La commission entend MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur les résultats de l'exercice 2020.
Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, et M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
Nous entamons ainsi nos travaux budgétaires pour l'année 2021. Nous commençons par nous intéresser à l'exécution de l'exercice 2020 ; cette séquence nous conduira jusqu'aux mois de mai et de juin, c'est-à-dire jusqu'au Printemps de l'évaluation et à la loi de règlement.
Nous disposons de premières données sur le seul périmètre du budget de l'État, et non sur la sécurité sociale et les collectivités territoriales – ces éléments nous parviennent en général un peu plus tard dans l'année, mais les ministres pourront peut-être évoquer quelques grandes lignes. Je les remercie de nous présenter les éléments dont ils disposent au sujet d'une année qui a été, pour le moins, particulière, changeante et évolutive. La comparaison avec la loi de finances initiale (LFI) est assez spéciale.
Du fait des mesures prises en cours d'année, dans les différents collectifs budgétaires, la dégradation supplémentaire du solde public par rapport à la prévision initiale devrait être d'environ 85 milliards d'euros, la dette publique avoisinant, quant à elle, 120 % du produit intérieur brut (PIB).
Je crois savoir que l'exécution budgétaire, qui a été évoquée tout à l'heure en conseil des ministres, est finalement moins défavorable que ce qui était prévu dans le quatrième collectif – on peut s'en réjouir –, notamment en raison de l'absence de décaissement de certains crédits en 2020.
Je précise que M. Le Maire devra nous quitter dans une quarantaine de minutes. Si les présentations liminaires sont brèves, les représentants des groupes pourront au moins lui poser les premières questions.
C'est la première fois que je m'exprime devant la commission des finances depuis le début de l'année 2021. J'en profite pour vous adresser mes meilleurs vœux pour l'année à venir et vous remercier de la qualité du travail que nous menons ensemble depuis près de quatre ans sur les sujets budgétaires et financiers.
Comme vous l'avez souhaité, monsieur le président, je ferai une présentation liminaire rapide. Je rappellerai simplement quelques grandes lignes et quelques réalités.
L'exécution 2020 a été totalement bouleversée par la crise et par la nécessité de déployer des mesures de soutien aux secteurs économiques les plus en difficulté : la restauration, l'hôtellerie, le tourisme, les sports, le monde culturel et celui de l'événementiel. Pour tous ces secteurs, nous avons mis en place des mesures de soutien sans équivalent dans l'histoire économique contemporaine.
Je me réjouis que tous les organismes internationaux, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) jusqu'au Fonds monétaire international (FMI), qui vient de rendre un rapport à ce sujet, aient salué unanimement la réponse que le Gouvernement français a apportée à la crise économique. Le choix de soutenir les salariés et les entreprises, que nous avons fait avec le Président de la République et le Premier ministre, était le seul choix responsable et il est salué par nos partenaires européens comme par les grands organismes internationaux.
Nous avons également fait le choix de soutenir un certain nombre de très grandes entreprises qui ont traversé des difficultés particulières. Je pense notamment à la SNCF et à Air France – le trafic aérien ne reviendra certainement pas à la normale avant plusieurs mois. Tant que ces entreprises rencontreront des difficultés, nous serons à leurs côtés.
Ce soutien économique massif, notamment aux entreprises, se traduit par le déficit budgétaire le plus élevé de notre histoire contemporaine : il s'élève à 178,2 milliards d'euros, c'est-à-dire 30 milliards d'euros de plus que le déficit enregistré en 2010, après la crise financière de 2008. Éric Woerth s'en souvient, le choix qui avait alors été fait était également de soutenir notre économie.
Un tel déficit de 178,2 milliards d'euros représente quasiment un doublement de ce qui avait été prévu dans la loi de finances initiale pour 2020, à savoir un montant de 93 milliards. Les finances publiques ont été totalement bouleversées par la crise économique et par le choix que nous avons fait, sous l'autorité du Président de la République, de soutenir nos entreprises comme nos salariés.
Ce choix nous amènera à un niveau de dette publique supérieur à 120 % du PIB en 2021, une dette, pour ceux qui l'auraient oublié, qui devra être remboursée le moment venu. Je veux rassurer tous les membres de la commission : nous n'avons aucune difficulté à financer la dette française. Les taux d'intérêt restent très bas. Avec l'Agence France Trésor, nous venons de procéder à une émission à hauteur de 7 milliards d'euros. Le livre d'ordres a été rempli à hauteur de 75 milliards pour une levée de dette, je le répète, de 7 milliards, d'une maturité exceptionnelle de cinquante ans. Malgré cette maturité, le taux d'intérêt est limité à 0,59 %. Même pour des levées de dette à très long terme, les taux restent en dessous de 1 % ; pour les emprunts à dix ans, ils sont négatifs.
Le spread – l'écart de taux – entre l'Allemagne et la France, qui s'établit à 22 points de base, est l'un des plus bas que nous ayons jamais enregistrés. La France n'a aucune difficulté à se financer sur les marchés, et il me semble plus judicieux d'emprunter à des taux d'intérêt très faibles de l'argent qui permettra de protéger nos entreprises et nos salariés plutôt que de subir un tsunami de licenciements et de faillites dans notre pays. C'est plus juste et plus efficace d'un point de vue financier comme d'un point de vue économique, car cela nous permettra de redémarrer l'économie plus rapidement : nous n'aurons perdu ni nos compétences, ni notre capital humain, ni notre capital physique dans les entreprises, notamment industrielles.
Tout indique que la France a une capacité de rebond exceptionnelle dès que les mesures de sécurité sanitaire sont levées. J'ai précédemment eu l'occasion de citer le chiffre de la croissance au troisième trimestre 2020 ; je veux maintenant, à titre d'illustration, vous donner les chiffres de la consommation dans le commerce de détail : elle a bondi de 42 % en décembre 2020, alors qu'elle avait reculé de 27 % en novembre. Si l'on fait une comparaison d'une année à l'autre, on voit que la consommation dans le commerce de détail a progressé de 15 % par rapport à décembre 2019. Voilà une double preuve que l'économie française peut redémarrer rapidement et que l'épargne de précaution qui s'est constituée pendant la crise ne demande qu'à être dépensée.
Venons-en plus en détail à l'exécution budgétaire. Le déficit est particulièrement élevé mais on relève une sous-exécution de 45 milliards d'euros par rapport à la quatrième loi de finances rectificative que vous avez adoptée. Alors que nous avions prévu un déficit de 223,3 milliards, il s'élève à 178,2 milliards.
Cette sous-exécution de 45 milliards s'explique par une seule et simple raison : nous avons fait preuve de prévoyance. Nous avions anticipé un confinement au mois de novembre en nous fondant sur les chiffres dont nous disposions, pour des raisons de transparence budgétaire et de rigueur. Nous avons pris en compte la perte de 32 % du PIB enregistrée en mars dernier, lors du premier confinement, et nous l'avons reportée s'agissant du mois de novembre. Or, parce que nous avons tiré les leçons du premier confinement, nous n'avons finalement perdu que 12 % du PIB. Tous les dispositifs de soutien – fonds de solidarité et activité partielle – ont donc été surcalibrés. C'est ce que j'appelle de la prévoyance. Cela permet des reports sur l'année 2021, un argent qui se révélera très utile dès lors que la pandémie se poursuit. On pourrait estimer que le dispositif était surcalibré si la pandémie ne se poursuivait pas. Hélas, la situation sanitaire reste précaire et les mesures de soutien demeurent indispensables : nous ne pouvons pas rouvrir les restaurants et les bars, ni permettre la reprise de certaines activités culturelles. Nous sommes donc bien contents d'avoir été prévoyants en 2020 et d'avoir des reports de crédits sur 2021.
En ce qui concerne le fonds de solidarité, par exemple, vous avez voté 5,6 milliards d'euros de crédits pour 2021. À ce montant s'ajoutent 8 milliards d'euros au titre des reports : environ 14 milliards seront donc disponibles pour le fonds de solidarité. Parce que nous avons voulu mieux couvrir certains acteurs économiques – je pense aux chaînes de restaurants, aux hôtels, aux salles de sport ou aux viticulteurs qui sont, en outre, touchés par les sanctions américaines –, nous dépensons actuellement environ 4 milliards par mois dans le cadre du seul fonds de solidarité et des mesures complémentaires qui s'y rattachent. Nous pouvons donc tenir trois mois et demi à situation sanitaire constante.
À tous ceux qui se réjouiraient de la sous-exécution en pensant qu'il y a de l'argent de côté, autrement dit qu'il existe une cagnotte, je dirai qu'il n'y en a pas ! Lorsque l'on enregistre le plus gros déficit public de son histoire, on ne parle pas de cagnotte. Quand on a besoin de crédits supplémentaires pour faire face à une épidémie qui dure, en France comme partout en Europe, en raison de l'apparition de variants de la maladie, il n'y a pas de cagnotte mais simplement de l'argent disponible pour soutenir les secteurs qui en ont le plus besoin et ceux qui sont le plus touchés par la crise.
Je profite de cette réunion pour vous présenter les grandes orientations de notre stratégie économique dans les mois à venir. Je vous rassure, elle ne changera pas et continuera à reposer sur deux principes simples : protéger les secteurs les plus exposés et relancer, lorsque c'est possible, l'activité dans les secteurs moins exposés à la crise.
Nous continuerons à soutenir tous les secteurs que j'ai indiqués, notamment le tourisme, l'hôtellerie et la restauration, c'est-à-dire ceux qui sont traumatisés au sens économique mais aussi psychologique par la crise actuelle. Je me rendrai vendredi à Toulouse pour marquer notre soutien à la filière aéronautique, à ses PME et à ses sous-traitants. Je pense également à l'industrie automobile, qui est très durement touchée. L'ensemble de ces secteurs continueront à avoir besoin de notre soutien dans les mois qui viennent.
Dans le même temps, d'autres secteurs se portent bien. Le bâtiment a ainsi embauché 20 000 personnes supplémentaires. L'industrie agroalimentaire et le secteur du luxe vont bien aussi. Il faut que nous leur permettions d'investir, que nous mettions à leur disposition des fonds propres pour le faire à nouveau. Cela vaut également pour d'autres secteurs que nous voulons ouvrir, pour d'autres chaînes de valeur – je pense au calcul quantique, à l'intelligence artificielle ou à l'hydrogène. Tous ces secteurs feront la force économique de la France de demain. C'est maintenant qu'il faut investir dans ces domaines si nous voulons – et c'est notre ambition – sortir plus forts de cette crise, avec une économie plus compétitive et plus durable.
J'ajouterai quelques mots pour illustrer les mouvements et les grandes masses budgétaires que Bruno Le Maire vient de présenter.
Au cours de l'exercice 2020, nous sommes passés d'un déficit prévisionnel de 93 milliards d'euros à un déficit constaté de 178,2 milliards. Cette évolution de 85 milliards s'explique par deux facteurs principaux.
Il y a eu, d'abord, des dépenses supplémentaires, pour l'essentiel consacrées à des mesures d'urgence et, pour quelques autres, de relance. La fin de l'année 2020 a vu les premiers engagements de crédits dans le cadre du plan de relance, à la suite de l'adoption des projets de loi de finances rectificative (PLFR) 3 et 4. Ainsi, 44,1 milliards d'euros de dépenses nouvelles, non prévues en LFI 2020, ont été exécutés en cours d'année.
Dans le même temps, les recettes fiscales de l'État ont diminué de 37,1 milliards d'euros, pour s'établir au total à 256 milliards. Le produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a reculé de 11,9 milliards, c'est-à-dire de 10 % – on avait connu une baisse assez semblable, de 11 %, en 2009-2010. La réduction de l'impôt sur les sociétés (IS) est de 12 milliards d'euros, ce qui représente une évolution de – 25 %, alors que le recul avait été de 51 % entre 2009 et 2010 : on peut y voir un élément encourageant quant à la manière dont les entreprises ont affronté cette année de crise. Enfin, troisième poste de baisse importante, le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) s'est réduit de 5,7 milliards en raison du recul de l'activité et du ralentissement constaté dans le secteur des transports.
S'agissant des budgets que l'on pourrait qualifier de communs ou d'ordinaires – hors crise –, l'exécution des crédits a été au rendez-vous. Elle a été complète pour bien des ministères. Certains d'entre eux, qui se voyaient parfois reprocher une exécution insuffisante, ont largement progressé. Je pense notamment au ministère des Outre-mer. En ce qui concerne le volume des crédits relevant de la norme de dépenses pilotables qui font l'objet d'un report, nous sommes passés de 2 milliards d'euros en moyenne annuelle à environ 4 milliards. Cette évolution s'explique principalement par le ralentissement de l'activité, y compris au sein des administrations, au cours du premier confinement. Nous travaillons évidemment à régulariser tout cela.
J'en viens aux mesures d'urgence, qui constituent le premier poste de sous-exécution. En ce qui concerne l'activité partielle, pour la seule part relevant de l'État, c'est-à-dire hors part UNEDIC, 17,8 milliards d'euros avaient été engagés et nous sommes en mesure de reporter 4,8 milliards d'euros qui avaient été inscrits dans les différentes lois de finances rectificatives. Pour ce qui est du fonds de solidarité, nous avons engagé 11,8 milliards et nous pouvons reporter 7,9 milliards. S'agissant du dispositif d'exonérations de cotisations, nous avons engagé 3,9 milliards et les reports sont de 4,3 milliards. En ce qui concerne le compte permettant la prise de participations de l'État dans le capital d'entreprises stratégiques, nous avons engagé 8,3 milliards et nous sommes en mesure de reporter 11,7 milliards. Dans ce dernier domaine, la part des reports est particulièrement élevée. Nous avions souligné dès la présentation du PLFR 4 à quel point nous souhaitions que cet outil de prise de participations ait un caractère pluriannuel, au moins sur deux ans.
Nous proposons ainsi, s'agissant des mesures d'urgence, le report de 28 à 29 milliards d'euros. Gardons en tête que, sur ce montant, 9 milliards sont déjà, d'une certaine manière, préemptés : le 15 janvier dernier, nous avons ouvert la possibilité de demander à bénéficier du fonds de solidarité au titre des pertes d'activité du mois de décembre ; plus de 130 000 entreprises l'ont demandé et les crédits correspondants pour le mois de décembre sont versés depuis le début de la semaine. Ils sont imputés sur l'exercice 2021 alors que le fait générateur date de 2020. Il en va de même pour les exonérations de cotisations. Les 3,9 milliards d'euros que j'ai évoqués correspondent au premier confinement. Les demandes liées au second confinement sont en train d'être présentées ou elles interviendront plus tard. La même logique s'applique au chômage partiel : les entreprises disposent d'un an après avoir placé leurs salariés en chômage partiel pour demander à bénéficier de l'allocation correspondante. Cela signifie que si nous avons la possibilité de reporter 29 milliards d'euros, 20 milliards sont encore disponibles pour financer un accompagnement et un soutien pour les secteurs les plus en difficulté.
La sous-consommation d'une trentaine de milliards d'euros s'agissant des mesures d'urgence est la principale explication de l'écart de 45 milliards entre le déficit que nous craignions lors de l'examen du PLFR 4 et le déficit constaté. Un second facteur explique l'écart. L'activité économique a moins baissé que nous ne le redoutions durant la dernière période de l'année. Nous avons connu un couvre-feu en décembre au lieu d'une prolongation du confinement du mois de novembre, et les recettes fiscales ont été plus dynamiques que ce que nous avions anticipé lors de l'examen du PLFR 4. La plus-value par rapport aux prévisions s'élève à 3,6 milliards en matière d'IS et à 1,7 milliard pour la TVA. À cela s'ajoutent deux plus-values moins importantes : 800 millions en ce qui concerne l'impôt sur le revenu (IR) et 500 millions s'agissant de la TICPE. Au total, la « bonne nouvelle » au titre des recettes s'élève à 6,7 milliards d'euros.
Si l'on additionne les crédits reportés dans le cadre des budgets de droit commun, ceux qui le sont pour les mesures d'urgence et la plus-value en matière de recettes fiscales, on arrive bien à une différence de 45 milliards d'euros entre les prévisions du PLFR 4 et ce que nous avons constaté.
Nous aurons l'occasion de revenir vers vous dans les semaines qui viennent pour partager les résultats concernant le déficit public dans son ensemble. Nous le ferons une fois que nous connaîtrons les chiffres définitifs pour les dépenses sociales et celles des collectivités.
S'agissant de ces dernières, nous ne disposons pas du solde, mais nous savons que les dépenses de fonctionnement, hors celles – marginales – inscrites en journée complémentaire, ont progressé de 0,4 % en 2020, toutes collectivités confondues, ce qui est historiquement l'évolution la plus basse en la matière. Les recettes de fonctionnement ont augmenté de 1,3 % en 2020, ce qui signifie, sur le plan macroéconomique, que nous avons échappé à l'effet « ciseaux ». Cela dit, conservons à l'esprit que les dépenses d'investissement ont fortement baissé, en raison du confinement et d'un cycle électoral qui était particulièrement long, et qu'il existe une grande hétérogénéité des situations entre les différentes strates de collectivités et au sein de chaque strate. Le nombre des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) est stable dans certains départements alors qu'il a augmenté de 15 % dans d'autres. En la matière, l'augmentation des dépenses est en moyenne de 7,2 %, mais tout dépend de la structure et du type des activités économiques dans les territoires.
Pour ce qui est des comptes sociaux, tout ce que nous pouvons vous dire est que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) augmentera encore un peu par rapport aux prévisions que nous avions faites lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et des débats budgétaires. Le coût de la campagne de tests est supérieur de 500 ou 600 millions d'euros à ce qui était prévu – il s'établit autour de 2,8 milliards. Nous espérons que l'augmentation des dépenses relevant de l'ONDAM ne se traduira pas par une évolution du déficit de la sécurité sociale : le maintien d'une activité plus importante en novembre et en décembre a généré de la masse salariale et donc des cotisations. Ainsi, nous avons l'espoir, même si nous ne pouvons pas encore certifier que ce sera le cas, que l'augmentation des dépenses, notamment en matière de tests, ne s'accompagnera pas d'une aggravation du déficit, grâce à la hausse concomitante des recettes résultant du maintien de l'activité.
Je vous remercie. Pouvez-vous présenter de façon synthétique les dépenses d'urgence, liées au covid, et celles hors covid en 2020 ? Bien des chiffres ont circulé. Peut-on avoir des chiffres stabilisés sur l'effort lié au covid et sur la progression des dépenses en dehors de ce cadre ?
Avez-vous des éléments nouveaux sur l'estimation de la récession en 2020 ? Vous l'aviez chiffrée à 11 % en indiquant avoir une vision prudente de la situation. J'imagine que le résultat sera finalement meilleur.
Considérez-vous avoir réussi à marier soutenabilité économique et soutenabilité sanitaire ? La consommation repart dès que la pression sanitaire se relâche un peu : on retrouve assez rapidement les volumes antérieurs, d'autant que l'envie de repartir est forte. Pensez-vous que les méthodes de confinement permettent d'assurer une maîtrise de l'évolution du virus tout en gardant une capacité à faire tourner l'économie ? A-t-on trouvé le bon équilibre ou non ?
Les 20 milliards d'euros qui seront reportés sur l'exercice 2021 représentent une bouffée d'oxygène. Cela signifie-t-il que vous repoussez l'idée d'un PLFR ? Je précise que nous n'y sommes pas opposés… Consommerez-vous ces 20 milliards avant de présenter, un peu plus tard, un PLFR ?
Qu'en est-il de la loi de programmation qui permettrait d'éclairer un peu les exercices suivants ? Il serait bien de naviguer à plus longue-vue, si je puis dire. Cela pourrait notamment permettre de démontrer, sur la base de chiffres, qu'il est tout à fait possible de résoudre notre problème d'endettement par la croissance et la maîtrise de la dépense. Ce serait très utile pour nos débats.
S'agissant de la chute de l'IS, l'écart entre 2010 et 2020 est assez spectaculaire. Pourriez-vous approfondir un peu cette question ?
Je me retrouve dans la plupart des questions, très intéressantes, de notre président.
Je voulais vous interroger, moi aussi, sur la croissance en 2020. Peut-on faire une mise à jour ? Je rappelle que la prévision était de – 11 %. La Banque de France et l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) l'ont estimée à – 9 %. Révisez-vous votre chiffre ?
À vous entendre, on comprend que le déficit s'améliore par rapport au PLFR 4, ce qui est heureux, mais on peut s'interroger sur le ressaut fiscal. Comment l'expliquez-vous en ce qui concerne l'IS, mais aussi, ce qui est plus surprenant, pour l'IR ? J'ai un peu de mal à le comprendre : cela tient peut-être au prélèvement à la source ?
S'agissant des dispositifs d'urgence, le rythme actuel de consommation des crédits alloués aux deux principaux outils, qu'il n'est plus nécessaire de présenter – le fonds de solidarité et l'activité partielle –, nous intéresse au premier chef. Sauf erreur, sont disponibles 12 milliards d'euros pour le fonds de solidarité, alors que le rythme de consommation est d'environ 4 milliards par mois, et les crédits mobilisables pour le dispositif d'activité partielle sont de 9 milliards, le rythme de consommation étant en la matière de 2 milliards par mois si on se réfère aux données du mois de décembre. Pour quel type de scénario sommes-nous ainsi « calibrés » compte tenu du rythme de consommation des crédits ?
Qu'en est-il de la consommation du fait des restrictions ? Je pense notamment au maintien de la fermeture des stations de ski ou encore des lieux culturels, des bars et des restaurants qui semble se dessiner.
Selon les données jointes au PLFR 4, la norme de dépenses pilotables de l'État devait augmenter de près de 9 milliards d'euros en 2020 par rapport à la LFI. Qu'en est-il effectivement ? Je m'interroge en effet – et cela rejoint la première question de notre président – sur les principaux facteurs d'évolution de la dépense hors crise. Il me paraît nécessaire d'essayer d'isoler les dépenses liées au covid au titre de 2020 afin d'examiner la situation à la loupe.
Peut-on disposer d'une nouvelle estimation du déficit public, toutes administrations publiques comprises ? Est-on toujours entre 10,5 et 11 points de PIB ou bien le ressaut fiscal permet-il de réduire un peu le déficit ?
S'agissant de la dette, quel bilan peut-on tirer de la campagne d'émission de titres pour l'année 2020 ? Hier, la presse a fait état d'une émission record de 7 milliards d'euros, sur cinquante ans, à un taux extrêmement attractif de 0,59 %. À court et long terme, à quel taux notre pays est-il financé ? Le programme exceptionnel qui a été réalisé en urgence a-t-il conduit à une évolution de la maturité de la dette ?
Enfin, pour terminer sur une note prospective, quelles sont les perspectives s'agissant du cantonnement de la dette que vous aviez évoqué au tout début de l'automne budgétaire ?
Nous pouvons isoler les dépenses liées au covid. Je laisserai à Olivier Dussopt le soin de préciser ce point.
Comme nous l'avons fait depuis le début de la crise, il convient de faire preuve d'une très grande prudence sur les chiffres de la croissance – ou de la récession – en 2020 et en 2021, puisqu'ils sont directement liés à la situation sanitaire.
Pour 2020, nous avions prévu une récession de 11 %. Cette évaluation était sincère et prudente. De toute évidence, nous ferons mieux : la récession sera moindre. Les observateurs s'accordent sur l'idée qu'elle serait comprise entre – 9 et – 10 %. Le chiffre de la croissance au quatrième trimestre nous sera fourni par l'INSEE la semaine prochaine. Sur la base de cette donnée, nous aurons une évaluation précise de la récession en 2020. Le consensus, je le redis, est de – 9 ou – 10 %, parce que l'économie française a une capacité de rebond très solide dès lors que les mesures de sécurité sanitaire sont levées. La croissance au troisième trimestre a dépassé les 18 % et les chiffres de la consommation au mois de décembre sont très bons – ils ont surpris tous les observateurs.
S'agissant de 2021, nous maintenons notre ambition de parvenir à un taux de croissance de 6 %. Je le répète, il s'agit d'un défi. Ce chiffre a été établi sous réserve qu'un nouveau confinement n'intervienne pas. Or chacun voit bien que la circulation du virus et l'apparition de nouveaux variants déjouent bien des pronostics. Nous maintenons notre ambition, mais elle est dépendante de la situation sanitaire.
J'ajoute – et c'est un point qui me paraît important parce que cela concerne la crédibilité de la France –, que toutes les indications que je viens de vous donner, sans exception, ont été confirmées par les organismes internationaux, que ce soit la Banque centrale européenne (BCE), l'OCDE ou le FMI, qui vient de publier un rapport saluant la gestion économique de la crise en France. Pour 2021, le FMI a une prévision de croissance de 5,5 % en France, ce qui est très proche de l'objectif de 6 % du Gouvernement.
Avons-nous trouvé l'équilibre entre soutenabilité économique et sanitaire ? Je crois que nous nous sommes améliorés. Nous avons pris la crise sanitaire de plein fouet, comme tous les autres pays, et nous avons engagé de toute urgence les mesures de soutien nécessaires. Nous avons payé le prix fort sur le plan économique lors du premier confinement, puis nous avons adapté les règles lors du deuxième, notamment dans les écoles – c'est un motif de fierté pour nous tous. Nous avons également adapté les règles pour certains secteurs économiques. La chute du PIB est ainsi passée de plus de 30 % en mars à un peu moins de 12 % au mois de novembre. J'ignore si nous avons trouvé le bon équilibre, mais je sais que nous nous sommes améliorés et que nous pouvons continuer à le faire en tirant les leçons des mesures sanitaires qui sont prises.
Je pense également que nous avons évité certaines erreurs et certaines facilités. Nombreux sont ceux qui nous avaient appelé à maintenir ouvertes les stations de ski et à rouvrir les restaurants et les bars à Noël. Je comprends très bien ces demandes, et je sais à quel point la situation est difficile pour ces secteurs, mais voyez ce qui s'est passé en Irlande, où les bars et les restaurants ont été rouverts à Noël : il y a eu une reprise extrêmement rapide de l'épidémie, dont nous n'avons pas souffert en France au début du mois de janvier.
Nous essayons d'améliorer notre réponse et de tenir compte d'un virus qui déjoue bien des pronostics, en trouvant le meilleur équilibre possible entre la sécurité sanitaire, qui est la priorité absolue, et le maintien d'une activité économique, ce qui est également indispensable pour les Français et pour notre nation.
S'agissant du PLFR, j'écoute toujours avec beaucoup d'attention les recommandations du président de la commission des finances. Nous travaillons sur des scénarios.
Le premier d'entre eux, qui a servi de base lorsque nous avons présenté le projet de loi de finances pour 2021, ne prévoyait pas de reconfinement. Dans ce cadre, nous avons les réserves financières nécessaires pour tenir dans les mois qui viennent, du fait de la sous-exécution en 2020 et de la prévoyance dont nous avons fait preuve tout au long de la crise économique. Il y a également des possibilités de redéploiement entre les mesures de soutien financier – au titre de l'activité partielle, du fonds de solidarité ou des exonérations de charges – qui doivent nous permettre de tenir sans projet de loi de finances rectificative dans les mois à venir.
Le deuxième scénario prend en compte un reconfinement. Je ne suis ni maître ni responsable des décisions sanitaires, mais cela fait partie – le Premier ministre l'a dit très clairement – des hypothèses possibles si la circulation du virus, notamment de son nouveau variant, venait à augmenter. Dès lors que le Premier ministre a inclus l'idée d'un reconfinement en 2021 dans les hypothèses en matière de sécurité sanitaire, ma responsabilité en tant que ministre des finances est d'en tenir compte. Dans ce cas, le coût du fonds de solidarité passerait de 4 milliards d'euros à au moins 6 milliards par mois. Nous serions alors dans l'obligation de présenter un nouveau PLFR dans des délais que je ne peux pas évaluer précisément : cela dépendrait de la date des décisions qui pourraient être prises.
Le troisième scénario est celui d'un reconfinement et d'une nouvelle dégradation sur le plan sanitaire qui toucherait l'ensemble des pays européens au lieu d'un retour à la normale à l'été et à la fin de l'année 2021. J'ose espérer que ce n'est pas le scénario le plus probable, mais je n'ai aucune indication sanitaire allant dans un sens ou un autre. Je m'exprime en tant que ministre des finances : ma responsabilité est d'envisager tous les scénarios et toutes les hypothèses. Ce dernier scénario imposerait, évidemment, de nouvelles mesures de soutien aux différents secteurs et sans doute des mesures complémentaires, notamment dans le cadre du plan de relance, pour faire face à une situation économique qui serait totalement bouleversée.
Notre scénario de référence, compte tenu de la circulation du virus, de la mise à disposition du vaccin et des données dont nous disposons actuellement – je le dis avec beaucoup de prudence – est que notre économie pourrait retrouver, d'ici au printemps ou à l'été prochain, un fonctionnement plus normal. Je ne dis pas « totalement normal », car il est évident que le secteur aérien, l'aéronautique et le tourisme ne connaîtront pas un retour à la normale du jour au lendemain. Nous pourrions néanmoins avoir une croissance forte d'ici à la fin de l'année grâce aux capacités de rebond de notre économie.
Voilà, en toute transparence, les trois scénarios sur lesquels nous travaillons. Selon le premier d'entre eux, il n'y aurait pas de reconfinement mais un maintien du statu quo sanitaire, ce qui ne nécessiterait pas de PLFR. Selon le deuxième scénario, celui d'un reconfinement, tel qu'il a été envisagé par le Premier ministre, nous aurions besoin d'un PLFR dans les prochains mois, compte tenu du poids des dépenses de soutien aux secteurs qui seraient fermés. La troisième hypothèse, qui changerait plus structurellement la donne, est un reconfinement suivi d'une évolution négative de la pandémie au cours de la deuxième moitié de l'année 2021.
S'agissant d'une éventuelle loi de programmation, je pense qu'adopter, à la fin d'un quinquennat, un texte qui ne nous engagerait que d'une manière très artificielle n'aurait pas beaucoup de sens.
En ce qui concerne la dette, vous connaissez mes convictions, que je rappellerai très simplement.
Je pense qu'il est bon de cantonner la dette liée au covid, car elle est particulière et subie. Il est également important de rappeler que la France, le moment venu, lorsque la crise sanitaire sera derrière elle et que la croissance économique aura repris, devra rétablir ses finances publiques. Je fais toute confiance, comme Olivier Dussopt, à la commission, placée sous la présidence de Jean Arthuis, que nous avons mise en place. Elle nous fera des propositions d'une façon totalement libre et, je pense, très ambitieuse pour le rétablissement des finances publiques. Celui-ci, comme je l'ai dit hier à mes partenaires européens, ne pourra et ne devra intervenir qu'une fois que la crise sanitaire sera derrière nous. Engager plus tôt le rétablissement des finances publiques serait une erreur économique et une faute politique.
Il serait tout aussi irresponsable de ne pas avoir une stratégie clairement déterminée pour assurer le redressement des finances publiques une fois que la crise sera derrière nous. Cela passe, selon moi, par de la croissance. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans la relance et que nous voulons nous assurer, avec le Président de la République et le Premier ministre, que les 100 milliards d'euros prévus en la matière seront décaissés le plus rapidement possible. Mais cela repose aussi sur une bonne maîtrise des finances publiques, notamment en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement : il reste du travail à faire sur ce point. Enfin, cela implique certaines transformations structurelles, dont la réforme des retraites, sur laquelle j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises.
Pourquoi est-il important de montrer aux Français que nous ne perdons pas de vue l'objectif de rétablissement des finances publiques et de désendettement après la crise ? Nous appliquons tout simplement, comme dans le domaine sanitaire ou dans le domaine environnemental, un principe de précaution. Avoir des finances publiques bien tenues, être capable de réduire sa dette, c'est un principe de précaution sur le plan financier, de nature à nous garantir contre une augmentation des taux d'intérêt qui rendrait la charge de la dette insupportable sur le long terme, pour nous ou pour nos enfants. C'est aussi un principe de précaution parce que cela nous donnera des réserves financières si, dans cinq, dix ou quinze ans – le plus tard possible –, nous devons faire face à une nouvelle pandémie. C'est enfin un principe de précaution vis-à-vis de nos partenaires européens. Lorsque l'on appartient à la même zone monétaire, il est sain et sage que les écarts de dette publique ne soient pas trop importants entre les principaux partenaires, notamment entre les deux principales économies que sont l'Allemagne et la France.
Monsieur le rapporteur général, nous savons isoler les dépenses liées au covid : elles sont traçables.
Ces dépenses correspondent, tout d'abord, à la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, qui a été créée dans le cadre des PLFR et qui regroupe, en exécution, 41,8 milliards d'euros en 2020. Les principaux postes de dépenses concernent le chômage partiel, à hauteur de 17,8 milliards, puis le fonds de solidarité et les prises de participations.
À cela s'ajoutent 6,4 milliards d'euros qui ont été inscrits dans les budgets dits de droit commun pour répondre à la crise, notamment une augmentation de 2,1 milliards du montant des aides personnalisées au logement (APL), en raison de l'accroissement du nombre de bénéficiaires, le versement de primes aux ménages les plus précaires, également à hauteur de 2,1 milliards, 800 millions pour l'achat de masques et de matériel médical, 600 millions au titre du soutien à la presse et aux médias, 500 millions supplémentaires en ce qui concerne l'allocation aux adultes handicapés ou encore 400 millions pour le soutien au secteur automobile – il s'agit de la prime à la conversion.
Pour connaître la réalité du coût de la crise, il faut aussi prendre en compte la baisse des recettes, tant pour l'État que pour la sécurité sociale, puisque celle-ci a été particulièrement touchée en la matière.
Le second point que je tiens à souligner est relatif à l'évolution des recettes fiscales. Nous avons encore besoin d'un peu de temps pour étudier les raisons du ressaut de l'IS, particulièrement marqué, et de l'IR, même si nous considérons que le maintien de l'activité a entraîné celui de la masse salariale et donc des revenus imposables à un niveau plus élevé que prévu. Cela peut être une explication. Il faut néanmoins avoir en tête que, malgré le ressaut de 800 millions d'euros, l'IR a reculé de 1,5 milliard par rapport aux prévisions de la LFI 2020.
S'agissant du programme de financement de l'État, nous avons émis 260 milliards d'euros d'obligations à moyen et long terme au cours de l'année 2020. Le taux moyen de ces obligations a été de – 0,14 %. C'était la première fois que nous avions un taux moyen négatif – il était de 0,11 % en 2019. Par ailleurs, nous débutons l'année 2021 avec un taux moyen de – 0,3 % pour les obligations à dix ans. La tendance semble donc s'accentuer. La maturité moyenne de la dette de l'État est restée constante, autour de 8,2 ans. L'allongement de la maturité des obligations a été compensé par une hausse des émissions de court terme.
Merci, messieurs les ministres, pour tous ces éléments très complets.
L'année 2020 n'a ressemblé à aucune autre. Tous les volets de nos politiques publiques ont été perturbés, et notre discussion d'aujourd'hui en est le reflet.
Les quatre PLFR que nous avons votés illustrent la volonté du Gouvernement et de la majorité d'apporter un soutien adapté à la réalité de la crise et de répondre à l'impératif de solidarité qui nous a guidés. Je pense en particulier à l'adaptation du fonds de solidarité pour faire face au second confinement et au couvre-feu, à la possibilité de retarder d'un an le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) et au dispositif de chômage partiel, qui est l'un des plus généreux de la planète. Il y a eu des résultats très concrets. La baisse spectaculaire des faillites, qui conduit d'ailleurs à se poser des questions s'agissant des prévisions pour 2021, en est l'illustration.
Le déficit a augmenté, ce qui était prévisible. Il faut insister sur le fait que de véritables enseignements ont été tirés au fur et à mesure que la crise se développait, notamment entre le premier et le deuxième confinement. Le déficit budgétaire est donc bien meilleur que celui prévu lors de l'adoption du PLFR 4.
Ma première question porte sur les prévisions de croissance pour 2021 – de 6 % selon vous et de 5,5 % selon le FMI. Si je comprends bien, on se fonde sur deux éléments pour arriver à ces chiffres : la consommation en décembre et le troisième trimestre de l'année dernière. Dans quelle mesure ces données permettent-elles d'avoir une prévision précise de ce qui se passerait si la majorité des mesures de confinement étaient levées ?
J'aimerais également avoir une comparaison avec nos principaux partenaires européens – nous n'avons pas d'éléments écrits à ce sujet. Où nous situons-nous par rapport aux Allemands, aux Britanniques ou aux Italiens ?
Merci, messieurs les ministres.
L'année 2020 était inédite, cela a été dit, et les différents PLFR étaient de bon augure. Il était important de soutenir notre économie : l'État ne pouvait pas trembler. Les députés Les Républicains ont donc voté l'ensemble de ces textes.
Bruno Le Maire a évoqué la nécessité de décaisser le plus rapidement possible les 100 milliards d'euros du plan de relance. Nous ne pouvons pas aborder les comptes 2020 sans connaître les perspectives dans ce domaine, compte tenu de la poursuite de la crise sanitaire.
La question de la territorialisation, qui est notamment chère à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, se pose aussi. Ce matin, M. Dufourcq, directeur général de Bpifrance, nous a indiqué que des divergences existaient entre les territoires. La territorialisation est-elle une préoccupation de l'État ? Des moyens de contrôle sont-ils prévus et quelle sera l'évaluation ?
Je défends depuis le mois de juin dernier une mesure consistant à permettre de différer l'amortissement comptable des biens non utilisés dans les entreprises. Cette question, sur laquelle j'ai été suivie par un grand nombre de collègues de tous les groupes, a suscité des débats importants et très intéressants. M. Dussopt s'est exprimé sur ce point au cours de la séance du 10 novembre et M. Le Maire a indiqué lors d'une conférence de presse, il y a quelques jours, que les entreprises pourraient effectivement différer l'amortissement comptable des biens non utilisés. Je ne puis que regretter le temps perdu et le fait que l'Assemblée nationale ne se soit pas saisie de ce sujet. Les entreprises pourront-elles différer cet amortissement dès l'année 2020 ? Quand connaîtront-elles les modalités d'application ?
Restons optimistes : nous sommes utiles. Les mesures que nous proposons ont toujours un petit temps d'avance !
(Sourires.)
Merci pour l'éclairage qui nous a été apporté au sujet de l'exécution du budget 2020.
Ma première question concerne le PGE. Le report d'une année supplémentaire qui a été annoncé me semble une bonne idée. Y aura-t-il, au total, un différé de deux ans puis un remboursement sur cinq ans, ou bien le remboursement devra-t-il toujours avoir lieu en six ans ?
Pourrait-on envisager, pour les entreprises et les commerces frappés d'une fermeture administrative, la transformation des PGE en subventions et en prêts participatifs ?
Les travailleurs non salariés, gérants majoritaires ou indépendants, et leurs conjoints collaborateurs sont de grands oubliés de la crise. Contrairement aux salariés, ils n'ont pas bénéficié d'indemnités qui leur permettraient tout simplement de vivre. Prévoyez-vous un dispositif pour cette catégorie complètement laissée de côté, alors qu'elle crée de l'emploi et le maintient ? Je pose cette question étant entendu que 4,8 milliards d'euros n'ont pas été consommés au titre du budget consacré à l'activité partielle en 2020.
L'épargne forcée des Français s'est élevée à 100 milliards en 2020 et elle sera probablement deux fois plus élevée en 2021. Certes, vous avez annoncé une non-augmentation des impôts, voire une baisse, mais cela me semble insuffisant. Quel dispositif allez-vous mettre en œuvre pour inciter nos concitoyens à consommer ? Une ouverture libre des commerces 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, sans condition, vous paraît-elle envisageable pour relancer le commerce et donc la consommation ?
Quel dispositif, notamment fiscal, prévoyez-vous pour relancer le bâtiment et la construction de logements ?
Enfin, seriez-vous prêts à exonérer les heures supplémentaires de l'ensemble des cotisations sociales, tant salariales que patronales, et à les défiscaliser en totalité ?
Je voudrais dire, en avant-propos, que cette réunion est un peu étrange : nous n'avons pas de documents et, au bout d'une demi-heure, il ne reste plus que la moitié des ministres ! Je trouve que c'est assez regrettable.
S'agissant du déficit à la fin de l'année 2020, vous nous avez annoncé un montant de 223 milliards d'euros dans le cadre du PLFR 4 et du PLF pour 2021 ; aujourd'hui, vous nous dites que le déficit sera de 178,2 milliards d'euros. Je vous remercie pour les détails concernant cet écart. Néanmoins, il me semble que vous avez aussi tendance à exagérer les catastrophes budgétaires, peut-être pour nous laisser croire que vous relevez des défis insurmontables. Cela pourrait également expliquer le décalage entre les milliards que vous annoncez et ce qui arrive réellement dans les territoires. Toujours est-il que les comptes que vous nous présentez pour 2020 sont à l'image de la crise que nous traversons : il y a une explosion de la dette et du déficit publics.
Cette explosion était nécessaire, car nous avions vraiment besoin d'adopter des mesures compte tenu de la crise, mais je pense qu'elle aurait pu être moindre si notre système de santé n'avait pas été à genoux avant l'arrivée du virus et si nos mécanismes de prévention des pandémies n'avaient pas été grippés. Je pense aux stocks tactiques et stratégiques de l'État et aux moyens pour la recherche antivirale, qui étaient au plus bas. Et que dire du départ de Mme Buzyn au début de la crise et de votre sketch sur le thème « les masques ne sont pas utiles » ? Ensuite, vous auriez dû prendre plus au sérieux les différents avis du Conseil scientifique lors du deuxième confinement. Enfin, votre attitude actuelle face à une éventuelle troisième vague ou s'agissant de la stratégie de vaccination est d'une suffisance indécente au regard des insuffisances passées.
Maintenant que nous en sommes là, que faire ? Nous ne désespérons pas que la BCE annule 30 % de la dette négociable française, qu'elle détient, mais cela risque de ne pas se produire. Nous sommes donc très inquiets de la cure d'austérité que vous comptez nous imposer pour contenir la dette publique.
Bpifrance nous a signalé ce matin que les entrepreneurs craignent non pas des hauts de bilan dégradés mais un manque de débouchés sur les marchés. Face à une telle situation, continuerez-vous à faire de l'offre l'alpha et l'oméga de votre politique ou envisagez-vous enfin d'enclencher des dispositifs permettant de relancer la consommation interne ? Même si elle est bonne, elle pourrait sans doute être meilleure si l'on soutenait les plus défavorisés.
Enfin, je rejoins la question de Mme Louwagie sur la territorialisation du plan de relance. La doctrine retenue pour les appels à projets – « premier arrivé, premier servi » – conduit à une iniquité entre les territoires.
Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, pour les chiffres que vous mettez à notre disposition aujourd'hui.
Comme notre président, je voulais vous interroger sur une future loi de programmation des finances publiques. Je crois que vous ne vous êtes pas exprimé sur ce point.
Je profite également de votre présence pour vous alerter une énième fois sur la situation des extras de l'événementiel : ils n'ont touché aucun salaire depuis le mois de mars 2020. Le 26 novembre dernier, on leur a annoncé que leur seraient généreusement versés 900 euros, c'est-à-dire même pas un SMIC, après dix mois d'inactivité. Au 20 janvier 2021, ils n'ont toujours rien touché et arrivent très majoritairement à la fin de leurs droits au chômage : nous n'avons pas gelé leur situation, contrairement à celle des intermittents du spectacle. Pourrait-on envisager de le faire au moins à compter du 1er janvier de cette année ?
Nous voyons bien que ces personnes risquent de ne pas retrouver une activité digne de ce nom avant encore plusieurs semaines, si ce n'est plusieurs mois, l'épidémie se poursuivant. Pire, quand elles ont la malchance d'avoir un conjoint qui travaille, elles ne peuvent pas bénéficier du RSA. Ces gens sont donc privés de toute ressource depuis le mois de mars 2020. L'aide de 900 euros n'est pas arrivée, je l'ai dit. Il faut vraiment que l'on s'interroge sur la situation actuelle. Tous les dispositifs qui ont été créés, avec un large soutien, ont pour objectif de maintenir notre économie mais aussi les emplois – ceux des Français.
Selon la Banque de France, la crise se serait traduite en 2020 par une chute du PIB de 9 ou 10 % et par la perte de 740 000 emplois. L'après-covid est également préoccupant car les mesures instaurées pour soutenir l'économie – que nous saluons pour une large part – s'appuient sur une relance pensée selon le modèle du monde d'avant, ce qui la rend plus qu'incertaine à nos yeux. J'ai ainsi trouvé M. Le Maire très optimiste. Si la croissance s'est établie à 18 % au troisième trimestre, elle est restée globalement inférieure de 4,3 % à celle de 2019. M. Le Maire a parlé du mois de décembre, mais c'était une exception.
Le contexte sanitaire demeure très incertain. S'il n'y a pas d'amélioration dans ce domaine, on ne peut guère compter sur une relance par la consommation, que ce soit du côté des ménages modestes, parce que le soutien qui leur est apporté est vraiment trop faible, ou du côté de l'épargne. Elle s'est accumulée pendant la crise mais elle reste, à hauteur de 70 %, sur les comptes des 20 % des Français les plus riches, dont on sait que la consommation n'augmente que marginalement ou, en tout cas, ne profite qu'au seul secteur du luxe. Les incertitudes actuelles font augurer une conservation de l'épargne. Dans ce contexte, continuerez-vous à refuser de réformer l'épargne pour les plus riches ? Cela constituerait une incitation à consommer.
Vous avez rappelé que la France n'avait pas de difficulté à se financer sur les marchés parce qu'elle profite, à court terme, de taux négatifs et que les taux d'intérêt devraient rester bas à 50 ans. Dès lors, pourquoi ne pas tabler sur un plan de relance s'appuyant, à la différence de celui que vous avez imaginé, sur la commande publique, au service de politiques ambitieuses ? Selon les chiffres de l'OCDE, votre plan de relance n'aura qu'un très faible effet multiplicateur, de 0,8 en 2021 et de 0,7 en 2022. Autrement dit, le moteur est très poussif.
Il existe, nous l'avons rappelé, des divergences sur la méthode et les modalités suivies par le Gouvernement, mais nous pensons, nous aussi, qu'un soutien massif à l'économie était indispensable. L'action qui a été engagée au cours de l'année 2020 a été résumée par le Gouvernement et le Président de la République, à plusieurs reprises, par l'expression : « quoi qu'il en coûte ». Vous avez vous-même démontré que la dette publique était parfaitement soutenable – Bruno Le Maire l'a réaffirmé tout à l'heure – et que les fameuses contraintes budgétaires, souvent érigées en impératifs catégoriques, permettaient simplement de justifier des choix politiques. On peut se féliciter que le budget 2020 ait permis des avancées idéologiques majeures.
La dette publique atteint 120 % du PIB, et le ministre a réaffirmé la nécessité de la rembourser le moment venu. En fait, vous tentez de reprendre la main après avoir vous-même démontré l'incohérence du discours tenu depuis plusieurs années. Depuis quelques mois, un triumvirat s'est constitué autour de Bruno Le Maire, actuel ministre de l'économie, de Jean Arthuis, ancien ministre de l'économie du gouvernement Juppé et désormais président de la commission sur l'avenir des finances publiques, et du gouverneur de la Banque de France, que nous avons auditionné et qui n'a pas manqué de faire passer son message à cette occasion. Ces trois personnalités écument les médias afin de préparer les esprits en faisant la promotion de réformes structurelles, d'économies, qui seraient essentielles et nécessaires pour l'avenir de la France.
Une telle approche réduirait notamment les capacités que nous pourrions développer demain dans de nombreux domaines centraux pour l'avenir de notre pays, comme l'éducation ou la transition écologique. Il serait pourtant difficile d'affirmer, si l'on différencie la bonne dépense publique de la mauvaise, comme le ministre essaie de le faire, que les investissements en faveur de l'éducation, de la santé ou de la transition écologique sont du mauvais côté.
Bien loin de moi l'idée de penser que la « cagnotte » qui a été évoquée existe – la démonstration a été faite. Mais il pourrait en exister une autre : le fait de ne pas avoir suffisamment demandé aux détenteurs de grandes fortunes de participer au redressement est une erreur que nous regrettons.
Je terminerai par la reprise de la consommation, de 42 % en décembre par rapport au mois précédent. Mais qui a un petit bas de laine et une capacité de consommer ? Je ne pense pas que ce soient les pauvres. Réussir la relance nécessitera d'avoir un plan s'adressant spécifiquement à celles et ceux qui connaissent actuellement de grandes difficultés à vivre, voire à survivre.
L'examen des indicateurs révèle une situation extraordinairement – au vrai sens du terme – difficile. Que l'on regarde le ratio entre la dette et le PIB, celui entre la dépense publique et la richesse nationale ou le recours aux prélèvements obligatoires, on voit que tout conduit à des effets pervers de plus en plus dangereux.
Je voulais vous interroger sur la nécessité ou non de réajuster les comptes et de réaliser des réabondements dans le cadre d'un premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, mais M. Le Maire a déjà répondu à cette question en évoquant trois scénarii.
Des dispositifs de réponse à la crise semblent indispensables. Mais qu'en est-il de leur coût rapporté à leur efficacité ? Il est un peu difficile de suivre, on nage dans des centaines de millions d'euros…
Je sais qu'il convient de rester extrêmement prudent s'agissant de l'exécution des budgets des collectivités territoriales, parce qu'il reste la journée complémentaire et que des disparités assez fortes peuvent exister, mais les chiffres que vous avez annoncés sont très encourageants, et même plutôt surprenants au regard de ceux que la Cour des comptes avançait au mois de décembre et qui étaient une compilation de ce que rapportaient les élus. Ils annonçaient une perte de leur capacité d'autofinancement de l'ordre de 30 %. L'écart est donc important. Est-il lié à des économies plus élevées que prévu, à des dépenses moindres, à une chute des recettes non fiscales moins forte qu'escompté ou aux mesures d'accompagnement que nous avons votées ?
Outre la bonne tenue de la capacité d'autofinancement, si elle se confirme, les mesures que nous avons adoptées pour 2021 donneront aux collectivités territoriales une excellente visibilité pour participer au plan de relance. Selon vos chiffres, c'est vraiment l'État qui a encaissé l'essentiel de la crise en 2020.
Mes questions porteront sur l'économie touristique et les commerces des stations de montagne.
Pourriez-vous confirmer que tous les commerces concernés dans nos stations et nos vallées bénéficieront d'une aide correspondant à 20 % de leur chiffre d'affaires en 2019 s'ils ont perdu 70 % de celui-ci et à 15 % du chiffre d'affaires si sa baisse est comprise entre 50 et 70 % ?
Pouvez-vous également confirmer que les aides seront étalées sur la totalité de l'année ? Être à l'arrêt durant l'hiver signifie, dans l'économie réelle, qu'on l'est sur l'ensemble de l'année. Si la réponse était négative, les entreprises ne pourraient pas s'en remettre : leur chiffre d'affaires est extrêmement saisonnier.
Je souhaite également vous alerter sur les commerces qui devaient démarrer leur activité cet hiver : ils ne bénéficieront pas d'un effet de rattrapage au milieu de l'année puisqu'il leur faudra attendre l'hiver prochain. Ces commerces, qui sont fragiles, n'ont actuellement droit à aucune aide, alors qu'ils ont réalisé des investissements. Il faudrait un dispositif permettant de prendre en compte le chiffre d'affaires de l'entreprise précédente en cas de reprise d'activité et d'appliquer un forfait en cas de création d'activité. C'est très important, car ces acteurs sont encore plus fragiles que les autres : ils n'ont aucun chiffre d'affaires et ils n'en auront certainement aucun pendant un an.
Je souhaite vous alerter, ensuite, sur la situation des collectivités locales « supports de stations ». Des compensations sont prévues en ce qui concerne la taxe de séjour et la taxe sur les remontées mécaniques, mais qu'en sera-t-il des redevances ? Les communes et les départements en perçoivent une partie. C'est une fraction importante de leurs ressources.
Dernière question, quid du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) auquel les communes dans lesquelles se trouvent des stations participent en général – et très fortement ? Elles enregistrent des pertes de recettes très fortes et seront confrontées à de lourds besoins d'investissement dans les années à venir, qu'il faudra accompagner. Pourrait-on envisager un moratoire sur le FPIC pour nos stations ? Elles sont dans l'attente d'une réponse du Gouvernement à cette question. Il est nécessaire de se pencher sérieusement sur ce sujet car les stations seront prochainement en très grande difficulté. Je vous avais déjà alerté à l'occasion du projet de loi de finances.
J'interviens dans la continuité des questions relatives au tourisme. En 2020, le premier confinement a déjà amputé l'économie de la montagne de la fin de sa saison – les pertes ont été de 25 % –, alors qu'un protocole sanitaire avait été instauré par l'ensemble des acteurs. Malheureusement, le Gouvernement n'a pas souhaité ouvrir les remontées mécaniques pour les vacances de Noël et du Nouvel an.
Des aides spécifiques ont été créées, en utilisant, entre autres, le fonds de solidarité. Je remercie la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui a élaboré un formulaire simplifié – et très apprécié – malgré la complexité des aides.
Nous attendons une décision du Gouvernement concernant l'ouverture des remontées mécaniques lors des vacances d'hiver, au mois de février. Cela semble compromis… Or les conséquences seraient assez catastrophiques pour l'économie de la montagne.
Si les remontées mécaniques ne peuvent pas ouvrir, il faudra continuer à améliorer les aides, comme vous l'avez fait, en tenant compte des spécificités qui existent. Il conviendra en particulier d'inscrire les dispositifs dans la durée. Le mois de février représente 40 % du chiffre d'affaires annuel de l'ensemble des acteurs de la montagne. Il faudra assurer une compensation jusqu'à la saison prochaine.
Il faut également regarder la question des entreprises intermédiaires. Elles ont résisté mais elles ne sont pas aidées. On devra certainement les soutenir. Je pense notamment aux fournisseurs et aux grossistes qui dépendent de l'activité économique de la montagne.
Grâce au plan de relance, la chute de la croissance est limitée à 9 % ou 10 %. Je voudrais souligner, néanmoins, que la récession devrait être d'environ 6 % en Allemagne.
Les plans de relance ou de soutien doivent suivre ce que l'on appelle, en anglais, la règle des trois T : ils doivent être « targeted », ciblés, « temporary », c'est-à-dire réversibles, et surtout « timely » – ils doivent intervenir à temps. La différence, me semble-t-il, porte essentiellement sur ce point : en Allemagne, les mesures de soutien sont ciblées sur l'année 2020 et un peu sur le début de l'année 2021. S'agissant de la France, vous nous avez dit tout à l'heure qu'il y aurait un report de crédits d'une vingtaine de milliards d'euros. Ma première question porte sur ce sujet : cela me paraît expliquer la différence d'efficacité avec nos voisins allemands.
J'en viens à l'épargne réglementée. Les chiffres de la Caisse des dépôts et consignations font état de 35 milliards d'euros supplémentaires en 2020, mais ce qu'Éric Lombard n'a pas dit ce matin sur une chaîne de radio, c'est que nous n'avons pu prêter que 13 milliards. On n'arrive pas à traiter l'accumulation de l'épargne réglementée, parce qu'on est un peu hors marché et pour bien d'autres raisons encore. Quelles mesures envisagez-vous pour stimuler la consommation et l'investissement ? Les entreprises auront besoin de fonds propres ou de quasi-fonds propres. Ne conviendrait-il pas d'imaginer des dispositifs en la matière ? La consommation des mesures de soutien que nous avons prévues, à hauteur de 20 milliards d'euros, est assez faible pour le moment, me semble-t-il.
Ma troisième question a trait à la dette publique, dont je n'évoquerai que la seule partie concernant l'État puisque nous parlons du budget de celui-ci. Lorsque la dette de l'État était d'environ 900 milliards d'euros, les intérêts versés s'élevaient à 37 milliards. La dette atteint actuellement près de 2 000 milliards mais les intérêts restent du même ordre de grandeur qu'avant – 36 ou 37 milliards. Quelle en est la raison ? On remplace des obligations assimilables du Trésor (OAT) d'un taux compris entre 2 et 5 %, qui arrivent à échéance, par des OAT à taux négatif. Dans la mesure où la maturité moyenne est de huit ans, cela a été dit, et où les taux sont bas depuis six ou sept ans, j'aimerais avoir une étude sur la marge de manœuvre dont nous disposons encore pour contenir les intérêts de la dette – il faut bien distinguer ce point du refinancement du capital. C'est bien expliqué dans l'excellent travail que notre rapporteur général a produit il y a six mois.
J'en profite pour faire une observation au passage. Lorsque nous avons connu de gros problèmes de dette, nous avons créé la commission Pébereau – c'était en 2005. La commission des finances avait tenu à ce qu'un représentant de l'opposition en soit membre. Didier Migaud a alors joué un rôle très important. Je constate que la commission Arthuis est composée d'experts et qu'elle ne compte aucun élu de l'opposition. Je trouve qu'un sujet aussi important mériterait qu'il y ait un débat avec ce type d'acteurs. Nous avons le sentiment, pour beaucoup de questions, que les députés que nous sommes sont tenus à l'écart et traités, en fait, comme des incompétents (Applaudissements sur quelques bancs).
J'applaudissais Gilles Carrez qui tient toujours des propos pleins de sagesse, de bon sens et d'intelligence, ce qui est appréciable.
Je regrette, alors que nous parlons de mesures représentant 95 milliards d'euros, que vous veniez sans un tableau répertoriant ce qui a été voté, ce qui a été dépensé et ce qui ne l'a pas été. Ce n'est pas très sérieux ! Quand on connaît Bercy, on sait qu'il y a des gens qui font ce travail. J'aimerais qu'on nous donne une photocopie d'un tableau récapitulant les 95 milliards des quatre PLFR et montrant ce qui a été dépensé et ce qui ne l'a pas été. Nous parlons de milliards d'euros, et non de trois francs six sous. Ce n'est pas sérieux, je le répète. Je ne suis pas contente du tout, je vous le dis ! Je pensais que vous nous enverriez quelque chose, mais nous n'avons rien. C'est n'importe quoi.
Nous avons trouvé dans un rapport de France Stratégie, paru juste avant Noël, des comparaisons entre les différents plans de relance où il est notamment question de ce qui relève du soutien à la demande et du soutien à l'offre. Je sais que ce sont des termes un peu techniques, mais ils reflètent une réalité. Nous sommes en retrait en ce qui concerne le soutien à la demande. France Stratégie a placé le chômage partiel dans une catégorie « mixte » de mesures dont bénéficient les salariés et les employeurs, ce qui est très intéressant. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette question ?
Je suis arrivée en retard parce que j'étais à Bercy pour la journée du livre d'économie. Pourriez-vous nous donner des précisions sur les 20 milliards d'euros qui n'ont pas été dépensés ?
En ce qui concerne la dette, je rejoins les propos de Gilles Carrez. Le travail qui a été réalisé par le rapporteur général, à l'été dernier, est extrêmement bien fait. S'agissant des obligations qui arrivent à terme, pourrions-nous avoir des projections en fonction des échéances et des taux ? Le poids de la dette est lourd. Même si les taux actuels sont faibles, rien ne dit qu'il en sera de même dans huit ans. Il conviendrait d'avoir de vraies projections en ce qui concerne le refinancement.
Il a été question de plusieurs pays européens, notamment de l'Allemagne. On pourrait également évoquer le Luxembourg… Je voudrais vous interroger sur la solidarité avec nos partenaires européens. La concurrence s'est renforcée, en particulier dans les zones transfrontalières. Avez-vous un bilan des distorsions dans le cadre de la crise actuelle ? Par ailleurs, quelles sont les perspectives d'amélioration de la coopération économique et fiscale transfrontalière ? Les sujets sont multiples : l'industrie automobile, le tabac et l'alcool, mais aussi, évidemment, la fiscalité.
La crise a affecté les recettes fiscales des communes et des communautés d'agglomération. Nous aurons l'occasion d'en reparler demain avec les représentants de leurs associations, mais je profite de cette réunion pour saluer le travail de notre collègue Jean-René Cazeneuve qui, pendant des mois, a œuvré pour trouver des solutions de compensation en faveur de nos collectivités territoriales, qui en avaient grandement besoin.
J'ai été saisie, ainsi que François Pupponi, par la deuxième communauté d'agglomération de France, Roissy Pays de France, qui est située sur notre territoire. Les pertes de chiffre d'affaires ont fait chuter les montants que les collectivités percevront en 2021 au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), en fonction des prélèvements réalisés par l'État en 2020.
Je sais que vous en êtes conscient et que vous travaillez avec les associations d'élus du bloc communal afin d'établir un état des lieux des recettes fiscales perçues en 2020 et de définir des perspectives pour 2021. Disposez-vous désormais d'une appréciation de la situation suffisante pour étudier d'éventuelles mesures supplémentaires de soutien en faveur des collectivités territoriales qui ont subi des pertes importantes ?
Je répondrai aux questions dans l'ordre d'intervention des différents orateurs. Pardonnez-moi si cela me conduit à quelques répétitions.
Monsieur Holroyd, nous avons d'ores et déjà revu la perspective de croissance dans le cadre du PLF pour 2021. Nous l'avons fait passer de 8 à 6 %, ce qui nous paraît correspondre au consensus auquel sont parvenus les différents prévisionnistes. Le plan de relance devrait y contribuer à hauteur de 1,5 point – c'est notre objectif.
Le très bon résultat obtenu au troisième trimestre dernier – une croissance de plus de 18 % – nous permet d'espérer que l'objectif de 6 % sera atteint. Les chiffres des recettes fiscales, notamment de la TVA et de l'IS, dont nous prenons connaissance pour le quatrième trimestre, nous paraissent également témoigner de la solidité de notre économie, de sa capacité à résister, à rebondir et à repartir – c'est plutôt encourageant.
Dans le même temps, les chiffres de la zone euro se précisent : la croissance serait de 4,4 % en moyenne et de 4 % en Allemagne. De tels écarts sont logiques. Un certain nombre d'entre vous a pointé le fait que la récession devrait être moins importante en Allemagne qu'en France en 2020. Je dis « devrait » car les pertes de production par rapport à 2019 n'étaient pas très éloignées à la fin du troisième trimestre. Si la récession était finalement plus forte en France, notre taux de croissance pourrait être supérieur cette année, pour des raisons d'élasticité.
Nous ne disposons pas encore d'éléments de comparaison avec les autres pays européens s'agissant de l'exécution budgétaire en 2020. J'ajoute qu'il faut réaliser, dans ce domaine, un travail complémentaire, puisque notre organisation de la dépense publique en trois grands blocs – dépenses sociales, locales, et d'État – ne se retrouve pas partout dans les autres pays. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet.
Madame Louwagie, je vous confirme que nous maintenons notre objectif d'un décaissement de plus de 50 % des crédits du plan de relance en 2021. Avec Bruno Le Maire, nous avions indiqué notre volonté d'engager 10 milliards à ce titre en 2020. C'est aujourd'hui chose faite : nous avons mobilisé 11 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et consommé 9 milliards d'euros de crédits de paiement en 2020. La différence entre ces montants s'explique par des retards par rapport aux décisions prises, mais nous sommes au niveau prévu.
Nous tenons à ce que la territorialisation soit forte, et nous avons pris un certain nombre de dispositions en ce sens. Depuis les débats sur le PLF, une circulaire permet de conclure des accords de relance infrarégionaux. Deux départements ont déjà signé de tels accords, la Gironde et la Charente, et d'autres ont engagé des discussions.
Nous avons également décidé, avec Jacqueline Gourault, que les 950 millions d'euros qui seront consacrés, dans les semaines qui viennent, au soutien à la rénovation thermique des bâtiments des collectivités locales seront gérés par les préfets de région et de département selon des modalités proches de celles prévues pour la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) plutôt que par des appels à projets nationaux. Chaque fois que nous le pouvons, nous déconcentrons la décision, et nous déléguons parfois l'utilisation des fonds. C'est notamment le cas s'agissant des régions, auxquelles nous déléguons 300 millions d'euros pour la rénovation thermique des lycées dans le cadre des accords conclus en la matière.
J'ajoute que 90 % des 4 214 projets qui ont été retenus, le 15 décembre dernier, dans le cadre de la rénovation thermique des bâtiments de l'État ou universitaires ont été sélectionnés et instruits par les préfets de département et de région. Frédérique Vidal, Bruno Le Maire et moi-même avons veillé à ne pas remettre en cause les arbitrages rendus par les préfets, afin de respecter pleinement les principes de déconcentration et d'allocation des moyens là où les projets sont les plus à même de réussir.
Nous suivons ces questions et nous allons prochainement mettre en ligne, sur le site consacré au plan de relance, un tableau permettant d'évaluer la mise en œuvre de toutes les mesures et d'essayer d'en mesurer les effets territorialisés, y compris lorsqu'elles concernent des guichets nationaux, grâce à des indicateurs tels que le nombre de ménages ayant recours à MaPrimeRénov' à l'échelle de chaque département.
Nous aurons l'occasion de revenir prochainement sur la question de l'amortissement comptable des biens non utilisés, notamment pour en préciser les modalités.
Monsieur Laqhila, les prêts garantis par l'État représentent à l'heure actuelle un peu plus de 130 milliards d'euros. C'est une somme importante qui témoigne de la mobilisation de ce dispositif.
Nous sommes tenus par une règle européenne qui limite à six ans la durée maximale de remboursement des prêts garantis par l'État. C'est pourquoi la possibilité d'obtenir un différé supplémentaire de la première échéance s'inscrira toujours dans un cadre de six ans – deux ans de différé de remboursement puis quatre ans de remboursement et non deux puis cinq, comme vous l'avez suggéré.
Nous n'avons pas pour objectif de transformer ces prêts en subventions. En revanche, nous avons donné à Bpifrance – vous avez voté en faveur de cette disposition –, la possibilité de conclure à partir de 2021, dans le cadre du plan de relance, des prêts participatifs qui s'assimilent à des quasi-fonds propres.
S'agissant des travailleurs non-salariés et des conjoints collaborateurs, il reste encore à travailler sur certains points. Il faudra revenir sur ces questions.
Concernant les heures supplémentaires, nous maintenons la position que nous avons adoptée à l'occasion des débats sur le PLF et le PLFSS.
Je précise également, pour M. Carrez et Mme Rubin, que nous avons deux préoccupations en matière d'épargne.
La première est d'encourager la consommation, ce qui passe par la stabilité fiscale, selon nous, mais aussi par le soutien au pouvoir d'achat, à travers tous les dispositifs d'urgence destinés à rassurer nos concitoyens et à les convaincre de consommer. Le mois de décembre dernier montre que l'envie de consommer s'exprime dès lors que les conditions sanitaires s'allègent.
Pour ce qui est de l'épargne réglementée, nous avons élargi les possibilités de financement grâce aux fonds du livret A en vue d'encourager le soutien à l'investissement des collectivités publiques, notamment dans le cadre de projets environnementaux, éducatifs ou permettant d'assurer une diversification. Vous savez mieux que quiconque, néanmoins, que le caractère très sécurisé du livret A rend difficiles des investissements massifs dans tel ou tel domaine. C'est la raison du décalage que vous avez noté tout à l'heure.
Monsieur Bricout, je suis désolé que ce soit la moitié des membres du Gouvernement présents que vous aimez le moins qui soit restée à vos côtés, mais vous en avez quand même une moitié (Sourires).
Je précise, en écho à une des remarques de Mme la présidente Rabault, que rien n'oblige le Gouvernement à rendre des comptes sur l'exécution budgétaire aussi tôt dans l'année. Je le dis d'une manière peut-être brutale, certes. Nous aurons l'occasion d'améliorer les conditions dans lesquelles le Parlement sera saisi et informé de l'exécution 2020 : nous déposerons le projet de loi de règlement dès le mois d'avril, en parallèle du programme de stabilité (PSTAB), afin que vous en ayez connaissance plus tôt.
Je reviendrai tout à l'heure sur le détail de la consommation des crédits. Aucun document n'a été distribué. Le présent exercice est certes formel parce qu'il se déroule devant votre commission, mais il n'est pas prévu par un texte en tant que tel : il s'agit avant tout d'un échange autour des chiffres que nous pouvons communiquer. Je remercie d'ailleurs le président Woerth d'avoir bien voulu organiser cette réunion, comme les années précédentes.
Je relève dans vos propos, monsieur Bricout, un point au sujet duquel je ne peux pas être d'accord avec vous : il s'agit de la cure d'austérité que vous avez évoquée. Quand on réalise, au cours d'une année, plus de 40 milliards d'euros de dépenses supplémentaires au titre de l'État et plus de 20 milliards du côté de la sécurité sociale, je ne crois pas qu'on puisse parler d'austérité – ou alors nous n'en avons pas la même vision… Les 100 milliards d'euros supplémentaires du plan de relance ne sont pas davantage un signe d'austérité. S'agissant du système de santé, il faudrait peut-être avoir un regard rétrospectif : voilà quelques années, l'ONDAM connaissait une croissance annuelle d'environ 1,6 %, et non de 2,45 % ou de 10 % – c'est le taux constaté pour l'année 2020.
Madame Magnier, Bruno Le Maire a répondu à la question relative à la loi de programmation. C'est la raison pour laquelle je n'en ai pas parlé. Nous considérons que l'adoption d'une loi de programmation pluriannuelle perd de sa pertinence en fin de quinquennat du fait de la nature des engagements qui peuvent y figurer. Nous aurons, cependant, l'occasion d'avoir un échange sur les perspectives pluriannuelles lors du débat portant sur le PSTAB. C'est une obligation à laquelle nous nous prêtons volontiers car elle offre la possibilité de se projeter sur plusieurs années.
Au-delà de l'appréciation que vous portez sur le montant de l'aide attribuée aux extras du secteur de l'événementiel, il y a effectivement une difficulté. Un premier versement est prévu le 5 février prochain au titre des mois de novembre et de décembre, afin de régulariser la situation et de tenir les engagements pris. Nous ne sous-estimons pas les difficultés que rencontrent les principaux intéressés. Nous continuerons à œuvrer pour ces populations, très fragiles, mais nous ne pouvons pas, à ce stade, nous inscrire dans une répétition de ce qui a été fait pour les intermittents : les extras n'ont plus ce statut depuis 2014. Ce qui peut être fait pour les intermittents du domaine de la culture est plus difficile à réaliser pour les extras, mais nous aurons l'occasion de travailler à nouveau sur ce sujet.
Madame Rubin, je vous confirme que le troisième trimestre s'est achevé par un recul du PIB de 4,3 % par rapport à la même période en 2019. Le repli est moindre que ce que nous craignions, sans doute en raison de la reprise de la croissance extrêmement forte qui a eu lieu au cours de ce trimestre. S'agissant du quatrième trimestre, nous espérons une réduction de l'activité moins élevée que prévu initialement, en particulier aux mois de novembre et de décembre, ce qui nous permettrait d'avoir, sur l'ensemble de l'année, une récession inférieure à 11 %, ce qui serait une bonne nouvelle pour tout le monde. Cela signifierait notamment des recettes supplémentaires et un niveau de déficit public plus faible.
Bon nombre de dispositions sont prises pour maintenir le pouvoir d'achat et soutenir la demande, y compris grâce à la commande publique, aux efforts de « verdissement » et à l'accompagnement des populations et des ménages les plus fragiles. J'ai rappelé tout à l'heure les 2,1 milliards d'euros versés sous forme d'allocations. À nos yeux, néanmoins, la principale mesure de soutien au pouvoir d'achat reste le dispositif de l'activité partielle. L'OCDE, que plusieurs d'entre vous ont citée, a rappelé, au début de l'automne, que la mobilisation du chômage partiel au niveau que nous avons fixé a permis de limiter la diminution du pouvoir d'achat des salariés à un taux compris entre 0 et 0,5 %. Cette baisse est, en soi, une mauvaise nouvelle, mais elle est sans commune mesure avec le recul de la production que nous estimions alors à 11 %. Nos amortisseurs sociaux ont eu un effet massif. C'est notamment le cas du dispositif de l'activité partielle en ce qui concerne le pouvoir d'achat.
Je reviens, monsieur Dufrègne, sur notre capacité d'endettement, qui est forte à l'heure actuelle. J'ai indiqué que l'exercice 2019 s'était caractérisé par des taux d'intérêt très bas, de 0,11 % en moyenne. Nous avons connu en 2020, pour les obligations émises par la France, un taux d'intérêt moyen de – 0,14 %, ce qui était une première, et nous commençons l'année 2021 avec un taux de – 0,33 % pour les obligations à dix ans. Il est toutefois trop tôt pour parler de taux moyen. Cette situation, qu'il est important de souligner, nous permet de répondre à nos besoins de financement. Elle a été rendue possible par la confiance que les marchés accordent à notre système et aux mesures que nous avons instaurées. C'est le fruit du travail des années précédentes, notamment de la diminution du poids de la dépense publique et des prélèvements obligatoires par rapport au PIB, mais aussi d'un certain nombre de réformes qui ont été menées.
Il convient également de souligner, car il est important de rendre à César ce qui appartient à César, que les positions adoptées par la BCE et la création d'un plan de relance au niveau européen ont fortement contribué au maintien de la confiance des marchés. C'est elle qui nous permettra de faire face aux engagements que nous continuons à prendre pour répondre à la crise.
Monsieur Castellani, je ne reviens pas sur les questions relatives aux PLFR : elles ont été traitées par Bruno Le Maire. Je précise simplement que nos mesures nous paraissent efficaces. À titre d'illustration, l'année 2020 se caractérise par une diminution des situations de défaut des entreprises – faillites ou redressements. Notre dispositif d'aide a pour conséquence, dans certains cas, évidemment limités, de préserver des entreprises que la vie économique classique, en dehors de la crise liée à la covid, aurait certainement emportées. Nous devons garder cet élément en tête : lorsque les dispositifs d'aide s'éteindront dans le cadre de la sortie de crise, ces entreprises fragiles, qui seront restées en activité uniquement grâce aux mesures spécifiques que nous avons adoptées, rencontreront des difficultés. Selon certaines prévisions, il pourrait y avoir entre 65 000 et 70 000 défauts d'entreprise en 2021, au lieu des 55 000 ou 60 000 cas habituellement enregistrés.
Monsieur Cazeneuve, je voudrais confirmer quelques points déjà évoqués. D'une manière presque contre-intuitive, l'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités se limite à 0,4 %, mais cette moyenne cache des disparités entre strates. Les communes de grande taille ont vu, en général, leurs dépenses augmenter plus que la moyenne, tandis que les plus petites ont connu des économies de constatation. Les départements voient leurs dépenses de fonctionnement augmenter, notamment sous l'effet d'une progression de 1,5 ou 1,6 %, à ce stade, des allocations individuelles de solidarité. Derrière ce chiffre, néanmoins, se cache une augmentation moyenne de 7,2 % du coût du RSA pour les départements. Il y a, par ailleurs, des disparités considérables, certains départements connaissant une stabilité en la matière et d'autres des progressions de l'ordre de 15 %, que l'on peut expliquer par le type des activités économiques. Les départements où le nombre de bénéficiaires du RSA augmente le plus sont ceux qui se caractérisent par une forte présence des activités événementielles, touristiques et culturelles, ce qui renvoie à la situation des extras et des intermittents, exposés à un risque de basculement dans la précarité lorsque ces secteurs sont à l'arrêt.
Notre prévision pour la CVAE en 2021 – je réponds notamment à Mme Park – reste celle que j'ai partagée avec vous il y a quelques semaines. Nous estimons que la baisse pourrait être contenue à 2,2 % – nous avons encore à le vérifier à l'occasion du premier acompte. C'est loin de la baisse de 10 ou 15 % que d'aucuns craignaient.
De même, les premiers chiffres dont nous disposons permettent d'estimer que la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) serait inférieure à 10 % pour les départements, ce qui est loin, là aussi, de la baisse de 20 ou 25 % que certains redoutaient et loin de la diminution enregistrée en 2009 puis en 2010 – à hauteur, respectivement, de 30 et 20 % – avant une reprise extrêmement rapide.
Nous savons, enfin, que les dispositifs proposés par le Gouvernement et votés par le Parlement ont soutenu les recettes des collectivités, par des mécanismes de garantie ou d'avances remboursables assortis de clauses de retour à meilleure fortune.
Nous avons engagé 4,2 milliards d'euros au titre du soutien aux recettes des collectivités locales, et il faut ajouter à ce montant les mesures de soutien à l'investissement. Je pense notamment à la DSIL « relance », mobilisable à hauteur d'un milliard d'euros.
Tout cela nous permet de considérer que l'avenir financier des collectivités locales, même s'il n'est pas rose, évidemment, est à la fois plus clair, plus sécurisé et, en tout cas, moins anxiogène qu'il pouvait l'être il y a quelques mois. Nous suivrons attentivement cette question. Avec Jacqueline Gourault, nous travaillons en lien avec les associations d'élus pour étudier précisément, strate par strate, l'évolution des recettes et des dépenses des collectivités, afin d'en tirer les conséquences.
J'ajoute que le mécanisme de garantie des recettes fiscales et domaniales adopté au titre de l'exercice 2020 a été prolongé en 2021 pour la partie concernant les recettes fiscales et que, de manière dérogatoire, les redevances sur les remontées mécaniques évoquées par Mme Bonnivard seront également incluses, dans le cadre d'un soutien spécifique à l'économie de la montagne.
Le plan de relance, tel qu'il est mis en œuvre, mobilise des recettes, pour l'essentiel d'investissement, au bénéfice des collectivités locales. Je reviens sur un exemple que j'ai déjà évoqué : celui des 950 millions d'euros consacrés au bloc local et aux départements pour la rénovation thermique des bâtiments, auxquels s'ajoutent 300 millions pour la rénovation thermique des lycées, au profit des régions.
Madame Bonnivard, vous avez évoqué l'économie de la montagne. Les dispositifs d'aide qui ont vu le jour couvrent un champ d'activités économiques très large. Le tourisme et les secteurs qui en dépendent sont éligibles au fonds de solidarité. L'aide mensuelle a été portée de 1 500 à 10 000 euros, puis à 20 % du chiffre d'affaires, dans la limite de 200 000 euros, pour les pertes d'activité enregistrées à partir de décembre 2020.
En ce qui concerne les remontées mécaniques, un dispositif ad hoc permettra de compenser 49 % de la perte de chiffre d'affaires pendant la période de fermeture, sans plafond, sous réserve de l'autorisation de la Commission européenne, avec laquelle nous sommes en discussion. Je précise également que les travailleurs saisonniers embauchés dans les stations de montagne peuvent bénéficier du dispositif d'activité partielle. Cela concerne notamment les remontées mécaniques.
J'ajoute que le fonds de solidarité a été étendu à 12 000 commerces de détail. Je précise, cependant, que sont exclus les commerces automobiles et de motocycles, moins concernés par la baisse d'activité saisonnière. L'élargissement concerne, en revanche, les loueurs de biens immobiliers résidentiels situés dans les stations de montagne. L'aide peut atteindre 10 000 euros ou 20 % du chiffre d'affaires, dans la limite de 200 000 euros, dès 70 % de perte du chiffre d'affaires – c'est un critère plus facile à remplir.
Des discussions sont en cours sur l'étalement des aides et sur les taxes payées par les entreprises exploitant des remontées mécaniques – on rejoint la question portant sur les redevances. Nous les inscrivons dans le panier fiscal.
Certains sujets font encore l'objet de discussions, je l'ai dit, en lien avec des décisions qui seront prises ou annoncées dans les tout prochains jours pour le secteur de la montagne.
Je précise que le dispositif d'aide relatif aux remontées mécaniques concerne celles qui sont exploitées par des opérateurs privés mais aussi par des collectivités – ce n'est pas toujours le cas dans d'autres secteurs.
Je ne sais pas répondre immédiatement à la question portant sur le FPIC, mais il ne me semble pas que nous puissions suspendre sa mise en œuvre. Nous avons gelé l'enveloppe globale et si les collectivités concernées voyaient leurs recettes se réduire aussi fortement que vous le craignez, leur contribution serait évidemment revue à la baisse, puisqu'elle dépend de leur potentiel et de leur niveau de recettes.
Monsieur Roseren, certaines de mes réponses à Mme Bonnivard valent aussi pour vos questions.
Je vous remercie pour les remerciements que vous avez adressés à la DGFiP – elle sait s'adapter. Nous avons connu une douzaine de versions du fonds de solidarité depuis le mois de mars et, à chaque fois, la DGFiP a fait preuve d'une adaptation et d'une réactivité qui méritent d'être soulignées.
Nous avons apporté des réponses particulières s'agissant des grossistes, notamment ceux de boissons et de produits alimentaires, en ajustant les niveaux de perte de chiffre d'affaires requis pour bénéficier des aides, que ce soit au titre du fonds de solidarité ou des exonérations. Ces mesures font partie des annonces faites jeudi dernier pour intégrer dans les dispositifs les grossistes qui peuvent rester ouverts mais souffrent de pertes de débouchés liés aux cafés et aux restaurants.
Monsieur Carrez, je ne partage pas tout à fait ce que vous avez dit à propos de la comparaison avec l'Allemagne. Les éléments dont nous disposons montrent que le rapport entre les dépenses engagées et le PIB est sensiblement identique. Nous avons prévu d'aider les entreprises à hauteur de 1,5 % du PIB, contre 1,6 % en Allemagne. Reste à mesurer l'exécution de ces engagements : les aides concernant les pertes d'activité au mois de décembre peuvent être demandées dès maintenant auprès du fonds de solidarité, dans quelques mois s'agissant des exonérations et dans un délai d'un an pour le chômage partiel.
Nous avons très souvent fait le choix d'intervenir directement, plutôt que sous forme d'avances remboursables, alors que l'Allemagne a largement mobilisé ce dernier dispositif. Il sera utile de vérifier, dans quelques semaines ou quelques mois, le niveau et la nature de l'exécution. Je crois que nous n'aurons pas à rougir de l'effort engagé par la France.
J'ai répondu tout à l'heure en ce qui concerne l'épargne réglementée.
S'agissant des besoins en fonds propres, j'ai parlé des prêts participatifs et de notre volonté d'apporter, dans le cadre du plan de relance, des aides directes à l'investissement, sans passer par des avances remboursables.
En ce qui concerne les crédits mobilisés pour permettre des prises de participations et des aides aux entreprises stratégiques, nous n'avons exécuté que 8,3 milliards des 20 milliards d'euros de crédits prévus, mais nous avions dit, dès leur ouverture, que nous souhaitions les utiliser au moins sur la fin de l'exercice 2020 et l'exercice 2021, selon une logique presque pluriannuelle.
Je partage vos propos relatifs au service de la dette. Nous n'avons pas, en revanche, et cela répond aussi à Mme Rabault, la possibilité de vous communiquer maintenant une étude portant sur l'allongement de la maturité et le renouvellement de la dette, mais je répondrai bien volontiers à ces questions pour éclairer la commission.
La commission présidée par Jean Arthuis ne compte pas d'élus, mais deux de ses membres l'ont été, Marisol Touraine et Jean Arthuis lui-même. Nous avons fait le choix de ne pas proposer à des parlementaires de participer, d'abord parce que le Sénat, plus encore que l'Assemblée, considère que les instances instaurées par le Gouvernement pour accompagner son travail n'ont pas nécessairement à mobiliser les parlementaires, afin d'éviter une forme de mélange des genres. Nous avons choisi de nous appuyer sur deux anciens ministres et des personnalités qualifiées. Il y aura, par ailleurs, une articulation entre les travaux de cette commission et les réflexions menées au Parlement – je pense notamment à celles qui concernent les questions relatives aux législations organiques. Une chose n'en empêche pas une autre. Il n'existe aucune volonté d'écarter et encore moins de mépriser qui que ce soit.
Madame Rabault, je ne reviens pas sur les scénarios et l'étude que vous demandez à propos de la dette : je viens d'apporter des réponses. Je ne reviens pas non plus sur les questions portant sur la documentation et la loi de règlement : j'en ai parlé.
Pour nous, je l'ai dit, le principal soutien à la demande est l'activité partielle et nous ne pensons pas que ce soit une mesure « mixte ». L'activité partielle constitue un soutien à la demande, d'un niveau extrêmement fort.
Avant de reprendre les chiffres que j'ai indiqués tout à l'heure, j'indique à M. Hammouche que je ne dispose pas, au moment où nous parlons, de données sur les distorsions transfrontalières. Je ne sais donc pas répondre à cette question ni à celle portant sur les perspectives de coopération après la crise. Nous aurons l'occasion de revenir sur certains sujets, notamment le Luxembourg.
En ce qui concerne la CVAE, madame Park, je regarderai, pour la communauté d'agglomération que vous avez évoquée, si nous disposons de prévisions plus territoriales – la baisse de 2,2 % au niveau national cache des disparités entre les territoires en fonction de l'activité.
S'agissant de l'activité partielle, nous avons exécuté 17,8 milliards d'euros de crédits en 2020 sur le budget de l'État et nous reportons 4,8 milliards ; en ce qui concerne le fonds de solidarité, nous avons engagé 11,8 milliards d'euros et nous en reportons 7,9 ; pour ce qui est des exonérations, 3,9 milliards d'euros ont été engagés et 4,3 milliards sont reportés ; quant aux prises de participations, 8,3 milliards d'euros ont été engagés et 11,7 milliards sont reportés.
À propos de l'activité partielle, je précise qu'il s'agit seulement de la part de l'État et non de celle de l'UNEDIC. Si on les additionne, on arrive à 23 milliards d'euros pour 2020.
Les crédits reportés s'élèvent, au total, à 28,8 milliards d'euros, mais 9 milliards sont d'une certaine façon préemptés au titre du fonds de solidarité et du chômage partiel pour le mois de décembre ainsi qu'au titre des exonérations, puisque les 3,9 milliards d'euros engagés en la matière ne concernent que la première période d'exonération. Il n'y a pas eu de demandes pour le mois de novembre. En réalité, il nous reste 20 milliards pour financer des mesures d'urgence, en plus des 5,6 milliards ouverts par le Parlement à l'issue de l'examen du PLF.
C'était prévu puisque les mesures d'urgence dans le cadre du PLF pour 2021 étaient très faibles.
Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, pour ces précisions. Le plan d'urgence, si l'on additionne les quatre PLFR, s'élevait à 95 milliards d'euros. Si 28,8 milliards sont reportés, cela représente quasiment un tiers du total.
Je précise mon propos : nous avons engagé plus de 41 milliards d'euros dans le cadre de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, et nous reportons 28,8 milliards concernant ses quatre volets.
La première raison, qui n'a pas suffisamment été évoquée, tient à l'effet « retard » pour les aides versées au titre de l'activité en décembre. Les crédits mobilisés dans le cadre du fonds de solidarité pour le mois de décembre pourraient s'élever à 3 milliards d'euros, et je ne serais pas surpris – mais c'est un avis très personnel qui n'engage que moi – si nous pouvions intégrer ce montant dans le déficit public de 2020, parce que le fait générateur se situe en 2020 et que c'est facile à circonscrire. Cela me paraît relativement logique mais je répète que ce n'est pas à moi d'en juger.
Sur les 28,8 milliards d'euros, je considère que 9 milliards sont préemptés par le financement des pertes en 2020 et que 20 milliards sont reportés. Nous sommes donc loin du tiers du total. J'ajoute que nous avons mobilisé des mesures d'urgence dans le cadre d'autres dispositifs budgétaires que la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire.