait qu'avait alors été créé un ministre chargé des comptes publics.

Ensuite, je partage votre constat sur l'échec de la stratégie pluriannuelle des finances publiques. C'est le cas de toutes les stratégies pluriannuelles en France : nous arrivons à prévoir, mais nous n'arrivons pas à tenir nos prévisions. Aucune sanction n'est prévue à ce sujet. Il faut durcir les dispositifs et les rendre adaptables. Vous évoquez les lois de programmation et proposez de procéder à des provisions de programmation. Comment pourraient-elles concrètement se mettre en place ? Vous suggérez également de prévoir des mesures nouvelles en recettes dans la définition de la programmation pluriannuelle. Cet exercice est encore plus compliqué s'agissant des recettes que des dépenses. Il consiste à prévoir l'évolution du cadre fiscal, qui est terriblement instable. Comment cela pourrait-il fonctionner ?

La LOLF avait été créée avec l'ambition de mesurer l'efficience des finances publiques. Les indicateurs de performance devaient y contribuer. Pensez-vous qu'il faille d'abord conduire une revue générale des indicateurs de performance ?

Je partage votre opinion sur les collectivités territoriales. La mission Relations avec les collectivités territoriales nous occupe beaucoup, mais nous n'y discutons pas de la fiscalité des collectivités territoriales. Il ne s'agit pas d'une mission globale sur les finances locales. Il faudrait que nous puissions avoir un moment pour une discussion d'ensemble.

Je suis d'accord avec vous s'agissant des dépenses fiscales. Nous devons les recenser. Malheureusement, cela n'est pas la préoccupation majeure.

Enfin, le débat sur la dette est un débat fondamental. Je voudrais y ajouter une idée. Nous devrions disposer d'une présentation du budget distinguant les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement. Savoir ce qui relève du fonctionnement et de l'investissement soulève des débats sans fin ; mais il serait très utile de pouvoir sérier chacune de ces dépenses, et donc la dette de fonctionnement.

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S'agissant d'abord de la pluriannualité, il nous faut absolument pouvoir enrichir la programmation – il en va de la qualité de nos comptes publics et de la crédibilité internationale de notre pays. Nous préparons à ce sujet une proposition de loi organique. Elle suggère, notamment, que la LPFP présente un objectif de dépenses exprimé en milliards d'euros. Que pensez-vous de cette proposition ?

S'agissant de la qualité de l'information pour améliorer le contrôle, nous avons présenté un certain nombre de mesures très concrètes. Nous proposons notamment que la LPFP puisse présenter des perspectives pluriannuelles de dépenses de l'État par programme et non par mission. Cela se ferait, vous l'avez souligné, à cadre constitutionnel constant.

Il est absolument nécessaire de tenir une journée annuelle de débat sur la dette. Elle pourrait avoir lieu à la place du débat d'orientation sur les finances publiques qui, lui, pourrait être tenu spécifiquement en commission.

Enfin, vous affirmez que vous ne proposez pas le grand soir, et je vous rejoins sur la révolution des petits pas. En revanche, à mon sens, le grand soir serait nécessaire pour revisiter les taxes affectées. Je souhaite aboutir avant la fin de notre législature au lancement d'un vrai chantier sur la restriction des conditions de recours aux taxes affectées dans la LOLF – notamment les taxes affectées à des tiers telles que prévues dans la LPFP de 2018. Nous avons besoin d'un vote en loi de finances sur l'ensemble des taxes affectées, hormis celles qui le sont au profit des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale. Nous devons prévoir une rebudgétisation de toutes les taxes affectées qui ne répondent pas à la doctrine d'emploi. Cela constitue, à mes yeux, l'étape ultime du nettoyage de la fiscalité que nous avons amorcé, entre autres, par la suppression des petites taxes. Toutes les taxes qui ne peuvent pas être rebudgétisées à court terme conserveraient, en attendant, le plafond prévu par la loi de finances pour 2012. Un vrai courage politique en termes de bonne gestion des finances publiques passera par la rebudgétisation des taxes affectées telle que, je crois, les pères de la LOLF le souhaitaient.

Une proposition de loi organique nous permettra d'avancer sur beaucoup de sujets : la pluriannualité, la qualité du contrôle, le débat sur la dette, le débat relatif aux finances locales, une discussion commune avec les affaires sociales. Tous ces sujets sont de l'ordre du règlement ou de la loi organique.

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Le rapport propose une comparaison avec d'autres pays européens, notamment avec la Finlande, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède. Vous remarquez qu'un fort consensus politique découle de la nature du régime parlementaire de ces pays. Comment ce consensus politique, qui vous paraît essentiel, peut être trouvé dans un régime différent, à savoir celui de la République française ?

Je partage tout à fait votre vision sur la lisibilité des budgets. J'aimerais savoir comment les questions de lisibilité sont traitées dans ces mêmes pays européens. Cela concerne-t-il avant tout les taxes affectées, les dépenses fiscales, l'articulation entre les collectivités territoriales et l'État ? Cela se traduit-il par une visibilité plus grande du budget en Finlande, au Danemark, en Suède et aux Pays-Bas ?

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Merci pour ce rapport très dense, que nous avons reçu un peu tard hier soir. J'ai pu prendre connaissance de la synthèse.

Je m'intéresse à la cinquième recommandation, qui propose d'élargir le mandat du Haut Conseil des finances publiques. Je souhaiterais que vous reveniez sur le détail de ce nouveau mandat.

Ensuite, la septième recommandation propose de créer une instance pérenne de concertation. Comment imaginez-vous l'articulation de cette instance avec les dispositifs en place ? Quelle serait sa mission et à quel stade interviendrait-elle ?

Enfin, vous constatez l'importance de la dette que nous créons en raison de la crise sanitaire. Que pensez-vous d'une structure sur le modèle de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) pour amortir cette dette sur le temps long ?

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Je rejoins en remarque préliminaire mon collègue Mattei : il serait bon que l'on exige de disposer des rapports quarante-huit heures avant l'audition et, à défaut, que l'on reporte l'audition.

Ma première question s'adresse à vous, monsieur le président de la commission des finances et monsieur le rapporteur général. Attendiez-vous ce rapport pour mettre en application les mesures que vous aviez vous-mêmes préconisées dans votre rapport de septembre 2019, et en avez-vous discuté avec le Gouvernement ?

Monsieur le Premier président de la Cour des comptes, vous avez renoncé momentanément à la loi de financement des collectivités locales, mais je crois qu'il faut garder en tête cet objectif.

Vous proposez par ailleurs d'organiser un débat sur la dette publique. À mes yeux, ce débat n'a de sens que s'il est précédé par un débat sur le niveau de service public attendu par les Français. Discuter de la dette sans savoir ce dont nous avons besoin me semble inutile.

Vous avez déploré que les comptes sociaux ne soient plus financés qu'à 50 % par les cotisations sociales. Je le déplore également. Formulez-vous des préconisations sur les niveaux de cotisations sociales nécessaires pour ces comptes sociaux ?

D'une manière générale, notre groupe est évidemment favorable à toutes les mesures qui renforceront le rôle du Parlement. Mais cela ne rétablira pas, à mon sens, l'équilibre de nos comptes sociaux. Nous devrions plutôt envisager une nouvelle phase de décentralisation. Elle permettrait peut-être d'inverser le paradigme et conduirait à définir d'abord les compétences des collectivités territoriales et ensuite seulement celles de l'État.

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Un budget bien compris, bien lu, et qui parle à tous les citoyens permet une meilleure adhésion aux politiques publiques. Comment faire pour que ce budget soit l'affaire de tous ? Les collectivités territoriales essaient de se rapprocher de leurs concitoyens par le recours à des budgets participatifs ou coopératifs. L'échelle locale essaye de trouver les bonnes solutions.

Comment améliorer la culture du contrôle, notamment du contrôle parlementaire ? Il s'agit d'améliorer le dialogue avec les gestionnaires. Il faut faire en sorte que ce contrôle ne soit pas perçu comme du « flicage » mais comme un axe de progression, à la manière du contrôle exercé par les chambres régionales des comptes qui permet d'améliorer la gouvernance locale.

Enfin, je souhaite connaître vos propositions en faveur du renforcement de la relation avec les collectivités territoriales. Peut-on donner un cadre nouveau à cette relation sans réformer au préalable les finances locales ?

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Je regrette également d'avoir reçu le document fort tard.

Il est important de suivre les comptes publics. Mais je note que les débats se situent toujours dans le cadre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et placent toujours l'équilibre du déficit comme étant prioritaire une fois la parenthèse du COVID refermée. Le contenu des débats que l'on nous propose s'inscrit uniquement dans cette perspective. À La France insoumise, nous ne nous situons pas dans cette logique.

En ce qui concerne la réforme des impôts de production, le rapport de l'institut des politiques publiques (IPP) estime que la baisse des recettes attendue, à dix milliards d'euros par an, aura un effet de 0 point de produit intérieur brut (PIB) à court terme et de 0,5 point de PIB à long terme – cela semble très faible. Selon ce rapport, cette mesure avantage les 10 % d'entreprises à plus haute intensité capitalistique et défavorise les 10 % d'entreprises les moins favorisées. Ce rapport observe également que les mesures d'urgence prises immédiatement après le premier confinement sont venues en aide aux entreprises les plus touchées. À l'inverse, toutes les mesures du projet de loi de finances pour 2021 concernent d'abord les plus grandes entreprises et non celles les plus touchées par la crise. Nous dénonçons ces aides non ciblées.

Enfin, une étude du centre de recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises (Rexecode) étudie l'impact sur l'emploi de la baisse de dix milliards d'euros des impôts de production. Rexecode estime que cette mesure créera 100 000 emplois d'ici à 2030. Je fais le calcul suivant : la mesure coûtera 10 milliards d'euros par an, son coût s'élève donc à 100 milliards d'euros d'ici à 2030 ; elle créera 100 000 emplois, cela revient donc à un coût d'un million d'euros par emploi. Cela équivaut au coût des emplois du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Une fois de plus, je conteste l'efficacité de ce genre de politique de l'offre et de compétitivité en matière d'emploi.

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Je formule une réaction à chaud car nous n'avons pas pu consacrer beaucoup de temps à l'examen de ce travail important. Le contexte actuel appelle sans doute à prendre des dispositions nouvelles. Je ne voudrais pas que ce rapport constitue un simple habillage en vue d'intensifier encore la politique d'austérité que nous voyons poindre à l'horizon. Monsieur le Premier président a beaucoup insisté sur la recherche de l'efficience – cela nous inquiète souvent. N'aurions-nous pas besoin, dans un premier temps, de redéfinir nos besoins et les moyens à allouer pour les satisfaire ? Vous avez évoqué de nouvelles recettes. Dans quel cadre pourraient-elles s'inscrire ?

Je suis favorable à un débat annuel sur la dette, ne serait-ce que pour évoquer qui la paiera et si son remboursement se fera grâce à une diminution des dépenses publiques utiles.

Ce rapport formule des remarques importantes sur la forme, s'agissant du consentement à l'impôt, d'une meilleure lisibilité, d'une moindre fragmentation. Les questions de fond et les orientations sont d'autant plus importantes. Par exemple, l'administration Biden a annoncé vouloir augmenter l'impôt sur les sociétés. Quelles sont nos pistes pour créer des recettes nouvelles ?

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Je constate que les réflexions de la Cour des comptes s'inscrivent dans le cadre constitutionnel actuel et donc dans une conception extrêmement centralisatrice.

Pourquoi le non-respect des lois de programmation que constate la Cour depuis leur création n'entraîne-t-il pas la suppression des lois de programmation ? Cela pourrait se faire au profit de la quatrième recommandation de la Cour, à savoir de présenter par mission les prévisions de crédits pour les années n +2 et n +3.

Pourquoi les lois de programmation ne sont-elles pas respectées ? Car aucune sanction n'existe. Je me bats depuis des années pour que l'équilibre de fonctionnement soit élevé au rang de principe constitutionnel.

Je reviens sur la nouvelle présentation. Je m'étais battu, durant la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, pour disposer d'une présentation distinguant les budgets de fonctionnement et d'investissement. Cette présentation existe et permettrait aux citoyens d'accéder à une compréhension beaucoup plus claire du budget de l'État.

Je suis fondamentalement en désaccord avec les neuvième et onzième recommandations, qui couvrent les recettes partagées. Nous évoluons dans un État extrêmement centralisé. Nous avons besoin de l'inverse. Les recettes doivent être affectées à chaque bloc (les collectivités territoriales, la protection sociale, l'État) sans partage. Il faut accorder une autonomie et accéder à la décentralisation territoriale et sociale afin de responsabiliser les partenaires sociaux.

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Beaucoup de choses dont nous discutons étaient déjà présentes dans la LOLF. Il est dommage que les réunions de la conférence de financement aient cessé. Elle constitue un outil qui aurait pu être utilisé aujourd'hui et qui ne l'est malheureusement pas.

En réponse à madame Christine Pires-Beaune, nous avons été en contact avec le Sénat après la remise du rapport de la MILOLF pour échanger sur un avant-projet de proposition de loi organique. Il y a quelques mois, cette proposition n'était pas une priorité. Nous avons bien l'intention de sensibiliser à nouveau le Sénat à ces enjeux. S'agissant de la position du Gouvernement, j'avais compris qu'il y était favorable.

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L'ancien ministre des comptes publics était tout à fait favorable à la modification de la LOLF par voie de proposition de loi organique. Il est absolument nécessaire que le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat partagent une volonté commune pour faire aboutir une telle proposition de loi organique. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale partagent cette sensibilité ; s'agissant du Sénat, les nouveaux président et rapporteur général de la commission des finances n'ont pas encore échangé avec nous.

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Du côté du Gouvernement, il existe une unité entre l'actuel et le précédent ministre des comptes publics, que nous devrions retrouver dans les textes et dans l'approche parlementaire.

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des Comptes

Je souligne tout d'abord qu'il existe une très large convergence entre la MILOLF et le rapport de la Cour des comptes.

Deuxièmement, j'ai bien entendu les réflexions sur les délais d'envoi du rapport. La Cour l'a envoyé vendredi dernier.

Enfin, certaines questions ont été posées auxquelles je ne pourrai pas répondre. Ce rapport n'est pas un rapport sur la dette publique, le déficit ou l'évaluation de la dépense – il ne porte pas de jugement sur la situation présente. Il s'agit d'un rapport sur la gouvernance des finances publiques. Nous pensons que disposer d'un cadre stable permet de mieux maîtriser et de mieux connaître les finances publiques. Les objectifs de prévisibilité, de lisibilité et d'unité sont, il me semble, partagés par tous ceux qui ont pris la parole. N'y voyez aucun prisme idéologique. Il s'agit de permettre au citoyen de mieux choisir, d'être mieux informé et d'évoluer dans un cadre plus performant.

Commençons par la conférence nationale des finances publiques. Ce dispositif a prouvé son efficacité en Espagne et en Allemagne, où des mécanismes ont été mis en place pour assurer la convergence de tous les acteurs vers des objectifs de moyen terme d'équilibre des finances publiques. Le rapport prend l'exemple de la conférence sur le déficit en 2010 qui s'est traduit par des décisions concrètes. En 2020, plus que jamais, la soutenabilité financière relève d'une responsabilité collective. C'est pourquoi la Cour propose de convoquer une instance de concertation en amont des projets de loi de programmation des finances publiques et chaque année. Ces débats n'ont en aucun cas vocation à se substituer au rôle du Parlement. Bien au contraire, ils ont vocation à partager les constats entre l'État, les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale, ce qui permettrait ensuite d'identifier les points qui nécessitent des arbitrages. La question du consensus politique a été évoquée par plusieurs d'entre vous. Une telle concertation est de nature, si ce n'est à créer du consensus, du moins à éclairer les dissensions. Enfin, créer un consensus politique ne dépend pas du système institutionnel. Cela relève d'une volonté politique. Certes, les majorités, en France, sont issues du mode de scrutin. Mais il est important que, quel que soit le système, le politique ait la volonté de s'approprier ces sujets et de porter une vision de long terme.

Je précise que l'enveloppe pluriannuelle des mesures nouvelles en recettes porterait spécifiquement sur les mesures nouvelles en recettes et non sur les recettes elles-mêmes. Les recettes, dans leur ensemble, ne sont pas précisément prévisibles. Les mesures nouvelles en revanche, elles, le sont.

Vous m'avez interrogé sur les provisions : l'objectif est de faire face aux contingences. La Suède forme d'importantes provisions : 1 % des dépenses programmées et jusqu'à 3 % à quatre ans. Le Royaume-Uni et la Finlande appliquent des dispositions comparables. La taille de la provision doit, il me semble, être croissante avec le temps.

Le Premier ministre avait proposé de faire voter des indicateurs de performance. Je pense qu'il faut, au préalable, conduire une revue de ces indicateurs car ils sont très nombreux. La Cour propose de distinguer les indicateurs stratégiques des indicateurs de gestion. Beaucoup d'efforts ont déjà été faits pour rationaliser les indicateurs de performance. Dans ce rapport, nous proposons d'étendre les dispositifs de performance à l'ensemble des moyens de financements inclus dans les nouvelles missions budgétaires.

S'agissant des finances locales, nous proposons de rassembler tous les sujets relatifs au financement des collectivités territoriales dans une nouvelle mission budgétaire consacrée aux relations avec les collectivités territoriales. Elle serait composée de programmes correspondant aux différents types de moyens dont elles bénéficient et son examen deviendrait le cadre de discussion des finances locales devant le Parlement. Nous avons pris le parti de raisonner à Constitution constante – il n'est pas interdit à d'autres de proposer une révision constitutionnelle, et il ne nous serait pas interdit de la soutenir.

Nous avons proposé que les nouvelles dépenses fiscales soient récapitulées dans les nouvelles missions budgétaires, car elles constituent des composantes à part entière des moyens consacrés par l'État aux politiques publiques. En réduisant l'impôt, l'État cherche à orienter les comportements des acteurs économiques. Les dépenses fiscales ont un coût élevé et sans cesse croissant. Chaque nouvelle dépense fiscale doit donc être mise en regard des dépenses budgétaires pour que le Parlement dispose d'une vision d'ensemble au moment de voter les crédits budgétaires.

En quoi consiste l'enveloppe pluriannuelle de mesures nouvelles en recettes ? La Cour recommande de fixer une trajectoire financière soutenable et réaliste. Nous savons que la notion de solde structurel est importante mais insuffisante. Elle est sujette à des révisions et elle est modérément lisible. Nous proposons de compléter ce critère de solde structurel par des enveloppes, en milliards d'euros, portant sur l'ensemble des administrations publiques et concernant les dépenses et les recettes. Il importe que le périmètre de cette enveloppe puisse être le plus large possible.

J'ai dit notre convergence de vues avec la MILOLF sur le programme de stabilité. Nous tenons néanmoins une posture légèrement différente. Nous pensons que chacun des trois temps forts actuels des finances publiques a sa raison d'être. Le mois d'avril est le temps de l'évaluation et de la performance : nous proposons de renforcer ce temps par une loi de résultat de la sécurité social au printemps ; le rapport de la Cour des comptes sur le budget de l'État sera en ce sens publié à la mi-avril. Le mois d'avril est également consacré au programme de stabilité. Nous approuvons l'idée qu'il fasse systématiquement l'objet d'un débat au sein du Parlement. Les mois de juin et juillet sont dédiés au cadrage des grands équilibres financiers : ils sont l'occasion de tenir le débat d'orientation des finances publiques et de faire un point sur l'exécution de l'année en cours. Enfin, les mois de septembre et octobre sont ceux de la présentation des lois financières et s'inscrivent dans la continuité avec les cadrages de l'été.

En ce qui concerne le plafonnement des taxes affectées, les nouvelles missions budgétaires devraient tenir compte des moyens que constitue l'affectation de ces taxes afin que le Parlement dispose d'une vision d'ensemble au moment du vote des crédits budgétaires.

Sur la distinction entre les dépenses de fonctionnement et d'investissement, nous avons réfléchi à la possibilité de distinguer les programmes dotés de règles spécifiques à chaque type de dépenses au sein des nouvelles missions budgétaires. La réflexion à ce sujet mérite d'être poursuivie. Je reviens sur les comparaisons avec d'autres pays européens, car la LPFP pourrait être le lien qui permettrait de forger un consensus.

En réponse à la proposition d'amortissement de la dette par une structure de type CADES, le cantonnement de la dette est un bon signal, à la condition de ne pas considérer une dette cantonnée comme annulée. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle dette en profitant de ce cantonnement. La trajectoire de déficit et de dette de l'ensemble des administrations publiques importe. La dette est un sujet dont nous devons parler sereinement ; il n'est pas responsable d'affirmer qu'elle n'existe pas ou que nous pouvons soudainement la faire disparaître. Le débat annuel sur la dette publique est fondamental.

Nous proposons d'adapter le mandat du Haut Conseil des finances publiques aux propositions de la Cour sur les enveloppes de recettes et de dépenses ; de limiter le risque de sous-évaluation des mesures nouvelles – il s'agit de la contre-expertise des évaluations du Gouvernement ; et enfin, de mettre en place des mesures de vigilance pour évaluer les risques d'écart à la trajectoire car nous pensons que le mécanisme de correction arrive trop tard. Cela constitue trois bonnes raisons d'élargir modérément le mandat du Haut Conseil des finances publiques. Le champ de réflexion et d'action du Haut Conseil des finances publiques constitue un outil fondamental pour le Parlement, pour l'exécutif et pour le citoyen.

Comment améliorer la culture du contrôle ? Cela se fera à travers l'harmonisation des dispositifs de performance. Nous souhaitons également consolider les revues de dépenses et les articuler avec la stratégie de respect de la trajectoire financière.

Je reviens enfin sur les impôts de production évoqués par monsieur Coquerel. Le montant des impôts de production est plus élevé en France que dans d'autres pays. Les baisses souhaitées sont des baisses pérennes. Cela pose une question par rapport aux objectifs de finances publiques et alimente le débat sur la relance. Cela nécessite encore plus d'attention portée à la maîtrise de la dépense.

Enfin, je laisse M. Christian Charpy répondre aux questions sur la sécurité sociale et les cotisations sociales.

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Christian Charpy, président de chambre à la Cour des comptes

Madame Pires-Beaune s'est inquiétée du fait que la part des cotisations sociales dans le financement de la sécurité sociale a fortement baissé. Notre objectif n'est pas de les augmenter. Nous les avons réduites car nous leur avons préféré d'autres modes de financement moins pénalisants pour l'emploi. Quand les cotisations sociales baissent et sont remplacées par des affections d'impôts (notamment de recettes de taxe sur la valeur ajoutée), il faut que ce partage d'impôts fasse l'objet d'une discussion en loi de programmation des finances publiques et d'un débat en amont du vote des lois de financement.

Je souhaiterais évoquer deux points complémentaires. Nous proposons que le débat sur la dette soit alimenté par un avis de la Cour des comptes sur la situation financière de l'État. La Cour certifie chaque année les comptes de l'État. Nous proposons désormais de formuler un avis sur la situation financière de l'État, y compris les engagements hors bilan qui sont aujourd'hui recensés sans être forcément bien compris.

Ensuite, il faut recenser l'ensemble des taxes affectées. Nous proposons que dans le cadre de l'examen des missions élargies, le Parlement puisse déterminer si l'affectation et le plafonnement de la taxe sont positifs et modifier l'affectation si besoin.

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Compte tenu des nombreux points de convergence mis en avant par ces discussions, il sera nécessaire que nous réunissions rapidement la MILOLF.

Le rapport m'a été envoyé vendredi dernier par la Cour des comptes de façon officieuse. Il a été demandé de ne pas le partager avec les membres de la commission avant mardi soir pour éviter les fuites. Nous devrons discuter de ce point en vue des prochaines transmissions de rapports avant une audition.

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des Comptes

La demande de non-diffusion s'entend par rapport aux craintes de fuites vers la presse. Nous devrons trouver des moyens pour que les membres de la commission des finances puissent prendre connaissance du rapport en temps suffisant. Je regrette cet envoi tardif, notamment compte tenu de la complexité et de la technicité du rapport.

Enfin, nous sommes disposés à travailler avec vous s'agissant de la MILOLF, car nous pensons que des propositions de modifications de la loi organique pourraient être examinées rapidement.

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Je soulève la question des sanctions éventuelles quand les règles ne sont pas respectées. Pensez-vous que nous finirons par appliquer des sanctions ?

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Christian Charpy, président de chambre à la Cour des comptes

La question de la sanction du non-respect de la programmation ne relève pas de la Cour des comptes. Elle relève du débat politique. La Cour peut constater un écart significatif entre les dispositions votées et leur mise en œuvre ; le reste relève d'un sujet politique, et la Cour ne peut, en la matière, que s'en remettre aux autorités compétentes.

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des Comptes

Le budget triennal ne peut pas se substituer aux lois de programmation car il est limité au seul budget de l'État. Les LPFP doivent être rendues plus effectives. Nous proposons de mettre l'accent sur l'utilisation d'indicateurs maîtrisables et observables et de mieux surveiller les écarts. La sanction doit être l'un des derniers recours et doit intervenir après un dialogue approfondi.

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Monsieur le Premier président, je vous remercie.

Nous écoutons maintenant la communication du groupe de travail dont était responsable Benoît Potterie sur la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM). Ce sujet revient régulièrement dans les débats en commission et en séance publique.

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Les débats sur la taxe sur les surfaces commerciales lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, ont entraîné la création de ce groupe de travail. La crise sanitaire a retardé le début de ses travaux. Les premières auditions ont eu lieu en juin dernier.

La taxe sur les surfaces commerciales a été créée en 1972 pour favoriser un développement équilibré du commerce. Elle finançait à l'origine le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales (FISAC). Les redevables de la TASCOM sont les magasins et commerces de détail ouverts à compter du 1er janvier 1960, dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés et dont le chiffre d'affaires annuel des ventes au détail est supérieur à 460 000 euros.

L'efficacité de cette taxe reste à prouver. La direction de la législation fiscale indique qu'elle ne semble pas avoir exercé de véritable effet désincitatif à la généralisation des grandes surfaces. Elle demeure cependant une source de rendement, à la fois pour les collectivités territoriales et pour l'État. En 2019, le produit de la TASCOM s'établissait à 972 millions d'euros, dont 774 millions d'euros pour les collectivités territoriales. L'État touche une partie de la TASCOM depuis l'instauration d'une majoration spécifique par la loi de finances rectificative pour 2014.

Cette taxe présente plusieurs problèmes ; j'en détaillerai trois. J'ai d'ailleurs déposé des amendements au projet de loi de finances pour 2021 pour réduire les distorsions induites par ces caractéristiques.

Le premier problème concerne la taxation des succursales. Les entreprises sont différemment taxées selon leur mode d'organisation : les magasins organisés sous forme de filiales ou de succursales sont assujettis à la taxe, même si leur surface de vente est inférieure à 400 mètres carrés. Seuls les magasins n'étant pas contrôlés directement ou indirectement sous une même enseigne sont exonérés de cette taxe. L'existence de cette différence, validée par le Conseil constitutionnel en 2010, crée une distorsion entre les magasins organisés en franchises et ceux organisés en succursales. Cette distinction induit également qu'un magasin d'une surface inférieure à 400 mètres carrés situé en centre-ville peut être assujetti à la TASCOM, ce qui est en contradiction avec l'objectif même de la taxe. J'ai déposé un amendement lors de l'examen du PLF pour 2021 visant à supprimer l'assujettissement des succursales dont la surface de vente est inférieure à 400 mètres carrés mais celui-ci n'a pas été adopté.

Le deuxième problème réside dans la majoration perçue par l'État. Cette majoration de 50 % pèse sur les entreprises ayant une surface de vente supérieure à 2 500 mètres carrés. Elle contribue à la concentration de la taxe sur quelques redevables. L'instauration de cette majoration a été justifiée en 2014 par le fait que les grandes surfaces bénéficiaient du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) alors même qu'elles étaient moins soumises à la concurrence internationale. Alors que les plateformes internationales de vente en ligne continuent de se développer, un tel argument ne semble plus fondé aujourd'hui. J'ai donc proposé la suppression progressive de cette majoration sur trois ans, qui n'a pas été adoptée par l'Assemblée nationale.

Le troisième problème est la différence de taxation des drives selon l'organisation des magasins qui les exploitent. Si un drive est rattaché à un magasin disposant d'une surface de vente, alors son chiffre d'affaires est pris en compte dans le calcul de la TASCOM. À l'inverse, un drive qui n'est adossé à aucune surface de vente n'est pas taxé. J'ai donc proposé d'élargir l'assiette de la taxe en incluant les espaces de stockage de marchandises vendues en drive. Cette proposition n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale.

Au delà de ces éléments structurels, il s'avère que cette taxe n'est pas en phase avec les évolutions du commerce. La fiscalité du commerce est majoritairement basée sur le foncier. Selon les chiffres de la fédération du commerce, les taxes foncières peuvent représenter jusqu'à 2 % du chiffre d'affaires d'un magasin. Or, les entreprises pratiquant uniquement la vente à distance ne sont pas assujetties à la TASCOM.

Cela explique que l'élargissement de la TASCOM aux entrepôts soit régulièrement avancé comme une solution pour rétablir l'équité fiscale entre les différentes formes de commerce. J'ai déposé un amendement en ce sens lors des trois premiers projets de loi de finances initiale de la législature. Le groupe de travail s'est attaché à étudier les conditions d'un tel élargissement et a conclu qu'il ne serait pas opportun pour plusieurs raisons. D'abord, une taxation supplémentaire sur les entrepôts fragiliserait la compétitivité d'un secteur qui en dépend directement : la logistique, qui représente 10 % de l'emploi salarié français. Ce premier effet serait renforcé par la potentielle délocalisation des entrepôts des entreprises multinationales. Pendant le premier confinement, la société Amazon n'a pas hésité fermer ses entrepôts français après la décision du juge des référés du tribunal de Nanterre. Notre entretien avec le directeur de la stratégie d'Amazon France n'a pas été rassurant à ce sujet. Il nous a confirmé que ses réseaux étaient organisés à l'échelle européenne et que les livraisons en France pouvaient tout aussi bien se faire depuis les pays voisins. Non seulement une taxe supplémentaire sur les entrepôts pénaliserait les sociétés françaises de la logistique, mais elle risquerait aussi de peser sur les entreprises françaises n'ayant pas la possibilité de délocaliser leurs entrepôts. Élargir la TASCOM aux entrepôts présente également le risque de taxer des entreprises qui ne sont pas en concurrence directe avec les magasins de détail. C'est le cas de La Poste, dont la filiale Urby propose un service de stockage et de livraison urbaine. Ces éléments sont décisifs quant à l'opportunité de taxer les entrepôts. À ceci s'ajoutent des difficultés juridiques, comme la très grande difficulté à distinguer au sein d'un entrepôt les mètres carrés dévolus au stockage de biens vendus en ligne et ceux dévolus à des biens vendus en magasin.

Pour autant, le statu quo est difficilement soutenable. Le groupe de travail a donc envisagé plusieurs options. La suppression sèche de la TASCOM fragiliserait les ressources des collectivités territoriales et n'est donc pas envisageable. L'instauration d'une taxe sur les livraisons de colis à domicile, évoquée l'année dernière comme levier pour équilibrer la fiscalité du commerce, serait dommageable pour les plus petits commerces qui se lancent dans la vente sur Internet.

C'est plutôt une réforme d'ampleur de la fiscalité pesant sur le commerce qui permettrait de résoudre les problèmes posés par la TASCOM. L'un des premiers pas consisterait à mieux taxer les géants du numérique par l'instauration d'une taxe au niveau de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Dans l'attente de telles réformes, il convient de mieux soutenir les commerces, notamment ceux de centre-ville.

Ces conclusions rejoignent celles du rapport rendu par le Gouvernement qui vous a été communiqué en même temps que la communication du groupe de travail. Ce rapport analyse l'ensemble de la fiscalité sur les commerces et ne préconise pas réellement de nouvel outil fiscal pour rétablir l'équité.

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Merci pour cette communication. Ces propos sont fidèles aux interrogations et aux propositions faites en séance publique lors de l'examen des différents PLFR pour 2020 et du PLF pour 2021.

La TASCOM est un impôt de production. Cette fiscalité manque-t-elle de cohérence par rapport aux autres pays européens ? Il y a évidemment deux types de réponses possibles. Imposer plus de contribuables constitue un choix, une orientation politique par rapport à la production. Je serais plutôt favorable à l'idée de sortir de cette mauvaise fiscalité qu'est la TASCOM, et de prendre des mesures de politiques publiques pour redynamiser les centre villes.

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Je suis d'accord avec monsieur le rapporteur général. Je suis d'avis que la meilleure manière de réformer la TASCOM serait de la supprimer. Cependant nous n'allons pas la supprimer maintenant. Les impôts de production ont, au fil du temps, diminué lentement. Que devons-nous faire maintenant ? Je comprends que la conclusion du groupe de travail est de ne rien faire en attendant sa suppression. Je ne pense pas qu'il ne faille rien faire. Il faut mettre en place l'équité fiscale. À partir du moment où un commerçant vend à un consommateur, il doit être soumis à la même fiscalité que les autres commerçants. Nous aurions dû prévoir une marge supplémentaire, à savoir qu'à partir d'une certaine proportion de ventes finales au consommateur depuis un entrepôt, celui-ci a le même statut qu'un magasin physique.

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Je souhaite saluer la qualité de la réflexion du groupe de travail. Ce travail constituera une référence dans nos discussions récurrentes sur la TASCOM, notamment concernant l'instauration d'une taxe sur le e-commerce. Il est représentatif des problèmes des différents acteurs du secteur : commerçants, logisticiens, entreprises nationales et internationales du e-commerce. Il relève les multiples problèmes juridiques, techniques et opérationnels que poserait une fiscalité plus lourde du e-commerce. Il montre que le remède à la fragilisation de notre commerce de proximité n'est pas un alourdissement de la fiscalité du e-commerce. Face à cette fragilisation, il faut davantage favoriser une action volontariste en faveur de ces commerces, à travers des politiques publiques de revalorisation comme les programmes « Action cœur de ville » et « Petites villes de demain », ou d'exonération, comme c'est le cas pour les commerces en milieu rural. Nous pensons, comme le rapporteur, que l'approche multilatérale et internationale est la seule solution qui permettra de rétablir la justice fiscale sans créer de distorsion de concurrence.

Pour l'heure, la taxation du e-commerce serait une triple contradiction avec nos choix politiques : choix de baisser les impôts des entreprises et des ménages, choix de soutenir l'ambition industrielle, choix d'accompagner les petits commerces dans la voie de la numérisation et du déploiement du e-commerce. Nous approuvons les conclusions de ce groupe de travail.

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Je suis un peu dubitatif sur les conclusions de ce groupe de travail.

Avez-vous questionné la pertinence des seuils, notamment celui des 400 mètres carrés et des 460 000 euros de chiffre d'affaires ? Avez-vous échangé avec le Gouvernement sur sa position ?

Ensuite, disposons-nous d'une vision des taxes qui se pratiquent dans les autres États ?

De façon plus globale, la TASCOM a été mise en place pour équilibrer les rapports entre les grandes surfaces et les petits commerces. J'avais déjà été interpellé par la réforme de la taxe professionnelle. À force de couper dans les ressources des collectivités territoriales, je crains que nous rencontrions un problème d'équilibre des budgets de ces collectivités territoriales. En revanche, la taxation du e-commerce reste un problème entier. Mais je ne suis pas convaincu par la suppression totale de la TASCOM.

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Je salue ce travail, qui s'interroge naturellement sur la justice fiscale, l'équité, l'égalité et sur la redistribution. Il faut faire très attention à ne pas supprimer totalement le lien entre les acteurs économiques et leurs territoires. Cela pèse largement sur l'autonomie fiscale de nos collectivités territoriales. La TASCOM est l'ancienne taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA). Une partie de la TACA servait à financer une partie du FISAC.

Monsieur Benoît Potterie propose de supprimer l'assujettissement des petits commerces organisés en réseaux succursalistes. Combien de magasins sont concernés ? Il a également présenté des arguments défavorables à l'élargissement de la TASCOM aux entrepôts du e-commerce. Quelles seraient, selon lui, les solutions pour taxer les géants du numérique ? Enfin, le Sénat a adopté des amendements au quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR 4) pour 2020 visant à créer la notion d'établissement stable pour les entreprises ayant une présence numérique significative en France de sorte qu'elles s'acquittent de l'impôt sur les sociétés français au même titre que les entreprises physiquement implantées en France. Cette mesure lui semble-t-elle pertinente ?

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Le rapport met en évidence les incohérences de la TASCOM. Les réponses apportées sont insuffisantes, voire complètement absentes. Les inégalités de fiscalité sont aberrantes. La crise a conduit à l'explosion des ventes des entrepôts de e-commerce alors que les petits commerces en sont largement victimes. Le petit commerce s'acquitte de 80 % de taxes, alors que les entrepôts de e-commerce, comme Amazon, en sont exempts. Nous pourrions faire la distinction entre un entrepôt et un entrepôt de e-commerce. Il n'y a aucune réponse valable à cette injustice fiscale. Nous avions proposé de taxer a minima provisoirement le surplus de bénéfice réalisé par les commerces en ligne pendant la crise. Cela a été refusé. Quelles réponses apportez-vous ?

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Je ressens un grand sentiment d'impuissance. Il est extrêmement compliqué de faire évoluer la situation. Pourtant, il devrait y avoir des solutions.

Devant ce sentiment d'impuissance, le rapporteur général s'engouffre dans la brèche et demande à faire disparaître les impôts de production. La TASCOM représente presque un milliard d'euros, dont les trois-quarts reviennent aux collectivités territoriales. En supprimant la TASCOM, nous nous priverions de recettes et nous ne répondrions pas au défi majeur qui est de taxer les géants du numérique. Nous avons proposé de mettre en place une taxation exceptionnelle sur le chiffre d'affaires des géants du numérique dans le cadre du PLFR 4. Cela n'a pas été adopté. Il ne faut pas baisser les bras. Nous avons besoin d'une volonté politique forte pour faire en sorte que ces immenses structures contribuent à l'impôt et que nous atteignions une équité fiscale. Les propositions du groupe de travail nous laissent sur notre faim.

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Je remercie Benoît Potterie et le groupe de travail pour leur travail. J'axerai d'abord mon intervention sur la surtaxe de 50 % directement touchée par l'État. À l'origine, en 2014, elle a été instaurée pour contrebalancer les bénéfices du CICE versés aux grandes surfaces commerciales. Le CICE et la surtaxe ont-ils évolué dans le même sens ? Cette surtaxe a-t-elle eu un effet sur le rendement de la TASCOM pour les collectivités territoriales ?

Je peux comprendre, Benoît Potterie, votre frustration sur les amendements proposés. Mais la vision simpliste opposant la vente physique et la vente en e-commerce ne correspond plus à la réalité. De plus, beaucoup d'entrepôts ne sont pas concernés par la vente en e-commerce. Par exemple, le coiffeur qui coiffe à domicile ne s'acquitte pas de la taxe foncière. Faut-il la lui faire payer ? Des modèles économiques différents ont émergé. L'équité globale des acteurs du numérique face à la fiscalité est un vrai enjeu, qu'il faut continuer à travailler.

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Attention aux visions simplistes, oui cher collègue, je suis d'accord ; faisons attention aussi à l'immobilisme simpliste ! Nous ne pouvons pas toujours repousser les sujets à plus tard. Nous sommes face à une situation inéquitable pour un même acte de vente. Faisons également attention aux propositions de compensation : ceci est une idée très française – elle était à l'origine de la surtaxe. Que de strates et de couches de complexité, simplement car nous n'abordons pas le sujet dans sa réalité ! La réalité est que la TASCOM est un mauvais impôt. Le principe de base de l'impôt est l'équité entre les citoyens.

Je note une avancée sur la fiscalité des succursales avec l'amendement adopté au projet de loi de finances pour 2021. L'État aurait pu supprimer la part de l'État dans cet impôt de production et conserver la part versée aux collectivités territoriales, pour tenter de rapprocher le commerce physique du commerce numérique. Cela n'a pas été fait et je le regrette.

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Je partage tout à fait votre discours sur l'inéquité fiscale. Il faut davantage réduire la fiscalité sur le commerce et non l'augmenter. Les acteurs du e‑commerce ne sont pas assujettis à toutes les taxes qui pèsent sur les petits commerçants.

La TASCOM date de 1972 et est une taxe basée sur le foncier. Or, aujourd'hui, le e-commerce est un commerce sans foncier. Il faudrait mettre en place une taxe sur le e-commerce, de type TVA, plutôt que de taxer les entrepôts ou de maintenir la TASCOM.

Évidemment, nous avons tous envie de taxer Amazon. Mais si l'on taxe davantage le e-commerce, il ne faut pas oublier que beaucoup de sites français émergents le seront également. Il faut pourtant qu'ils puissent être compétitifs sur le marché international.

Monsieur Mattei, vous m'avez interrogé sur les seuils pertinents. Très peu de magasins en centre-ville disposent d'une surface supérieure à 400 mètres carrés – le problème se posait en revanche avec les succursales, dont les surfaces étaient additionnées. En revanche, la majoration instaurée par le CICE représente un montant total de 200 millions d'euros, versés à l'État par très peu de contributeurs. Un des amendements que j'avais soutenu lors du PLF pour 2021 proposait de supprimer la part de l'État. Toutefois, du fait de la crise, l'État fait un effort sur les impôts de production, notamment la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ce qui entraîne une baisse de la fiscalité sur le commerce physique.

Vous avez parlé de la taxation des chiffres d'affaires. Il appartient à l'Europe et à l'OCDE de taxer le e-commerce. La TASCOM ne fonctionne pas très bien. Son objectif initial était de soutenir le commerce en centre-ville et de limiter l'implantation de centres commerciaux en périphérie ; cela n'a pas fonctionné. Elle a même pu avoir un effet incitatif inverse : puisque ses recettes sont versées aux collectivités territoriales, les communes périphériques ont pu chacune souhaiter accueillir des grands centres commerciaux. Elle n'est pas un bon impôt. Mais il est difficile de la supprimer du jour au lendemain sans pénaliser les collectivités territoriales. Il faut trouver un moyen d'en sortir, en restant prudents sur les mécanismes de compensation et sans pénaliser les collectivités territoriales.

Madame Rubin, je partage votre constat d'une inégalité fiscale. 80 taxes pèsent sur les commerces physiques, contre seulement trois ou quatre s'agissant du e-commerce. Les entrepôts d'Amazon ne représentent pourtant qu'1,5 % des entrepôts français. Taxer les entrepôts revient à taxer toute la filière logistique, qui représente 10 % de l'emploi français.

Vous avez évoqué, monsieur Dufrègne, la taxation du chiffre d'affaires généré pendant la période de confinement par les sites de e-commerce. Cela ne rentre pas dans le champ de nos travaux.

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Le constat d'inégalité fiscale ne vaut pas baisse de la fiscalité pour tous les commerces. Il serait opportun de revoir l'ensemble de la fiscalité des commerces. L'explosion du e-commerce présente beaucoup d'inconvénients ; il pose problème par bien des aspects. Il s'agit d'un mode de consommation que l'on peut remettre en cause. Enfin, nos amendements s'inscrivaient dans le PLFR 4 et correspondaient à une situation particulière d'urgence. La proposition de taxation d'Amazon était conjoncturelle.

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Nous traitons de l'inéquité fiscale entre le e-commerce et le commerce traditionnel. Nous risquons, par des mesures inappropriées, de taxer avant tout les logisticiens et non les acteurs du e-commerce. Il faut faire preuve de vigilance à ce sujet.

Je souhaite interroger monsieur Potterie au sujet de la mission confiée par cinq ministres à France Stratégie sur les entrepôts en lien avec la problématique de la taxation du e-commerce. A-t-il été auditionné dans le cadre de cette mission lancée en septembre 2020 ?

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Pour répondre à la question de Vincent Ledoux sur le nombre de magasins succursalistes : 15 000 boutiques sont concernées.

Par ailleurs, j'ai été auditionné lundi dernier par France Stratégie pour présenter les conclusions de notre groupe de travail.

Sur l'inégalité fiscale, je suis d'accord avec Madame Rubin. Mais taxer davantage le e-commerce relève d'une volonté politique. Cela n'est pas en taxant les entrepôts que nous réglerons le problème.

Amazon est le bouc émissaire, mais il dispose d'entrepôts en France, qui emploient plus de 9 000 salariés. Le e-commerce est un secteur en pleine évolution. Nous voyons émerger des sites chinois, qui envoient les colis tout faits de Chine, ainsi que des sites de commerce direct entre consommateurs comme Vinted. Dans ces cas-là, la plus-value pour l'économie française est inexistante. Le e-commerce est une compétition internationale. J'invite à faire attention aux taxations françaises qui impacteraient également nos sites de e-commerce nationaux.

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Je vous remercie pour cette communication concluant les travaux du groupe de travail.