Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ont été consommés à hauteur de près de 2,2 milliards d'euros en 2020 ; c'est 5 % de moins que l'année précédente.
La diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de ce qu'on appelle la dette viagère explique la baisse continue, d'année en année, des dépenses de la mission. Je rappelle, à ce titre, que le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant concentre 95 % des crédits de paiement exécutés, qui, pour l'essentiel, servent au paiement de la pension militaire d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant.
Toutefois, je constate avec satisfaction que la baisse envisagée par la loi de finances initiale pour l'année 2020 n'a pas été aussi importante que prévu. J'en veux pour preuve que l'exécution est supérieure de près de 26 millions par rapport à la prévision et qu'il a fallu ouvrir des crédits supplémentaires dans la dernière loi de finances rectificative.
Cela s'explique certes par l'actualisation de la valeur du point de la PMI au 1er janvier 2020 – dont je ne peux que me réjouir –, mais aussi par une diminution naturelle des bénéficiaires moins prononcée que celle qui était envisagée, comme l'a souligné la Cour des comptes.
Voilà qui montre les limites de la logique comptable d'une prévision budgétaire principalement fondée sur des effectifs et donc, in fine, d'une réduction inéluctable des moyens.
Si, comme je le disais à l'instant, je salue l'actualisation tant attendue du point de la PMI au 1er janvier 2020, je veux néanmoins exprimer ma déception quant aux conclusions du groupe de travail présidé par M. Jean-Paul Bodin, qui était chargé d'en analyser l'évolution. Celui-ci recommande en effet de conserver l'indexation du point de la PMI selon les modalités actuelles, c'est-à-dire par rapport à l'indice de traitement brut-grille indiciaire (ITB-GI). J'estime que suffisamment d'économies ont été réalisées, d'année en année, grâce à la baisse de la dette viagère. Il est regrettable que les ambitions de ce programme fassent preuve d'une telle timidité.
Toutefois, je constate que le groupe de travail recommande également d'instaurer une mesure correctrice qui tiendrait compte du décalage croissant entre l'indice PMI et l'indice des prix à la consommation. Je serai donc très attentif à sa mise en œuvre lors du prochain projet de loi de finances. Ce coup de pouce serait bien la moindre des choses pour témoigner la reconnaissance de la nation envers nos anciens combattants.
Pour en revenir à l'exécution des crédits en 2020, je rappelle que la mission a également été très affectée par la crise sanitaire. Le programme 167 Liens entre la nation et son armée a logiquement été le plus concerné par ces effets – je songe particulièrement aux annulations et reports des journées défense et citoyenneté (JDC). Celles-ci ont dû être adaptées une bonne partie de l'année sous un format numérique. J'ose espérer que cette situation exceptionnelle ne sera pas le prétexte à une réduction des moyens qui y seront consacrés à l'avenir. Plus généralement, et alors que les témoins des grands conflits disparaissent, il est plus que jamais nécessaire d'entretenir les liens entre les nouvelles générations et les anciens combattants, et de donner plus d'ambition aux politiques de mémoire.
J'aborderai maintenant le thème d'évaluation auquel j'ai consacré mes travaux de rapporteur cette année, à savoir les politiques de reconnaissance et de réparation en faveur des anciens combattants des OPEX.
J'ai choisi de me pencher sur ce sujet car le monde combattant est sur le point d'entamer une véritable transition démographique – si vous me permettez cette expression –, puisque, d'ici à une dizaine d'années, on observera un effet de bascule, avec la disparition des anciens de la guerre d'Algérie, qui constituent pour l'instant la majorité des ressortissants, et la part grandissante des anciens des OPEX, que l'on surnomme la « quatrième génération du feu ». On aura donc un monde combattant moins nombreux mais plus jeune, plus féminisé et, pour une bonne partie des personnes concernées, encore inséré dans la vie active.
Les enjeux liés à cette situation vont donc, à mon sens, conduire à interroger le contenu des politiques de reconnaissance et de réparation. Celles-ci ne sauraient se limiter à l'administration de la dette viagère, dans l'action du même nom : leur champ devra être beaucoup plus large.
À cet égard, je considère que ces politiques ne peuvent se borner à une indemnisation et une rétribution financière au titre des services rendus à la nation au péril de la vie ; elles doivent aussi constituer le fondement d'une action sociale à destination du monde combattant d'hier et d'aujourd'hui. De ce fait, je recommande vivement de ne pas remettre en cause le maillage départemental de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), qui continue de faire preuve de toute sa pertinence – mais j'ai de bons espoirs, madame la ministre déléguée, que l'on n'aille pas dans ce sens, et que les services de l'ONACVG puissent continuer à accomplir leur travail de proximité, notamment afin de retrouver les anciens combattants des OPEX, qui, pour certains d'entre eux, ont quitté l'armée et opté pour une autre vie professionnelle.
Je tiens en outre à ce que les droits auxquels peuvent prétendre les anciens des OPEX leur soient attribués et que personne ne soit laissé de côté. Je remercie l'ONACVG et les associations des efforts qu'ils font pour rechercher les oubliés des OPEX.
Je conclurai en disant qu'il faut allouer les moyens économisés du fait de la baisse naturelle du nombre des anciens combattants à l'ensemble des dispositifs d'action sociale pour les blessés et les familles ainsi qu'à l'aide à la reconversion professionnelle. Pour ce qui concerne les OPEX, en particulier, celle-ci doit être une priorité : recommencer une nouvelle vie demande d'acquérir des connaissances et ces soldats ont souvent besoin d'être accompagnés. J'ai pu vérifier, en auditionnant les associations d'anciens combattants, le secrétariat général pour l'administration du ministère des armées et l'ONACVG, que ces aspects étaient d'ores et déjà pris en considération ; ce travail, engagé depuis un certain temps, doit impérativement se poursuivre.