Effectivement, monsieur le président, la rapporteure Stella Dupont et moi-même vous avions présenté les conclusions des travaux de notre mission d'information sur la taxation des titres de séjour. Nous venons à présent vous exposer un bilan du suivi des seize recommandations que nous avions formulées, un bilan favorable puisque douze d'entre elles ont été retenues et, en tout ou partie, mises en œuvre.
Quel constat avions-nous dressé ?
En France, les étrangers non communautaires sont tenus de posséder un titre de séjour et doivent s'acquitter de taxes au moment de la délivrance et du renouvellement de ce document. Nous avons constaté que celles-ci se caractérisaient par une grande complexité, par des montants élevés et par la grande latitude laissée au pouvoir réglementaire.
Premièrement, la complexité se résumait en un chiffre : treize montants et majorations différents existaient, auxquels de multiples dérogations pouvaient s'appliquer. Le plus souvent, l'étranger concerné devait payer 269 euros pour la première délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident.
Deuxièmement, c'est en nous fondant sur une analyse comparative conduite au niveau européen que nous avions conclu que les tarifs pratiqués étaient élevés. Notre pays se situait, à cet égard, dans la tranche supérieure de la moyenne de l'Union européenne. Cela pesait non seulement sur les personnes concernées mais aussi, indirectement, sur les collectivités territoriales, puisque de nombreuses associations subventionnées par celles-ci ou les services sociaux des villes étaient sollicitées pour participer au paiement de ces taxes. Pour l'État, les sommes ne sont pas négligeables, puisque le produit de ces taxes représentait 180 millions d'euros en 2019, avant la réforme.
Troisièmement, nous avions constaté qu'une trop grande latitude, dont les parlementaires que nous sommes ne peuvent se satisfaire, était laissée au pouvoir réglementaire. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) fixait ainsi des fourchettes à l'amplitude importante – qui pouvait aller du simple au quadruple – et non des montants précis. Ainsi le ministère de l'intérieur pouvait modifier de façon substantielle, par décret, sans associer le Parlement, le montant des taxes.
Sur le fondement de ces constats partagés, nous avions donc formulé seize propositions, destinées à simplifier le régime applicable, réduire le montant de certaines taxes et affermir le pouvoir du Parlement.
Dix-huit mois plus tard, le bilan est favorable, puisque douze d'entre elles ont été retenues. Avant de laisser à Stella Dupont le soin de préciser lesquelles ont été prises en compte, j'insisterai sur trois points.
Tout d'abord, j'insiste sur le caractère vertueux du travail accompli. Des parlementaires de sensibilités différentes ont souligné – vous y faisiez allusion, monsieur le président – des difficultés lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019. Une mission d'information s'est constituée ; des recommandations ont été formulées, discutées et largement retenues lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. D'une certaine façon, la boucle était bouclée. Cette méthode illustre tout l'intérêt du travail de contrôle et des suites qui peuvent lui être données, y compris sur un sujet sensible comme peut l'être l'immigration.
Le deuxième point concerne le transfert de charges financières indûment opéré par l'État vers les collectivités territoriales à la faveur du paiement de ces taxes. Bien souvent, nous avons pu constater que les associations venant en aide aux étrangers sollicitent l'appui des services sociaux des communes pour permettre la prise en charge de ces taxes, mais nos communes ne sont pas là pour payer les taxes imposées par l'État aux étrangers. En réduisant le montant des taxes demandées aux étrangers, nous avons, je crois, permis de diminuer une partie de ce transfert indirect et indu de charges vers les collectivités territoriales.
Le dernier point est, en revanche, moins favorable. Lors de nos travaux, et plus particulièrement lors d'un déplacement à la sous-préfecture du Raincy en Seine-Saint-Denis, j'avais été très frappé par les difficultés rencontrées par certains étrangers pour obtenir des rendez-vous en préfecture et par l'émergence d'un phénomène de commercialisation frauduleuse de ces rendez-vous. Cette commercialisation est le plus souvent le fait d'aigrefins qui revendent ces créneaux à des tarifs élevés : 50, 100, 200 euros, voire plus.
Quelle que soit notre opinion sur les flux migratoires et sur la façon d'y répondre, nous ne pouvons pas accepter cette situation. L'État doit accueillir les étrangers en préfecture dans des délais raisonnables, sans que ceux-ci aient à payer quelque somme que ce soit pour obtenir un rendez-vous. Je sais que Stella Dupont, à qui je vais céder la parole, partage ce point de vue et je crois qu'elle a choisi d'approfondir ce sujet avec Jean-Noël Barrot dans le cadre du Printemps de l'évaluation.