Merci, chers collègues, de nous donner l'occasion de présenter ce bilan.
Effectivement, je partage complètement la préoccupation de M. Parigi sur la revente frauduleuse de créneaux de rendez-vous pour les étrangers dans les préfectures. Cette situation n'est pas acceptable et j'approfondirai effectivement la question de l'accès des étrangers aux rendez-vous en préfectures avec Jean-Noël Barrot à l'occasion du Printemps de l'évaluation.
Jean-François Parigi l'a dit, les trois quarts de nos recommandations ont été retenues dans le cadre de la loi de finances pour 2020, ce qui est positif.
Je ne vais pas égrener les seize propositions, je vais plutôt vous exposer les grands axes de ce qui a été retenu et de ce qui ne l'a pas été.
Les propositions retenues ont permis de simplifier les taxes appliquées, d'abaisser leur montant et de renforcer les pouvoirs du Parlement.
La simplification des taxes est réelle puisque, conformément à notre recommandation, nous sommes passés de treize à cinq montants différents et les montants retenus, qui peuvent s'additionner, sont désormais des montants ronds, plus aisés à comprendre : 0, 25, 50, 180 et 200 euros. En divisant par presque trois le nombre de taxes, le Parlement a amélioré la lisibilité du dispositif, facilité sa compréhension et favorisé sa bonne application par les personnels des préfectures.
Le montant des taxes a également été abaissé de manière significative. Pour la situation la plus courante, à savoir la première délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire, le montant a été abaissé de plus de 15 %, passant de 269 à 225 euros, soit 44 euros d'économies. Ce montant se décompose en une taxe de 200 euros et un droit de timbre de 25 euros.
Un montant de 44 euros d'économie, cela peut paraître peu mais si une famille avec un enfant majeur à charge renouvelle trois titres de séjour en même temps, cela représente une économie cumulée d'environ 125 euros ; ce n'est pas neutre. Même si j'étais partisane d'une baisse encore plus prononcée, cette économie est bienvenue d'autant plus qu'elle s'est appliquée aux titres délivrés et renouvelés à compter du 1er janvier 2020, c'est-à-dire quelques semaines après notre vote et avant la dégradation du contexte économique que nous connaissons. Je souligne d'ailleurs la rapidité avec laquelle le ministère de l'intérieur a su, en peu de temps, adapter ses systèmes d'information afin que les nouveaux montants s'appliquent dès le 1er janvier 2020.
L'ampleur de cette baisse est plus importante encore pour les personnes régularisées dans le cadre du dispositif d'admission exceptionnelle au séjour, dont nous avions beaucoup parlé en commission et dans l'hémicycle. Pour ces personnes, le montant dû au moment de la régularisation est passé de 609 à 425 euros, soit 184 euros en moins, ce qui est très significatif. Encore une fois, j'aurais souhaité aller plus loin, notamment pour supprimer l'exigence du paiement de 50 euros au moment du dépôt de la demande ; je salue néanmoins l'avancée que nous avons collectivement obtenue.
La modification des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) relatifs à la taxation des titres de séjour a également eu pour effet d'affermir les pouvoirs du Parlement. Le principe des fourchettes de taxes évoqué par Jean-François Parigi a été supprimé. Désormais, les montants des taxes figurant dans le CESEDA sont des montants précis et le Parlement devra être associé à leur modification. C'est important puisque, en 2016, un simple décret avait multiplié par près de trois le montant de la taxe appliquée au renouvellement de certaines cartes de séjour temporaire sans que le Parlement soit associé à cette décision. Ce type de décret n'est plus possible et seule une disposition législative pourra demain modifier le montant des taxes.
Toutes nos recommandations n'ont cependant pas été satisfaites. Quatre n'ont pas été retenues, et, en particulier, dans deux cas, cela me semble regrettable.
Il est ainsi dommage que notre demande de publication du produit annuel de la taxation des titres de séjour n'ait pas été satisfaite. Cette information n'est disponible nulle part : ni dans les documents budgétaires – pas même dans le fascicule Voies et moyens –, ni dans le rapport annuel que le ministère de l'intérieur remet au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique de l'immigration et de l'intégration. Le ministère de l'intérieur explique cette situation par l'absence de timbre fiscal propre à ces paiements, qui ne permettrait pas d'isoler ce flux financier. Cette explication technique ne peut nous satisfaire et nous devrions, au minimum, disposer d'une estimation par le Gouvernement du produit de ces taxes.
Sans cet élément, il est difficile de mesurer le coût pour le budget de l'État de la réforme engagée. Pour l'heure, nous ne sommes pas en état de confirmer ou d'infirmer la prévision de 30 millions d'euros établie en novembre 2019. Avec Jean-François Parigi, nous renouvelons donc notre souhait de connaître le montant de cette recette, éventuellement, monsieur le rapporteur général, dans les prochains documents budgétaires.
La deuxième recommandation non retenue dont la satisfaction me tient à cœur concerne la situation des conjoints étrangers de Français.
À l'heure actuelle, un étranger ou une étrangère marié à une citoyenne ou à un citoyen français reçoit de plein droit une carte de séjour d'une durée maximale d'un an, alors que l'épouse ou l'époux étranger d'un ressortissant européen résidant en France reçoit un titre de séjour d'une durée maximale de cinq ans. De ce fait, les conjoints étrangers de Français sont tenus de renouveler plus fréquemment leur titre de séjour que les conjoints étrangers des ressortissants communautaires en France et doivent payer plus fréquemment les taxes associées à ce titre.
Le Défenseur des droits s'est ému de cette situation, et je regrette que notre recommandation visant à exonérer les conjoints étrangers de Français du paiement des taxes liées à la délivrance et au renouvellement de leur titre de séjour n'ait pas été retenue. Comme je l'ai fait l'an dernier, je prendrai une initiative lors de l'examen du prochain projet de loi de finances.
De la même façon, je souhaite, à titre personnel, que la baisse des taxes engagée en 2020 se poursuive et soit accentuée dans les années à venir. Même si les montants des taxes ont été abaissés, ceux-ci demeurent élevés : 225 euros pour un titre de séjour à renouveler, parfois, chaque année, ce n'est pas neutre. Les associations que Jean-François Parigi et moi avons auditionnées récemment nous ont confirmé que, si la baisse des taxes décidée il y a un an était bienvenue, des difficultés persistent.
À mon sens, je crois que nous devons résolument aller vers la délivrance de titres de séjour d'une durée plus longue et moins coûteux afin de favoriser l'intégration des étrangers résidant légalement sur notre territoire, dans une logique de simplification administrative et d'allègement du travail de l'administration.
L'évolution récente est intéressante mais doit encore être amplifiée. Depuis 2016, des cartes de séjour pluriannuel peuvent être délivrées. Cinq ans plus tard, plus de 500 000 cartes de ce type ont été remises et, dans le même temps, le stock des cartes de séjour temporaire et des visas de long séjour valant titre de séjour est passé de 564 000 à 311 000 documents.
Ces pas dans la bonne direction doivent être confirmés et s'accompagner d'une véritable réflexion sur la structuration des titres de séjour. Comme la Cour des comptes l'a écrit il y a quelques mois dans son rapport sur l'entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, « il serait pertinent que toutes les voies susceptibles de désengorger le régime du séjour soient explorées, en faisant basculer certaines catégories de cartes de séjour temporaires vers des titres pluriannuels et certains titres pluriannuels vers des cartes de résident ».
Si la mission d'information dont j'ai eu le grand plaisir de mener les travaux avec Jean-François Parigi a permis d'utiles avancées, en une matière pourtant sensible qui nous divise parfois et peut susciter des débats particulièrement vifs, j'espère donc que d'autres suivront, sur les taxes comme sur la structuration des titres de séjour. Il faudrait y travailler dans le cadre d'une prochaine mission, et je me tiens, chers collègues, à votre disposition.