Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance :

Je suis très content de pouvoir présenter les actions de Bpifrance à votre commission en ce début d'année.

En 2020, nous avons engagé dix milliards d'euros de crédits à l'investissement, contre environ trois milliards d'euros lors de la création de la Banque publique d'investissement, en 2012.

Six milliards d'euros de crédit sont constitués de prêts sans garantie, adossés à des fonds de garantie dotés par la puissance publique.

Le principal instrument correspond aux prêts « atout » lancés le 16 mars, jour de l'annonce du confinement par le Président de la République, compris entre 15 000 euros et 30 000 euros, à dix ans, assortis d'importants différés de remboursement et de taux d'intérêt relativement attractifs. Ces prêts ont suscité une forte demande de la part des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises. Au total, nous avons placé près de trois milliards d'euros de prêts de ce type.

S'y ajoute l'une des grandes nouveautés de l'année 2020, qui est le déploiement massif de prêts directs, sans garantie, aux très petites entreprises (TPE), les prêts « rebond », qui financent le volet immatériel de l'investissement. Ces prêts sont adossés à des fonds de garantie entièrement financés par les conseils régionaux, et non par l'État. Nous en avons conclu pour près d'un milliard d'euros, dont 350 millions d'euros par le biais d'un nouveau canal 100 % digital, sans aucun contact avec un agent. Le processus permettant de juger du risque est réalisé au travers d'algorithmes, en cochant une multitude de cases sur le site internet de Bpifrance. Cette nouveauté nous accompagnera à l'avenir, puisque nous prévoyons chaque année une extension de notre canal de prêts directs aux TPE par le biais du digital.

Le budget 2021 prévoit un total de prêts à hauteur de neuf milliards d'euros. La partie fondamentalement contracyclique de notre action s'est traduite dès 2020, même si notre budget a été établi alors que nous n'avions aucun moyen d'anticiper la situation sanitaire que nous connaissons encore actuellement.

J'en viens à présent au financement de l'innovation et à l'action de Bpifrance en tant qu'opérateur du plan de relance et du programme d'investissements d'avenir (PIA). En 2019, nous avions distribué 1,5 milliard d'euros en prêts à l'innovation et subventions à l'innovation. En 2020, cette distribution s'est élevée à 2,8 milliards d'euros ; en 2021, nous prévoyons un budget à 3,5 milliards d'euros.

Ces actions représentent une charge de travail très importante pour toutes les équipes. Nous sommes montés en puissance grâce au recrutement d'intérimaires, car le nombre de dossiers traités par nos équipes a explosé en 2020 et continuera à croître en 2021, notamment du fait des différents volets du plan de relance : plan automobile, plan aéronautique, plan secteurs critiques résilience et plan territoires d'industrie. Tous suivent une logique d'appel à manifestations d'intérêts. Les projets déposés dans ce cadre ont été majoritairement instruits par la direction générale des entreprises (DGE) en 2020, mais nous les réinstruisons sous l'angle bancaire et du risque pour l'État, y compris dans une logique de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Nous avons par ailleurs repris l'instruction en opportunité de ces dossiers depuis le 1er janvier 2021.

3,5 milliards d'euros de distribution de subventions, d'avances remboursables, de prêts à l'innovation sont prévus pour 2021, ce qui est considérable. Nous devrions en outre conserver un niveau d'activité important pendant quelque temps, car le plan de relance nous accompagnera pendant deux ans ; sa décroissance sera ensuite compensée par la montée en puissance du PIA 4.

Nous avons de surcroît été opérateur des dispositifs de l'État et des régions, notamment du Fonds de développement économique et social (FDES). Celui-ci se décompose en deux enveloppes de 500 millions d'euros : un « petit FDES » instruit par les comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI), qui passe par nos plateformes digitales, ainsi qu'un « gros FDES » concernant des tickets plus importants, co-instruit par Bpifrance et les services de la direction générale du Trésor ainsi que le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), qui fait l'objet d'une orchestration par nos systèmes d'information et nos services.

Certaines régions ont en outre mis en place des fonds dits « résilience », et certaines nous ont confié la gestion de leur distribution, en particulier la Bretagne, à la disposition de laquelle nous avons mis notre plateforme digitale. Nous avons rencontré des sujets juridiques de comptabilité publique, difficiles à traiter en situation d'urgence et qui ne sont pas totalement réglés, comme vous avez pu le constater avec le fonds résilience de la région Île-de-France, qui ne distribue plus de fonds depuis le 1er janvier 2021.

En 2021, nous continuons de déployer le fonds « Lac d'Argent », désormais intitulé fonds « Lac 1 », pour lequel nous avons réalisé en avril 2020 un premier closing de quatre milliards d'euros. Ce fonds permet de prendre des participations minoritaires dans les grandes entreprises françaises en étant présent au conseil d'administration et au capital patient, afin d'accompagner ces entreprises dans leur transformation digitale et climatique dans la durée. Il leur permet de disposer d'un actionnariat stable, qui vient remplacer les fonds de pension, inexistants en France. Son déploiement prend la forme de tickets d'ampleur, car il concerne des capitalisations boursières très élevées.

Nous avons par ailleurs beaucoup investi en capital risque, en capital développement des PME ainsi qu'en fonds de fonds, afin de s'assurer que l'écosystème du capital-risque français ne connaisse pas de dent creuse en 2020. Nous avons ainsi investi un milliard d'euros en fonds de fonds en 2020, soit autant qu'en 2019, et nous maintiendrons ce niveau d'investissement pour 2021.

Dans certaines situations, que nous avions anticipées dans le cadre du plan stratégique validé par notre gouvernance, nous avons atteint des taux d'emprise, c'est-à-dire le taux de notre apport dans le fonds par rapport au total, s'élevant à 30 %, contre 20 % au maximum habituellement, pour permettre aux fonds de se déployer. Nous avons en effet fait face au retrait de grands investisseurs étrangers avant l'été.

Nous avons de surcroît mis en place à destination des start-up s des outils permettant de faire le pont entre la panique des mois de mars et avril et le mois d'octobre, qui leur a permis de reprendre haleine. Il s'agissait de leur permettre de ne pas mourir faute de pouvoir lever des fonds dans l'intervalle. Forts de cette activité d'investissement direct dans les start-ups françaises, nous sommes à présent l'un des plus grands fonds de capital-risque français et nous avons beaucoup déployé en 2020, en particulier au premier semestre. Nous avons ainsi fait appel à des instruments de fonds propres purs et d'obligations convertibles, extrêmement pratiques dans la période. Nous poursuivrons ce fort déploiement en 2021, notamment dans le segment des « licornes », où le ticket devient de plus en plus important. Ainsi, certaines sociétés technologiques françaises ont désormais des valorisations très supérieures au milliard d'euros. Nous devons nous habituer au concept de « décacorne » et ancrer en France des volumes de déploiement de capitaux très importants.

Nous avons lancé le plan « 1 200 », consistant à investir cent tickets de fonds propres par mois pendant douze mois. Celui-ci s'avère plus difficile à mettre en œuvre du fait du succès du PGE et de nos crédits. Les entreprises sont ainsi gorgées de liquidités, ce qui diminue l'appétence des chefs d'entreprise pour les entrées au capital qui diluent leurs droits de vote.

Nous gérons dans nos systèmes les 660 000 lignes de garantie de l'État au titre du PGE. Celui-ci continue à progresser, de l'ordre de 70 à 200 millions d'euros par semaine. Le PGE saison, à destination de l'industrie du tourisme, continue à prendre de l'ampleur, mais ne représente qu'environ 800 millions d'euros à ce jour, pour un total de PGE de 120 milliards d'euros. Nous pensions que le PGE saison aurait plus de succès.

Le PGE est un grand succès et a donné lieu à une mobilisation générale massive de l'ensemble des réseaux des banques françaises. Toutefois, nos campagnes d'enquêtes, fortes de 15 000 questionnaires, nous amènent à constater que près de 65 % des entrepreneurs ne l'ont pas décaissé ; il reste donc dans 65 % des cas un PGE de prudence, dans un monde d'instabilité. Ce prêt a été décaissé pour les industries très touchées (événementiel, tourisme, aéronautique, etc.). En revanche, tel n'est pas le cas pour toute une partie du tissu de PME françaises, notamment dans l'industrie non aéronautique, non impactée directement par la crise. Je compte dans cette catégorie l'automobile, qui a connu un rebond très significatif au second semestre.

Nous avons mené avec la Banque de France une étude en double aveugle sur la sinistralité potentielle du PGE à six ans. Nous parvenons à des résultats similaires, malgré nos méthodes différentes. Bpifrance a ainsi mené un travail algorithmique sur son historique, qui remonte en amont de la crise financière de 1994, qui est historiquement la seule grande crise bancaire française. Nous évaluons la sinistralité anticipée entre 4 % et 7 % de perte finale, ce qui paraît tout à fait raisonnable. Cette étude a toutefois été réalisée en novembre ; elle ne tient donc pas compte des conséquences d'une potentielle troisième vague épidémique ou d'un rebond de la deuxième vague et devra certainement être actualisée.

Nous réalisons également des enquêtes sur le moral des entrepreneurs. Celle début janvier démontre que 85 % de l'économie française est composée d'entrepreneurs très ancrés dans le réel, qui ont subi une baisse de chiffre d'affaires d'environ 10 % en 2020 qu'ils ont dans l'ensemble su absorber. Leur mental est constructif à défaut d'être optimiste, avec une posture de leadership. Nous relevons une idée récurrente : il ne faut pas rater cette crise et la chance qu'elle apporte aux entreprises d'accélérer leur transformation, en particulier dans le domaine du digital. La situation n'est donc pas négative, grâce aux dispositifs publics de soutien (le chômage partiel, le PGE et l'ensemble de la gamme de soutien de la Bpifrance) que tous reconnaissent. À ce sujet, il est à noter que Bpifrance a considérablement développé en 2020 ses actions de conseil, y compris à distance. Les services de notre division d'accompagnement et de conseil ont entretenu un lien constant et profond avec nos clients.

En 2021, nous ferons à nouveau entrer 700 entreprises dans nos écoles, qui déploient des programmes académiques et de consulting à destination des entrepreneurs de PME et d'ETI de l'ensemble des territoires et des secteurs d'activité.

Nous avons bien évidemment déployé un plan spécifique de soutien à la création d'entreprise dans les quartiers, avec de nombreux événements digitaux au second semestre 2020. Nous passons à la vitesse supérieure en 2021 avec le lancement d'une gamme de prêts d'honneur directs sur nos plateformes digitales. Nous espérons ainsi le déploiement de 50 000 prêts d'honneur cette année, ce qui représente une très forte croissance par rapport à l'année dernière.

2021 se caractérise donc par un très fort niveau d'activité sur le crédit, une très forte augmentation de la distribution des subventions du plan de relance et des programmes du PIA 4, qui implique un changement d'organisation au sein de Bpifrance. S'y ajoute un très haut niveau d'activité dans les fonds propres, avec des prévisions d'investissement en fonds propres de 3,5 milliards d'euros. Nous prévoyons une stabilisation à très haut niveau du fonds de fonds, afin de préserver la source de l'explosion de la French Tech. Le financement de la création d'entreprise sera également en très nette progression. Enfin, la division consulting et accompagnement réalisera environ 2 300 missions de conseil auprès de nos clients. Plus que jamais, notre philosophie est d'accompagner le capital financier par du capital humain, ce qui permet d'offrir un effet de levier considérable sur la performance des entreprises.

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