Je vous fais part, de manière courtoise, de mon profond désaccord avec les conclusions de votre rapport. Vous écrivez, monsieur le président Arthuis, que les dépenses devront, dans les années à venir, augmenter moins vite que les recettes. Cela signifie que pour résorber la « dette covid », il faudra être à l'équilibre budgétaire, ou en excédent. Or vous écartez toute hausse de recettes fiscales et considérez donc qu'il faudra réduire nos dépenses publiques, ce qui est la définition même de l'austérité – même si vous récusez ce terme.
Nous avons pourtant d'autres solutions : vous indiquez dans votre rapport que la dette covid de la France est détenue à 80 % par la BCE ou les banques centrales nationales ; la banque de France en possède ainsi 400 milliards d'euros. Cette dette n'est plus détenue par les marchés mais par nous-mêmes. Il n'y aura donc pas de défaut sur les marchés si nous annulons cette dette. Vous dites qu'il y a des risques que nous ne touchions pas nos propres dividendes : je ne pense pas que ce risque soit plus grave que celui de connaître des années d'austérité.
Vous parlez également des risques d'inflation mais ce risque est très incertain. Vous vous fondez sur la hausse de l'inflation aux États-Unis mais je vous rappelle que le plan de relance de Joe Biden, d'un montant de 1 900 milliards de dollars, est près de trois fois supérieur à celui de l'Union européenne. Si 1 % d'inflation correspond à 30 milliards d'euros de charge de la dette en plus, est-ce que ces 30 milliards valent des années d'austérité ?
Enfin, vous parlez d'une menace sur la crédibilité de l'euro, sans apporter de preuve.
Je relève donc que nous avons, d'un côté, concernant l'annulation de la dette, des risques, des « si » et, de l'autre, des certitudes sur la baisse des dépenses publiques. C'est cette baisse des dépenses publiques, notamment des dépenses de l'hôpital public ou des services publics, qui explique aussi que nous avons tant de mal à répondre à la crise actuelle.
Vous écartez également la dette perpétuelle. Or elle existe déjà, puisque nous ne remboursons que les intérêts de notre dette, jamais le capital. Nous parlons souvent du remboursement de la dette pour imposer des réformes structurelles telles que la réforme des retraites ou des allocations-chômage.
Enfin, je suis très inquiet de la proposition que vous faites concernant la mise en place d'une norme de dépenses pluriannuelles supervisée par le Haut Conseil des finances publiques, qui je le rappelle, est une émanation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Notre souveraineté est déjà corsetée par la règle d'or européenne et vous estimez qu'il faudrait une règle d'or supplémentaire, qui reléguerait le Parlement à un rôle de contrôle. J'ajoute par ailleurs que je suis très inquiet à propos de la proposition de loi organique visant à modifier la LOLF qui sera déposée prochainement. Je crains qu'elle ne reprenne une partie de vos propositions.