La commission examine, pour avis, le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 20 mars 2018 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché du Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (M. Xavier Paluszkiewicz, rapporteur).
Nous examinons pour avis le projet de loi, adopté par le Sénat le 22 juillet, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 20 mars 2018 entre la France et le Grand-Duché du Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. Ce texte sera examiné aujourd'hui par la commission des affaires étrangères, saisie au fond, puis en séance publique selon la procédure d'examen simplifié le jeudi 21 janvier 2021.
La commission des finances avait examiné pour avis, le 11 février 2019, sur le rapport de Xavier Paluszkiewicz, le projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale du 20 mars 2018. Ce qui est devenu la loi du 25 février 2019 a permis l'application de la nouvelle convention fiscale à compter du 1er janvier 2020. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole pour nous expliquer les raisons de cet avenant.
Bien que le Parlement ne puisse qu'approuver ou refuser les accords négociés par le Gouvernement, il est essentiel qu'il examine dans le détail les accords internationaux conclus par le Gouvernement en matière fiscale. Le législateur doit, en effet, disposer de l'ensemble des informations concernant un texte dont l'autorité sera supérieure aux lois.
La convention du 20 mars 2018 a modernisé les relations fiscales entre la France et le Luxembourg, organisées jusque-là par la convention de 1958, qui avait été modifiée à quatre reprises.
Elle s'inscrit dans un contexte plus large, celui de la mise en œuvre de l'instrument multilatéral de prévention de l'érosion de la base d'imposition et du transfert de bénéfices ( base erosion and profit shifting, BEPS). Ce projet détaille les nouvelles règles fiscales internationales destinées à favoriser une plus grande transparence du modèle fiscal et à lutter contre l'évasion fiscale.
Rapporteur pour avis sur le texte autorisant son approbation, j'ai eu l'occasion de souligner les avancées qu'apporte cette convention. Ainsi, l'article 5 définit la notion d'établissement stable et écarte les montages dans lesquels la localisation commerciale d'une entité ne correspond pas à la réalité économique de création de valeur. L'article 28 prévoit le refus d'octroi des avantages conventionnels si l'un des objets principaux d'un montage ou d'une transaction est de les obtenir.
Outre ces avancées en lien avec le projet BEPS, la convention de 1958 a permis de changer la méthode d'imposition de certains revenus. Je pense à l'article 12 qui introduit l'imposition partagée des redevances – cela ouvre à la France la possibilité de percevoir des recettes fiscales supplémentaires. Je pense aussi au paragraphe 3 du protocole qui prévoit que les résidents qui exercent une partie de leur activité en télétravail, dans la limite de vingt-neuf jours par an, demeurent imposés dans l'État d'activité. La crise sanitaire ayant conduit de nombreux frontaliers français à travailler depuis leur domicile, un accord amiable entre les deux pays, reconduit jusqu'au 31 mars 2021, a adapté les règles d'imposition. Considérant toutes les externalités positives qu'a entraînées l'usage massif du télétravail, j'appelle à relever le plafond pour se rapprocher de celui de quarante-huit jours, prévu par la future convention entre la Belgique et le Luxembourg.
L'avenant dont il nous est proposé d'autoriser l'approbation réécrit le premier paragraphe de l'article 22 de la convention. Cet article organise les modalités d'élimination des doubles impositions. Sa rédaction initiale avait suscité bien des inquiétudes parmi les travailleurs frontaliers du Pays-Haut, qui craignaient qu'elle entraîne un surplus d'imposition.
En effet, deux méthodes existent pour éviter une double imposition des contribuables. La méthode dite d'exemption revient, pour l'État de résidence, à renoncer à assujettir à l'impôt les revenus imposables dans l'État de source des revenus. C'est la méthode retenue dans la convention de 1958. La méthode dite d'imputation permet à l'État de résidence de neutraliser l'imposition déjà acquittée dans l'État source des revenus, grâce à un crédit d'impôt. C'est la méthode retenue dans la convention de 2018.
L'avenant conserve cette méthode, mais modifie le mode de calcul du crédit d'impôt. La version initiale prévoyait que ce crédit puisse être égal au montant de l'impôt acquitté au Luxembourg. Si l'impôt dû en France était supérieur à celui acquitté au Luxembourg, le travailleur se voyait imposé une seconde fois en France. Ce pouvait être le cas des personnes qui n'étaient pas éligibles aux avantages fiscaux français tels que le quotient familial ou les réductions d'impôt, mais qui bénéficiaient de la réforme fiscale luxembourgeoise de 2017.
Cette réforme, entreprise avant la signature de la convention, visait à diminuer la fiscalité des bas revenus. Puis la France, dans la loi de finances pour 2020, a prévu un ajustement des tranches du barème de l'impôt sur le revenu, avantageant les foyers dont les revenus étaient inférieurs aux seuils d'assujettissement à la tranche marginale d'imposition de 30 %. Cela a permis de réduire significativement le montant de l'impôt calculé en France pour les catégories de contribuables potentiellement affectés par la nouvelle convention, qui avaient bénéficié de la réforme de l'impôt luxembourgeois en 2017.
Considérant que la réforme de 2017 a été jugée insuffisante et que le Luxembourg prépare une nouvelle réforme fiscale structurelle pour 2021 ou 2022, il fallait une méthode pérenne, imperméable aux aléas des réformes fiscales de nos pays respectifs. Le choix a donc été fait d'accorder aux personnes résidant en France et travaillant au Luxembourg un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français dont ils ont à s'acquitter.
Cet avenant, dont je me réjouis, était essentiel pour sécuriser la situation fiscale de plus de 100 000 résidents français qui franchissent, chaque jour, la frontière pour travailler au Luxembourg. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre travail. Cet avenant ne bouleverse-t-il pas l'esprit de la convention ? Si j'ai bien compris, l'enjeu est important car l'idée est d'imposer comme des Luxembourgeois les personnes résidant en France et travaillant au Luxembourg. Sans doute est-ce ce changement que vous saluez, mais pourquoi une telle décision ?
Nous saluons ce changement conforme aux recommandations de l'OCDE, puisque l'organisation invite, dans le cadre du projet BEPS, à imposer les travailleurs frontaliers dans le pays où ils exercent leur activité. En tant qu'ancien frontalier, l'esprit de cette nouvelle convention me ravit, même si je dois dire que l'imposition dans l'État source de revenus n'a pas toujours que des avantages – jusqu'en 2017, l'impôt sur le revenu, au Luxembourg, était bien plus élevé qu'en France ! Il n'en demeure pas moins que pour les résidents de ce laboratoire européen qu'est notre territoire, où la frontière avec la Belgique, le Luxembourg ou l'Allemagne se franchit aisément chaque matin, il est tout à fait logique de s'acquitter de l'impôt sur le revenu dans le pays où l'on exerce son activité.
L'avenant permet d'éviter une double imposition, évidemment redoutée par les frontaliers. Nos homologues luxembourgeois avaient d'ailleurs appelé mon attention dès mon élection, et avant même l'approbation de la convention, sur la nécessité de corriger ce texte en négociation depuis 2016.
La France et le Luxembourg appartiennent tous deux à l'Union européenne. Ma circonscription est frontalière d'un pays non membre, la Suisse, ce qui ne va pas sans poser des problèmes d'ordre fiscal et social – je souligne, au passage, que si le Jura est l'un des départements les plus touchés par le coronavirus, c'est que les travailleurs frontaliers sont contaminés dans un pays qui n'applique pas les mêmes mesures. Je souhaiterais savoir si une telle convention pourrait être signée entre la France et la Suisse.
La convention se cale-t-elle sur la définition communautaire de la notion d'établissement stable ? Y est-il question de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), dont les travailleurs frontaliers sont exonérés en application de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ?
Compte tenu de la durée de la crise sanitaire, le plafond de quarante-huit jours de télétravail que vous préconisez risque d'être dépassé ; les travailleurs frontaliers seront alors imposés en France. Comment cette disposition sera-t-elle contrôlée par les inspecteurs des impôts ?
La méthode retenue pour éviter la double imposition est-elle spécifique à cette convention ou est-elle appliquée, dans une logique d'harmonisation, à tous les pays de l'Union européenne ?
Enfin, le secret bancaire a-t-il encore cours au Luxembourg ? Si oui, la convention permet-elle des échanges d'informations entre les administrations fiscales française et luxembourgeoise ?
J'imagine que les frontaliers sont rattachés à la sécurité sociale du Luxembourg et qu'ils y acquittent leurs cotisations sociales.
Cette convention nous interpelle car nous avons du Luxembourg l'image d'une terre d'accueil pour les entreprises qui cherchent à contourner des règles fiscales un peu trop strictes à leur goût… mais il est important de dépasser cette vision et de prendre en compte le cas des frontaliers. Ils sont en effet nombreux à aller travailler chaque jour au Luxembourg, comme le sont les habitants du Pays de Gex ou de Haute-Savoie qui se rendent en Suisse, ceux du Nord qui exercent en Belgique, ou des départements pyrénéens qui franchissent quotidiennement la frontière avec l'Espagne – tous se sentent citoyens européens.
Cette convention est très importante car elle fixe les règles d'imposition qui leur sont applicables. Pensez-vous qu'elle soit de nature à encourager davantage encore les échanges de travailleurs entre la France et le Luxembourg et à permettre à nos concitoyens de traverser les frontières pour aller exprimer leurs talents partout en Europe ?
Madame Dalloz, l'idée est de généraliser autant que possible de telles conventions bilatérales, en lien avec les recommandations BEPS. Je crois savoir que la convention fiscale avec la Suisse est semblable, dans ses grandes lignes, à la convention de 2018 avec le Luxembourg, mais j'ignore si elle a été révisée récemment pour intégrer, précisément, l'ensemble des recommandations de l'OCDE.
Monsieur de Courson, le président vient de le souligner, les Français concernés paient leurs contributions sociales au Luxembourg au même titre que l'impôt sur le revenu. M. Christian Eckert, alors secrétaire d'État chargé du budget, avait soulevé la question après que la direction générale des finances publiques avait été saisie par des contribuables français percevant tous les revenus de leur travail au Luxembourg, mais qui, en cas de plus-value réalisée lors de la vente d'un terrain, devaient régler la CSG et la CRDS en sus de la taxe sur les plus-values immobilières. En 2017, le Conseil d'État a reconnu que les frontaliers français placés dans cette situation pouvaient être exonérés de ces contributions et ils en ont été remboursés pour les années 2014, 2015 et 2016.
C'est bien cela. Je précise toutefois que la convention fiscale ne concerne que les impôts sur le revenu et la fortune.
En ce qui concerne le télétravail, le plafond retenu dans la convention est de vingt-neuf jours par an : un accord a été trouvé sur ce point. Mais la crise sanitaire, ayant entraîné partout le développement du télétravail, a remis le sujet sur la table. Dès auparavant, j'avais proposé de relever le plafond à quarante-huit jours, comme dans la future convention entre la Belgique et le Luxembourg, jugeant possible, en cohérence avec les recommandations BEPS, d'aller jusqu'à 25 % du temps de travail de chaque salarié.
La question du contrôle par l'administration fiscale est une excellente question. Le télétravail était jusqu'à présent très peu pratiqué par les salariés concernés, les employeurs luxembourgeois ne le proposant pas, et les contrôles aléatoires qui sont possibles côté français comme côté luxembourgeois étaient très rares. En prévision de l'augmentation du nombre de jours de télétravail, il faudra que les administrations fiscales de chaque État trouvent les moyens de mettre ces contrôles en œuvre. Comment ? Cela semble difficile puisque les salariés restent chez eux ; sans doute faudrait-il inviter les employeurs à déclarer le nombre de jours effectués.
En effet, la seule solution est une déclaration de l'employeur, mais elle n'est pas prévue dans la convention. Ne pourrions-nous pas approuver celle-ci sous réserve de l'ajout de ce petit complément ? Il est possible, lors d'une ratification, d'émettre une réserve d'interprétation.
Il est impossible d'amender ce type de convention. Peut-être voudriez-vous nous inviter à demander au Gouvernement de proposer un nouvel avenant ? Mais, dans le cas présent, nous ne pouvons qu'approuver ou rejeter le texte.
Madame Motin, ce genre de convention fiscale incite évidemment les citoyens européens à travailler dans d'autres pays que le leur, à condition d'avoir été modifiée, comme cela nous est proposé ici. Dans mon territoire, on passe les frontières très facilement ; certains frontaliers travaillent même le matin au Luxembourg et l'après-midi en Belgique ou en Allemagne.
L'article 25, relatif aux modalités d'échange de renseignements entre les autorités compétentes des États contractants, garantit la possibilité d'un échange d'informations entre les deux pays conforme au standard de BEPS. Le Luxembourg s'y est engagé en 2017, après que l'Union européenne lui a demandé de se conformer aux règles européennes en matière bancaire et fiscale. Cela est perceptible au quotidien depuis deux ou trois ans au niveau tant de l'administration fiscale que des collectivités ou de la caisse d'allocations familiales : les deux pays échangent régulièrement des informations en matière fiscale et sociale sur les contribuables ou sur les prestations et allocations.
La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi.
Informations relatives à la commission
La commission a reçu en application de l'article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) :
– un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 12 113 916 euros en autorisations d'engagement (AE) et 13 113 916 euros en crédits de paiement (CP) en provenance du programme 129 Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l'action du Gouvernement vers six programmes :
– 152 Gendarmerie nationale pour un total de 1 056 414 euros en AE et en CP ;
– 161 Sécurité civile pour un total de 973 500 euros en AE et en CP ;
– 176 Police nationale pour un total de 1 516 002 euros en AE et en CP ;
– 144 Environnement et prospective de la politique de défense pour un total de 7 600 000 euros en AE et CP ;
– 146 Équipement des forces pour un total de 500 000 euros en AE et 1 500 000 euros en CP ;
– 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins pour un montant de 468 000 euros en AE et en CP ;
– un projet de décret de virement de crédits de titre 2 d'un montant de 5 000 euros en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP) en provenance du programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines vers le programme 352 Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État de la mission Action et transformation publiques.
Ce décret de virement est destiné au redéploiement des crédits de personnel entre les différents programmes du ministère afin d'assurer la bonne exécution de la paie de décembre 2020 ;
– un projet de décret de virement de crédits de titre 2 d'un montant de 9 464 262 euros en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP).
Ce décret de virement vise à permettre le redéploiement des crédits de personnel du ministère de l'Europe et des affaires étrangères entre les différents programmes du ministère afin d'assurer la bonne exécution de la paie de décembre 2020.