Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • audit
  • commissaire
  • compagnie
  • h3c
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La réunion

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La commission entend, en application de l'article 13 de la Constitution, Mme Florence Peybernes, dont la nomination à la présidence du Haut Conseil du commissariat aux comptes est proposée par le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination.

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Je suis heureux d'accueillir Mme Florence Peybernes, première présidente de la cour d'appel d'Orléans, dont la nomination à la tête du Haut Conseil du commissariat aux comptes, le H3C, a été proposée par le Président de la République. Mme Christine Guéguen, désignée pour six ans à ces fonctions le 1er janvier 2016, a en effet été nommée premier avocat général près la Cour de cassation à la fin du mois de janvier. Un président par intérim a été nommé en la personne de M. Thierry Vught. Comme l'exige l'article L. 821-2 du code de commerce, le H3C doit être présidé par un membre de la Cour de cassation. La procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution est applicable à cette désignation. Les commissions permanentes compétentes de deux assemblées doivent ainsi donner un avis.

La commission a désigné M. Patrick Hetzel rapporteur pour cette proposition de nomination. En amont de cette audition, il a transmis un questionnaire écrit à Mme Peybernes. Vous avez eu connaissance des réponses écrites précises qu'elle y a apportées ce lundi 15 mars.

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Florence Peybernes

Permettez-moi de saluer l'ensemble des membres de la commission. Je suis très honorée de pouvoir m'exprimer devant vous en ma qualité de magistrat du siège.

Comme vous le savez, le H3C est une autorité publique indépendante instituée auprès du garde des Sceaux. Il dispose de la personnalité morale et de ressources propres. Il a été créé par la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière. Ses missions ont été élargies depuis et il fait office de régulateur de la profession de commissaire aux comptes. La loi prévoit que sa présidence est assurée par un magistrat conseiller à la Cour de cassation et que son collège est paritaire. Ce dernier compte quatorze membres et il convient de désigner une femme pour remplacer Mme Guéguen. Je suis conseiller à la Cour de cassation en étant première présidente de la cour d'appel d'Orléans. Je ne siège donc pas à la Cour de cassation, mais j'y suis rattachée. À la tête de la cour d'appel, j'exerce les missions d'ordonnateur secondaire, rôle que je partage avec le procureur général. En qualité d'ordonnateur secondaire, j'assume toutes les fonctions de gestion, d'organisation, de dépense publique, de préparation des budgets et de planification des projets de la cour d'appel.

La cour d'appel d'Orléans est la vingtième par ordre d'importance, sur trente-six. Je vous ai fourni des informations sur les équipes d'agents titulaires qui y travaillent. Elle compte ainsi 149 magistrats du siège et du parquet, ainsi que 420 fonctionnaires. Le procureur général et moi-même avons à notre disposition un service administratif régional pour gérer les budgets. Le budget annuel de fonctionnement s'élève à 5,34 millions d'euros par an. Celui des frais de justice est de 4,95 millions d'euros.

Je préside des tribunaux depuis treize ans. J'ai été pendant six ans à la tête du tribunal de grande instance de Rodez, puis de celui de Valencienne pendant trois ans et depuis trois ans et demi à la cour d'appel d'Orléans.

En dehors de ces compétences de gestionnaire de fonds publics, les missions d'un premier président correspondent aux sujets essentiels pour le H3C. Il s'agit en premier lieu, en tant qu'autorité de régulation, des questions de déontologie. Elles sont quasi-quotidiennes pour un premier président. La loi organique confère au premier président un pouvoir de sanction sur les magistrats du siège de son ressort, via des avertissements ou éventuellement la saisine du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). J'ai été amenée à le faire, en prononçant trois avertissements et en demandant deux saisines de l'Inspection générale de la justice, en vue d'une saisine du CSM. Un premier président aborde également les questions de déontologie avec les conseillers prud'hommes, puisqu'il exerce un pouvoir de mise en garde auprès d'eux et peut également saisir la commission nationale de déontologie, ce que j'ai fait à deux reprises. Enfin, j'ai à connaître des contestations d'honoraires des avocats. C'est un sujet dont je traite quotidiennement : j'ai rendu plus de 200 décisions dans ce domaine depuis ma prise de fonction. Pour sa part, le H3C traite les contestations des honoraires formulées par les clients contre les commissaires aux comptes.

La dimension de la déontologie et du respect des procédures m'est donc familière.

Par ailleurs, le code de l'organisation judiciaire confie au premier président et au procureur général une mission générale de surveillance et d'inspection des juridictions de leur ressort. Nous devons nous assurer de la bonne administration des services judiciaires. C'est évidemment une mission que j'ai remplie depuis ma prise de fonction. Je me suis plus spécifiquement concentrée sur les tribunaux pour enfants et le TGI de Montargis, devenu depuis un tribunal judiciaire. J'ai également souhaité m'intéresser cette année à la question des pôles sociaux, pour savoir où nous en sommes de cette réforme importante. Notre rapport, comme ceux que produit le H3C, contient des recommandations et je dois m'assurer du suivi des préconisations que j'ai émises vis-à-vis de tel ou tel service. Ces rapports sont destinés à l'Inspection générale de la justice, pour la bonne information du garde des Sceaux.

Un premier président doit en outre entretenir des relations régulières avec les barreaux. Ils sont quatre dans le ressort de ma cour d'appel. Il s'agit de se coordonner avec cette profession pour mettre en revue les pratiques professionnelles des uns et des autres, les confronter parfois et coordonner la mise en œuvre des nombreuses réformes. Ainsi, la fusion des juridictions nous a beaucoup occupés. La réforme du droit des peines constitue également un changement très important pour les avocats. La réforme du code de la justice pénale des mineurs représente un autre enjeu d'organisation important. Je crois être assez reconnue pour mon habitude du dialogue avec la profession d'avocat. J'entretiens de très bons rapports avec les quatre bâtonniers. Ils ont souvent un regard critique sur les réformes qui peuvent fragiliser leur exercice professionnel. Il convient d'en dialoguer, d'écouter leur lecture de ces textes et de trouver une façon acceptable pour tous de collaborer dans l'intérêt des justiciables.

Enfin, j'incarne une institution dans un territoire. Ma parole est forte et à part vis-à-vis des interlocuteurs politiques, notamment les conseils départementaux et le conseil régional. C'est un aspect pour lequel je crois avoir développé un certain talent.

Le H3C n'a pas toujours été très bien accepté par les commissaires aux comptes. Ils l'ont reçu comme une dépossession d'une mission qu'ils exerçaient auparavant et ont pu estimer inutile de trouver une alternative à l'autorégulation de la profession, à laquelle ils étaient attachés. Il était pourtant de mon point de vue nécessaire de le faire. Les autorités européennes l'avaient demandé, en premier lieu. Il fallait tirer les conséquences d'une qualité parfois insuffisante des comptes des sociétés et il fallait qu'une autorité plus indépendante puisse jouer son rôle pour améliorer la confiance que nous devons tous avoir dans les comptes des entreprises.

Vous m'avez demandé, pour chacune de ses dix fonctions, de donner un bilan de l'action du H3C. Je vous propose de me concentrer sur les plus emblématiques d'entre elles.

La première est l'adoption des normes d'exercice professionnel (NEP), pour qu'elles soient homologuées par le garde des Sceaux. Ces règles doivent constituer le corpus déontologique des commissaires aux comptes, pour s'assurer que les mêmes normes sont appliquées dans tous les cabinets et auprès de tous les clients. Cette fonction a nécessité un important travail du H3C lors de l'adoption de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE) et il faudra cette année encore instaurer de nouvelles règles pour encadrer la mission simplifiée pour les entreprises de petite taille. Nous devons intégrer des directives relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Une autre mission essentielle est la réalisation de contrôles, par le H3C et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), sur la façon dont les commissaires s'acquittent de leurs audits en entreprise. C'est une particularité de la construction juridique de cette cohabitation entre le H3C et la Compagnie nationale : la loi a prévu la possibilité d'une délégation d'une partie des missions du H3C à la Compagnie. C'est actuellement vrai pour l'audit des mandats des commissaires aux comptes pour les entreprises qui ne sont pas des entreprises d'intérêt public (EIP). Le H3C réalise les missions d'audit des EIP, avec dix-sept salariés, et la Compagnie nationale contrôle les mandats non-EIP. Cette répartition a donné lieu à une convention entre les deux organismes, signée en 2017. L'idée est de partager les mêmes critères pour décider et réaliser les contrôles et de rémunérer la Compagnie nationale pour cette tâche réalisée pour le compte du H3C.

La Cour des comptes a rendu en 2019 un rapport non public sur cette délégation, dont les conclusions sont assez mitigées. Il en ressort que l'ensemble des contrôles réalisés par le H3C et la Compagnie n'est pas suffisant pour que le H3C dispose d'une vision assez large et précise de la qualité de l'audit en France. En outre, les flux financiers entre la Compagnie et le H3C soulèvent quelques questions sur le financement de cette mission et le coût qu'elle représente pour le H3C. Après ce rapport, le H3C a repris une partie des compétences antérieurement déléguées, à savoir celle qui porte sur le contentieux et les missions d'inscription sur la liste et de radiation des 18 000 commissaires aux comptes. Il faut encore travailler sur la validation des sommes et factures émises par la Commission nationale envers le H3C.

Je viens par ce biais à votre question sur l'équilibre budgétaire du H3C. À ce jour, cet équilibre n'est pas atteint et le modèle économique n'est plus viable. Il l'a été pendant plusieurs années, parce que le H3C a pu constituer des réserves importantes pendant ses premières années, dans lesquelles il puise actuellement pour équilibrer son budget. Le déficit prévisionnel pour 2020 est de 1,7 million d'euros. Il convient donc d'explorer les pistes d'amélioration de cet équilibre financier. Il y a des pistes d'économies envisageables, mais elles sont limitées puisque les frais de fonctionnement restent faibles. Le H3C a en outre besoin de salariés pour renforcer son rôle de contrôle, comme le demande la Cour des comptes. Les délégations à la Compagnie représentent environ 30 % des dépenses du H3C. Elles ont beaucoup augmenté, puisqu'elles représentaient 750 000 euros en 2017 et 1,2 million d'euros en 2019. La question de la cotisation mise à la charge des commissaires aux comptes, qui constitue les ressources du H3C, peut également être soulevée, mais elle ne relève pas du H3C. Le décret prévoit que cette cotisation représente entre 0,5 et 0,7 % du chiffre d'affaires du commissaire aux comptes consacré aux audits. Aujourd'hui, elle correspond à 0,5 % et une réflexion pourrait être envisagée pour augmenter ce taux. Une autre piste serait l'élargissement de l'assiette de cotisation, pour ne pas la limiter aux audits et l'étendre aux nouvelles missions confiées par la loi PACTE, notamment en direction des petites structures, ou aux certificats.

Vous m'avez demandé si la profession de commissaires aux comptes était trop concentrée et connaissait des évolutions. Sa topographie est particulière, avec des tailles de structures très variées, de quelques salariés à de grands cabinets internationaux. La concentration est sensiblement moins marquée en France que chez nos voisins européens. Les mandats confiés aux « big four » ou aux « big five » représentent 55 % du total, contre 72 % en Allemagne, 84 % au Pays-Bas, 82 % au Royaume-Uni. Une part importante de notre marché revient donc encore aux structures de plus petite taille. La baisse du nombre de commissaires aux comptes a été limitée à 5 % sur les dernières années. Le recul par rapport à la loi PACTE est cependant encore limité, alors que nous savons qu'elle a pu avoir des effets importants pour la profession. Elle prévoit en effet la rotation des mandats et l'augmentation des seuils au-delà desquels le recours à un commissaire aux comptes est obligatoire. L'Inspection générale des finances avait évalué la perte de chiffre d'affaires pour la profession avant l'adoption de la loi, mais nous devons être prudents. Même quand les entreprises n'y sont plus obligées, elles ont pu conserver le recours à un commissaire aux comptes, pour maintenir la robustesse de la certification de leurs comptes. En outre, la règle concernant la rotation des mandats ne produira ses effets que progressivement et il est encore trop tôt pour les mesurer. La question est de savoir quelle était la volonté du législateur. Il s'agissait manifestement d'alléger les charges des entreprises et peut-être le législateur a-t-il estimé que le chiffre de 18 000 commissaires aux comptes en France n'était pas le bon.

L'objectif majeur du H3C et de contribuer, avec la profession, à assurer la fiabilité des informations comptables et financières. C'est celui que je partagerai avec la Compagnie et que je ferai vivre au sein du collège. C'est un élément déterminant pour la confiance de tous dans les entreprises et le bon fonctionnement de notre système financier.

Je conclurai avec la mission du H3C en matière d'enquêtes. Elles sont diligentées par son rapporteur général, à la demande de la formation statuant sur les cas individuels. Elles interviennent à la suite de contrôles réalisés par la Compagnie ou le H3C, ou sur plainte de tiers. Il s'agit alors d'enquêter sur les éventuels manquements déontologiques d'un cabinet de commissaires aux comptes. La réforme européenne de l'audit a, depuis 2016, renforcé les pouvoirs du H3C dans ce domaine. Il est désormais le seul à pouvoir exercer cette mission, qui n'est plus partagée avec les compagnies régionales, et peut prononcer des sanctions déontologiques comme pécuniaires. Le H3C a progressivement renforcé ses compétences dans ce domaine, ainsi que le personnel qui y est affecté. Il a ainsi récemment rendu une décision très attendue concernant une société qui n'est pas une EIP, avec des sanctions inédites qui n'ont pas été contestées à ce jour, même si le délai d'appel n'est pas clos. Cette décision était attendue et une procédure pénale court en parallèle. Je l'ai moi-même lue avec attention et j'en ai relevé la qualité et la motivation précise, qui permettent à chacun de bien comprendre la lecture des règles de déontologie par le H3C. Une nouvelle décision, Alcatel, doit intervenir prochainement. Elle sera aussi importante, même si elle portera sur d'autres questions déontologiques. Il faudra veiller à trouver le bon équilibre en matière de sévérité pour souligner l'importance des règles déontologiques.

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Quelles ont été les sanctions dans le cadre de cette décision Agripole ?

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Florence Peybernes

Certains commissaires aux comptes ont été radiés à vie, d'autres avec sursis, et des amendes allant jusqu'à 400 000 euros ont été prononcées.

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Nous avons le plaisir, Madame la conseillère, de vous entendre ce matin, ainsi qu'il vient d'être rappelé, aux fins d'autoriser votre nomination à la présidence du collège du Haut Conseil du commissariat aux comptes, qu'envisage le président de la République.

Votre audition et le scrutin qui la suivra sont donc placés sous le régime de l'article 13 de la Constitution et des deux lois − organique et ordinaire − du 23 juillet 2010.

Je vous remercie d'avoir répondu promptement, par écrit, aux questions que je vous avais posées il y a une dizaine de jours. Tous les membres de la commission ont pu prendre connaissance de vos réponses détaillées.

De ce premier retour et de votre propos liminaire, je retiens que vous avez manifestement toutes les qualités requises pour exercer les responsabilités qui vous sont proposées.

Parmi vos qualités personnelles, je note en particulier l'attention forte que vous portez à la probité, tant des commissaires aux comptes que de leur régulateur. Vos développements sur la nécessité de trouver le bon équilibre en matière de sanctions disciplinaires, pour donner un signal proportionné entre l'absence d'impunité et le refus d'une sévérité paralysante, sont très éclairants et traduisent l'expérience que vous avez acquise après trente-cinq ans de carrière juridictionnelle. Votre analyse nuancée des causes et des effets de la légère réduction du nombre de commissaires aux comptes, qui va au-delà des intuitions que l'on pourrait avoir, a aussi retenu tout mon intérêt.

Il semble en revanche trop tôt pour mesurer les conséquences de la loi PACTE en ce qui concerne le rehaussement des seuils, les avancées pour les petites et moyennes entreprises, les nouvelles prestations, etc.

Dans les points positifs, je remarque également trois choses : la majorité des missions que le législateur a confiées au H3C sont remplies de façon satisfaisante, ce qu'illustraient d'ailleurs les travaux publiés sous la présidence de Mme Christine Guéguen ; le marché français de l'audit est fonctionnel et nous pouvons nous réjouir du fait qu'il soit moins concentré que chez nos voisins ; le H3C est reconnu par ses pairs européens et internationaux.

À ce titre, il me revient de saluer la qualité du travail de la cinquantaine de collaborateurs du Haut Conseil, qui ont pu assurer la crédibilité de l'institution dans un temps assez court.

Madame la conseillère, votre mandat, si nos deux assemblées l'autorisent, s'annonce toutefois déjà relativement délicat.

D'abord, c'est un euphémisme que de souligner le difficile accueil que la profession des commissaires aux comptes et leur Compagnie nationale ont réservé au H3C à son instauration : ces relations ont su trouver un modus vivendi sur certains dossiers, mais ne se sont visiblement pas améliorées sur d'autres. La mise sous séquestre des cotisations, il y a près de deux ans, pourrait ainsi rester longtemps dans les mémoires et illustre bien ces difficultés au démarrage. Comme la Cour des comptes l'a relevé, les conventions de délégation signées entre le H3C et la Compagnie ne démontrent pas toutes leur efficience, mais il faut en même temps comprendre qu'elles sont l'occasion, pour l'autorité de régulation, de ne pas entièrement déposséder cette instance représentative. Il y a là un équilibre à trouver. Formulons donc le vœu que la nouvelle mandature qui s'ouvre tant pour le H3C que pour la CNCC soit celle de l'apaisement.

Ensuite, comme membre de la commission des finances et rapporteur spécial des crédits de la mission Justice, je suis obligé d'insister sur la situation financière négative du Haut Conseil. Nous ne pouvons accepter que l'adage « les cordonniers sont les plus mal chaussés » se vérifie et que les réserves du H3C soient le seul recours. Celles-ci ne procèdent au demeurant pas d'excédents antérieurs, mais de sa dotation initiale, en 2003.

Vous l'avez indiqué, le modèle économique actuel du H3C n'est plus viable et des solutions doivent être trouvées, comme la réduction des charges immobilières, le rapatriement de certaines prérogatives − avec les difficultés que l'on sait −, ou l'augmentation des ressources malgré les incertitudes liées à la crise du coronavirus.

Enfin, notre commission a entendu, il y a exactement un mois, M. Patrick de Cambourg, qui nous a expliqué que l'Autorité des normes comptables (ANC) qu'il préside entretenait peu de contacts avec le H3C, mais aussi avec le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables (CSOEC). Il faudra y travailler. Aujourd'hui, vous nous confirmez que de telles interactions sont au mieux anecdotiques et au pire inexistantes. Comme le disait alors Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure, c'est surprenant, mais j'ajoute que cela me paraît dommage et même dommageable.

Monsieur le président, je souhaiterais interroger Mme Peybernes sur cinq points.

Le dispositif permettant aux commissaires aux comptes de solliciter auprès du H3C, à titre exceptionnel, la prolongation de leur mandat (par dérogation aux règles de rotation) ou le dépassement du plafond de leurs honoraires est trop peu connu alors qu'il peut s'avérer très utile. Pourquoi ces leviers sont-ils faiblement mobilisés et dans quelle mesure vous semblent-ils opportuns ?

Alors que le H3C paraît entretenir de bonnes relations de travail avec le service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), comment expliquer et comment répondre au fait que la cybersécurité et la lutte contre le blanchiment d'argent ou la corruption soient parmi les sujets de formation continue les moins suivis par les commissaires aux comptes ?

Pouvez-vous revenir sur l'affaire Agripole jugée le 19 février dernier par le H3C, que vous citez dans vos réponses et par laquelle ont été infligées des sanctions disciplinaires jusqu'ici inédites y compris contre deux des six plus grosses structures françaises : quels étaient les faits d'espèce et en quoi tenez-vous cette décision pour significative par son « ampleur » et « irréprochable » ?

La loi PACTE a ouvert les conditions d'exercice, par les commissaires aux comptes, de divers services en dehors de toute certification : comment renforcer leur indépendance et leur sécurité ?

Enfin, nous avons plusieurs fois eu l'occasion, au cours des derniers mois, d'aborder les progrès de l'information extrafinancière. Estimez-vous qu'il s'agit là d'un champ que le H3C doit mieux investir ?

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Je rejoins le rapporteur sur la situation financière du H3C. Il est logique que nous nous posions des questions à ce sujet et le modèle de routine n'est manifestement pas le bon. En outre, les liens avec la Compagnie doivent être stabilisés et le changement de gouvernance des deux institutions doit le permettre.

Par ailleurs, l'Europe étudie une réforme globale de l'audit, dont les travaux préparatoires commenceront cette année. Voyez-vous des pistes prioritaires à explorer dans ce domaine ?

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Madame, je suis heureuse que notre commission vous accueille pour décider de votre nomination à la tête de l'autorité de contrôle méconnue d'une profession méconnue et souvent mal-aimée.

Vous avez mentionné dans vos réponses que si les relations du H3C avec l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dont les présidents siègent au collège du H3C, sont fluides et courantes, elles sont plus complexes avec les commissaires aux comptes. En effet, la loi PACTE a ébranlé la profession, qui doit maintenant se réinventer dans un contexte qui s'est dégradé. Le relèvement des seuils d'audit fera mécaniquement diminuer le nombre de mandats obligatoires, même si cette évolution se fera dans la durée, jusqu'en 2025, et même si certaines entreprises choisissent de garder des services qui leur permettent de sécuriser leurs demandes de financement.

Vous souhaitez normaliser les relations entre le H3C et les commissaires aux comptes. Quelles actions envisagez-vous ? Comment pensez-vous agir pour préserver l'esprit de la loi PACTE et faire réussir les commissaires aux comptes dans ces nouvelles missions ?

Par ailleurs, comment voyez-vous vos futures relations, en tant que présidente d'une autorité indépendante, avec votre ministère de tutelle, le ministère de la justice ?

En matière de relations internationales, comment comptez-vous défendre, aux plans européen et international, les spécificités de l'audit français ?

Enfin, quelles actions envisagez-vous pour dégager les nécessaires économies que doit réaliser le H3C tout en assurant ses missions de façon plus efficace ? À ce jour, son mode de financement, dans un contexte de crise et de baisse attendue du nombre de mandats, ne semble pas propice à une augmentation des cotisations. En outre, une revue de délégation a déjà été réalisée en fin d'année dernière. Avez-vous envisagé un plan d'économie, notamment sur les quelque 2 millions d'euros de frais de fonctionnement qui font déjà l'objet d'un travail ?

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Je relève que la relation entre le H3C et CNCC répond au triptyque « je te finance, je te contrôle et je te sous-traite ». Il y a là à mon sens quelque chose de paradoxal, qu'en pensez-vous ?

Par ailleurs, nous avons été sollicités par les compagnies régionales, qui ont mentionné 12 400 commissaires aux comptes quand vous parliez de 18 000. Qu'en est-il ? Mettrez-vous en place un suivi de la crise pour les entreprises et les commissaires aux comptes, dont les effectifs auraient baissé de 6 000 personnes en deux ans ? Avez-vous en outre prévu d'intervenir sur la gouvernance de la CNCC ? Certains évoquent la création d'un département chargé des petites et moyennes entreprises (PME) : j'imagine que vous en êtes informée.

Enfin, en matière de budget, j'ai relevé que le H3C disposait de soixante collaborateurs, pour un budget de 7 millions d'euros. La baisse du nombre de commissaires enquêteurs pourrait-elle avoir des conséquences sur le H3C ?

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Beaucoup a déjà été dit par notre rapporteur. Je vous remercie de votre présentation et de vos explications sur le H3C et son fonctionnement. Ce sont des informations dont nous avons besoin. Nous sommes tout à fait rassurés sur vos compétences et votre expérience de gestion de fonds publics, comme des questions de déontologie et de votre habitude du dialogue. Cette institution travaille en effet avec de nombreux partenaires : l'ANC, l'ACPR, l'AMF, la CNCC. De manière générale, comment jugez-vous la qualité de ces relations ?

Le déséquilibre financier est récurrent, avec un déficit de l'ordre de 1,7 million d'euros en 2020, qui ne peut être comblé que grâce aux réserves. Nous avons le sentiment d'un effet de ciseaux. La Cour des comptes demande davantage de contrôles, que vous souhaitez optimiser. Vous avez mentionné quelques pistes d'économies, qui semblent néanmoins limitées, et la possibilité de revoir les conventions avec la CNCC. Quel poids pouvez-vous avoir sur la négociation de ces contrats ? Il y a des écarts remarquables, puisqu'il était question de 750 000 euros en 2017, contre 1,3 million d'euros en 2019.

Enfin, j'ai une dernière question sur vos relations avec vos homologues internationaux : quelles pourraient être les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne dans vos relations avec le régulateur comptable britannique ?

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En tant qu'autorité, vous vous situez au-dessus, et vous définissez des normes. Comment envisagez-vous l'amélioration de la qualité des systèmes normatifs ? Si vous êtes en position d'introduire des normes et de la déontologie, vous intervenez également dans des secteurs concurrentiels. Vous êtes à la fois au-dessus et dedans. Cela me semble quelque peu paradoxal. Comment concilier ces missions de définition de normes et contractuelles ?

La loi PACTE a bouleversé l'organisation du secteur. Il est encore tôt pour évaluer ses effets, pour autant le contexte sanitaire et de crise sociale et économique permet peut-être de donner une tendance, notamment sur le relèvement des seuils de contrôle ?

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Florence Peybernes

Je vous propose de revenir d'abord sur l'affaire Agripole. Il s'agit d'une société dont la comptabilité était falsifiée. L'enjeu était de savoir s'il était possible de reprocher au plan déontologique aux commissaires aux comptes de ne pas avoir détecté ces fraudes ou simplement de ne pas s'être conformés aux règles déontologiques. Résolument, le juge a retenu cette deuxième option. Il reproche aux commissaires aux comptes d'avoir certifié des comptes qui n'auraient pas dû l'être, alors même qu'ils avaient relevé certains éléments sujets à caution, sans émettre de réserves, ou de ne pas s'être suffisamment assurés lors de l'exercice suivant que, par exemple, des factures du précédent avaient bien été réglées. Le trop grand manque d'indépendance d'un commissaire vis-à-vis des dirigeants de la société lui a également été reproché, avec des relations extraprofessionnelles et des échanges de fonds, même sans grande importance. Enfin, les audits réalisés n'ont pas été suffisamment documentés, ce qui ne permettait pas de s'assurer de leur réalité.

La décision est également sévère car, en matière de co-commissariat, qui constitue une remarquable spécificité française – que je tiens personnellement pour excellente –, la règle pose le principe d'un équilibre entre les missions des deux commissaires. Mais en l'occurrence, la mission de l'un des deux ne représentait que 3 % de l'audit.

Il n'y a donc aucune incidence de cette décision du H3C sur la procédure pénale conduite par le tribunal judiciaire de Paris, qui recherche d'éventuelles infractions pénales. Les sanctions prononcées concernent à la fois des commissaires aux comptes appartenant à des structures de petite taille et d'autres qui font partie des cinq principaux cabinets français.

La décision motive sérieusement les peines qu'elle prononce et ne se montre pas plus sévère qu'il ne le faudrait : des salariés sont en jeu.

Enfin, une partie des faits a été commise sous l'empire de la précédente loi. Le H3C ne pouvait donc pas infliger d'amende à ce titre.

En ce qui concerne la loi PACTE, le véritable enjeu est de s'assurer que la profession pourra s'emparer des nouvelles missions que cette loi propose. Certaines sont concurrentielles et peuvent aussi être exercées par des experts-comptables. Pour les autres, il revient à la profession de s'en emparer. Le H3C doit l'y aider. Dans les formations dispensées par la Compagnie nationale et les compagnies régionales, ces sujets ne sont pas encore suffisamment abordés. Il faudra définir un plan de formation sur ces sujets, comme sur les questions de blanchiment. Je me rapprocherai du nouveau président de la Compagnie nationale pour en discuter et déterminer comment intéresser davantage les commissaires aux comptes à ces questions. Il y a là un travail à réaliser avec TRACFIN.

J'ai peu abordé la question des relations internationales du H3C. Elles se jouent à deux niveaux. Le premier est la coopération avec le Committee of European audit oversight bodies (CEAOB), qui conseille la Commission européenne sur les questions d'audit. Le représentant international de Mme Guéguen, M. Parent, a été élu à sa tête. Il a donc un rôle très important à jouer, notamment à l'occasion de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Les normes comptables françaises et continentales sont plus solides que les règles anglo-saxonnes et moins sujettes à interprétation. Il revient au H3C de travailler à les faire prévaloir au niveau international.

Par ailleurs, le H3C – déjà membre du board – s'est lancé dans une campagne électorale auprès de l' International forum of international audit regulators (IFIAR), qui regroupe 56 institutions similaires dans le monde et doit élire ses président et vice-président en avril prochain. M. William di Cicco, membre du collège du H3C, est candidat à la vice‑présidence, avec l'objectif d'en prendre la présidence d'ici deux ans. Cette action induit des dépenses supplémentaires pour le H3C, afin de soutenir la campagne et d'organiser un colloque si ce candidat est élu. Ce sujet renvoie donc aux inquiétudes sur l'équilibre budgétaire du H3C.

Vous avez posé une question sur les rapports du H3C avec son ministre de tutelle, c'est-à-dire le ministre de la justice. Il ne s'agit en fait pas de son seul tuteur : il y a aussi des échanges avec la direction générale du Trésor. Ces deux autorités ne sont pas toujours d'accord mais elles sont ces derniers temps davantage sur la même longueur d'ondes et cela me facilitera la tâche. J'ai naturellement de bons rapports avec la direction des affaires civiles et du sceau. Il ne me semble pas possible de bien piloter le H3C sans être un interlocuteur reconnu par ces deux ministères, sans oublier que c'est le garde des Sceaux qui homologue les normes d'exercice professionnel que le collège élabore. Il y a donc des échanges réguliers, hebdomadaires, même si en tant que magistrat du siège j'ai un sens de l'indépendance et du respect de la loi chevillé au corps.

Vous avez posé la question du dispositif qui permet aux commissaires aux comptes de solliciter la prolongation de leur mandat ou le dépassement de leurs honoraires. C'est un point qui est effectivement perdu de vue par la profession et il convient d'y travailler. Ce dispositif est très peu utilisé et souvent trop tard, c'est-à-dire après le dépassement du mandat ou des honoraires.

Je relève que vous ne préconisez pas une augmentation des cotisations. Je peux néanmoins indiquer que l'on peut avoir effectivement le sentiment d'être pris en tenailles. Le H3C a subi la pression financière organisée de la profession, qui a cessé de payer ses cotisations et surfacturé ses prestations. Ce n'est pas admissible de la part de commissaires aux comptes vis‑à‑vis desquels nous avons des exigences déontologiques très fortes, au-delà de celles demandées aux experts-comptables. Le H3C réalisera des économies, notamment en ayant repris à son compte le contrôle de la liste, soit 18 000 inscrits, dont, pour répondre à la question de M. Jerretie, 12 000 qui exercent effectivement. C'est un peu comme les avocats…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne sais pas si nous voulons commencer à parler des avocats aujourd'hui !

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Florence Peybernes

Il revient moins cher d'exercer directement ce contrôle que de le déléguer à la Compagnie nationale. Le rapport de la Cour des comptes sur cette question est tout à fait éclairant, précis et équilibré et je vous invite à le consulter.

La Cour note que l'interdépendance de la Compagnie avec son régulateur constitue un compromis assez particulier construit par le législateur. Nous ne devons pas connaître ce qu'ont subi l'Allemagne avec le scandale Wirecard ou le Royaume-Uni, avec des entreprises qui présentaient des comptes totalement falsifiés. Seule une collaboration efficace entre le H3C et la Compagnie permettra de l'éviter.

Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du Règlement, sur la nomination envisagée de Mme Florence Peybernes aux fonctions de présidente du Haut Conseil du commissariat aux comptes.

La commission procède au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette nomination opéré par la commission des finances du Sénat.

Les résultats du scrutin auquel il a été procédé sont les suivants :

Nombre de votants : 22

Bulletins blancs ou nuls : 0

Suffrages exprimés : 22

Avis favorables : 22

Avis défavorables : 0

La commission a émis un avis favorable à la nomination de Mme Florence Peybernes aux fonctions de présidente du Haut Conseil du commissariat aux comptes.