L'impact financier de la crise sur les régions est différent de celui que connaissent les départements.
Pour les départements, l'impact est mécanique sur les dépenses sociales mais l'effet est bien moindre sur les recettes en raison de la dynamique des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). L'effet est donc bien moindre que si les recettes étaient stables ou en décroissance.
Les régions ne sont pas confrontées à une augmentation mécanique des dépenses obligatoires, et les dépenses n'augmentent que du fait du volontarisme politique pour accompagner les acteurs touchés par la crise. Cependant, les régions sont touchées par une baisse des recettes dès 2020, indépendamment des enjeux liés, en 2021, à la CVAE.
La question de l'évolution du modèle fiscal est distincte de la crise sanitaire. Notre panier de recettes est déconnecté de nos compétences et parfois contre-intuitif. Nous exerçons par exemple notre compétence mobilité sans disposer de recettes liées à la mobilité, comme le versement mobilité. Alors même que nous sommes chargés des transports collectifs, notre panier de recettes dépend en partie de la fiscalité assise sur l'automobile : nos investissements en faveur du transport collectif ont donc pour effet de diminuer l'assiette de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dont nous sommes bénéficiaires…
Les régions ne réclament pas la compensation à l'euro près de la perte de dynamique de leurs recettes fiscales. Il existe certes des mécanismes de plancher de recettes pour la TVA et pour la partie de la TICPE liée à des transferts de charges anciens, mais ni ces planchers ni les évaluations de transferts de charges n'ont été actualisés.
L'objectif d'instituer une fiscalité assise sur le cycle économique avec des mécanismes de garantie nécessiterait que le plancher des ressources corresponde à la réalité de l'évolution des charges transférées.
Il pourrait également être envisagé que le panier de recettes des régions retrouve une fiscalité de stock et ne soit pas uniquement connecté au cycle économique.
La sécurisation de la recette pose aussi la question d'un fonds de réserve, d'ailleurs soulevée par le Gouvernement. Doit-il s'agir d'une mise en réserve automatique d'une part de la dynamique de TVA ? Nous envisagions plutôt un mécanisme de mise en réserve volontaire, qui pourrait d'ailleurs faire l'objet d'une contractualisation avec l'État – en somme, des contrats de « Cahors II ».
S'y ajoute une difficulté comptable : nous pouvons provisionner des évolutions de dépenses mais nous n'avons pas d'outil juridique pour opérer des provisions sur des pertes de recettes.
Si nous optons pour des recettes assises sur le cycle économique, nous devons construire des outils de sécurité fiable. Il faut avancer sur le sujet en vue du projet de loi de finances pour 2022.
De manière générale, nos recettes fiscales doivent être mieux indexées sur nos compétences.
L'absence totale d'autonomie fiscale, qui fait débat, je le sais, au sein de la commission des finances, nous prive de tout lien avec le contribuable régional. Nous ne retrouvons pas les effets, positifs ou négatifs, de nos politiques économiques, dans nos recettes fiscales qui sont totalement déconnectées des situations locales.
Nous avons besoin de données partagées avec l'État sur lesquelles nous pourrions être d'accord. Je ne fais pas de procès sur les écarts d'estimations car nous avons tous eu des difficultés pour actualiser nos prévisions, mais il existe des données fiables en matière de TICPE ou de recettes liées aux cartes grises : la direction générale des finances publiques dispose de ces données à partir du système de gestion informatique HELIOS, et il doit être possible de les mettre rapidement à disposition des régions ou du Parlement.
Je souscris donc à la proposition du président Cazeneuve d'établir un observatoire par niveau de collectivités, qui puisse disposer de ces données.
Nous disposerons à la mi-février, après la journée complémentaire, de l'estimation des pertes de recettes en 2020 par rapport au compte administratif 2019. Il faut tenir compte de moindres recettes ainsi que de moindres dépenses… mais également de dépenses nouvelles liées aux achats de masques ou aux protocoles renforcés dans les lycées. Nous pourrons vous transmettre les chiffres consolidés à compter de la mi-février. Les outils existent pour que nous partagions rapidement des données fiables.
Quant à l'enveloppe de 600 millions d'euros dédiée à l'investissement, rappelons tout de même que les fonds ne sont disponibles que depuis le début de cette année 2021. Une disposition aurait dû figurer en loi de finances rectificative pour 2020, mais c'est finalement dans la loi de finances pour 2021 qu'elle a été votée. C'est donc à partir de maintenant que cette enveloppe de 600 millions d'euros sera amenée à se déployer et que nous pourrons le constater dans les taux de consommation.