Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics :

J'ajouterai quelques mots pour illustrer les mouvements et les grandes masses budgétaires que Bruno Le Maire vient de présenter.

Au cours de l'exercice 2020, nous sommes passés d'un déficit prévisionnel de 93 milliards d'euros à un déficit constaté de 178,2 milliards. Cette évolution de 85 milliards s'explique par deux facteurs principaux.

Il y a eu, d'abord, des dépenses supplémentaires, pour l'essentiel consacrées à des mesures d'urgence et, pour quelques autres, de relance. La fin de l'année 2020 a vu les premiers engagements de crédits dans le cadre du plan de relance, à la suite de l'adoption des projets de loi de finances rectificative (PLFR) 3 et 4. Ainsi, 44,1 milliards d'euros de dépenses nouvelles, non prévues en LFI 2020, ont été exécutés en cours d'année.

Dans le même temps, les recettes fiscales de l'État ont diminué de 37,1 milliards d'euros, pour s'établir au total à 256 milliards. Le produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a reculé de 11,9 milliards, c'est-à-dire de 10 % – on avait connu une baisse assez semblable, de 11 %, en 2009-2010. La réduction de l'impôt sur les sociétés (IS) est de 12 milliards d'euros, ce qui représente une évolution de – 25 %, alors que le recul avait été de 51 % entre 2009 et 2010 : on peut y voir un élément encourageant quant à la manière dont les entreprises ont affronté cette année de crise. Enfin, troisième poste de baisse importante, le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) s'est réduit de 5,7 milliards en raison du recul de l'activité et du ralentissement constaté dans le secteur des transports.

S'agissant des budgets que l'on pourrait qualifier de communs ou d'ordinaires – hors crise –, l'exécution des crédits a été au rendez-vous. Elle a été complète pour bien des ministères. Certains d'entre eux, qui se voyaient parfois reprocher une exécution insuffisante, ont largement progressé. Je pense notamment au ministère des Outre-mer. En ce qui concerne le volume des crédits relevant de la norme de dépenses pilotables qui font l'objet d'un report, nous sommes passés de 2 milliards d'euros en moyenne annuelle à environ 4 milliards. Cette évolution s'explique principalement par le ralentissement de l'activité, y compris au sein des administrations, au cours du premier confinement. Nous travaillons évidemment à régulariser tout cela.

J'en viens aux mesures d'urgence, qui constituent le premier poste de sous-exécution. En ce qui concerne l'activité partielle, pour la seule part relevant de l'État, c'est-à-dire hors part UNEDIC, 17,8 milliards d'euros avaient été engagés et nous sommes en mesure de reporter 4,8 milliards d'euros qui avaient été inscrits dans les différentes lois de finances rectificatives. Pour ce qui est du fonds de solidarité, nous avons engagé 11,8 milliards et nous pouvons reporter 7,9 milliards. S'agissant du dispositif d'exonérations de cotisations, nous avons engagé 3,9 milliards et les reports sont de 4,3 milliards. En ce qui concerne le compte permettant la prise de participations de l'État dans le capital d'entreprises stratégiques, nous avons engagé 8,3 milliards et nous sommes en mesure de reporter 11,7 milliards. Dans ce dernier domaine, la part des reports est particulièrement élevée. Nous avions souligné dès la présentation du PLFR 4 à quel point nous souhaitions que cet outil de prise de participations ait un caractère pluriannuel, au moins sur deux ans.

Nous proposons ainsi, s'agissant des mesures d'urgence, le report de 28 à 29 milliards d'euros. Gardons en tête que, sur ce montant, 9 milliards sont déjà, d'une certaine manière, préemptés : le 15 janvier dernier, nous avons ouvert la possibilité de demander à bénéficier du fonds de solidarité au titre des pertes d'activité du mois de décembre ; plus de 130 000 entreprises l'ont demandé et les crédits correspondants pour le mois de décembre sont versés depuis le début de la semaine. Ils sont imputés sur l'exercice 2021 alors que le fait générateur date de 2020. Il en va de même pour les exonérations de cotisations. Les 3,9 milliards d'euros que j'ai évoqués correspondent au premier confinement. Les demandes liées au second confinement sont en train d'être présentées ou elles interviendront plus tard. La même logique s'applique au chômage partiel : les entreprises disposent d'un an après avoir placé leurs salariés en chômage partiel pour demander à bénéficier de l'allocation correspondante. Cela signifie que si nous avons la possibilité de reporter 29 milliards d'euros, 20 milliards sont encore disponibles pour financer un accompagnement et un soutien pour les secteurs les plus en difficulté.

La sous-consommation d'une trentaine de milliards d'euros s'agissant des mesures d'urgence est la principale explication de l'écart de 45 milliards entre le déficit que nous craignions lors de l'examen du PLFR 4 et le déficit constaté. Un second facteur explique l'écart. L'activité économique a moins baissé que nous ne le redoutions durant la dernière période de l'année. Nous avons connu un couvre-feu en décembre au lieu d'une prolongation du confinement du mois de novembre, et les recettes fiscales ont été plus dynamiques que ce que nous avions anticipé lors de l'examen du PLFR 4. La plus-value par rapport aux prévisions s'élève à 3,6 milliards en matière d'IS et à 1,7 milliard pour la TVA. À cela s'ajoutent deux plus-values moins importantes : 800 millions en ce qui concerne l'impôt sur le revenu (IR) et 500 millions s'agissant de la TICPE. Au total, la « bonne nouvelle » au titre des recettes s'élève à 6,7 milliards d'euros.

Si l'on additionne les crédits reportés dans le cadre des budgets de droit commun, ceux qui le sont pour les mesures d'urgence et la plus-value en matière de recettes fiscales, on arrive bien à une différence de 45 milliards d'euros entre les prévisions du PLFR 4 et ce que nous avons constaté.

Nous aurons l'occasion de revenir vers vous dans les semaines qui viennent pour partager les résultats concernant le déficit public dans son ensemble. Nous le ferons une fois que nous connaîtrons les chiffres définitifs pour les dépenses sociales et celles des collectivités.

S'agissant de ces dernières, nous ne disposons pas du solde, mais nous savons que les dépenses de fonctionnement, hors celles – marginales – inscrites en journée complémentaire, ont progressé de 0,4 % en 2020, toutes collectivités confondues, ce qui est historiquement l'évolution la plus basse en la matière. Les recettes de fonctionnement ont augmenté de 1,3 % en 2020, ce qui signifie, sur le plan macroéconomique, que nous avons échappé à l'effet « ciseaux ». Cela dit, conservons à l'esprit que les dépenses d'investissement ont fortement baissé, en raison du confinement et d'un cycle électoral qui était particulièrement long, et qu'il existe une grande hétérogénéité des situations entre les différentes strates de collectivités et au sein de chaque strate. Le nombre des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) est stable dans certains départements alors qu'il a augmenté de 15 % dans d'autres. En la matière, l'augmentation des dépenses est en moyenne de 7,2 %, mais tout dépend de la structure et du type des activités économiques dans les territoires.

Pour ce qui est des comptes sociaux, tout ce que nous pouvons vous dire est que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) augmentera encore un peu par rapport aux prévisions que nous avions faites lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et des débats budgétaires. Le coût de la campagne de tests est supérieur de 500 ou 600 millions d'euros à ce qui était prévu – il s'établit autour de 2,8 milliards. Nous espérons que l'augmentation des dépenses relevant de l'ONDAM ne se traduira pas par une évolution du déficit de la sécurité sociale : le maintien d'une activité plus importante en novembre et en décembre a généré de la masse salariale et donc des cotisations. Ainsi, nous avons l'espoir, même si nous ne pouvons pas encore certifier que ce sera le cas, que l'augmentation des dépenses, notamment en matière de tests, ne s'accompagnera pas d'une aggravation du déficit, grâce à la hausse concomitante des recettes résultant du maintien de l'activité.

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