Je vous remercie de nous donner cette opportunité de vous tenir informés de la situation du secteur de l'assurance, mais aussi de rétablir quelques vérités et de détailler les actions mises en place par les assureurs dans le cadre du deuxième confinement.
Dès le premier jour du deuxième confinement, nous avons annoncé quatre engagements collectifs pour soutenir nos assurés et, plus généralement, nos compatriotes.
Premièrement, pour les mois d'octobre, de novembre ou de décembre, les assureurs renoncent à au moins un mois de loyer pour les entreprises de moins de 250 salariés fermées administrativement et les hôtels, cafés et restaurants. Nous avions d'ailleurs déjà procédé à des annulations de loyer pour aider certaines entreprises.
Deuxièmement, les assureurs continuent à assurer les commerces fermés pour raison administrative, même s'ils ont du retard dans le paiement de leurs primes d'assurance, et cela pour toute la durée du confinement.
Troisièmement, nous offrons la couverture prévoyance aux personnes vulnérables, c'est-à-dire aux personnes en affection de longue de durée qui sont placées en arrêt de travail selon la procédure dérogatoire de la sécurité sociale mais qui ne sont pas couvertes par les contrats de prévoyance car elles ne sont pas déclarées malades par un médecin. Cela nous semble très important pour ces populations qui subissent une double peine et pour qui la crise de la covid-19 est encore plus contraignante que pour les autres.
Enfin, la FFA a décidé d'étendre la couverture du matériel informatique des entreprises lorsqu'il est utilisé par les salariés chez eux pour du télétravail.
À ces mesures collectives viennent s'ajouter les gestes décidés par chaque assureur en fonction de ses moyens et de son secteur d'activité.
Je souhaite exprimer la sidération de la profession que je représente face aux discours tenus sur le secteur de l'assurance depuis quelques semaines. Les accusations dont nous faisons l'objet sont graves et semblent justifier toutes sortes d'actions punitives à notre encontre, notamment le projet de taxation sur les contrats d'assurance dommages envisagé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, initialement à hauteur de 1 % des primes d'assurance, mais qui est passée à 2 % lors de l'examen du texte au Sénat. Cela représenterait un coût supplémentaire de 1,2 milliard d'euros pour le secteur.
On dit dans la presse que les assureurs auraient fait des économies durant la crise et qu'ils auraient gagné plusieurs milliards d'euros. Cela est totalement faux. Au contraire, si l'on regarde la charge de sinistres effective, la crise va coûter au secteur de l'assurance 2 milliards d'euros de plus en 2020 par rapport à 2019.
Au plan mondial, les études ont réévalué de 107 à 140 milliards d'euros la charge de sinistres supplémentaires due à la crise pour les assureurs. Il s'agit, certes, d'un chiffre au niveau mondial, mais il est révélateur de l'impact de la crise sur le secteur. En outre, cela nous rappelle qu'il faut du temps avant de pouvoir évaluer précisément le coût définitif d'un événement pour les assureurs.
Pour ce qui est de la charge de sinistres en France, on observe effectivement une baisse de la sinistralité pour l'assurance automobile en raison de la diminution des accidents de la route pendant le confinement. Mais dans d'autres branches les sinistres ont explosé.
S'agissant par exemple des contrats de prévoyance dans les entreprises, qui couvrent une partie des salariés et des indépendants, les arrêts de travail ont augmenté d'un tiers en 2020 et les assureurs ont, conformément aux contrats en vigueur, versé davantage d'indemnisations que les années précédentes.
Concernant la responsabilité civile dans le domaine médical, dans les hôpitaux, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et l'ensemble des établissements de soins, les mises en cause à l'encontre des personnels soignants se multiplient.
Pour les assureurs qui couvrent les entreprises, on observe une explosion des indemnisations au titre de l'assurance voyage, de l'assurance annulation ou encore de l'assurance construction. Cela concerne aussi les assureurs crédit, qui couvrent 300 milliards d'euros d'engagement en crédit interentreprises domestique.
Enfin, même si, comme l'a confirmé l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), 93 % des contrats d'assurance pertes d'exploitation des entreprises excluaient explicitement le risque d'épidémie ou de pandémie tel que nous le subissons, 3 % des contrats couvraient ce risque, même s'ils n'avaient pas été initialement rédigés pour le couvrir, ce qui représente une charge de sinistres lourde pour environ cinquante mille professionnels.
Bien qu'il ne s'agisse pas d'une charge de sinistres, je mentionnerai également l'explosion des impayés, conséquence inévitable de la fragilisation du tissu économique.
Au total, l'augmentation de la charge de sinistres s'élève à 2 milliards d'euros en 2020 pour le secteur de l'assurance.
Malgré l'impact de la crise pour les assureurs, que nous continuons d'essayer d'évaluer le plus précisément possible, nous avons pris des engagements très importants pour aider les entreprises, à hauteur de 2,5 milliards d'euros dont 400 millions d'euros dans le fonds de solidarité et 2,1 milliards d'euros de gestes commerciaux individuels et collectifs, comme des aides financières pour nos clients, des annulations de loyer ou encore des remises de primes.
Il faut y ajouter la taxation sur les contrats d'assurance complémentaire santé, qui représente entre 1,5 et 2 milliards d'euros pour l'ensemble du secteur et 500 000 euros pour les assureurs de la FFA. Nous contestons fermement cette taxation car elle se fonde sur des évaluations que le ministère de la santé a effectuées au début de l'été et qui ne prennent pas en compte le rattrapage des soins. Or, par exemple, les dépenses de soins dentaires ont explosé au mois de juillet.
En outre, les assureurs seront affectés en 2021 par la portabilité des droits, qui permet à un chômeur de conserver gratuitement pendant un an une couverture maladie associée au contrat qu'il avait quand il était salarié dans l'entreprise qu'il a quittée. Compte tenu de la situation économique, il y a malheureusement de fortes chances pour que le nombre de chômeurs et la durée du chômage augmentent. Nous estimons que le coût pour les assureurs pourrait représenter jusqu'à 1,5 milliard d'euros.
Si j'additionne l'ensemble de ces éléments, la crise de la covid-19 va coûter 5 milliards d'euros supplémentaires au secteur de l'assurance. Ce chiffre est à comparer au résultat net de l'assurance non-vie en 2019, qui atteignait 3,9 milliards d'euros.
Nous restons néanmoins tournés vers l'avenir et avons mis en place un plan d'investissement massif de 2,2 milliards d'euros, dont 2 milliards d'euros financés par les seuls assureurs. Ce plan est destiné à soutenir les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ainsi que les petites et moyennes entreprises (PME) françaises, avec 65 % des montants investis en fonds propres, 200 millions d'euros fléchés spécifiquement vers le secteur du tourisme et 800 millions d'euros vers le secteur de la santé. Il s'agit d'aider le pays à renforcer sa souveraineté sanitaire et à développer les nouvelles technologies, notamment les biotechnologies. Nous nous sommes dotés d'un conseil scientifique pour sélectionner les asset managers qui interviendront pour notre compte dans le domaine de la santé.
Étant spécialistes des catastrophes naturelles, nous n'avons pas attendu 2020 pour nous intéresser au réchauffement climatique et à ses conséquences dramatiques. Le coût des catastrophes naturelles a été multiplié par trois depuis quarante ans. Les conséquences du réchauffement climatique incluent en outre la baisse de la biodiversité, les difficultés d'accès à l'eau, mais aussi les pandémies.
Le plan de relance mis en place par les assureurs est aussi destiné à aider notre pays à aller vers une économie plus durable. Nos investissements seront conditionnés au respect par les entreprises bénéficiaires de politiques de responsabilité sociale et environnementale (RSE) ambitieuses, qui sera étroitement contrôlé au moyen de vingt‑sept indicateurs renseignés par les entreprises.
Vous m'avez également interrogée sur le régime de catastrophe exceptionnelle, dit Catex. Comme vous le savez, nous avons sans délai et dès le premier confinement travaillé à une couverture des conséquences économiques d'un événement exceptionnel tel que la pandémie. Il était important de le faire de manière collégiale, avec les parlementaires, les risk managers, les entreprises. Nous avons rendu une première copie le 15 juin dernier, en nous inspirant du régime existant pour les catastrophes naturelles. Le ministère de l'économie et des finances a de son côté fait des consultations tout l'été, à la suite de quoi il nous a demandé, comme le prévoyait le dispositif initial, de revoir cette copie.
L'objectif était notamment de pouvoir couvrir toutes les entreprises, y compris les grandes. Dans la nouvelle copie remise il y a quelques semaines, nous nous sommes inspirés du régime existant pour les catastrophes naturelles, que beaucoup souhaitaient mettre à contribution pour la pandémie bien que ce fût impossible.
C'est une originalité française et une grande richesse que d'avoir un partenariat public-privé qui couvre les conséquences d'une catastrophe. Car pour répondre à votre question, monsieur le président, la pandémie n'est pas un risque assurable par la seule assurance privée. C'est très clair et cela est désormais compris par tous. Les risques systémiques, ceux qui touchent tout le monde en même temps, ne relèvent pas de l'assurance privée seule. Pour autant, nous pouvons imaginer un partenariat public-privé pour rendre assurable ce type de risque, notamment afin de couvrir les conséquences économiques d'une fermeture administrative totale ou partielle des entreprises dans le cadre d'un état de pandémie déclaré sur tout ou partie du territoire.
En ce qui concerne l'indemnisation, nous avons constaté lors du premier confinement que les entreprises avaient besoin d'un concours très rapide. Le fonctionnement classique des contrats des pertes d'exploitation après dommage, dans lequel il faut faire intervenir des experts-comptables pour évaluer l'impact du sinistre, n'est pas adapté car il demande trop de temps. Nous avons donc imaginé une indemnisation en partie forfaitaire et déterminé un capital résilience qui pourrait être versé dans les 20 à 30 jours suivant la déclaration de l'assuré à l'assureur et qui indemniserait 50 % de la marge brute perdue hors masse salariale et hors bénéfices.
S'agissant du tarif de ce produit, le dispositif serait entièrement forfaitaire pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 100 000 euros : elles paieraient 4,20 euros par mois et pourraient être indemnisées à hauteur de 3 750 euros, ce qui correspond à trois mois de fermeture. Nous avons capé le nombre de mois d'indemnisation et nous avons ainsi répondu à une demande du ministre de l'économie, qui souhaitait que ce dispositif soit moins coûteux que la prime catastrophes naturelles.
Au delà, les montants dépendraient du secteur d'activité de l'entreprise car les taux de marge ne sont pas les mêmes selon les secteurs. Par exemple, un restaurant dont le chiffre d'affaires serait d'un million d'euros par an paierait 26 euros par mois et pourrait être indemnisé jusqu'à 22 000 euros pour trois mois de fermeture. Une entreprise du BTP dont le chiffre d'affaires serait de 5 millions d'euros par an paierait 155 euros de prime mensuelle et pourrait être indemnisée à hauteur de 130 000 euros environ. Pour les grandes entreprises, l'indemnisation maximale serait limitée à 500 000 euros, et la prime annuelle serait capée, par exemple à 7 400 euros dans le BTP.
Tel est le fonctionnement du régime Catex que nous avons proposé au ministre de l'économie et des finances : il est simple d'application, facile à comprendre, il peut être mis en œuvre facilement, mais il ne peut pas couvrir les conséquences à venir de la crise du covid-19, il ne pourrait intervenir que pour une prochaine pandémie.