Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance :

C'est la première fois que je m'exprime devant la commission des finances depuis le début de l'année 2021. J'en profite pour vous adresser mes meilleurs vœux pour l'année à venir et vous remercier de la qualité du travail que nous menons ensemble depuis près de quatre ans sur les sujets budgétaires et financiers.

Comme vous l'avez souhaité, monsieur le président, je ferai une présentation liminaire rapide. Je rappellerai simplement quelques grandes lignes et quelques réalités.

L'exécution 2020 a été totalement bouleversée par la crise et par la nécessité de déployer des mesures de soutien aux secteurs économiques les plus en difficulté : la restauration, l'hôtellerie, le tourisme, les sports, le monde culturel et celui de l'événementiel. Pour tous ces secteurs, nous avons mis en place des mesures de soutien sans équivalent dans l'histoire économique contemporaine.

Je me réjouis que tous les organismes internationaux, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) jusqu'au Fonds monétaire international (FMI), qui vient de rendre un rapport à ce sujet, aient salué unanimement la réponse que le Gouvernement français a apportée à la crise économique. Le choix de soutenir les salariés et les entreprises, que nous avons fait avec le Président de la République et le Premier ministre, était le seul choix responsable et il est salué par nos partenaires européens comme par les grands organismes internationaux.

Nous avons également fait le choix de soutenir un certain nombre de très grandes entreprises qui ont traversé des difficultés particulières. Je pense notamment à la SNCF et à Air France – le trafic aérien ne reviendra certainement pas à la normale avant plusieurs mois. Tant que ces entreprises rencontreront des difficultés, nous serons à leurs côtés.

Ce soutien économique massif, notamment aux entreprises, se traduit par le déficit budgétaire le plus élevé de notre histoire contemporaine : il s'élève à 178,2 milliards d'euros, c'est-à-dire 30 milliards d'euros de plus que le déficit enregistré en 2010, après la crise financière de 2008. Éric Woerth s'en souvient, le choix qui avait alors été fait était également de soutenir notre économie.

Un tel déficit de 178,2 milliards d'euros représente quasiment un doublement de ce qui avait été prévu dans la loi de finances initiale pour 2020, à savoir un montant de 93 milliards. Les finances publiques ont été totalement bouleversées par la crise économique et par le choix que nous avons fait, sous l'autorité du Président de la République, de soutenir nos entreprises comme nos salariés.

Ce choix nous amènera à un niveau de dette publique supérieur à 120 % du PIB en 2021, une dette, pour ceux qui l'auraient oublié, qui devra être remboursée le moment venu. Je veux rassurer tous les membres de la commission : nous n'avons aucune difficulté à financer la dette française. Les taux d'intérêt restent très bas. Avec l'Agence France Trésor, nous venons de procéder à une émission à hauteur de 7 milliards d'euros. Le livre d'ordres a été rempli à hauteur de 75 milliards pour une levée de dette, je le répète, de 7 milliards, d'une maturité exceptionnelle de cinquante ans. Malgré cette maturité, le taux d'intérêt est limité à 0,59 %. Même pour des levées de dette à très long terme, les taux restent en dessous de 1 % ; pour les emprunts à dix ans, ils sont négatifs.

Le spread – l'écart de taux – entre l'Allemagne et la France, qui s'établit à 22 points de base, est l'un des plus bas que nous ayons jamais enregistrés. La France n'a aucune difficulté à se financer sur les marchés, et il me semble plus judicieux d'emprunter à des taux d'intérêt très faibles de l'argent qui permettra de protéger nos entreprises et nos salariés plutôt que de subir un tsunami de licenciements et de faillites dans notre pays. C'est plus juste et plus efficace d'un point de vue financier comme d'un point de vue économique, car cela nous permettra de redémarrer l'économie plus rapidement : nous n'aurons perdu ni nos compétences, ni notre capital humain, ni notre capital physique dans les entreprises, notamment industrielles.

Tout indique que la France a une capacité de rebond exceptionnelle dès que les mesures de sécurité sanitaire sont levées. J'ai précédemment eu l'occasion de citer le chiffre de la croissance au troisième trimestre 2020 ; je veux maintenant, à titre d'illustration, vous donner les chiffres de la consommation dans le commerce de détail : elle a bondi de 42 % en décembre 2020, alors qu'elle avait reculé de 27 % en novembre. Si l'on fait une comparaison d'une année à l'autre, on voit que la consommation dans le commerce de détail a progressé de 15 % par rapport à décembre 2019. Voilà une double preuve que l'économie française peut redémarrer rapidement et que l'épargne de précaution qui s'est constituée pendant la crise ne demande qu'à être dépensée.

Venons-en plus en détail à l'exécution budgétaire. Le déficit est particulièrement élevé mais on relève une sous-exécution de 45 milliards d'euros par rapport à la quatrième loi de finances rectificative que vous avez adoptée. Alors que nous avions prévu un déficit de 223,3 milliards, il s'élève à 178,2 milliards.

Cette sous-exécution de 45 milliards s'explique par une seule et simple raison : nous avons fait preuve de prévoyance. Nous avions anticipé un confinement au mois de novembre en nous fondant sur les chiffres dont nous disposions, pour des raisons de transparence budgétaire et de rigueur. Nous avons pris en compte la perte de 32 % du PIB enregistrée en mars dernier, lors du premier confinement, et nous l'avons reportée s'agissant du mois de novembre. Or, parce que nous avons tiré les leçons du premier confinement, nous n'avons finalement perdu que 12 % du PIB. Tous les dispositifs de soutien – fonds de solidarité et activité partielle – ont donc été surcalibrés. C'est ce que j'appelle de la prévoyance. Cela permet des reports sur l'année 2021, un argent qui se révélera très utile dès lors que la pandémie se poursuit. On pourrait estimer que le dispositif était surcalibré si la pandémie ne se poursuivait pas. Hélas, la situation sanitaire reste précaire et les mesures de soutien demeurent indispensables : nous ne pouvons pas rouvrir les restaurants et les bars, ni permettre la reprise de certaines activités culturelles. Nous sommes donc bien contents d'avoir été prévoyants en 2020 et d'avoir des reports de crédits sur 2021.

En ce qui concerne le fonds de solidarité, par exemple, vous avez voté 5,6 milliards d'euros de crédits pour 2021. À ce montant s'ajoutent 8 milliards d'euros au titre des reports : environ 14 milliards seront donc disponibles pour le fonds de solidarité. Parce que nous avons voulu mieux couvrir certains acteurs économiques – je pense aux chaînes de restaurants, aux hôtels, aux salles de sport ou aux viticulteurs qui sont, en outre, touchés par les sanctions américaines –, nous dépensons actuellement environ 4 milliards par mois dans le cadre du seul fonds de solidarité et des mesures complémentaires qui s'y rattachent. Nous pouvons donc tenir trois mois et demi à situation sanitaire constante.

À tous ceux qui se réjouiraient de la sous-exécution en pensant qu'il y a de l'argent de côté, autrement dit qu'il existe une cagnotte, je dirai qu'il n'y en a pas ! Lorsque l'on enregistre le plus gros déficit public de son histoire, on ne parle pas de cagnotte. Quand on a besoin de crédits supplémentaires pour faire face à une épidémie qui dure, en France comme partout en Europe, en raison de l'apparition de variants de la maladie, il n'y a pas de cagnotte mais simplement de l'argent disponible pour soutenir les secteurs qui en ont le plus besoin et ceux qui sont le plus touchés par la crise.

Je profite de cette réunion pour vous présenter les grandes orientations de notre stratégie économique dans les mois à venir. Je vous rassure, elle ne changera pas et continuera à reposer sur deux principes simples : protéger les secteurs les plus exposés et relancer, lorsque c'est possible, l'activité dans les secteurs moins exposés à la crise.

Nous continuerons à soutenir tous les secteurs que j'ai indiqués, notamment le tourisme, l'hôtellerie et la restauration, c'est-à-dire ceux qui sont traumatisés au sens économique mais aussi psychologique par la crise actuelle. Je me rendrai vendredi à Toulouse pour marquer notre soutien à la filière aéronautique, à ses PME et à ses sous-traitants. Je pense également à l'industrie automobile, qui est très durement touchée. L'ensemble de ces secteurs continueront à avoir besoin de notre soutien dans les mois qui viennent.

Dans le même temps, d'autres secteurs se portent bien. Le bâtiment a ainsi embauché 20 000 personnes supplémentaires. L'industrie agroalimentaire et le secteur du luxe vont bien aussi. Il faut que nous leur permettions d'investir, que nous mettions à leur disposition des fonds propres pour le faire à nouveau. Cela vaut également pour d'autres secteurs que nous voulons ouvrir, pour d'autres chaînes de valeur – je pense au calcul quantique, à l'intelligence artificielle ou à l'hydrogène. Tous ces secteurs feront la force économique de la France de demain. C'est maintenant qu'il faut investir dans ces domaines si nous voulons – et c'est notre ambition – sortir plus forts de cette crise, avec une économie plus compétitive et plus durable.

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