Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mardi 27 avril 2021 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance :

Puisque nous sommes tenus d'être à dix-neuf heures quinze au Sénat, ma présentation sera rapide. Pourquoi un plan de relance européen ? Pour une raison simple : face à la crise économique la plus grave depuis 1929, nous l'avons évaluée ensemble et nous avons réagi avec des instruments communs. Je tiens à noter que c'est la première fois dans l'histoire européenne que, face à une crise économique, nous mettons en place exactement les mêmes instruments, notamment la France et l'Allemagne : prêts garantis par l'État, fonds de solidarité pour les entreprises, exonérations de charges et travail partiel. La réponse a été la même. Il est désormais temps de relancer l'activité économique. Là aussi, je note un consensus : nous sommes tous d'accord pour dire que la priorité va à la relance de l'activité économique et que le rétablissement des comptes publics, qui est évidemment nécessaire, ne doit intervenir que dans un second temps, ce qui constitue une vraie différence de méthode et de calendrier par rapport à la crise de 2009, dont nous avons tiré les leçons.

Les plans de relance nationaux s'articulent avec le plan de relance européen. Nous avons 100 milliards d'euros de plan de relance français, dont 40 milliards sont apportés par les financements européens. Précisons immédiatement que ces 40 milliards sont des subventions : de l'argent apporté directement par l'Union européenne à la nation française. Ils répondent à une clé de répartition définie en fonction des niveaux d'activité des années précédentes. Cela explique, par exemple, que l'Italie, qui avait une croissance plus faible que la nôtre et qui a été touchée plus durement que nous au début de la crise, ait, à PNB quasiment équivalent, un montant de subventions plus important, avec 67 milliards d'euros. Cela est lié à la méthode de calcul, qui tient compte du PNB et de la gravité de la crise sanitaire. Des réévaluations seront possibles au fil du déboursement du plan de relance européen, en fonction de l'évolution de la crise sanitaire.

Deuxième remarque technique : contrairement à d'autres pays comme l'Italie, nous avons fait le choix de ne pas demander de prêts européens mais seulement des subventions. L'Allemagne a fait de même, et disposera d'un peu plus de 20 milliards d'euros. Nous estimons que les taux d'intérêt à dix ans ne justifient pas que nous recourions à des prêts européens : l'Allemagne emprunte à des taux négatifs et nous empruntons, quant à nous, à un taux proche de zéro, voire négatif, alors que l'Italie emprunte à 0,85 %.

Comment ces 40 milliards d'euros seront-ils employés ? Nous avons fait le choix d'investir massivement dans l'écologie, puisque la moitié des subventions européennes ira à la transition écologique, afin de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport aux années 1990 d'ici à 2030. Ce volet comprendra aussi la rénovation énergétique des bâtiments, MaPrimeRénov', la lutte contre l'artificialisation des sols, la défense de la biodiversité ou le financement de notre plan hydrogène, qui est l'un des éléments structurants de nos choix technologiques d'avenir. 20 milliards d'euros iront à la transition écologique : c'est un choix politique lourd. Un autre gros quart des fonds ira à la digitalisation. La France a pris du retard en matière de digitalisation de ses PME et de son industrie notamment. Nous allons investir dans le cloud et dans cette transformation numérique des PME, laquelle, soit dit en passant, est l'un des programmes du plan de relance qui marchent le mieux : alors que nous avions prévu 280 millions d'euros pour le crédit d'impôt que nous avons instauré, nous allons probablement dépenser près d'un milliard d'euros. C'est dire qu'il y avait un vrai appétit pour cette question. Le troisième volet a trait à la cohésion sociale et territoriale, avec notamment des mesures pour les jeunes, les primes à l'embauche ou celles dédiées à l'apprentissage.

Quand toucherons-nous ces 40 milliards d'euros ? Je souhaite que ce soit au plus tard en septembre. Nous commencerons par percevoir 13 % du montant total, c'est-à-dire 5,1 milliards d'euros. J'ai fixé la date limite au début du mois de septembre. Si les subventions arrivent plus tôt, tant mieux, ce sera le signe de la bonne exécution du plan européen.

Enfin, quelles réformes avons-nous inscrites à l'agenda du plan de relance européen ? D'abord, toutes les propositions que nous faisons sont conformes aux choix politiques présentés par le Président de la République lors de son élection en 2017. La Commission européenne ne vient donc pas nous imposer de nouvelles réformes pour bénéficier des 40 milliards d'euros, que cela soit clair. Les réformes que nous avons indiquées dans nos fameux milestones, ces étapes que la France se propose d'accomplir, ont été validées par le peuple français dans le cadre de l'élection présidentielle.

Par exemple, comme le montre le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, la volonté d'accélérer la lutte contre le changement climatique faisait partie de notre projet politique. Il en est de même de la réforme de l'assurance chômage, qui a été votée avant l'adoption du plan de relance européen, de la meilleure gouvernance des finances publiques et de la revue de l'efficacité de la dépense publique. Je me suis suffisamment exprimé à ce propos depuis plus de quatre ans pour que ces réformes ne soient pas imputées au plan de relance européen.

Je tiens à préciser que, si la réforme des retraites, techniquement, ne figure pas dans les rendez-vous que nous avons indiqués à nos partenaires européens, je la crois nécessaire pour assurer l'équilibre du système de retraites par répartition et, surtout, la prospérité des générations à venir.

Enfin, j'ai présenté aujourd'hui ce plan – que nous déposerons formellement demain devant la Commission européenne – au même moment où Olaf Scholz, le vice-chancelier allemand et ministre fédéral des finances déposera le plan allemand. En effet, nous avons travaillé main dans la main avec l'Allemagne depuis le début de cette crise : l'idée même d'un plan de relance est née de la coordination franco-allemande : les premières décisions prises par les ministres des finances au mois de mars et d'avril l'ont été sous notre impulsion ; la décision d'émettre des dettes en commun – qui nous permet de bénéficier de ces financements – a été prise par le Président de la République et la Chancelière. À mes yeux, ce plan de relance européen est l'aboutissement d'une coopération franco-allemande très étroite et efficace depuis le début de cette crise.

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