Intervention de Stella Dupont

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStella Dupont :

Concernant l'évaluation et le contrôle, les difficultés sont liées au fait qu'il n'y a pas de timbre fiscal propre à ces recettes, qui sont versées au budget général – il n'y a donc pas de visibilité, même si je pense qu'il devrait être possible d'apporter plus de lisibilité. Selon les estimations du ministère de l'intérieur, le produit de la taxation des titres de séjour aurait été de 157 millions d'euros en 2013, 193 millions d'euros en 2017 et 181 millions d'euros en 2019. Les recettes sont naturellement liées au nombre de titres accordés et reflètent donc les flux.

La taxe applicable aux conjoints étrangers n'est due que par les étrangers qui ne sont pas ressortissants de l'Union européenne, puisqu'au nom du principe de libre circulation, les ressortissants européens ne sont pas soumis à l'obligation de disposer d'un titre de séjour. Le produit de cette taxation des conjoints étrangers non communautaires est estimé à 20 millions d'euros. L'incohérence entre la situation d'un conjoint de Français et la situation d'un conjoint de ressortissant européen pose un problème d'équité. Un alignement entre conjoints de Français et conjoints de ressortissants de l'Union européenne aurait du sens.

À propos de l'échelonnement du paiement des taxes, évoqué par plusieurs collègues, le ministère de l'intérieur souligne un surcroît de travail administratif pour des services des étrangers des préfectures déjà très occupés. Nous souhaitons néanmoins qu'un étalement soit possible dans le cas de certains titres, qui peuvent être onéreux.

Nous n'en sommes plus aux files d'attente en préfecture aujourd'hui car les rendez-vous ont été dématérialisés. C'est une autre forme de commercialisation illicite des rendez-vous que nous constatons, plus perfectionnée. Des robots inscrivent massivement, prennent des rendez-vous, puis les commercialisent de façon illicite – d'où l'intérêt de Jean-Noël Barrot et moi-même pour l'accès des étrangers aux préfectures ; nous vous rendrons compte de nos travaux, chers collègues, au printemps.

J'en viens au sujet des différents tarifs de taxe. Tous les étrangers venant en France ne sont pas dans la même situation, selon qu'ils viennent par exemple pour y travailler ou pour y étudier. La base est de 200 euros, mais peuvent s'y appliquer des réductions ou des majorations dans certains cas de figure. Le droit de régularisation, par exemple, ajoute 200 euros à cette base – à titre personnel, je voudrais qu'il soit plus réduit. Le droit de timbre est fixé, quant à lui, à 25 euros pour tous les titres. Le total fait, dans ce cas, 425 euros. Pour un étudiant, nous avons un tarif inférieur : 50 euros de taxe et 25 euros de droit de timbre – donc 75 euros au total.

Je n'ai pas connaissance des demandes liées à la baisse de la taxe pour les étudiants étrangers. Il me semble que cela nécessiterait une modification législative – tout passe par la loi désormais. En revanche, la dématérialisation des demandes de titre des étudiants a été accélérée dans le contexte de crise sanitaire.

Jean-Noël Barrot et moi allons rencontrer des associations d'étudiants étrangers pour voir comment se passe cette dématérialisation. Est-elle facteur d'amélioration ou de difficultés pour les étudiants étrangers ? Les premiers échos semblent plutôt positifs, les étudiants semblent à l'aise avec l'outil et cela semble simplifier la demande de titre et non la complexifier, mais nous vous rendrons compte, chers collègues, de nos constats sur le sujet.

La situation des ressortissants britanniques a été évoquée plusieurs fois. Nous sommes aujourd'hui dans une situation transitoire : n'étant plus des ressortissants de l'Union européenne, ils ont jusqu'au 1er octobre 2021 pour solliciter un titre de séjour et bénéficient d'une exonération de taxe – en somme, ils sont dehors mais toujours un peu dedans…

Les moyens des personnels en préfecture sont précisément l'objet de notre travail d'évaluation du printemps. Nous aurons donc bientôt davantage d'éléments à vous communiquer. Nous nous concentrons sur ce sujet car nous avons tous constaté, dans nos circonscriptions, quelle que soit l'importance des flux migratoires, que certaines personnes, qui considèrent leur demande comme légitime, avaient des difficultés à obtenir un titre. Un problème d'embolisation demeure, et cela pose aussi la question de la dématérialisation. Dans une décision de février dernier, une juridiction administrative a jugé que le développement par les préfectures de la dématérialisation des titres de séjour n'a pas de base légale. Nous interrogerons le ministère de l'intérieur.

Je suis assez favorable à l'idée de titres familiaux, même s'il faut avoir à l'esprit que seuls les majeurs sont redevables des taxes sur les titres de séjour. Néanmoins, pour une famille, les coûts respectifs des différents titres s'ajoutent les uns aux autres. Pourquoi donc ne pas imaginer des évolutions ?

Quant à un éventuel allongement de la durée de validité des titres, le sujet est extrêmement sensible, mais, comme vous l'avez relevé, monsieur le président de la commission des finances, il y a beaucoup de situations absurdes en matière de droit des étrangers.

Quel que soit notre avis sur la gestion de la politique migratoire en France, il faut bien reconnaître qu'il y a des dysfonctionnements. Un peu de recul permet d'y travailler et d'améliorer certains aspects. C'est ce qu'évoquait Hervé Pellois à propos des tests de langue française. Dans un État de droit, qui place l'égalité est au cœur de ses valeurs, le fait que certains doivent payer plus pour obtenir un rendez-vous doit nous interpeller. Des améliorations sont nécessaires, auxquelles l'esprit constructif dont nous venons de faire preuve permettra d'aboutir.

Jean-Noël Barrot et moi avons travaillé sur l'insertion professionnelle des étrangers et rendu nos conclusions il y a quelques mois. C'est également une matière à laquelle il faudra revenir dans ce même esprit de consensus. L'idée selon laquelle il y aurait d'autant moins d'étrangers attirés par la France que les obstacles seraient nombreux est contredite par l'observation de ces dernières années. C'est beaucoup plus complexe, et il faut changer notre façon de voir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.