Intervention de Florence Peybernes

Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Florence Peybernes :

Je vous propose de revenir d'abord sur l'affaire Agripole. Il s'agit d'une société dont la comptabilité était falsifiée. L'enjeu était de savoir s'il était possible de reprocher au plan déontologique aux commissaires aux comptes de ne pas avoir détecté ces fraudes ou simplement de ne pas s'être conformés aux règles déontologiques. Résolument, le juge a retenu cette deuxième option. Il reproche aux commissaires aux comptes d'avoir certifié des comptes qui n'auraient pas dû l'être, alors même qu'ils avaient relevé certains éléments sujets à caution, sans émettre de réserves, ou de ne pas s'être suffisamment assurés lors de l'exercice suivant que, par exemple, des factures du précédent avaient bien été réglées. Le trop grand manque d'indépendance d'un commissaire vis-à-vis des dirigeants de la société lui a également été reproché, avec des relations extraprofessionnelles et des échanges de fonds, même sans grande importance. Enfin, les audits réalisés n'ont pas été suffisamment documentés, ce qui ne permettait pas de s'assurer de leur réalité.

La décision est également sévère car, en matière de co-commissariat, qui constitue une remarquable spécificité française – que je tiens personnellement pour excellente –, la règle pose le principe d'un équilibre entre les missions des deux commissaires. Mais en l'occurrence, la mission de l'un des deux ne représentait que 3 % de l'audit.

Il n'y a donc aucune incidence de cette décision du H3C sur la procédure pénale conduite par le tribunal judiciaire de Paris, qui recherche d'éventuelles infractions pénales. Les sanctions prononcées concernent à la fois des commissaires aux comptes appartenant à des structures de petite taille et d'autres qui font partie des cinq principaux cabinets français.

La décision motive sérieusement les peines qu'elle prononce et ne se montre pas plus sévère qu'il ne le faudrait : des salariés sont en jeu.

Enfin, une partie des faits a été commise sous l'empire de la précédente loi. Le H3C ne pouvait donc pas infliger d'amende à ce titre.

En ce qui concerne la loi PACTE, le véritable enjeu est de s'assurer que la profession pourra s'emparer des nouvelles missions que cette loi propose. Certaines sont concurrentielles et peuvent aussi être exercées par des experts-comptables. Pour les autres, il revient à la profession de s'en emparer. Le H3C doit l'y aider. Dans les formations dispensées par la Compagnie nationale et les compagnies régionales, ces sujets ne sont pas encore suffisamment abordés. Il faudra définir un plan de formation sur ces sujets, comme sur les questions de blanchiment. Je me rapprocherai du nouveau président de la Compagnie nationale pour en discuter et déterminer comment intéresser davantage les commissaires aux comptes à ces questions. Il y a là un travail à réaliser avec TRACFIN.

J'ai peu abordé la question des relations internationales du H3C. Elles se jouent à deux niveaux. Le premier est la coopération avec le Committee of European audit oversight bodies (CEAOB), qui conseille la Commission européenne sur les questions d'audit. Le représentant international de Mme Guéguen, M. Parent, a été élu à sa tête. Il a donc un rôle très important à jouer, notamment à l'occasion de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Les normes comptables françaises et continentales sont plus solides que les règles anglo-saxonnes et moins sujettes à interprétation. Il revient au H3C de travailler à les faire prévaloir au niveau international.

Par ailleurs, le H3C – déjà membre du board – s'est lancé dans une campagne électorale auprès de l' International forum of international audit regulators (IFIAR), qui regroupe 56 institutions similaires dans le monde et doit élire ses président et vice-président en avril prochain. M. William di Cicco, membre du collège du H3C, est candidat à la vice‑présidence, avec l'objectif d'en prendre la présidence d'ici deux ans. Cette action induit des dépenses supplémentaires pour le H3C, afin de soutenir la campagne et d'organiser un colloque si ce candidat est élu. Ce sujet renvoie donc aux inquiétudes sur l'équilibre budgétaire du H3C.

Vous avez posé une question sur les rapports du H3C avec son ministre de tutelle, c'est-à-dire le ministre de la justice. Il ne s'agit en fait pas de son seul tuteur : il y a aussi des échanges avec la direction générale du Trésor. Ces deux autorités ne sont pas toujours d'accord mais elles sont ces derniers temps davantage sur la même longueur d'ondes et cela me facilitera la tâche. J'ai naturellement de bons rapports avec la direction des affaires civiles et du sceau. Il ne me semble pas possible de bien piloter le H3C sans être un interlocuteur reconnu par ces deux ministères, sans oublier que c'est le garde des Sceaux qui homologue les normes d'exercice professionnel que le collège élabore. Il y a donc des échanges réguliers, hebdomadaires, même si en tant que magistrat du siège j'ai un sens de l'indépendance et du respect de la loi chevillé au corps.

Vous avez posé la question du dispositif qui permet aux commissaires aux comptes de solliciter la prolongation de leur mandat ou le dépassement de leurs honoraires. C'est un point qui est effectivement perdu de vue par la profession et il convient d'y travailler. Ce dispositif est très peu utilisé et souvent trop tard, c'est-à-dire après le dépassement du mandat ou des honoraires.

Je relève que vous ne préconisez pas une augmentation des cotisations. Je peux néanmoins indiquer que l'on peut avoir effectivement le sentiment d'être pris en tenailles. Le H3C a subi la pression financière organisée de la profession, qui a cessé de payer ses cotisations et surfacturé ses prestations. Ce n'est pas admissible de la part de commissaires aux comptes vis‑à‑vis desquels nous avons des exigences déontologiques très fortes, au-delà de celles demandées aux experts-comptables. Le H3C réalisera des économies, notamment en ayant repris à son compte le contrôle de la liste, soit 18 000 inscrits, dont, pour répondre à la question de M. Jerretie, 12 000 qui exercent effectivement. C'est un peu comme les avocats…

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