Intervention de Olivier Garnier

Réunion du mardi 24 mars 2020 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Olivier Garnier, directeur général des statistiques, des études et de l'international de la Banque de France :

Je répondrai aux questions sur l'épargne, la dette et les taux d'intérêt.

Le phénomène de surplus d'épargne financière n'est pas spécifique à la France, mais se manifeste dans toute l'Europe et aux États-Unis. Cette épargne est extrêmement liquide, puisque constituée essentiellement par des dépôts. Les agrégats monétaires M2 et M3 connaissent, un peu partout dans le monde, des croissances à deux chiffres. La question se pose de l'utilisation de cette épargne, qui pourrait profiter à la consommation, mais aussi au logement, comme le montre, pour le cas de la France, qui n'est pas isolé, le fait que la récession ne s'accompagne pas d'une baisse de l'immobilier. Par ailleurs, les dépenses des ménages, ces derniers mois, se sont beaucoup focalisées sur l'équipement du domicile et le mobilier. Une partie de l'épargne considérée pourrait donc être reversée dans le secteur du logement.

La hausse supplémentaire du surplus d'épargne, avec l'atteinte potentielle de 160 milliards d'euros à fin 2021, serait due au fait que la consommation ne reviendra pas au niveau précédent, alors que les restrictions se poursuivront, notamment en matière de tourisme, de voyages, voire d'autres types de dépenses. Dans un contexte où les revenus demeurent stables, ou presque, l'épargne continue d'augmenter.

S'agissant de l'efficacité de cette épargne et de la capacité de financement qu'elle permet au niveau national, il faut savoir que l'État français s'endette quoi qu'il en soit sur les marchés. L'épargne des ménages permet aux banques d'acheter des obligations, si elle fait l'objet de dépôts bancaires, ou donne la possibilité aux organismes d'assurance vie d'investir dans des emprunts d'État, le cas échéant.

Le président Éric Woerth, d'une façon un peu provocatrice, estime que la dette n'est pas aussi lourde que son niveau semble l'attester. La forte hausse de cette dernière, de plus de 200 milliards d'euros, s'ajoute au fait que la crise nous a surpris à un moment où le ratio d'endettement des entreprises était déjà supérieur en France à celui de ses partenaires de la zone euro. Nous sommes le seul pays de cette zone où la dette des entreprises a continué d'augmenter dans la période ayant suivi la grande crise financière. Leur trésorerie a crû à due concurrence, ce qui n'est pas surprenant, puisque les crédits font les dépôts. Une entreprise ayant souscrit un PGE peut ainsi le garder, en dépôt, à titre de précaution, si elle n'en a pas réellement besoin. Dans le cas contraire, elle paye son fournisseur, qui lui-même se retrouve avec un excédent de trésorerie. La question de la répartition de la trésorerie est donc importante. Le montant de 15 milliards d'euros évoqué représente la différence entre les augmentations de dette brute et de trésorerie.

Les données relatives aux volumes des crédits par secteurs sont exprimées en taux de variation. Entre décembre 2019 et décembre 2020, la hausse s'est établie à 30 % dans la construction et 20 % environ dans l'industrie. En revanche, les encours de dette dans l'industrie sont deux fois et demi plus importants que dans la construction. L'augmentation en valeur absolue des crédits au premier secteur a largement surpassé ceux consentis au second.

Pour appuyer les propos de Jean-Luc Tavernier sur les taux d'intérêt, personne ne peut dire si la propension actuelle se maintiendra. Un consensus se manifestait, encore récemment, chez les économistes pour convenir de la persistance d'un contexte de taux bas. Le débat évolue, notamment aux États-Unis, où des spécialistes analysent, au regard de cet indicateur, d'autres indices, comme le vieillissement de la population et la pénurie de main-d'œuvre en âge de travailler. Par ailleurs, si les restrictions aux échanges perdurent ou si les coûts de ces derniers s'accroissent, du fait par exemple de pénuries de containers ou de personnel pour les décharger dans les ports, tandis que les prix des matières premières affichent des tendances à la hausse, l'idée que l'inflation a disparu pourrait être remise en question. Le diagnostic de la Banque centrale européenne demeure que le niveau actuel de l'inflation est trop bas. Son évolution à cinq ou dix ans n'est pas prévisible.

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