Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Marlène Schiappa, ministre déléguée :

La sécurité est l'une des priorités du Gouvernement. Au cours de l'année 2020, les forces de sécurité intérieure ont été mobilisées d'une manière exceptionnelle, du fait de la menace terroriste mais aussi de groupes violents et imprévisibles, sans parler de l'insécurité du quotidien qui nécessite une attention de chaque instant. Enfin, les forces de l'ordre comme celles de sécurité civile ont été en première ligne pour lutter contre la pandémie.

Après avoir répondu à vos rapporteurs spéciaux, j'expliquerai comment les priorités de la mission Sécurités se reflètent dans l'exécution budgétaire de l'année 2020. Tout d'abord, je salue le travail approfondi des rapporteurs spéciaux tant pour les programmes Police nationale et Gendarmerie nationale que pour le programme Sécurité civile. Les rapports de MM. Romain Grau et Bruno Duvergé concernent des missions support de soutien à nos forces de sécurité intérieure. Ces missions sont essentielles, qu'il s'agisse des achats, de la maintenance ou de la logistique. C'est le nerf de la guerre. Sans une fonction soutien efficace, les forces de sécurité intérieure ne pourraient remplir leurs missions.

Vous avez commencé par examiner la fonction achat du ministère de l'intérieur, qui a connu une évolution majeure en 2020 du fait de la création d'un service mutualisé d'achats au bénéfice de la police et de la gendarmerie. Cela a permis de mener une politique de l'achat rénovée, plus ambitieuse et efficace, rattachée au secrétariat général, au sein de la direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier (DEPAFI), qui regroupe l'intégralité des fonctions achat et approvisionnement logistique, pour l'ensemble des directions régionales, directions et délégations du ministère de l'intérieur.

Le ministre de l'intérieur et moi-même lui avons fixé comme objectif d'acheter aux meilleures conditions économiques, d'harmoniser les activités d'achat et logistiques au niveau national. Ces efforts de mutualisation permettent de concilier les gains budgétaires et les besoins des utilisateurs.

Dans le cadre de la mission d'évaluation, je partage votre objectif de contrôler que ce nouveau service ait bien répondu aux attentes. Il s'agissait tout d'abord de dégager des économies en optimisant les achats pour l'ensemble du ministère. La trajectoire initiale d'économies budgétaires a été fixée à 106 millions d'euros entre 2020 et 2021. À ce jour, 71 millions ont pu être économisés. Sans les achats rendus nécessaires pour affronter la crise sanitaire, notre objectif aurait été dépassé.

Pour ce qui est de l'équipement et de la logistique, la mutualisation entre la gendarmerie nationale et la police nationale est systématique puisque seuls les besoins spécifiques sont traités de manière autonome. Les achats mutualisés d'habillements, de moyens mobiles, d'équipements, de protections balistiques, d'armements, de munitions, permettent de réaliser des économies.

Nous avons souhaité, par ailleurs, mutualiser les achats entre la police, la gendarmerie, voire la sécurité civile. Aujourd'hui, cinq marchés sont mutualisés pour une trentaine de produits – casques et tenues moto, tenues de combat de la force d'intervention de la police nationale (FIPN) et du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), tenues de montagne, matériel pare-coups. Pour l'habillement, plus de quatre-vingts produits sont totalement mutualisés et une vingtaine le sont partiellement. Le Gouvernement est soucieux d'accélérer cette politique afin de raccourcir les délais de mise à disposition des équipements aux forces sur le terrain.

Nous voulons enfin que l'argent public consacré à ces achats alimente une filière française d'excellence, dans le respect de la commande publique telle qu'elle est réglementée au niveau européen. Nous tenons à acheter le meilleur produit au meilleur coût.

J'en viens à une fonction dite support : l'entretien et le renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile, constituée de vingt avions et de trente-quatre hélicoptères. Les avions reposent sur trois types de vecteurs qui ont chacun une finalité : trois avions de commandement et d'investigation, douze avions bombardiers d'eau amphibies, cinq avions polyvalents ravitaillés au sol Dash-8. Trois supplémentaires seront livrés d'ici fin 2022. La flotte des hélicoptères est constituée de trente-quatre hélicoptères du même type et deux hélicoptères supplémentaires ont été acquis grâce au plan de relance. Ils seront livrés dès cet automne pour approcher le nombre des trente-huit appareils qui constituaient la flotte des années antérieures.

L'activité de la flotte hélicoptère a augmenté de 70 % depuis 2002 puisque nous sommes passés de 10 000 à 17 000 missions par an. Le ministère de l'intérieur consacre chaque année environ 75 millions d'euros à leur maintenance – 46 millions pour les avions, 28 millions pour les hélicoptères. Afin d'améliorer la politique d'entretien, le marché du maintien opérationnel des hélicoptères a été mutualisé entre la sécurité civile et la gendarmerie. Ainsi, la base aérienne de la sécurité civile à Nîmes accueille deux emplacements, au profit de la gendarmerie, pour l'entretien des hélicoptères. Les deux directions mutualisent aussi les pièces, les outils et le savoir-faire des techniciens. Le Gouvernement attache une grande importance aux moyens aéroportés de la sécurité civile. La question de poursuivre leur renouvellement, du fait de l'âge de la flotte des avions et des hélicoptères, se posera dans le cadre des futures lois de finances et au regard des équilibres budgétaires d'ensemble, même si j'ai bien noté votre soutien à cette dépense.

L'année 2020 fut affectée par la crise sanitaire, sans pour autant que les grandes priorités ne soient abandonnées. Pour l'ensemble de la mission, l'écart entre les prévisions et l'exécution est faible, de l'ordre de 0,2 %, notamment parce que le Gouvernement a proposé au Parlement, en loi de finances rectificative, de compléter les crédits nécessaires à la lutte contre la pandémie. La police nationale a veillé à poursuivre ses actions de police de sécurité du quotidien, de lutte contre la délinquance, afin de respecter les priorités engagées en faveur de la sécurité des Français. Les effectifs ont bien été consolidés par le plan de création de 10 000 postes. La lutte contre les stupéfiants, priorité du Gouvernement, s'est concrétisée grâce au déploiement progressif de la forfaitisation des amendes pour usage de stupéfiants, qui a été généralisée à l'ensemble du territoire national en 2020. Les retours sont positifs. Le nouveau schéma national du maintien de l'ordre, instauré le 1er septembre et qui a commencé à se déployer, s'est traduit par un renforcement du renseignement en amont des événements de voie publique, la clarification des sommations, la pratique d'intervention rapide pour interpeller les auteurs de violences et l'encadrement de l'usage des armes intermédiaires. Le programme a également soutenu ces différents investissements budgétaires dans les équipements, l'immobilier, le numérique, l'action sociale, au profit des agents. Grâce aux crédits de la loi de finances rectificative, le renouvellement de 25 % du parc automobile a pu être engagé dès 2020. Nous en avons reçu des échos positifs. Le ministre de l'intérieur a également engagé le plan de rénovation de l'immobilier du quotidien dit « poignées de porte », pour améliorer les conditions de travail des policiers.

La crise sanitaire a rendu nécessaires des dépenses supplémentaires en 2020, de l'ordre de 55 millions d'euros, notamment pour équiper les forces en protections sanitaires et accompagner leur télétravail par la fourniture de terminaux mobiles. Les policiers ont renforcé, durant le confinement, la lutte contre les violences intrafamiliales, qui est l'une des trois priorités du ministère de l'intérieur. À cela s'ajoute l'accueil dédié, dans les commissariats, aux victimes de violences conjugales par des services spécialisés, qui associent policiers référents et psychologues, grâce à l'engagement de quatre-vingts intervenants sociaux en brigades de gendarmerie et dans les commissariats. C'était l'un des objectifs du Grenelle des violences conjugales, qui a été rempli et dépassé puisque nous en sommes à quatre-vingt-quinze intervenants.

De même, pour ce qui est de la gendarmerie, les missions prioritaires ont été assurées, malgré le surcoût. La crise nous a conduits à prendre des mesures exceptionnelles. Dans le domaine immobilier, le plan « poignées de porte », lancé à l'initiative du ministre de l'intérieur, a permis d'engager 3 000 opérations localement.

Par ailleurs, les lois de finances rectificatives ont permis d'acquérir dix hélicoptères et de poursuivre en 2021 le renouvellement des véhicules par un plan d'équipement à hauteur de 13 millions d'euros. Pas moins de 3 500 véhicules, dont 636 véhicules électriques, ont ainsi pu être commandés.

La sécurité civile a, elle aussi, été très mobilisée du fait de la crise sanitaire. Des crédits complémentaires ont été affectés à la prise en charge des tests antigéniques dans les aéroports. Ainsi, 4,5 millions d'euros ont été transférés du ministère de la santé. Ce dernier a souhaité, en outre, attribuer plus de 21 millions aux associations agréées de sécurité civile, qui ont subi de lourdes pertes du fait de l'annulation des manifestations sportives et culturelles mais qui ont, malgré tout, continué à accompagner l'État. Je salue leur engagement et leur travail.

La pandémie a également frappé la politique de sécurité routière. D'un côté, des économies ont été réalisées en raison de la baisse du nombre d'activités évènementielles, de la diminution des frais de déplacement des inspecteurs du permis de conduire et de la baisse du nombre de prêts financés pour le passage du permis de conduire – 64 000 en 2020 contre 84 000 en 2019. Ces moindres dépenses ont permis, de l'autre côté, d'apporter un soutien exceptionnel aux associations et de financer des vacations pour les inspecteurs du permis de conduire à l'automne afin de résorber le retard accumulé dans le passage de cet examen, du fait des mesures de distanciation physique.

Je remercie l'ensemble des forces de sécurité intérieure qui ont témoigné d'un engagement et d'un professionnalisme exceptionnels : policiers, gendarmes, pompiers volontaires et professionnels, mais aussi fonctionnaires des services en soutien, en administration centrale comme en territoriale. La sollicitation du ministère de l'intérieur comme d'autres services de l'État fut exceptionnelle, ce qui n'a pas empêché de poursuivre les actions prioritaires en dehors de la crise sanitaire. De nombreux nouveaux chantiers ont été engagés.

J'en viens aux questions qui m'ont été posées. Concernant les heures supplémentaires de la police, en deux ans nous avons indemnisé 5,6 millions d'heures supplémentaires, ce qui représente un montant de 71,3 millions d'euros. Nous rattrapons un niveau de stocks équivalent à celui de 2015. Les campagnes sur les heures supplémentaires sont efficaces.

Les caméras-piétons devraient être généralisées à partir du 1er juillet. Des policiers et des gendarmes ont relevé les limites techniques de ces dispositifs mais les forces de l'ordre disposaient jusqu'à présent d'un modèle dont l'autonomie était jugée insuffisante et la fixation de mauvaise qualité. Nous avons lancé, avec le ministre de l'intérieur, un nouveau marché. De nouvelles caméras seront distribuées dès le 1er juillet 2021. Les modèles ont été définis et sélectionnés en lien étroit avec les policiers et les gendarmes. Ils ont été testés, à la demande du ministère de l'intérieur, par ces policiers et gendarmes, sur le terrain, en conditions réelles. Je tiens à votre disposition les critères qui ont présidé à leur sélection.

Par ailleurs, nous souhaitons atteindre l'objectif de 50 000 réservistes dans la gendarmerie nationale et créer 30 000 postes de réservistes dans la police nationale, suivant le même modèle.

S'agissant du plan de recrutement quinquennal de 10 000 policiers et gendarmes, nous sommes au rendez-vous de l'annonce du Président de la République puisque 6 214 postes nets de policiers et de gendarmes ont été créés entre 2018 et 2020. Vous en retrouverez la trace dans le rapport annuel de performance qui rend compte de l'exécution budgétaire pour les programmes 176 et 152 . C'est bien la notion d'emplois à périmètre constant que nous devons retenir. L'engagement sera tenu, au prix d'un effort budgétaire pour rattraper les suppressions d'emplois entre 2007 et 2012 et d'une forte mobilisation de l'appareil de formation. Pas moins de 30 300 recrutements ont été réalisés depuis 2018, dont 12 800 gardiens de la paix et 9 500 adjoints de sécurité, afin de remplacer les effectifs partants – départs en retraite, missions – mais aussi d'assurer les créations nettes d'emploi prévues dans le plan du ministre de l'intérieur. C'est une priorité du Gouvernement. La répartition initiale de ce plan est régulièrement revue en fonction de l'évolution des priorités opérationnelles. L'accent sera mis sur les créations restant à réaliser en 2021 et en 2022 en matière de sécurité publique.

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