Nous avons le plaisir, Madame la conseillère, de vous entendre ce matin, ainsi qu'il vient d'être rappelé, aux fins d'autoriser votre nomination à la présidence du collège du Haut Conseil du commissariat aux comptes, qu'envisage le président de la République.
Votre audition et le scrutin qui la suivra sont donc placés sous le régime de l'article 13 de la Constitution et des deux lois − organique et ordinaire − du 23 juillet 2010.
Je vous remercie d'avoir répondu promptement, par écrit, aux questions que je vous avais posées il y a une dizaine de jours. Tous les membres de la commission ont pu prendre connaissance de vos réponses détaillées.
De ce premier retour et de votre propos liminaire, je retiens que vous avez manifestement toutes les qualités requises pour exercer les responsabilités qui vous sont proposées.
Parmi vos qualités personnelles, je note en particulier l'attention forte que vous portez à la probité, tant des commissaires aux comptes que de leur régulateur. Vos développements sur la nécessité de trouver le bon équilibre en matière de sanctions disciplinaires, pour donner un signal proportionné entre l'absence d'impunité et le refus d'une sévérité paralysante, sont très éclairants et traduisent l'expérience que vous avez acquise après trente-cinq ans de carrière juridictionnelle. Votre analyse nuancée des causes et des effets de la légère réduction du nombre de commissaires aux comptes, qui va au-delà des intuitions que l'on pourrait avoir, a aussi retenu tout mon intérêt.
Il semble en revanche trop tôt pour mesurer les conséquences de la loi PACTE en ce qui concerne le rehaussement des seuils, les avancées pour les petites et moyennes entreprises, les nouvelles prestations, etc.
Dans les points positifs, je remarque également trois choses : la majorité des missions que le législateur a confiées au H3C sont remplies de façon satisfaisante, ce qu'illustraient d'ailleurs les travaux publiés sous la présidence de Mme Christine Guéguen ; le marché français de l'audit est fonctionnel et nous pouvons nous réjouir du fait qu'il soit moins concentré que chez nos voisins ; le H3C est reconnu par ses pairs européens et internationaux.
À ce titre, il me revient de saluer la qualité du travail de la cinquantaine de collaborateurs du Haut Conseil, qui ont pu assurer la crédibilité de l'institution dans un temps assez court.
Madame la conseillère, votre mandat, si nos deux assemblées l'autorisent, s'annonce toutefois déjà relativement délicat.
D'abord, c'est un euphémisme que de souligner le difficile accueil que la profession des commissaires aux comptes et leur Compagnie nationale ont réservé au H3C à son instauration : ces relations ont su trouver un modus vivendi sur certains dossiers, mais ne se sont visiblement pas améliorées sur d'autres. La mise sous séquestre des cotisations, il y a près de deux ans, pourrait ainsi rester longtemps dans les mémoires et illustre bien ces difficultés au démarrage. Comme la Cour des comptes l'a relevé, les conventions de délégation signées entre le H3C et la Compagnie ne démontrent pas toutes leur efficience, mais il faut en même temps comprendre qu'elles sont l'occasion, pour l'autorité de régulation, de ne pas entièrement déposséder cette instance représentative. Il y a là un équilibre à trouver. Formulons donc le vœu que la nouvelle mandature qui s'ouvre tant pour le H3C que pour la CNCC soit celle de l'apaisement.
Ensuite, comme membre de la commission des finances et rapporteur spécial des crédits de la mission Justice, je suis obligé d'insister sur la situation financière négative du Haut Conseil. Nous ne pouvons accepter que l'adage « les cordonniers sont les plus mal chaussés » se vérifie et que les réserves du H3C soient le seul recours. Celles-ci ne procèdent au demeurant pas d'excédents antérieurs, mais de sa dotation initiale, en 2003.
Vous l'avez indiqué, le modèle économique actuel du H3C n'est plus viable et des solutions doivent être trouvées, comme la réduction des charges immobilières, le rapatriement de certaines prérogatives − avec les difficultés que l'on sait −, ou l'augmentation des ressources malgré les incertitudes liées à la crise du coronavirus.
Enfin, notre commission a entendu, il y a exactement un mois, M. Patrick de Cambourg, qui nous a expliqué que l'Autorité des normes comptables (ANC) qu'il préside entretenait peu de contacts avec le H3C, mais aussi avec le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables (CSOEC). Il faudra y travailler. Aujourd'hui, vous nous confirmez que de telles interactions sont au mieux anecdotiques et au pire inexistantes. Comme le disait alors Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure, c'est surprenant, mais j'ajoute que cela me paraît dommage et même dommageable.
Monsieur le président, je souhaiterais interroger Mme Peybernes sur cinq points.
Le dispositif permettant aux commissaires aux comptes de solliciter auprès du H3C, à titre exceptionnel, la prolongation de leur mandat (par dérogation aux règles de rotation) ou le dépassement du plafond de leurs honoraires est trop peu connu alors qu'il peut s'avérer très utile. Pourquoi ces leviers sont-ils faiblement mobilisés et dans quelle mesure vous semblent-ils opportuns ?
Alors que le H3C paraît entretenir de bonnes relations de travail avec le service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), comment expliquer et comment répondre au fait que la cybersécurité et la lutte contre le blanchiment d'argent ou la corruption soient parmi les sujets de formation continue les moins suivis par les commissaires aux comptes ?
Pouvez-vous revenir sur l'affaire Agripole jugée le 19 février dernier par le H3C, que vous citez dans vos réponses et par laquelle ont été infligées des sanctions disciplinaires jusqu'ici inédites y compris contre deux des six plus grosses structures françaises : quels étaient les faits d'espèce et en quoi tenez-vous cette décision pour significative par son « ampleur » et « irréprochable » ?
La loi PACTE a ouvert les conditions d'exercice, par les commissaires aux comptes, de divers services en dehors de toute certification : comment renforcer leur indépendance et leur sécurité ?
Enfin, nous avons plusieurs fois eu l'occasion, au cours des derniers mois, d'aborder les progrès de l'information extrafinancière. Estimez-vous qu'il s'agit là d'un champ que le H3C doit mieux investir ?