Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre :

Nous pouvons isoler les dépenses liées au covid. Je laisserai à Olivier Dussopt le soin de préciser ce point.

Comme nous l'avons fait depuis le début de la crise, il convient de faire preuve d'une très grande prudence sur les chiffres de la croissance – ou de la récession – en 2020 et en 2021, puisqu'ils sont directement liés à la situation sanitaire.

Pour 2020, nous avions prévu une récession de 11 %. Cette évaluation était sincère et prudente. De toute évidence, nous ferons mieux : la récession sera moindre. Les observateurs s'accordent sur l'idée qu'elle serait comprise entre – 9 et – 10 %. Le chiffre de la croissance au quatrième trimestre nous sera fourni par l'INSEE la semaine prochaine. Sur la base de cette donnée, nous aurons une évaluation précise de la récession en 2020. Le consensus, je le redis, est de – 9 ou – 10 %, parce que l'économie française a une capacité de rebond très solide dès lors que les mesures de sécurité sanitaire sont levées. La croissance au troisième trimestre a dépassé les 18 % et les chiffres de la consommation au mois de décembre sont très bons – ils ont surpris tous les observateurs.

S'agissant de 2021, nous maintenons notre ambition de parvenir à un taux de croissance de 6 %. Je le répète, il s'agit d'un défi. Ce chiffre a été établi sous réserve qu'un nouveau confinement n'intervienne pas. Or chacun voit bien que la circulation du virus et l'apparition de nouveaux variants déjouent bien des pronostics. Nous maintenons notre ambition, mais elle est dépendante de la situation sanitaire.

J'ajoute – et c'est un point qui me paraît important parce que cela concerne la crédibilité de la France –, que toutes les indications que je viens de vous donner, sans exception, ont été confirmées par les organismes internationaux, que ce soit la Banque centrale européenne (BCE), l'OCDE ou le FMI, qui vient de publier un rapport saluant la gestion économique de la crise en France. Pour 2021, le FMI a une prévision de croissance de 5,5 % en France, ce qui est très proche de l'objectif de 6 % du Gouvernement.

Avons-nous trouvé l'équilibre entre soutenabilité économique et sanitaire ? Je crois que nous nous sommes améliorés. Nous avons pris la crise sanitaire de plein fouet, comme tous les autres pays, et nous avons engagé de toute urgence les mesures de soutien nécessaires. Nous avons payé le prix fort sur le plan économique lors du premier confinement, puis nous avons adapté les règles lors du deuxième, notamment dans les écoles – c'est un motif de fierté pour nous tous. Nous avons également adapté les règles pour certains secteurs économiques. La chute du PIB est ainsi passée de plus de 30 % en mars à un peu moins de 12 % au mois de novembre. J'ignore si nous avons trouvé le bon équilibre, mais je sais que nous nous sommes améliorés et que nous pouvons continuer à le faire en tirant les leçons des mesures sanitaires qui sont prises.

Je pense également que nous avons évité certaines erreurs et certaines facilités. Nombreux sont ceux qui nous avaient appelé à maintenir ouvertes les stations de ski et à rouvrir les restaurants et les bars à Noël. Je comprends très bien ces demandes, et je sais à quel point la situation est difficile pour ces secteurs, mais voyez ce qui s'est passé en Irlande, où les bars et les restaurants ont été rouverts à Noël : il y a eu une reprise extrêmement rapide de l'épidémie, dont nous n'avons pas souffert en France au début du mois de janvier.

Nous essayons d'améliorer notre réponse et de tenir compte d'un virus qui déjoue bien des pronostics, en trouvant le meilleur équilibre possible entre la sécurité sanitaire, qui est la priorité absolue, et le maintien d'une activité économique, ce qui est également indispensable pour les Français et pour notre nation.

S'agissant du PLFR, j'écoute toujours avec beaucoup d'attention les recommandations du président de la commission des finances. Nous travaillons sur des scénarios.

Le premier d'entre eux, qui a servi de base lorsque nous avons présenté le projet de loi de finances pour 2021, ne prévoyait pas de reconfinement. Dans ce cadre, nous avons les réserves financières nécessaires pour tenir dans les mois qui viennent, du fait de la sous-exécution en 2020 et de la prévoyance dont nous avons fait preuve tout au long de la crise économique. Il y a également des possibilités de redéploiement entre les mesures de soutien financier – au titre de l'activité partielle, du fonds de solidarité ou des exonérations de charges – qui doivent nous permettre de tenir sans projet de loi de finances rectificative dans les mois à venir.

Le deuxième scénario prend en compte un reconfinement. Je ne suis ni maître ni responsable des décisions sanitaires, mais cela fait partie – le Premier ministre l'a dit très clairement – des hypothèses possibles si la circulation du virus, notamment de son nouveau variant, venait à augmenter. Dès lors que le Premier ministre a inclus l'idée d'un reconfinement en 2021 dans les hypothèses en matière de sécurité sanitaire, ma responsabilité en tant que ministre des finances est d'en tenir compte. Dans ce cas, le coût du fonds de solidarité passerait de 4 milliards d'euros à au moins 6 milliards par mois. Nous serions alors dans l'obligation de présenter un nouveau PLFR dans des délais que je ne peux pas évaluer précisément : cela dépendrait de la date des décisions qui pourraient être prises.

Le troisième scénario est celui d'un reconfinement et d'une nouvelle dégradation sur le plan sanitaire qui toucherait l'ensemble des pays européens au lieu d'un retour à la normale à l'été et à la fin de l'année 2021. J'ose espérer que ce n'est pas le scénario le plus probable, mais je n'ai aucune indication sanitaire allant dans un sens ou un autre. Je m'exprime en tant que ministre des finances : ma responsabilité est d'envisager tous les scénarios et toutes les hypothèses. Ce dernier scénario imposerait, évidemment, de nouvelles mesures de soutien aux différents secteurs et sans doute des mesures complémentaires, notamment dans le cadre du plan de relance, pour faire face à une situation économique qui serait totalement bouleversée.

Notre scénario de référence, compte tenu de la circulation du virus, de la mise à disposition du vaccin et des données dont nous disposons actuellement – je le dis avec beaucoup de prudence – est que notre économie pourrait retrouver, d'ici au printemps ou à l'été prochain, un fonctionnement plus normal. Je ne dis pas « totalement normal », car il est évident que le secteur aérien, l'aéronautique et le tourisme ne connaîtront pas un retour à la normale du jour au lendemain. Nous pourrions néanmoins avoir une croissance forte d'ici à la fin de l'année grâce aux capacités de rebond de notre économie.

Voilà, en toute transparence, les trois scénarios sur lesquels nous travaillons. Selon le premier d'entre eux, il n'y aurait pas de reconfinement mais un maintien du statu quo sanitaire, ce qui ne nécessiterait pas de PLFR. Selon le deuxième scénario, celui d'un reconfinement, tel qu'il a été envisagé par le Premier ministre, nous aurions besoin d'un PLFR dans les prochains mois, compte tenu du poids des dépenses de soutien aux secteurs qui seraient fermés. La troisième hypothèse, qui changerait plus structurellement la donne, est un reconfinement suivi d'une évolution négative de la pandémie au cours de la deuxième moitié de l'année 2021.

S'agissant d'une éventuelle loi de programmation, je pense qu'adopter, à la fin d'un quinquennat, un texte qui ne nous engagerait que d'une manière très artificielle n'aurait pas beaucoup de sens.

En ce qui concerne la dette, vous connaissez mes convictions, que je rappellerai très simplement.

Je pense qu'il est bon de cantonner la dette liée au covid, car elle est particulière et subie. Il est également important de rappeler que la France, le moment venu, lorsque la crise sanitaire sera derrière elle et que la croissance économique aura repris, devra rétablir ses finances publiques. Je fais toute confiance, comme Olivier Dussopt, à la commission, placée sous la présidence de Jean Arthuis, que nous avons mise en place. Elle nous fera des propositions d'une façon totalement libre et, je pense, très ambitieuse pour le rétablissement des finances publiques. Celui-ci, comme je l'ai dit hier à mes partenaires européens, ne pourra et ne devra intervenir qu'une fois que la crise sanitaire sera derrière nous. Engager plus tôt le rétablissement des finances publiques serait une erreur économique et une faute politique.

Il serait tout aussi irresponsable de ne pas avoir une stratégie clairement déterminée pour assurer le redressement des finances publiques une fois que la crise sera derrière nous. Cela passe, selon moi, par de la croissance. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans la relance et que nous voulons nous assurer, avec le Président de la République et le Premier ministre, que les 100 milliards d'euros prévus en la matière seront décaissés le plus rapidement possible. Mais cela repose aussi sur une bonne maîtrise des finances publiques, notamment en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement : il reste du travail à faire sur ce point. Enfin, cela implique certaines transformations structurelles, dont la réforme des retraites, sur laquelle j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises.

Pourquoi est-il important de montrer aux Français que nous ne perdons pas de vue l'objectif de rétablissement des finances publiques et de désendettement après la crise ? Nous appliquons tout simplement, comme dans le domaine sanitaire ou dans le domaine environnemental, un principe de précaution. Avoir des finances publiques bien tenues, être capable de réduire sa dette, c'est un principe de précaution sur le plan financier, de nature à nous garantir contre une augmentation des taux d'intérêt qui rendrait la charge de la dette insupportable sur le long terme, pour nous ou pour nos enfants. C'est aussi un principe de précaution parce que cela nous donnera des réserves financières si, dans cinq, dix ou quinze ans – le plus tard possible –, nous devons faire face à une nouvelle pandémie. C'est enfin un principe de précaution vis-à-vis de nos partenaires européens. Lorsque l'on appartient à la même zone monétaire, il est sain et sage que les écarts de dette publique ne soient pas trop importants entre les principaux partenaires, notamment entre les deux principales économies que sont l'Allemagne et la France.

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