Intervention de Xavier Paluszkiewicz

Réunion du mercredi 16 décembre 2020 à 8h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Paluszkiewicz, rapporteur :

Bien que le Parlement ne puisse qu'approuver ou refuser les accords négociés par le Gouvernement, il est essentiel qu'il examine dans le détail les accords internationaux conclus par le Gouvernement en matière fiscale. Le législateur doit, en effet, disposer de l'ensemble des informations concernant un texte dont l'autorité sera supérieure aux lois.

La convention du 20 mars 2018 a modernisé les relations fiscales entre la France et le Luxembourg, organisées jusque-là par la convention de 1958, qui avait été modifiée à quatre reprises.

Elle s'inscrit dans un contexte plus large, celui de la mise en œuvre de l'instrument multilatéral de prévention de l'érosion de la base d'imposition et du transfert de bénéfices ( base erosion and profit shifting, BEPS). Ce projet détaille les nouvelles règles fiscales internationales destinées à favoriser une plus grande transparence du modèle fiscal et à lutter contre l'évasion fiscale.

Rapporteur pour avis sur le texte autorisant son approbation, j'ai eu l'occasion de souligner les avancées qu'apporte cette convention. Ainsi, l'article 5 définit la notion d'établissement stable et écarte les montages dans lesquels la localisation commerciale d'une entité ne correspond pas à la réalité économique de création de valeur. L'article 28 prévoit le refus d'octroi des avantages conventionnels si l'un des objets principaux d'un montage ou d'une transaction est de les obtenir.

Outre ces avancées en lien avec le projet BEPS, la convention de 1958 a permis de changer la méthode d'imposition de certains revenus. Je pense à l'article 12 qui introduit l'imposition partagée des redevances – cela ouvre à la France la possibilité de percevoir des recettes fiscales supplémentaires. Je pense aussi au paragraphe 3 du protocole qui prévoit que les résidents qui exercent une partie de leur activité en télétravail, dans la limite de vingt-neuf jours par an, demeurent imposés dans l'État d'activité. La crise sanitaire ayant conduit de nombreux frontaliers français à travailler depuis leur domicile, un accord amiable entre les deux pays, reconduit jusqu'au 31 mars 2021, a adapté les règles d'imposition. Considérant toutes les externalités positives qu'a entraînées l'usage massif du télétravail, j'appelle à relever le plafond pour se rapprocher de celui de quarante-huit jours, prévu par la future convention entre la Belgique et le Luxembourg.

L'avenant dont il nous est proposé d'autoriser l'approbation réécrit le premier paragraphe de l'article 22 de la convention. Cet article organise les modalités d'élimination des doubles impositions. Sa rédaction initiale avait suscité bien des inquiétudes parmi les travailleurs frontaliers du Pays-Haut, qui craignaient qu'elle entraîne un surplus d'imposition.

En effet, deux méthodes existent pour éviter une double imposition des contribuables. La méthode dite d'exemption revient, pour l'État de résidence, à renoncer à assujettir à l'impôt les revenus imposables dans l'État de source des revenus. C'est la méthode retenue dans la convention de 1958. La méthode dite d'imputation permet à l'État de résidence de neutraliser l'imposition déjà acquittée dans l'État source des revenus, grâce à un crédit d'impôt. C'est la méthode retenue dans la convention de 2018.

L'avenant conserve cette méthode, mais modifie le mode de calcul du crédit d'impôt. La version initiale prévoyait que ce crédit puisse être égal au montant de l'impôt acquitté au Luxembourg. Si l'impôt dû en France était supérieur à celui acquitté au Luxembourg, le travailleur se voyait imposé une seconde fois en France. Ce pouvait être le cas des personnes qui n'étaient pas éligibles aux avantages fiscaux français tels que le quotient familial ou les réductions d'impôt, mais qui bénéficiaient de la réforme fiscale luxembourgeoise de 2017.

Cette réforme, entreprise avant la signature de la convention, visait à diminuer la fiscalité des bas revenus. Puis la France, dans la loi de finances pour 2020, a prévu un ajustement des tranches du barème de l'impôt sur le revenu, avantageant les foyers dont les revenus étaient inférieurs aux seuils d'assujettissement à la tranche marginale d'imposition de 30 %. Cela a permis de réduire significativement le montant de l'impôt calculé en France pour les catégories de contribuables potentiellement affectés par la nouvelle convention, qui avaient bénéficié de la réforme de l'impôt luxembourgeois en 2017.

Considérant que la réforme de 2017 a été jugée insuffisante et que le Luxembourg prépare une nouvelle réforme fiscale structurelle pour 2021 ou 2022, il fallait une méthode pérenne, imperméable aux aléas des réformes fiscales de nos pays respectifs. Le choix a donc été fait d'accorder aux personnes résidant en France et travaillant au Luxembourg un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français dont ils ont à s'acquitter.

Cet avenant, dont je me réjouis, était essentiel pour sécuriser la situation fiscale de plus de 100 000 résidents français qui franchissent, chaque jour, la frontière pour travailler au Luxembourg. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant.

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