Regardons de près l'article : il prévoit de taxer les acteurs du e-commerce qui réalisent plus de la moitié de leur chiffre d'affaires sur le territoire français. Vous aurez tous compris qu'Amazon n'est pas concerné, pour ne citer que lui. Les plus taxés seront donc les entreprises de e-commerce françaises. Je ne suis pas contre par principe, mais il faut être bien conscient que, si l'on adopte l'amendement du Sénat, ce sont d'abord la Fnac, Darty, ManoMano, Cdiscount qui seront taxés. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais il faut bien comprendre que les géants internationaux du numérique n'entrent pas dans le dispositif du Sénat.
Par ailleurs, je comprends très bien les problèmes que peut poser le sentiment d'inéquité entre le e-commerce et le commerce physique. Il faudra le régler, bien évidemment. Pour autant, je suis d'accord avec Alexandre Holroyd : politiquement, on oppose beaucoup trop le e-commerce au commerce physique, comme si le e-commerce représentait une régression économique et qu'il fallait le freiner pour protéger le commerce physique. Nous sommes en désaccord car nous ne voyons pas le progrès du e-commerce du même œil.
Le e-commerce peut offrir des perspectives de prospérité à un pays comme la France et il faut l'accompagner plutôt que le considérer comme un objet de taxation. Évitons les injonctions contradictoires. On ne peut pas, à la fois, vouloir aider les petits commerçants à mettre en place des services de click and collect ou à se lancer dans le e-commerce, à leur échelle, pendant la crise, et tenir un discours politique de mise en garde contre le e-commerce, qu'il ne faudrait pas laisser prospérer dans notre pays sous prétexte qu'il menacerait le petit commerce. Je me méfie de ces injonctions paradoxales.
Je suis défavorable à la taxation des e-commerçants pour la seule raison qu'ils sont e-commerçants. J'assume cette position. Ce n'est pas la bonne réponse. M. Labaronne l'a dit très justement : le e-commerce rassemble toute une série d'acteurs qui ont, eux aussi, des employés à faire vivre. Elle est là, la transformation économique. Le e-commerce n'est pas un mal en soi. Nous avons eu le même débat autour de la taxe sur les surfaces commerciales. Vous connaissez mon point de vue : il faudrait aligner le régime fiscal du commerce physique sur celui du e-commerce plutôt que l'inverse. Nous devons rendre compétitifs nos petits commerces sur le plan fiscal et social puisque le e-commerce échappe parfois, de son côté, à certaines taxes, comme la Tascom. Ce n'est pas de leur faute. C'est une question de philosophie de notre fiscalité. Comment envisageons-nous le développement économique de notre pays ?