Tout d'abord, messieurs les présidents, je précise que c'est au cours de ce mois de janvier que j'ai été désigné pour succéder à Étienne Blanc, élu sénateur, à la tête de la commission finances de Régions de France. Cela peut expliquer que vous n'ayez pas eu, à un moment donné, d'interlocuteur au sein de notre association. Croyez bien, cependant, que nous sommes attachés aux relations que nous entretenons avec la représentation nationale. Pour ma part, ayant déjà eu, à plusieurs reprises, l'occasion d'être auditionné par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, je vous confirme notre disponibilité totale.
Avant la crise sanitaire, la situation financière des régions était globalement très saine. Au cours du mandat entamé en 2016, le ratio exprimant la capacité de désendettement avait finalement atteint un niveau de 4,3 années. L'épargne brute avait pour sa part progressé de plus de 12 % en 2019, tandis que, la même année, les dépenses d'investissement avaient progressé de 10 %. L'ensemble des régions avaient respecté en 2018 et en 2019 les objectifs fixés par les contrats dits de Cahors.
Cette bonne santé financière explique que la crise ait parfois été plus simple à traverser pour les régions. En outre, l'accord de partenariat conclu au mois de septembre dernier avec l'État a considérablement changé la donne. En effet, sans sécurisation du montant des recettes que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) devait procurer, les régions se seraient trouvées dans une impasse en 2021. L'annonce, au début de l'été, de la suppression de cet impôt de production, sans visibilité sur la fiscalité susceptible de lui succéder, avait d'ailleurs suscité de vives inquiétudes.
Une difficulté de l'année 2020 était de prévoir l'ampleur de la baisse des recettes fiscales que les régions devraient subir. L'impact était immédiat sur les recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les recettes de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et celles liées aux cartes grises. En ce qui concerne la TVA, nous avons très vite constaté que nous allions atteindre le plancher. Je rappelle que le reversement aux régions d'une part du produit de la TVA a été instauré à la fin du précédent quinquennat, se substituant à la dotation globale de fonctionnement (DGF), et que le maintien d'une recette au niveau qui était celui de la DGF en 2017 leur a alors été garanti. Nous avons assez rapidement estimé que nous allions atteindre le niveau de cette garantie plancher pour le reversement de TVA en 2020, ce qui correspond à une perte de 266 millions d'euros de recettes par rapport à 2019.
L'exercice de la prévision était beaucoup plus difficile en ce qui concerne la TICPE – et le raisonnement vaut aussi pour les cartes grises. Il fallait en effet prévoir à la fois la durée et l'ampleur de la baisse. Selon que le confinement durerait plus ou moins longtemps, selon l'évolution du comportement des usagers – allaient-ils reprendre leur véhicule ou recourir davantage aux transports en commun –, l'évolution du produit de TICPE était difficile à prévoir. Ce produit a reculé de 14 % à 18 %, soit une baisse d'un montant compris entre 230 et 290 millions d'euros par rapport à l'année 2019. J'appelle en outre votre attention sur le changement des modalités de calcul de la TICPE pour 2020 ; il est difficile d'avoir des données fiables, et la recette est moins territorialisée qu'auparavant.
Les recettes liées à la taxe sur les cartes grise diminuent quant à elles de 19 % à 22 %, soit une baisse comprise entre 450 et 500 millions d'euros. La difficulté était de savoir dans quelle mesure le marché de l'automobile se rétablirait après sa mise à l'arrêt pendant le confinement du printemps dernier. Constaterions-nous un phénomène de rattrapage ou des reports d'achat ?
Par ailleurs, doivent être mentionnées les difficultés liées aux recettes spécifiques de la Corse et à celles des collectivités d'outre-mer – en particulier l'octroi de mer.
Au total, la perte de recettes des régions est estimée à 1,2 milliard d'euros en 2020, chiffre confirmé par les données partielles transmises par Bercy à la mi-janvier, soit une baisse de 3,5 %. Les régions sont donc la seule catégorie de collectivités qui ait connu une perte de recettes fiscales sur l'année 2020. Elles ne disposent pas d'un panier de recettes assises sur des bases dynamiques, leurs recettes sont étroitement liées à la conjoncture économique ; elles ne perçoivent pas d'impôt « de stock ». Leur volatilité est celle du cycle économique.
La question des délégations de service public (DSP) est en outre un angle mort pour l'évaluation des pertes, notamment dans le secteur ferroviaire. Cela apparaît non pas dans nos comptes, mais dans ceux de nos délégataires – pour l'essentiel, la SNCF, à cause des TER, mais nous pourrions évoquer également les délégations aéroportuaires ou portuaires. En tant qu'autorités concédantes, les régions pourraient être appelées à intervenir pour équilibrer les comptes de délégation déséquilibrés par la crise. Cela nous préoccupe fort.
Il ressort par ailleurs des données tant de Bercy que de Régions de France que les dépenses d'investissement sont en forte hausse, celles de fonctionnement se caractérisent plutôt par des réallocations que par de hausses. La capacité de désendettement devrait ainsi retrouver un niveau de 6,3 années en 2020, et nous constatons d'ailleurs bien un recours croissant à l'emprunt.
Quant à la péréquation, il faudrait, puisque M. le président Cazeneuve me demande quel serait le calendrier idéal, que nous parvenions à un accord d'ici à l'été, pour qu'il trouve sa traduction dans la loi de finances pour 2022. Certes, une année électorale, ce n'est pas facile…
Il conviendra aussi d'articuler les contrats de plan État-région (CPER), le Plan de relance et la mobilisation des fonds européens, au moment de faire redémarrer l'activité économique, pour parvenir à la plus grande efficacité.
Quant au fonds de solidarité, au niveau national, les chambres de commerce et d'industrie doivent, si j'ai bien compris, servir de point d'entrée unique. Nous en sommes financeurs. Il y a, par ailleurs, des dispositifs complémentaires mis en place par les régions. Il s'agit donc de faire en sorte que chacun puisse être éligible à un dispositif ; nous savons qu'il peut être compliqué, pour un chef d'entreprise, de s'y retrouver, et nous ressentons plutôt, sur le terrain, un besoin d'accompagnement des chefs d'entreprise. Les organes consulaires ou les experts-comptables pourraient y répondre pour permettre que nos dispositifs soient sollicités de manière efficace.