Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 21h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • LPM
  • OPEX
  • combattant
  • exécution
  • militaire
  • opérationnelle
  • préparation

La réunion

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La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de Mmes Florence Parly, ministre des armées et Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants.

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Mes chers collègues, nous poursuivons la série de commissions d'évaluation des politiques publiques. La réunion de ce soir est consacrée à la mission Défense.

Je rappelle qu'il est question ici de l'exécution des crédits. Par ailleurs, chacun des rapporteurs spéciaux a choisi un thème validé par le bureau de la commission.

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C'est sous la double impulsion du président de notre commission et du rapporteur général de l'époque qu'a été conçue puis mise en place, à partir de 2018, la formule du Printemps de l'évaluation, initiative absolument nécessaire aux yeux de tous ceux qui veulent revaloriser le Parlement, notamment à travers sa fonction de contrôle. L'objectif est de donner davantage de contenu et de retentissement à l'examen du projet de loi de règlement. Ce moment semble en effet plus propice que l'examen du projet de loi de finances initiale (LFI) pour engager avec le Gouvernement un dialogue moins partisan.

Les progrès réalisés dans ce cadre depuis trois ans vont dans le bon sens. Pourtant, nous sommes encore loin du compte. La compétence et la motivation des intervenants ne sont pas en cause, mais force est de reconnaître que nous restons collectivement prisonniers d'un jeu de rôle qui ne permet pas d'engager un réel échange avec l'exécutif. De part et d'autre, nous défendons des positions. Nous restons incapables de réfléchir ensemble aux grands enjeux de l'avenir.

C'est ce propos général que je vais illustrer à partir de mon expérience de rapporteur spécial de la mission Défense. À travers ce prisme, je m'intéresserai d'abord au débat budgétaire, puis à la question plus spécifique du contrôle financier, juridique et technique des externalisations, qui fait l'objet de ce Printemps de l'évaluation.

Je fais le constat que le débat budgétaire reste très formel, tant pour la LFI que pour la loi de règlement. Quant aux travaux de contrôle, leur intérêt n'est plus à démontrer, mais ils se heurtent en pratique à un double obstacle. Le premier est l'insuffisance du temps que le Parlement peut y consacrer. Le second est l'évidente réticence de l'exécutif – et, pour ce qui concerne la mission que je rapporte, celle de l'institution militaire.

Afin de lever toute ambiguïté, je précise que les difficultés que je viens d'évoquer ne sont le propre ni de cette législature ni de ce gouvernement : elles sont malheureusement historiques.

Leur ampleur ne doit pas nous conduire à renoncer ; elle doit au contraire nous inciter à innover toujours davantage dans la direction d'un Parlement moderne, ouverte par les promoteurs de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). En ce sens, le Printemps de l'évaluation est une étape que nous devons conforter.

Quelques mots à propos de notre débat budgétaire. Pour la mission Défense, celui-ci demeure centré sur la mise en œuvre de la loi de programmation militaire (LPM). Après le coup de canif inaugural dans le budget 2017, qui avait suscité beaucoup d'inquiétudes, il est désormais établi que la nouvelle LPM, qui couvre la période 2019-2025, a été parfaitement respectée jusqu'à présent. Il faut en effet souligner que les importantes marches budgétaires – 1,7 milliard chacune – ont bien été franchies en temps et en heure, même si la fin du financement interministériel des opérations extérieures (OPEX) atténue l'importance de la hausse affichée. En outre, comme l'atteste le projet de loi de règlement pour l'année 2020, le budget de la mission Défense n'a presque pas été affecté par la crise sanitaire.

Ce strict respect de la LPM constitue un point positif, et c'est à juste titre que le Gouvernement peut se prévaloir de ce bon résultat, que l'opposition doit également saluer. Pour autant, le débat est-il clos ? Je ne le crois pas. D'une certaine manière, je dirais même qu'il n'a pas vraiment commencé.

Dans un parlement digne de ce nom, le débat ne peut pas se limiter, en matière de défense, au constat du respect – ou non – de la LPM. En fait, il commence véritablement lorsque l'on aborde trois sujets majeurs : l'ampleur de l'effort de défense, sa soutenabilité dans le temps et surtout sa pertinence. Or ces questions, que l'on peut qualifier de cruciales et de centrales, sont depuis des années hors du champ des discussions parlementaires : elles font l'objet d'un livre blanc ou d'une revue stratégique dans la confection desquels le Parlement occupe une place marginale, sinon purement symbolique. En somme, le Parlement a tout loisir de s'exprimer lorsque le débat est clos. À titre d'exemple, j'évoquerai quelques-unes de ces questions cruciales qui mériteraient des discussions approfondies.

Déjà très ambitieuses avant la crise sanitaire, les marches de 3 milliards prévues par la LPM sont-elles encore crédibles dans le nouveau contexte économique ?

Le retour de conflits de haute intensité est-il vraisemblable, comme le répète le chef d'état-major des armées (CEMA) ? Si oui, quelles en seraient les conséquences budgétaires ? Sont-elles à notre portée ?

Après le ratage du tournant stratégique sur les drones, sommes-nous en train de commettre de nouvelles erreurs comparables ?

La place et les moyens accordés à l'espace sont-ils à la hauteur des nouveaux défis stratégiques ?

À l'inverse, le porte-avions, qui est assurément un outil diplomatique, reste-t-il un outil militaire pertinent à l'horizon 2050 ?

Enfin, pour souhaitable qu'elle soit, notre prétention à l'autonomie stratégique – et donc à couvrir tous les domaines – ne nous aveugle-t-elle pas sur de nombreuses failles ? Je pense notamment au transport stratégique, au traitement de données ou encore à l'accès à l'espace.

Bien sûr – je m'empresse de le reconnaître –, je n'ai pas la prétention de détenir des réponses à ces questions, et ce n'est pas au Parlement de les trancher : c'est à l'exécutif de le faire. En revanche, je suis convaincu que l'exécutif a absolument besoin du recul du débat parlementaire pour faire ses choix dans de bonnes conditions. En la matière, restreindre la réflexion à l'exécutif, à l'institution militaire et aux industriels est insuffisant. Sans doute le débat parlementaire n'apporte-t-il pas la solution, mais il est clair que, sans lui, le risque de commettre de lourdes erreurs n'est pas seulement possible, il est quasi certain.

Toutes ces questions difficiles à exprimer devraient pouvoir être posées et surtout débattues sans complaisance, mais aussi sans agressivité, tout simplement parce que, tôt ou tard, elles finiront par s'imposer à nous, et ce d'autant plus violemment que nous aurons mis notre énergie à les éviter.

À cet égard, l'absence de débat sur la révision de la LPM, qui était pourtant prévu par la loi, est particulièrement regrettable. J'ai bien compris que la situation économique mouvante nous donnait très peu de visibilité mais, selon moi, cette incertitude rend encore plus nécessaire le débat dont nous sommes privés.

Difficile voire impossible sur les grands choix stratégiques, le dialogue l'est tout autant en matière de contrôle. J'en donnerai pour illustration mon travail sur les externalisations. Celui-ci, engagé sous la précédente législature, a donné lieu à deux rapports d'information consacrés respectivement au transport stratégique et au soutien aux forces en OPEX. Je tiens à souligner l'écoute de Mme la ministre, qui a saisi le parquet financier, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, à la suite des dysfonctionnements évoqués dans le premier d'entre eux. Dans la foulée de ce premier exercice, j'ai élargi mon contrôle au transport tactique en OPEX ainsi qu'à l'Économat des armées. J'ai constaté avec satisfaction que certaines recommandations, notamment celles portant sur le renforcement du contrôle technique des appareils utilisés, ont été suivies d'effet.

Cependant, d'autres points importants sont restés sans réponse ou se sont vu opposer une fin de non-recevoir. S'il n'appartient pas au Parlement de se substituer au pouvoir réglementaire, lequel revient à l'exécutif, il est cependant en droit d'avoir des explications. Par ailleurs, les procédures d'appel d'offres ont été sensiblement rectifiées mais conservent des points de fragilité, notamment la sélection des titulaires. De même, le recours à des sociétés étrangères non soumises à un contrôle strict de la part de nos services de renseignement perdure. Cela tend à faire peser une menace sur la confidentialité de nos opérations et expose nos armées à un risque réputationnel non négligeable. Enfin, le statut atypique de l'Économat des armées le fait échapper à tout contrôle parlementaire, alors que les missions qui lui sont confiées par le ministère tendent à s'élargir, au détriment notamment du Commissariat des armées, voire de la direction à l'information et à la communication de la défense (DICOD).

En définitive, si je reconnais des améliorations réelles, je tiens surtout à souligner la difficulté à établir un échange constructif et permanent sur ces questions. Il ne s'agit pas d'être pour ou compte les externalisations, mais simplement de veiller à ce qu'elles soient menées dans l'intérêt des forces armées. Cela suppose un travail d'explication et de clarification pour améliorer les dispositifs mis en place et éviter ainsi tout risque juridique, voire judiciaire. Malheureusement, la crise sanitaire n'a pas permis de progresser dans cette voie autant que je l'aurais souhaité. Ainsi, plusieurs de mes questions posées à l'occasion de ce Printemps d'évaluation demeurent sans réponse.

Vingt ans après la promulgation de la LOLF, le dialogue entre l'exécutif et le Parlement demeure décevant. D'un côté, l'exécutif, déjà sous la pression de l'actualité, a du mal à accepter le questionnement parlementaire. De l'autre, le Parlement, centré sur la production de la loi, reste trop timoré dans sa mission d'interpellation du Gouvernement. À ce jeu, tout le monde est perdant : l'exécutif jouit d'une fausse sécurité, tandis que le Parlement se complaît dans une production juridique dont il n'a pas la maîtrise. Notre Printemps de l'évaluation peut utilement contribuer à faire évoluer cet état de choses, mais ma conviction est qu'il nous faudra aller beaucoup plus loin pour surmonter les routines héritées du passé.

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À titre de rappel, le rapport spécial consacré au budget opérationnel de la défense rassemble deux des quatre programmes de la mission Défense : le programme 178 Préparation et emploi des forces et le programme 212 Soutien de la politique de la défense. Celui-ci rassemble les fonctions de direction et de soutien. Il comporte en particulier l'ensemble des crédits de personnel de la mission.

J'ai souhaité, cette année, m'intéresser à la préparation opérationnelle des armées, activité essentielle qui doit nous permettre d'acquérir la supériorité militaire dans les conflits où nos armées sont engagées. Avant de m'attacher à cet enjeu, j'aborderai l'exécution budgétaire de l'année 2020.

Une nouvelle fois, et notre expérience nous montre que c'est suffisamment rare pour être salué, les ouvertures de crédits respectaient les trajectoires de la loi de programmation militaire. Pour les programmes 178 et 212, les crédits de paiement (CP) progressaient respectivement de 4 % et 0,4 % entre 2019 et 2020, pour atteindre 10,2 et 22,2 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement (AE) croissaient de 8,4 % pour le programme 178 et régressaient de 6 % pour le programme 212, en raison principalement de mesures de périmètre ; à la suite de ces évolutions, elles atteignaient 16,5 et 22,2 milliards d'euros.

L'exécution, quant à elle, peut être considérée comme une réelle réussite compte tenu du contexte de crise sanitaire, à l'image de la capacité des armées à continuer d'accomplir leurs missions – et même davantage – durant cette année.

Pour le programme 178, la principale tension en exécution réside dans une sous-consommation des AE. Celles-ci ont été exécutées à hauteur de 72 % des ouvertures, en raison du report à 2021 de la passation de contrats majeurs de maintien en condition opérationnelle des équipements. Ce report est le fait de retards pris dans des négociations hautement complexes, dans un contexte de crise, peu propice. Pour le programme 212, l'exécution est conforme à l'autorisation : 99 % des AE et 98,4 % des CP ont ainsi été consommés. Le schéma d'emplois est réalisé, avec la création de 416 équivalents temps plein (ETP), soit une surexécution de 67 ETP, ce qui constitue un très beau résultat dans un contexte aussi troublé.

Les surcoûts liés aux opérations extérieures et missions intérieures se sont élevés à 1,44 milliard. Ils ont été pris en charge sans recourir à la solidarité interministérielle, en partie grâce à une hausse de la provision formée pour couvrir ces surcoûts. Cette provision avait été fixée à 1,2 milliard en LFI 2020.

L'année 2020 a vu une évolution majeure de la répartition des crédits au sein de la nomenclature par destination de la mission : une partie des crédits d'infrastructure a été transférée du programme 212, où ils étaient auparavant concentrés, vers les programmes 146 et 178, en vue de favoriser la responsabilisation des gestionnaires, dans une logique de subsidiarité, en rapprochant la gestion des besoins. S'il est encore trop tôt pour tirer un bilan de cette nouvelle architecture budgétaire, les armées manifestent déjà leur satisfaction face à cette évolution. Elle leur offre un meilleur levier sur la gestion des infrastructures, qui constituent des éléments cruciaux de l'activité des forces. Toutefois, on pourrait tirer le plein potentiel de ce mouvement en confiant aux armées non seulement la gestion mais aussi la programmation des crédits d'infrastructure.

Lors de son audition par la commission de la défense nationale et des forces armées le jeudi 15 octobre 2020, le général François Lecointre, chef d'état-major des armées, a rappelé que l'« efficacité d'une armée ne repose pas uniquement sur les capacités dont elle est dotée ou sur la cohérence générale […], elle repose également sur la préparation opérationnelle ». Partageant ce constat, j'ai souhaité m'intéresser cette année à la préparation opérationnelle des armées, qui est une composante essentielle de leur efficacité, ainsi que de leur capacité de fidélisation. Elle constitue à mes yeux l'un des enjeux brûlants pour les armées françaises, dès maintenant mais surtout pour les années à venir. En effet, la préparation opérationnelle doit non seulement permettre d'emporter la décision aujourd'hui, mais aussi la rendre possible demain. Or le contexte stratégique international dans lequel l'action de la France s'insère se durcit de plus en plus.

Dans ce domaine, je tiens tout d'abord à saluer les résultats obtenus par les armées. De manière globale, les efforts de préparation ont permis de remplir le contrat opérationnel année après année. Toutefois, certaines capacités complexes ont été fragilisées. Conformément à ce que prévoyait la LPM, la préparation opérationnelle s'est en effet recentrée, durant ces dernières années, sur la réponse aux enjeux du moment, parfois au détriment des savoir-faire dans le domaine de la haute intensité. C'était cependant l'unique possibilité compte tenu des moyens disponibles.

La préparation opérationnelle a également connu des limitations résultant de manques de matériels et de munitions et d'un niveau d'engagement des forces très élevé sur des missions de basse intensité. La crise liée au covid-19 a accentué cette tendance en approfondissant la dette d'entraînement contractée par les armées dans le domaine des compétences du haut du spectre. Cela dit, je sais que des efforts ont d'ores et déjà été entrepris pour tenter de la résorber.

De manière structurelle, la mise en œuvre de la LPM permet et permettra une amélioration sensible des moyens nécessaires à la préparation opérationnelle. C'est d'autant plus vrai que, lors de votre audition par la commission de la défense le 4 mai, madame la ministre, vous avez annoncé que la préparation opérationnelle serait l'un trois axes possibles d'ajustement de la LPM. Je ne peux que vous rejoindre dans ce projet, ayant moi aussi compris au cours de mes travaux que notre capacité à faire progresser l'entraînement dans le domaine de la haute intensité tout en maintenant notre excellence dans les conflits asymétriques sera l'un des enjeux fondamentaux des armées pour les dix ans à venir.

Je propose dans mon rapport plusieurs pistes qui pourraient permettre d'accompagner cet effort. Vous avez déjà identifié, madame la ministre, l'enjeu de la préparation simulée ; je l'ai moi aussi perçue comme un axe de progrès. Je recommande donc de consacrer les moyens adéquats pour le développement d'un écosystème de simulation partagée interarmes mais aussi interarmées. Ce système permettra d'opérer un bond qualitatif par rapport aux capacités actuelles de préparation simulée.

Il conviendra également de formaliser une nouvelle approche budgétaire des opérations pour prendre la pleine mesure de l'évolution de la conflictualité mondiale. Dans ce contexte, l'opération Lynx, qui est en cours, apparaît particulièrement riche de perspectives. Cette opération de réassurance, menée sous l'égide de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) sur le territoire des pays Baltes, a deux buts distincts : affirmer le positionnement stratégique et les capacités opérationnelles de la France et réaliser un entraînement précieux pour les troupes. Selon moi, les opérations de ce type sont appelées à se développer, car elles permettent d'entraîner nos forces ainsi que de dissuader d'éventuels adversaires de passer à l'action dans des zones où nous serions absents. Afin de poursuivre l'effort de sincérisation budgétaire des surcoûts OPEX et d'éviter que des opérations comme celle-ci ne contraignent la capacité d'entraînement, je recommande d'envisager de les rendre éligibles aux surcoûts OPEX.

Enfin, et toujours dans l'objectif de dégager des marges de manœuvre matérielles, budgétaires mais aussi humaines, spécialement pour l'armée de terre, je recommande d'engager une réflexion sur les modalités de mise en œuvre de l'opération Sentinelle, qui contraint les capacités de préparation interarmes. Une solution pourrait passer par l'établissement d'une durée maximale de déploiement Sentinelle. Cela permettrait d'éviter une incertitude dommageable au passage des unités au sein des centres d'entraînement spécialisés.

D'un point de vue purement budgétaire, la préparation opérationnelle est par nature complexe à suivre. Cela impose de disposer d'indicateurs d'activité et de performance permettant de juger du niveau et de la qualité de la préparation opérationnelle. Votre dispositif de performance m'apparaît perfectible. Je formule donc dans mon rapport plusieurs recommandations visant à l'améliorer, par exemple grâce à l'intégration aux documents budgétaires des indicateurs de performance déjà utilisés par les armées et par vous, au profit de mécanismes internes de pilotage.

Je me permettrai maintenant, madame la ministre, de vous interroger sur quelques points.

Partant de mon analyse de l'exécution 2020, je sollicite votre avis sur l'idée de confier aux gestionnaires des programmes 146 et 178 non seulement la gestion mais aussi la programmation des crédits d'infrastructure qui leur ont été transférés. Cela permettrait d'aller au bout de la logique de subsidiarité qui fonde la nouvelle architecture budgétaire.

Pourriez-vous, par ailleurs, détailler les ajustements de la LPM prévus dans le domaine de la préparation opérationnelle ?

Enfin, comment allez-vous concilier la préparation opérationnelle à l'hypothèse d'un engagement majeur et le maintien d'une préparation opérationnelle aux conflits asymétriques, à même de préserver le niveau d'excellence de nos armées ?

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Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ont été consommés à hauteur de près de 2,2 milliards d'euros en 2020 ; c'est 5 % de moins que l'année précédente.

La diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de ce qu'on appelle la dette viagère explique la baisse continue, d'année en année, des dépenses de la mission. Je rappelle, à ce titre, que le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant concentre 95 % des crédits de paiement exécutés, qui, pour l'essentiel, servent au paiement de la pension militaire d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant.

Toutefois, je constate avec satisfaction que la baisse envisagée par la loi de finances initiale pour l'année 2020 n'a pas été aussi importante que prévu. J'en veux pour preuve que l'exécution est supérieure de près de 26 millions par rapport à la prévision et qu'il a fallu ouvrir des crédits supplémentaires dans la dernière loi de finances rectificative.

Cela s'explique certes par l'actualisation de la valeur du point de la PMI au 1er janvier 2020 – dont je ne peux que me réjouir –, mais aussi par une diminution naturelle des bénéficiaires moins prononcée que celle qui était envisagée, comme l'a souligné la Cour des comptes.

Voilà qui montre les limites de la logique comptable d'une prévision budgétaire principalement fondée sur des effectifs et donc, in fine, d'une réduction inéluctable des moyens.

Si, comme je le disais à l'instant, je salue l'actualisation tant attendue du point de la PMI au 1er janvier 2020, je veux néanmoins exprimer ma déception quant aux conclusions du groupe de travail présidé par M. Jean-Paul Bodin, qui était chargé d'en analyser l'évolution. Celui-ci recommande en effet de conserver l'indexation du point de la PMI selon les modalités actuelles, c'est-à-dire par rapport à l'indice de traitement brut-grille indiciaire (ITB-GI). J'estime que suffisamment d'économies ont été réalisées, d'année en année, grâce à la baisse de la dette viagère. Il est regrettable que les ambitions de ce programme fassent preuve d'une telle timidité.

Toutefois, je constate que le groupe de travail recommande également d'instaurer une mesure correctrice qui tiendrait compte du décalage croissant entre l'indice PMI et l'indice des prix à la consommation. Je serai donc très attentif à sa mise en œuvre lors du prochain projet de loi de finances. Ce coup de pouce serait bien la moindre des choses pour témoigner la reconnaissance de la nation envers nos anciens combattants.

Pour en revenir à l'exécution des crédits en 2020, je rappelle que la mission a également été très affectée par la crise sanitaire. Le programme 167 Liens entre la nation et son armée a logiquement été le plus concerné par ces effets – je songe particulièrement aux annulations et reports des journées défense et citoyenneté (JDC). Celles-ci ont dû être adaptées une bonne partie de l'année sous un format numérique. J'ose espérer que cette situation exceptionnelle ne sera pas le prétexte à une réduction des moyens qui y seront consacrés à l'avenir. Plus généralement, et alors que les témoins des grands conflits disparaissent, il est plus que jamais nécessaire d'entretenir les liens entre les nouvelles générations et les anciens combattants, et de donner plus d'ambition aux politiques de mémoire.

J'aborderai maintenant le thème d'évaluation auquel j'ai consacré mes travaux de rapporteur cette année, à savoir les politiques de reconnaissance et de réparation en faveur des anciens combattants des OPEX.

J'ai choisi de me pencher sur ce sujet car le monde combattant est sur le point d'entamer une véritable transition démographique – si vous me permettez cette expression –, puisque, d'ici à une dizaine d'années, on observera un effet de bascule, avec la disparition des anciens de la guerre d'Algérie, qui constituent pour l'instant la majorité des ressortissants, et la part grandissante des anciens des OPEX, que l'on surnomme la « quatrième génération du feu ». On aura donc un monde combattant moins nombreux mais plus jeune, plus féminisé et, pour une bonne partie des personnes concernées, encore inséré dans la vie active.

Les enjeux liés à cette situation vont donc, à mon sens, conduire à interroger le contenu des politiques de reconnaissance et de réparation. Celles-ci ne sauraient se limiter à l'administration de la dette viagère, dans l'action du même nom : leur champ devra être beaucoup plus large.

À cet égard, je considère que ces politiques ne peuvent se borner à une indemnisation et une rétribution financière au titre des services rendus à la nation au péril de la vie ; elles doivent aussi constituer le fondement d'une action sociale à destination du monde combattant d'hier et d'aujourd'hui. De ce fait, je recommande vivement de ne pas remettre en cause le maillage départemental de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), qui continue de faire preuve de toute sa pertinence – mais j'ai de bons espoirs, madame la ministre déléguée, que l'on n'aille pas dans ce sens, et que les services de l'ONACVG puissent continuer à accomplir leur travail de proximité, notamment afin de retrouver les anciens combattants des OPEX, qui, pour certains d'entre eux, ont quitté l'armée et opté pour une autre vie professionnelle.

Je tiens en outre à ce que les droits auxquels peuvent prétendre les anciens des OPEX leur soient attribués et que personne ne soit laissé de côté. Je remercie l'ONACVG et les associations des efforts qu'ils font pour rechercher les oubliés des OPEX.

Je conclurai en disant qu'il faut allouer les moyens économisés du fait de la baisse naturelle du nombre des anciens combattants à l'ensemble des dispositifs d'action sociale pour les blessés et les familles ainsi qu'à l'aide à la reconversion professionnelle. Pour ce qui concerne les OPEX, en particulier, celle-ci doit être une priorité : recommencer une nouvelle vie demande d'acquérir des connaissances et ces soldats ont souvent besoin d'être accompagnés. J'ai pu vérifier, en auditionnant les associations d'anciens combattants, le secrétariat général pour l'administration du ministère des armées et l'ONACVG, que ces aspects étaient d'ores et déjà pris en considération ; ce travail, engagé depuis un certain temps, doit impérativement se poursuivre.

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emploi des forces : forces terrestres)

Je me réjouis que le Printemps de l'évaluation nous donne l'occasion d'examiner l'exécution des crédits de la mission Défense avant le tumulte du débat budgétaire de l'automne. Nous avons à cœur que ces budgets se traduisent par des améliorations concrètes pour nos forces et par des réussites opérationnelles. Je me félicite que le Gouvernement ait respecté à la lettre les engagements pris dans la loi de programmation militaire ; si je ne m'abuse, depuis les années 1990, aucune LPM n'a été respectée comme l'a été, à ce jour, celle pour les années 2019 à 2025. Nous avons cessé de faire du budget de la défense une variable d'ajustement.

Nos armées n'en sont pas moins confrontées à des défis nombreux, tant opérationnels qu'organisationnels et capacitaires. Nous devons donc poursuivre nos efforts et en faire comprendre la nécessité à nos concitoyens. Le rapport de la mission d'information sur l'opération Barkhane, dont j'ai été la corapporteure, participe à la sincérisation budgétaire des OPEX que vous avez souhaitée, madame la ministre. Avant d'en venir au fond, je voudrais signaler la grande convergence des analyses que M. Gassilloud et moi-même avons successivement menées et de celles de Mme Bono-Vandorme relatives à la préparation opérationnelle.

Le suivi des normes d'entraînement sur matériel – autre acquis de l'actuelle LPM – reflète les difficultés auxquelles sont confrontées nos armées. Dans mon dernier avis, j'ai souligné combien l'armée de terre peinait à respecter ces normes à cause non seulement de l'intensité opérationnelle mais aussi de l'indisponibilité des matériels, en partie pour des raisons de coût. C'est pourquoi nous devons être particulièrement attentifs au maintien en condition opérationnelle des matériels, véritable clef de voûte des actions sur le terrain.

Je voudrais à ce propos appeler votre attention sur un projet d'investissement qui me tient à cœur et qui illustre les dilemmes auxquels nos armées sont confrontées : il s'agit de l'entrepôt central de Moulins, qui abrite la treizième base de soutien du matériel, la 13e BSMAT, premier opérateur des flux logistiques en métropole, en outre-mer et en OPEX, et premier site de stockage des pièces de rechange. Non seulement l'entrepôt ne répond plus aux normes environnementales ou de protection contre les incendies, mais surtout il ne permet pas d'utiliser des leviers de performance tels que la robotisation ni d'assurer des inventaires opérants. La structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) soutient plus de 4 millions de matériels à l'aide d'un stock de 180 millions de pièces réparties en 466 000 références, dont l'inventaire n'est toujours pas automatisé. Il faut avoir conscience qu'alors que des entreprises comme Amazon investissent massivement dans des chaînes logistiques mécanisées permettant des livraisons dans les deux heures, les logisticiens de nos armées slaloment entre quelque soixante-quinze bâtiments pour envoyer les pièces dont nos soldats ont un besoin urgent sur le terrain – quand ils ne déménagent pas pour éviter les fuites dans la toiture !

La modernisation de l'entrepôt central a fait l'objet d'une demande de financement au titre du plan de relance. Le dossier est toujours sur le dessus de la pile. Soit. Néanmoins, au-delà des considérations financières, le ministère des armées doit veiller à ce que le projet retenu réponde à l'urgence de la situation. Il existe en effet plusieurs projets concurrents, tous étant cohérents : maîtrise d'œuvre étatique à travers le service d'infrastructure de la défense (SID) ; recours à un prestataire privé pour construire une infrastructure moderne, avec option d'achat. Ce qui doit prévaloir dans la décision, ce sont la vision structurelle de la contractualisation et une gestion stratégique et résiliente du stock de pièces. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner l'état de vos réflexions sur ce projet, son financement et les délais de réalisation ?

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pour avis de la commission de la défense (Préparation

Je me réjouis que le Printemps de l'évaluation nous donne l'occasion d'examiner l'exécution des crédits de la mission Défense avant le tumulte du débat budgétaire de l'automne. Nous avons à cœur que ces budgets se traduisent par des améliorations concrètes pour nos forces et par des réussites opérationnelles. Je me félicite que le Gouvernement ait respecté à la lettre les engagements pris dans la loi de programmation militaire ; si je ne m'abuse, depuis les années 1990, aucune LPM n'a été respectée comme l'a été, à ce jour, celle pour les années 2019 à 2025. Nous avons cessé de faire du budget de la défense une variable d'ajustement.

Nos armées n'en sont pas moins confrontées à des défis nombreux, tant opérationnels qu'organisationnels et capacitaires. Nous devons donc poursuivre nos efforts et en faire comprendre la nécessité à nos concitoyens. Le rapport de la mission d'information sur l'opération Barkhane, dont j'ai été la corapporteure, participe à la sincérisation budgétaire des OPEX que vous avez souhaitée, madame la ministre. Avant d'en venir au fond, je voudrais signaler la grande convergence des analyses que M. Gassilloud et moi-même avons successivement menées et de celles de Mme Bono-Vandorme relatives à la préparation opérationnelle.

Le suivi des normes d'entraînement sur matériel – autre acquis de l'actuelle LPM – reflète les difficultés auxquelles sont confrontées nos armées. Dans mon dernier avis, j'ai souligné combien l'armée de terre peinait à respecter ces normes à cause non seulement de l'intensité opérationnelle mais aussi de l'indisponibilité des matériels, en partie pour des raisons de coût. C'est pourquoi nous devons être particulièrement attentifs au maintien en condition opérationnelle des matériels, véritable clef de voûte des actions sur le terrain.

Je voudrais à ce propos appeler votre attention sur un projet d'investissement qui me tient à cœur et qui illustre les dilemmes auxquels nos armées sont confrontées : il s'agit de l'entrepôt central de Moulins, qui abrite la treizième base de soutien du matériel, la 13e BSMAT, premier opérateur des flux logistiques en métropole, en outre-mer et en OPEX, et premier site de stockage des pièces de rechange. Non seulement l'entrepôt ne répond plus aux normes environnementales ou de protection contre les incendies, mais surtout il ne permet pas d'utiliser des leviers de performance tels que la robotisation ni d'assurer des inventaires opérants. La structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) soutient plus de 4 millions de matériels à l'aide d'un stock de 180 millions de pièces réparties en 466 000 références, dont l'inventaire n'est toujours pas automatisé. Il faut avoir conscience qu'alors que des entreprises comme Amazon investissent massivement dans des chaînes logistiques mécanisées permettant des livraisons dans les deux heures, les logisticiens de nos armées slaloment entre quelque soixante-quinze bâtiments pour envoyer les pièces dont nos soldats ont un besoin urgent sur le terrain – quand ils ne déménagent pas pour éviter les fuites dans la toiture !

La modernisation de l'entrepôt central a fait l'objet d'une demande de financement au titre du plan de relance. Le dossier est toujours sur le dessus de la pile. Soit. Néanmoins, au-delà des considérations financières, le ministère des armées doit veiller à ce que le projet retenu réponde à l'urgence de la situation. Il existe en effet plusieurs projets concurrents, tous étant cohérents : maîtrise d'œuvre étatique à travers le service d'infrastructure de la défense (SID) ; recours à un prestataire privé pour construire une infrastructure moderne, avec option d'achat. Ce qui doit prévaloir dans la décision, ce sont la vision structurelle de la contractualisation et une gestion stratégique et résiliente du stock de pièces. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner l'état de vos réflexions sur ce projet, son financement et les délais de réalisation ?

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emploi des forces : marine)

Je focaliserai mon intervention sur le programme d'avion de surveillance et d'intervention maritime (AVSIMAR). Je voudrais au préalable remercier les ministres pour leur présence régulière sur le terrain. Mme la ministre des armées connaît bien la marine ; d'ailleurs, elle était la semaine dernière encore à la base navale de Brest.

Le programme AVSIMAR prévoit le remplacement des Falcon 50 et des Falcon 200 de la marine nationale, qui commencent à prendre de l'âge. Ce sont les Falcon 2000 LXS de Dassault Aviation qui constitueraient sans doute la meilleure solution technique pour répondre aux besoins identifiés. Il reste à définir les équipements et les capacités qui seront embarqués à bord de ces avions. Les appareils de ce type comprennent habituellement un radar de surveillance maritime, un système optronique, un système de mission et des moyens de communication ; ils peuvent aussi larguer des kits de survie pour venir en aide à des naufragés.

Le Falcon 2000 LXS disposera d'une plus grande autonomie que les appareils actuellement en service. Selon Dassault Aviation, la force du Falcon 2000 repose également sur son avionique moderne et sur le fait que cinq cents Falcon 2000 – principalement civils – ont déjà été livrés et totalisent plus de 1,8 million d'heures de vol ; c'est dire l'expérience dont ils disposent. En outre, ils seront équipés du radar Searchmaster de Thales.

Les avions de surveillance maritime sont employés pour des missions de contrôle des zones économiques exclusives – celle de la France couvre, vous le savez, 11 millions de kilomètres carrés –, pour la lutte contre les trafics illégaux, pour la détection de pollution et pour le sauvetage en mer. Contrairement aux avions de patrouille maritime, ils n'effectuent pas de missions de lutte anti-sous-marine ni de bombardements d'objectifs terrestres. Le Falcon 2000 MRA de Dassault peut être équipé de missiles anti-navires, mais les Falcon 50 et 200 actuellement employés par la marine nationale ne sont pas armés.

Le programme est divisé en deux tranches. La première a vocation à renouveler la composante intervention de la mission de surveillance et d'intervention maritime (SIMAR), tandis que la deuxième vise à couvrir la totalité des besoins opérationnels – ce que ne permet pas la première. Le format de l'incrément n'est pas encore arrêté : s'agira-t-il d'aéronefs, de drones ou d'une combinaison des deux ? L'engagement de la première tranche a été décidé en novembre 2020. Le choix s'est porté sur douze aéronefs Falcon 2000, pour un coût unitaire de 50 millions d'euros : sept ont été commandés en tranche ferme dans le cadre de la présente LPM et les cinq suivants en tranche optionnelle dans le cadre de la prochaine programmation.

Compte tenu des besoins toujours plus importants de surveillance de notre zone économique exclusive, notamment dans le secteur indopacifique, du fait de la prédation halieutique de la Chine, et compte tenu du deuxième plan de relance à venir en vue de soutenir le secteur de l'aéronautique, que l'on sait sinistré par la crise sanitaire, pourquoi, madame la ministre, ne pas commander ces cinq avions sans attendre la prochaine LPM – et ce d'autant que Dassault et ses sous-traitants, comme Safran, sont en mesure de les fournir rapidement ?

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pour avis de la commission de la défense (Préparation

Je focaliserai mon intervention sur le programme d'avion de surveillance et d'intervention maritime (AVSIMAR). Je voudrais au préalable remercier les ministres pour leur présence régulière sur le terrain. Mme la ministre des armées connaît bien la marine ; d'ailleurs, elle était la semaine dernière encore à la base navale de Brest.

Le programme AVSIMAR prévoit le remplacement des Falcon 50 et des Falcon 200 de la marine nationale, qui commencent à prendre de l'âge. Ce sont les Falcon 2000 LXS de Dassault Aviation qui constitueraient sans doute la meilleure solution technique pour répondre aux besoins identifiés. Il reste à définir les équipements et les capacités qui seront embarqués à bord de ces avions. Les appareils de ce type comprennent habituellement un radar de surveillance maritime, un système optronique, un système de mission et des moyens de communication ; ils peuvent aussi larguer des kits de survie pour venir en aide à des naufragés.

Le Falcon 2000 LXS disposera d'une plus grande autonomie que les appareils actuellement en service. Selon Dassault Aviation, la force du Falcon 2000 repose également sur son avionique moderne et sur le fait que cinq cents Falcon 2000 – principalement civils – ont déjà été livrés et totalisent plus de 1,8 million d'heures de vol ; c'est dire l'expérience dont ils disposent. En outre, ils seront équipés du radar Searchmaster de Thales.

Les avions de surveillance maritime sont employés pour des missions de contrôle des zones économiques exclusives – celle de la France couvre, vous le savez, 11 millions de kilomètres carrés –, pour la lutte contre les trafics illégaux, pour la détection de pollution et pour le sauvetage en mer. Contrairement aux avions de patrouille maritime, ils n'effectuent pas de missions de lutte anti-sous-marine ni de bombardements d'objectifs terrestres. Le Falcon 2000 MRA de Dassault peut être équipé de missiles anti-navires, mais les Falcon 50 et 200 actuellement employés par la marine nationale ne sont pas armés.

Le programme est divisé en deux tranches. La première a vocation à renouveler la composante intervention de la mission de surveillance et d'intervention maritime (SIMAR), tandis que la deuxième vise à couvrir la totalité des besoins opérationnels – ce que ne permet pas la première. Le format de l'incrément n'est pas encore arrêté : s'agira-t-il d'aéronefs, de drones ou d'une combinaison des deux ? L'engagement de la première tranche a été décidé en novembre 2020. Le choix s'est porté sur douze aéronefs Falcon 2000, pour un coût unitaire de 50 millions d'euros : sept ont été commandés en tranche ferme dans le cadre de la présente LPM et les cinq suivants en tranche optionnelle dans le cadre de la prochaine programmation.

Compte tenu des besoins toujours plus importants de surveillance de notre zone économique exclusive, notamment dans le secteur indopacifique, du fait de la prédation halieutique de la Chine, et compte tenu du deuxième plan de relance à venir en vue de soutenir le secteur de l'aéronautique, que l'on sait sinistré par la crise sanitaire, pourquoi, madame la ministre, ne pas commander ces cinq avions sans attendre la prochaine LPM – et ce d'autant que Dassault et ses sous-traitants, comme Safran, sont en mesure de les fournir rapidement ?

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Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit mon collègue Dufrègne – ce qui souligne l'excellente collaboration entre nous depuis quatre ans, laquelle nous a permis de régler à peu près toutes les questions soulevées par le G12, le groupe des douze associations et fédérations nationales d'anciens combattants, au point que nous en venons cette année à aborder des sujets qui n'ont rien à voir avec la mémoire ni avec les anciens combattants mais qui ont trait au volet fiscal, avec notamment la demi-part des veuves. C'est la raison pour laquelle j'étais resté en retrait lors du débat dans l'hémicycle.

Le cours que suivent la loi de programmation militaire et les programmes liés à la politique mémorielle va conduire, comme l'a souligné Jean-Paul Dufrègne, à une remise en cause de la politique de mémoire dans les années qui viennent. Il semble nécessaire de chercher de nouveaux passeurs de mémoire, de manière que celle-ci perdure et que l'État continue à exercer cette mission régalienne. Je voudrais à cet égard saluer la réactivité de ses services durant cette année de crise sanitaire ; en particulier, la direction du patrimoine, de la mémoire et des archives (DPMA) et l'ONACVG ont su s'adapter au fait que le public était privé d'accès aux sites mémoriaux et aux nécropoles en donnant à ces lieux une visibilité en ligne qui a permis d'augmenter leur taux de fréquentation virtuel et suscitera très certainement un afflux de visiteurs au moment du déconfinement. Je veux aussi, madame la ministre déléguée, saluer la réactivité dont vous avez fait preuve en accordant aux scolaires la gratuité d'accès à divers sites, notamment aux hauts lieux de mémoire.

Au-delà de l'application de la LPM, qui est parfaitement dans la ligne de ce que nous avions voté, nous devons en effet faire preuve d'adaptabilité, et c'est pourquoi je tiens à saluer – je troque ici ma casquette de rapporteur pour avis pour celle de porte-parole du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés (Dem), ce qui nous permettra de gagner un peu de temps, monsieur le président – la réactivité de Mme la ministre des armées, notamment en matière spatiale. Le commandant de l'espace vient d'être auditionné par la commission de la défense. Vous avez su, madame la ministre, donner un coup de collier, permettant à notre armée de l'air et de l'espace de se hisser au plus haut niveau de respectabilité dans ce domaine et d'assumer une politique de domination de l'espace, au point que même les États-Unis reconnaissent cette capacité française. Vos choix ont pesé au moment de la désignation par l'OTAN d'un centre d'excellence spatial ; comme vous l'aviez annoncé le 4 février dernier, l'OTAN a en effet décidé de l'implanter à Toulouse, dans une région particulièrement touchée par la crise. Cette décision n'a pu être acquise que grâce à votre décision opportune d'augmenter le budget en cours d'année ainsi que l'année précédente, ce qui nous a permis d'être au rendez-vous d'une compétition âpre avec nos partenaires allemands.

Dans les deux cas, au-delà du respect de la trajectoire fixée, nous avons su nous adapter et répondre aux défis qui se présentaient à nous dans une période de crise ou de compétition. C'est ce que je voulais souligner au nom du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés.

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En premier lieu, permettez-moi de m'écarter quelque peu de notre ordre du jour et de me réjouir de l'annonce de la réalisation, le 14 mai dernier, de la première mission opérationnelle du Reaper Block 5. Ces drones étaient depuis trop longtemps relégués au fond des hangars de la base aérienne de Cognac, et je me félicite de voir desserrés les freins – notamment administratifs – qui empêchaient leur emploi opérationnel. Avec le Block 5 du Reaper, nos forces disposeront d'une qualité d'image accrue, ce qui permettra d'accroître nos capacités de renseignements. Leur armement pourra en outre être diversifié, avec l'emport de missiles Hellfire. Nous ne sommes pas ici pour parler des drones mais, en tant que rapporteur pour avis sur les crédits du programme 146, je ne pouvais passer sous silence cette très bonne nouvelle.

J'en viens au cœur de notre sujet : l'évaluation de la politique de défense. En premier lieu, il me semble important de noter qu'en 2020 comme en 2019, la trajectoire de la LPM a été respectée.

En outre, l'effort de sincérisation du financement des opérations extérieures et des missions intérieures que nous avons fourni a permis un autofinancement complet de leurs surcoûts par la mission Défense. Comme le souligne la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, cela a mis un terme aux annulations massives réalisées sur le programme 146 et à la dépendance de la mission envers la solidarité interministérielle. Je ne peux que m'en réjouir car, pour la direction générale de l'armement, pour les forces armées et pour les industriels, il s'agit d'un facteur de stabilité à même de nous prémunir contre les à‑coups des programmes d'armement que l'on a pu connaître par le passé.

Néanmoins, la gestion de l'année 2020 n'a évidemment pas été un long fleuve tranquille, l'épidémie de covid-19 ayant eu des répercussions sur le secteur de la défense.

Mon avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2021 présente en détail les dispositifs de soutien mis en œuvre par le ministère des armées, en particulier en direction des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) du secteur de la défense. En fin de compte, l'impact de la crise sanitaire sur le budget des armées est resté maîtrisé, d'autant que l'essentiel des dépenses additionnelles, qui s'élèvent à 1,09 milliard d'euros, correspondent à des mesures de soutien aux industriels de la défense.

Comme le relève la Cour des comptes, « le programme 146 a été fortement sollicité pour participer aux mesures de rebond et aux mesures de relance destinées à pallier les conséquences économiques de la crise sanitaire en soutenant l'activité économique », à hauteur de 755 millions d'euros en crédits de paiement. Citons notamment, au titre des mesures de rebond, le soutien accru aux programmes d'avion Rafale, au programme de système d'information de combat SCORPION, aux programmes d'avion A400M, de missile M51, de missile mer-sol balistique stratégique (MSBS) ou encore à la rénovation à mi-vie des frégates légères furtives.

Je ne reviendrai pas sur le plan de soutien au secteur aéronautique, qui comprend une large part consacrée à la défense et dont j'avais dressé un premier bilan dans mon dernier rapport.

Notre base industrielle et technologique de défense (BITD) a toutefois été durement touchée par la crise, et certains industriels sont fragilisés. Ma première inquiétude porte sur les 4 000 PME de l'écosystème de défense, qui disposent en général de peu de réserves en trésorerie ou en capital. Je crains également que nos perspectives d'exportation ne s'éclaircissent pas assez rapidement. Si la France a remporté récemment de beaux succès, avec notamment le Rafale, nos compétiteurs ne sont pas restés inactifs durant la crise, comme j'ai pu le constater lors de ma visite au salon international de défense et de sécurité IDEX 2021 à Abou Dabi, aux côtés de Florence Parly et de Françoise Dumas ; de surcroît, ils ne rencontrent pas les mêmes difficultés de financement que nos industriels, comme l'a montré le rapport de nos collègues Françoise Ballet-Blu et Jean-Louis Thiériot sur le financement de la BITD.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous exposer les perspectives d'exportation pour la BITD française ainsi que les dispositifs de soutien à l'exportation et leurs voies d'amélioration ? En vue de mes prochains travaux aux programmes d'armement intéressant la dissuasion, serait-il possible de m'indiquer les principales échéances de l'année 2021 s'agissant du renouvellement de nos composantes ?

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Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense est un programme dont le poids budgétaire est faible – quoique de moins en moins – mais qui revêt des enjeux de souveraineté majeurs, en matière tant de renseignement que d'autonomie stratégique et technologique. Il convient donc de ne pas en négliger l'examen annuel ni le contrôle.

Comme vous l'avez souligné dans l'hémicycle il y a quelques jours, madame la ministre, lors d'un débat sur la loi de programmation militaire, l'innovation est la clef du succès, la clef de la supériorité opérationnelle de nos armées dans le futur. Le risque que nous courons est justement de passer à côté d'innovations essentielles car l'innovation se déploie de manière différente aujourd'hui qu'il y a vingt ou trente ans ; elle est très fortement centrée sur le numérique, donc sur des cycles extrêmement courts, alors que nous avons l'habitude de travailler sur des programmes d'armement s'étalant sur des décennies. Il nous faut intégrer des innovations qui parfois se renouvellent à l'échelle de quelques semaines ou de quelques mois. C'est pourquoi a été créée l'Agence de l'innovation de défense, avec ses sept pôles territorialisés, qui travaillent en liaison avec notre base industrielle et technologique de défense.

Comme pour les autres programmes de la mission, les engagements que nous avons pris en 2018, lors de l'adoption de la LPM, sont tenus. Nous consacrons cette année 900 millions d'euros en crédits de recherche amont à l'innovation ; l'année prochaine, nous atteindrons la barre symbolique du milliard d'euros.

Je tiens à souligner que vos services, en particulier l'Agence de l'innovation de défense, doivent apporter une attention particulière à la visibilité du processus de passage à l'échelle et à la pédagogie dont ils doivent faire preuve en la matière. Prenons l'exemple des projets d'innovation participative (PIP) : des soldats du rang, des sous‑officiers ou des officiers vont, avec ou sans les moyens du régiment, donner naissance à une invention qui débouchera sur une innovation. Or nombreux sont ceux qui disent ignorer – tout comme leur hiérarchie, d'ailleurs – comment assurer le passage à l'échelle de cette innovation, c'est-à-dire sa fabrication en un nombre plus ou moins important d'exemplaires. Les silos budgétaires peuvent en outre freiner l'opération.

Il existe un comité permanent d'accélération de l'innovation, qui, sauf erreur, permet de suivre les projets d'innovation et surtout de faciliter leur passage à l'échelle. Peut-être serait‑il bon de mieux faire connaître son rôle et ses méthodes de travail auprès des forces armées ?

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Les restes à payer, qui s'élèvent à 64 milliards d'euros fin 2020, sont en très forte augmentation. N'est-ce pas préoccupant ?

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Florence Parly, ministre des armées

Vous l'avez dit : la loi de programmation militaire n'est pas une loi de procrastination ; elle n'est pas une variable d'ajustement des choix des finances publiques. Ce n'est pas ainsi que je la conçois, et ce n'est pas ainsi que le Président de la République la conçoit, contrairement à nombre de nos prédécesseurs – je suis certaine que beaucoup d'entre vous pourrait attester des difficultés récurrentes de respect des LPM au cours des vingt-cinq dernières années.

Depuis quatre ans, le budget des armées est en croissance continue : 1,8 milliard d'euros en plus en 2018 par rapport à 2017, puis 1,7 milliard d'euros supplémentaires pour chacune des années suivantes, soit au total 10,5 milliards d'euros de plus pour notre défense. Cela faisait plus de vingt ans que cela n'était pas arrivé – et je ne parle pas là uniquement des lois de finances initiales, mais aussi et surtout de l'exécution des lois de finances, qui est le sujet qui nous occupe ce soir.

La LPM, c'est donc non seulement programmer, mais aussi tenir la trajectoire fixée. Depuis trois ans, la LPM pour 2019-2025 apporte des moyens exceptionnels à nos armées, qui en avaient bien besoin après tant d'années de carence, tant de LPM périmées dès les six premiers mois d'exécution. Pour la période 2019-2023, la LPM, c'est 198 milliards d'euros, soit l'équivalent d'un plan de relance, destinés à la réparation et à la modernisation des armées. En appliquant depuis trois ans cette LPM, nous avons à cœur de changer la vie et le quotidien de celles et ceux qui s'engagent corps et âme pour notre pays. Des nouveaux équipements du quotidien aux conditions d'hébergement, des places en crèche à la solde payée juste et à l'heure, nous avons transformé et continuons de transformer tous les segments de la vie du militaire afin d'être à la hauteur de son engagement pour la France. Cette LPM nous a permis de lancer de grands programmes structurants pour l'avenir, qui doivent garantir le maintien d'une dissuasion nucléaire crédible, nous faire entrer dans l'ère du combat connecté et nous permettre de faire face aux nouvelles menaces, dont les conflits hybrides.

Je me concentrerai sur l'exécution du budget 2020, qui a été profondément marquée par la crise sanitaire. Pour cette deuxième année de mise en œuvre effective de la LPM, le budget de la mission Défense a augmenté de 1,7 milliard, pour atteindre 37,5 milliards d'euros. Cet effort considérable confirmait, pour la deuxième année consécutive, le strict respect de la trajectoire de la LPM. Quant à l'exécution budgétaire de l'année 2020, elle est, pour la quatrième année consécutive, strictement conforme à l'objectif de consommation des crédits de paiement prévu en LFI, ce qui est inédit et relève de la prouesse, compte tenu de la crise sanitaire puis économique sans précédent à laquelle nous avons été confrontés.

Malgré cette crise, la modernisation de nos armées s'est poursuivie. Les programmes à effet majeur, qui financent les principaux équipements des armées, ont fait l'objet, en 2020, de 7,9 milliards d'engagements et de 6,4 milliards d'euros de paiements. Les commandes et les livraisons se sont poursuivies partout en France. Surtout, la continuité des activités a été assurée. Cette prouesse, que je tiens à saluer devant vous, est le résultat d'un investissement sans faille des personnels du ministère, et ce dans des conditions particulièrement difficiles.

Je citerai quelques exemples qui illustrent bien ce dépassement. Tout d'abord, les premiers essais à la mer du sous-marin d'attaque de nouvelle génération Barracuda ont été conduits de façon remarquable, dans le respect d'un protocole strict, et ont permis de livrer le Suffren à la marine nationale dans un calendrier maîtrisé.

Je pense ensuite au tir du missile M51 depuis le sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) Le Téméraire, intervenu le 12 juin. Le succès de ce tir, qui a nécessité une préparation de plusieurs mois associant l'ensemble des parties prenantes, démontre notre excellence technologique et contribue à asseoir la crédibilité de la dissuasion nucléaire française. Je me suis d'ailleurs rendue, la semaine dernière, à l'Île Longue pour féliciter ceux qui mettent en œuvre la composante océanique de notre dissuasion qui, malgré la pandémie, ne s'est jamais interrompue.

Je pense enfin aux multiples livraisons d'équipements à nos forces, que la crise n'a pas non plus interrompues – et je tiens à saluer les industriels qui ont contribué à assurer cette continuité. Ainsi, 90 véhicules blindés multi-rôles Griffon, 40 postes de tir de missiles de moyenne portée, 400 munitions MMP, 425 postes pour véhicule et 80 radios portatives Contact, qui relèvent du programme SCORPION, 6 hélicoptères NH90, 2 Falcon 50 pour la surveillance maritime, 1 A400M, 1 avion de transport et de ravitaillement multi-rôles tanker transport (MRTT) Phénix et 2 avions A330 ont été commandés – pour ces derniers, dans le cadre du plan de soutien aéronautique. Enfin, un satellite d'observation spatiale a été lancé le 29 décembre dernier.

Dans le domaine des infrastructures, je tiens à souligner le bilan satisfaisant de la première année de mise en œuvre de la nouvelle architecture budgétaire. La cohérence entre programmes d'armements, d'une part, et opérations d'infrastructures associées, d'autre part, se trouve renforcée en gestion, mais aussi et surtout en programmation. Ceux qui expriment les besoins sont désormais mieux associés et responsabilisés dans l'élaboration, la conduite et la réalisation des infrastructures du ministère.

Le surcoût lié aux opérations extérieures et aux missions intérieures (MISSINT) s'est élevé à 1,440 milliard en 2020, alors que, pour la première fois, la loi de finances initiale avait porté la provision annuelle à 1,2 milliard, traduisant ainsi un effort sans précédent de sincérisation de la couverture de nos surcoûts qui a permis d'assurer le financement des OPEX et des MISSINT sans pressions excessives sur le budget de l'État et sur celui des armées.

En matière de masse salariale, nous avons mis fin à la sous-consommation des crédits du titre 2, que vous souligniez les années précédentes, pour des montants qui étaient à chaque fois proches de 150 millions d'euros. Conformément à l'engagement que j'avais pris, nous avons résorbé ce surplus de masse salariale budgétisée, si bien qu'au terme de la gestion 2020, la loi de finances initiale a été respectée, ce qui est, là aussi, particulièrement remarquable dans un contexte où les flux d'entrée et de sortie des personnels ont été brutalement modifiés par la crise liée au covid-19 et à l'incertitude économique. Le ministère a réussi à tenir ses objectifs en matière de ressources humaines. Ainsi, plus de 21 000 militaires et près de 4 000 civils l'ont rejoint l'an dernier. Nous avons également tenu les objectifs que j'avais fixés dans le cadre du plan famille, notamment en matière de petite enfance, d'hébergement et de logement.

À la fin 2020, le report de charges de la mission Défense s'établit à 3,760 milliards d'euros, dans le respect des objectifs qui figurent au rapport annexé de la LPM. Ce résultat confirme que, depuis 2017, nous parvenons à conjuguer la remontée en puissance de nos armées avec la maîtrise de notre trajectoire budgétaire – je reviendrai dans un instant, monsieur le président, sur les restes à payer.

Pour tenir les objectifs budgétaires, le ministère s'est pleinement mobilisé et a su faire preuve d'agilité. Sans une telle souplesse, ce sont plus de 1 milliard d'euros que nous n'aurions pas consommés. Grâce à cette proactivité, les crédits ont pu être utilement redéployés pour soutenir notre base industrielle et technologique de défense, ainsi que les PME et les PMI les plus fragilisées durant ces mois de crise. Les marges dégagées par les retards de livraison directement liés aux conséquences de la crise sanitaire ont pu être redéployées au profit notamment du plan de soutien aéronautique annoncé au mois de juin dernier avec le ministre chargé de l'économie et de la relance. Ainsi, 600 millions d'euros ont été réinvestis dans ce secteur économique particulièrement touché – vous avez cité le cas de l'agglomération toulousaine –, dont plus de 200 millions d'euros au profit des avions MRTT. Je ne mentionne pas les hélicoptères Caracal, car cette commande sera imputée sur l'exercice suivant.

Je souhaite à présent dire un mot de la préparation opérationnelle. Malgré la crise, les normes d'entraînement prévues en 2020 ont été globalement respectées. De nombreux exercices internationaux ont malheureusement dû être annulés, mais nous avons su nous adapter pour maintenir le niveau de préparation opérationnelle nécessaire.

Le nerf de la guerre, en la matière, c'est évidemment la disponibilité de nos matériels. Un Griffon qui ne roule pas ou un avion qui ne décolle pas, c'est comme une coquille vide ! J'ai donc placé cet enjeu au cœur de mon action, en engageant d'importantes réformes du maintien en condition opérationnelle (MCO) dans les trois milieux, le plus grand chantier étant celui du MCO aéronautique.

Un des points majeurs de cette réforme consiste dans la verticalisation des contrats de maintenance. Le principe de ces nouveaux contrats est de responsabiliser un seul industriel, au lieu, comme c'était le cas auparavant, de diluer la responsabilité entre plusieurs dizaines d'acteurs différents. En 2020, quatre nouveaux contrats ont ainsi été notifiés, ce qui porte à dix le nombre des flottes d'aéronefs qui en bénéficient. Les premiers signes d'amélioration – j'insiste sur ces mots, qui signifient que le travail doit être poursuivi – sont d'ores et déjà visibles. Ainsi, le nombre moyen d'avions A400M disponibles, qui était de seulement quatre en 2017, se situe actuellement à six et a même atteint un pic à onze, ce qui est tout à fait inédit. Quant à la disponibilité moyenne des Caracal – ces hélicoptères qui participent à la fois aux missions sensibles des forces spéciales et au sauvetage de personnes lors des tempêtes ou des catastrophes naturelles ou au transport de patients en réanimation, comme ce fut le cas en 2020 –, qui était de cinq appareils en 2017, elle est désormais de huit.

Nous poursuivrons cet effort, puisque nous allons affecter, au titre de la LPM, 450 millions d'euros supplémentaires à la meilleure préparation de nos forces dans le cadre de l'ajustement que j'ai présenté à votre assemblée, le 4 mai devant la commission de la défense et le lendemain en séance publique.

Préparer nos forces, moderniser et renouveler nos capacités, c'est préparer l'avenir en conduisant les travaux de préparation des grands programmes. Le système de combat aérien du futur (SCAF), le système de combat terrestre principal (MGCS), c'est-à-dire le char de combat du futur, le porte-avions de nouvelle génération, le drone européen : tous ces programmes ont été poursuivis au cours de l'année 2020, marquée par des avancées majeures telles que le choix de la propulsion nucléaire pour le porte-avions de nouvelle génération, annoncé par le Président de la République en décembre dernier. Les efforts réalisés tout au long de cette année se concrétisent également dans le domaine de la coopération structurante qu'est le SCAF, puisque nous avons annoncé, avec mes homologues allemand et espagnol, un accord majeur qui nous permettra de mettre en vol un démonstrateur du SCAF dès 2027 et de disposer d'une capacité opérationnelle à l'horizon 2040.

Enfin, la LPM prévoit un effort particulier en faveur de l'innovation, pour atteindre un montant annuel de 1 milliard d'euros à compter de 2022 – à comparer aux 730 millions d'euros en moyenne de la précédente LPM. En 2020, l'ensemble des crédits de paiement ont été consommés et le niveau d'engagement quasi atteint : 992 millions d'euros pour une ressource de 996 millions. Cet investissement permet de poursuivre et d'accentuer la démarche de captation de l'innovation civile en cycle court, d'investissement dans l'innovation de rupture, de réalisation de démonstrateurs, mais aussi, même si la part budgétaire est plus modeste, de favoriser l'innovation participative.

J'évoquerai, pour conclure, l'engagement exceptionnel du ministère des armées pendant la crise sanitaire. Dans le cadre de l'opération Résilience, il a appuyé les autorités civiles, notamment en participant à 225 évacuations de patients grâce à des porte-hélicoptères amphibies, à des hélicoptères Caracal et Puma, à des éléments de transport MRTT et à des A400M médicalisés, et ce, en métropole comme outre-mer. Plus de 2 000 patients atteints du covid-19 ont été accueillis au sein des hôpitaux militaires et un élément militaire de réanimation du service de santé des armées a été déployé à Mulhouse – il a été depuis répliqué ailleurs.

Du jour au lendemain, le centre technique de la direction générale de l'armement de Vert-le-Petit, spécialisé dans la lutte contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), a reconverti ses bancs d'essai pour tester plusieurs milliers de solutions de masque textile. Ces travaux ont permis de définir une norme pour la mise sur le marché des masques grand public. L'appel à projets lancé par l'Agence de l'innovation de défense a conduit à analyser plus de 2 500 projets qui ont abouti à l'élaboration de solutions innovantes, parmi lesquelles un test sérologique haute résolution validé par la Haute autorité de santé et actuellement commercialisé, ainsi qu'un respirateur innovant en open source et open design.

Vous l'avez compris, le ministère des armées a remarquablement exécuté cette loi de finances. Aucun crédit n'a manqué. La continuité de nos opérations a été assurée. Les livraisons se sont poursuivies sans relâche et nous avons répondu présent pour assurer le soutien de la nation tant du point de vue économique qu'opérationnel. Bien entendu, nous poursuivrons ces efforts au cours de l'année 2021 et dans le cadre du budget pour 2022. Je ne voudrais pas évoquer des mesures qui ne sont pas à l'ordre du jour de cette réunion, mais leurs retombées économiques continueront de bénéficier à l'emploi dans nos territoires et à l'activité économique nationale.

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Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Je sais l'intérêt et l'attention que vous portez au budget du monde combattant, de la mémoire et du lien armées-nation. Je sais également combien vous êtes à l'écoute des anciens combattants et de leurs associations, et je veux, à nouveau, tous vous remercier. Le budget que vous avez bien voulu voter pour 2020 a été fidèlement exécuté, conformément à nos ambitions et à notre volonté d'élaborer des dispositifs équitables.

Respect des engagements pris depuis 2017, poursuite des réformes et des évolutions engagées en parfaite collaboration avec le monde combattant et attention particulière portée aux nouveaux anciens combattants : tels ont été les maîtres-mots pour l'année 2020.

Le montant des crédits exécutés sur le programme Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, placé sous ma responsabilité, s'est élevé à 2,07 milliards d'euros, soit une exécution conforme à 100 % aux crédits votés par le Parlement en loi de finances initiale. Ce budget maintient et confirme les droits à la reconnaissance et à la réparation dont bénéficie le monde combattant. Les objectifs ont été pleinement remplis : nous avons maintenu les droits des anciens combattants, toutes générations confondues ; nous avons progressé dans l'accompagnement des blessés et maintenu l'aide aux plus fragiles, y compris dans le contexte de crise sanitaire ; le travail de mémoire et de transmission s'est poursuivi à l'échelle nationale et locale.

Depuis 2017, je n'ai de cesse d'adapter notre droit à réparation aux nouvelles attentes sociales, aux demandes des associations et aux conditions d'engagement de nos forces. De nombreuses décisions ont été prises pour maintenir et renforcer les droits des anciens combattants, la plus symbolique d'entre elles étant la fameuse carte 62-64 qui, à ce jour, a été attribuée à plus de 37 000 bénéficiaires, pour un coût en année pleine de 15,7 millions d'euros.

L'an dernier, nous avons poursuivi l'effort, en améliorant de façon pérenne la pension d'invalidité versée au conjoint survivant des grands invalides.

L'année 2020 a été la deuxième année de mise en œuvre du plan d'aide aux enfants d'anciens harkis : 864 dossiers ont été retenus, pour un montant supérieur à 6 millions d'euros – en nette augmentation par rapport à l'année précédente puisqu'en 2019, seulement 2 millions d'euros avaient été dépensés à ce titre –, grâce à une instruction des dossiers plus fluide et à une extension de l'accès aux droits.

Conformément aux engagements pris devant la représentation nationale, j'ai formé un groupe de travail tripartite sur la revalorisation du point PMI, dont les conclusions ont été rendues en mars dernier. Monsieur le rapporteur spécial, vous vous dites contrarié par le fait que le groupe de travail préconise de conserver les critères actuellement applicables en matière d'indexation du point PMI. Je vous rappelle cependant que ce groupe de travail était composé de représentants du monde combattant et d'associations qui, après avoir étudié les différentes possibilités, ont unanimement reconnu que ce critère ne devait pas être modifié. Je ne peux que m'incliner devant une telle unanimité. Nous procéderons à une évaluation et à une analyse précise de ce rapport dans le cadre des travaux du projet de loi de finances pour 2022.

Les anciens des OPEX sont l'avenir du monde combattant. Après quatre mois de présence en opération extérieure, un militaire se voit attribuer la carte du combattant et les droits afférents. À ce jour, plus de 240 000 cartes OPEX ont ainsi été délivrées. Nous devons à leurs titulaires un soutien et un accompagnement permanents. Nous avons amélioré le traitement des PMI des blessés, en facilitant les demandes en ligne, renforcé les moyens de la sous-direction des pensions et instauré un traitement prioritaire pour les demandes de PMI des blessés en OPEX. Leur parcours a bénéficié de nombreuses améliorations, notamment dans la prise en charge des syndromes physiques et post-traumatiques.

Par ailleurs, le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2020-2025 de l'ONACVG est résolument tourné vers les militaires en OPEX. Nous savons en effet que nous sommes dans une période intermédiaire et que les ressortissants vont progressivement évoluer, même si leur nombre baissera sensiblement dans les années à venir.

Le monument édifié pour les soldats morts en OPEX nous permet de leur rendre hommage. Près de 600 noms y sont, hélas ! déjà inscrits. J'ajoute que, cette année, nous avons vécu de grands moments commémoratifs autour de l'opération Daguet, déployée durant la guerre du Golfe. Cette mémoire vivante, qui passe par le témoignage des anciens, nous est précieuse ainsi qu'à nos militaires.

En 2020, notre ministère a su faire preuve d'une souplesse importante et démontrer sa capacité d'adaptation pendant la crise sanitaire. Les journées défense et citoyenneté (JDC) ont été suspendues de mars à août 2020, puis ont repris en format adapté, de sorte que 615 000 jeunes ont pu effectuer leur JDC en 2020, soit 80 % de la cohorte. Conformément au PLF 2020, l'indemnité de transport a été revalorisée de façon très significative.

Malgré la crise, le service militaire volontaire a accueilli 933 volontaires stagiaires et maintenu le taux d'insertion dans la vie professionnelle à plus de 70 %. Nous avons également veillé à préserver les temps mémoriels tout au long de l'année, notamment ceux liés au 80e anniversaire de l'année 1940 et au 150e anniversaire de la guerre de 1870. En outre, en 2020, nous avons entrepris des travaux majeurs dans nos lieux de mémoire, pour un montant supérieur à 8 millions d'euros, et modernisé les commémorations ; nous allons bien entendu accentuer cet effort d'innovation en 2021.

Enfin, il faut saluer le travail accompli tout au long de l'année 2020 par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, dont les agents se sont adaptés à la crise. Dans le COP que nous avons signé, j'ai souhaité que l'office non seulement prévoie sa transformation numérique mais, aussi et surtout, maintienne son maillage départemental et s'adapte à chaque public.

Pour conclure, le budget du monde combattant est à la fois simple et complexe. Il s'agit en effet d'un budget majoritairement de guichet, si je puis m'exprimer ainsi, de sorte que nous devons évaluer et prévoir – ce qui n'est pas toujours aisé – le nombre des personnes qui peuvent accéder aux droits. Quoi qu'il en soit, en 2020, ce budget a été très bien exécuté. Je vous remercie de l'avoir relevé et de continuer à soutenir les politiques en faveur du monde combattant, car nos anciens méritent l'attention de la nation.

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Madame la ministre, j'irai droit au but. Le Printemps de l'évaluation a pour objet non seulement de vérifier l'exécution des crédits, mais aussi de préparer le prochain projet de loi de finances. La défense ne fait pas partie des missions évaluées dans le cadre du « budget vert », qui a été présenté en annexe de la loi de finances pour 2021. Ces dépenses, est-il indiqué, sont neutralisées car une méthodologie n'a pas encore été précisément définie, mais, ajoute-t-on, le Gouvernement y travaillera en 2021. Je souhaiterais donc savoir quelle méthodologie vous élaborez avec Bercy pour nous permettre d'avancer dans ce domaine.

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Madame la ministre déléguée, je souhaite appeler votre attention sur la demi-part fiscale accordée aux veuves dont les conjoints ont bénéficié de la retraite des combattants. Si je me réjouis qu'à compter du 1er janvier 2021, cette demi-part fiscale puisse être attribuée aux veuves de 74 ans et plus dont le conjoint est décédé entre 65 et 74 ans, j'exprimerai néanmoins deux regrets.

Le premier concerne l'âge retenu pour les veuves : 74 ans. Pourquoi les veuves moins âgées n'ont-elles pas droit à la même considération que leurs aînées alors que la France n'est pas moins redevable à leurs maris de leur engagement ?

Le second a trait à la différence de traitement en fonction de l'âge de décès du conjoint. Pourquoi exclure de cette mesure les veuves dont les conjoints sont décédés avant 65 ans ?

Enfin, je souhaite soulever un problème qui risque de se présenter très bientôt. Il reste, à ce jour, un peu moins d'un million d'anciens combattants, dont une majeure partie a plus de 80 ans. Chaque année, on déplore le décès d'environ 50 000 d'entre eux. Nous devons être conscients que la diminution de leur nombre, qui ne peut que s'accélérer, menace directement l'existence des très nombreuses associations qui les représentent et agissent sur l'ensemble du territoire français. Ainsi, on peut craindre qu'à terme, l'organisation des commémorations soit compromise, en particulier dans les petites communes rurales. Qui assumera, dès lors, notre devoir de mémoire ?

Que pensez-vous de l'idée d'ouvrir ces associations à de nouveaux membres, des sympathisants, afin de pérenniser ces manifestations essentielles et d'entretenir la mémoire de ceux qui ont combattu pour notre liberté et notre pays ?

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Je me félicite de la tenue de cette réunion, désormais traditionnelle, consacrée à l'exécution de la loi de finances.

L'exécution 2020 a été celle de tous les dangers pour les armées. Pourtant, les engagements ont été tenus. La deuxième annuité de la programmation militaire reste conforme aux objectifs. Quatre projets de loi de finances rectificatifs n'ont pas remis en cause le budget 2020 des armées. Compte tenu du contexte, je tiens à féliciter l'ensemble des personnels civils et militaires du ministère pour avoir continué à assurer leurs missions et la bonne exécution des programmes. Comme disent les Anglais, une mer calme n'a jamais fait de bons marins. Je suis convaincu que la crise est déjà riche d'enseignements.

Néanmoins, celle-ci a bouleversé les perspectives économiques et financières sur lesquelles se fonde la programmation. À cet égard, on ne peut qu'être inquiet de la nécessité, inscrite à l'article 3 de la LPM, de subordonner son exécution au contexte macroéconomique.

Concernant la fin de gestion 2020, se pose la traditionnelle question de la trajectoire du report de charges. Sommes-nous en ligne avec l'objectif fixé dans la LPM de 15 % des crédits hors masse salariale ? Je constate que les charges à payer des armées décroissent. Qu'en est-il des dettes fournisseurs ? Pourriez-vous détailler ces points ?

Par ailleurs, la loi de finances initiale prévoyait un montant très élevé, à hauteur de 25 milliards d'euros, en autorisations d'engagement sur le programme 146. À l'automne dernier, il restait 10 milliards à engager. Je constate que le reste à payer du programme 146 croît de 1,7 milliard d'euros. L'intégralité des autorisations d'engagement non engagées a-t-elle été transférée ?

Je conclus en évoquant brièvement l'exécution en cours. Vous avez déclaré, fin avril, que le ministère était en mesure d'engager plus de 370 millions d'euros au-delà des crédits prévus par la LPM dans le domaine notamment de la rénovation énergétique des bâtiments. Êtes-vous en mesure de nous assurer que le ministère bénéfice de cet apport, toutes choses égales par ailleurs ?

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J'aimerais revenir sur le thème choisi par notre rapporteur spécial, les externalisations. Lors des auditions dans le cadre de la mission d'information sur la guerre des drones, un haut gradé nous a expliqué que les systèmes de lancement des avions sur Le Charles de Gaulle sont produits par une entreprise américaine. En conséquence, il y a toujours des militaires américains présents sur le bateau. Comment assurer la sécurité et la confidentialité des missions de ce dernier et notre indépendance stratégique dans ces conditions ? Pourquoi ne pas accentuer nos efforts budgétaires en matière de recherche et d'innovation, et en faveur de la production nationale ? C'est la seule solution pour assurer une totale souveraineté à notre pays. Nos entreprises disposent du savoir-faire et notre armée, par son engagement, est déjà au rendez-vous.

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Avec 1,7 milliard d'augmentation annuelle sur la période 2019-2022, le budget de la défense est l'un de ceux qui bénéficient le plus de la solidarité nationale, au titre de la protection de la nation. C'est parfaitement justifié car il est nécessaire de nous prémunir face aux risques internationaux et à l'accroissement de la conflictualité dans différentes régions du globe, y compris aux frontières de l'Europe.

Je souhaiterais néanmoins appeler votre attention sur plusieurs points. On constate une sous-consommation inédite de près de 15 milliards d'euros en autorisations d'engagement entre la loi de finances initiale 2020 et les crédits effectivement consommés. S'agissant du programme Équipement des forces, on note une sous-consommation de 5 milliards d'euros des crédits d'engagement destinés au programme de SNLE de troisième génération (3G), visant à remplacer les quatre SNLE type Le Triomphant à l'horizon 2030. Le nouveau SNLE pourra embarquer les futurs incréments du missile M51 et répondre à l'évolution de la menace, en particulier en matière d'invulnérabilité. Comment expliquer cette sous-consommation très significative des crédits ?

De même, comment expliquer la sous-consommation de près de 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement concernant le programme de drones aériens ?

À l'inverse, on constate une surconsommation des crédits de paiement de la mission Défense de près de 600 millions d'euros par rapport à la loi de programmation, principalement due au programme Préparation et emploi des forces, à hauteur de 537 millions d'euros. Ces fonds supplémentaires sont venus abonder les crédits de paiements initiaux insuffisants votés en LFI 2020 et ont été en priorité affectés au MCO des forces terrestres, à hauteur de 239 millions d'euros, et à la préparation et à l'emploi des forces aériennes, à hauteur de 149 millions d'euros. Comment expliquer l'insuffisance des crédits de paiement dévolus au MCO des forces terrestres ?

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Je partage le constat de ma collègue Mme Mauborgne concernant le site de la 13e BSMAT de Moulins, pôle de compétence national de réception, de stockage et de distribution des rechanges techniques communs des armées, qui assure le MCO des matériels terrestres. Ma collègue a évoqué la nécessité de modernisation du site, impliquant des investissements importants. Le dossier est sur la pile de ceux que pourrait financer le plan de relance, mais les arbitrages ne sont pas rendus. J'ai visité le site et souhaite connaître les intentions précises du ministère concernant sa modernisation.

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Florence Parly, ministre

Monsieur le président, vous m'interrogez sur les restes à payer. Depuis 2018, le ministère des armées investit beaucoup. Ainsi, entre 2018 et 2021, le cumul des autorisations d'engagement s'élève à 232 milliards d'euros – 150 milliards sans le titre 2. Le rythme d'engagement étant plutôt prévu au début de la loi de programmation militaire, il est normal que cela crée des restes à payer. Cependant, il est important qu'ils soient maîtrisés, tout comme le report de charges. Je vous rassure, nous sommes dans les clous des jalons fixés dans le rapport annexé à la loi de programmation militaire. Bien sûr, nous devons rester extrêmement vigilants et ne pas créer de « non-maîtrise » d'une charge publique future. Mais les contrôles sont nombreux – Parlement, Cour des comptes – et nous sommes sur la bonne trajectoire.

Monsieur le rapporteur spécial Cornut-Gentille, vous avez insisté sur les externalisations. Je vous remercie d'ailleurs pour votre analyse, qui a débouché sur des recommandations opérationnelles puisqu'elles ont quasiment toutes été mises en œuvre. L'externalisation concerne les prestations de soutien périphériques, et non le cœur de métier du ministère des armées. Elle vise à maîtriser les coûts et à améliorer l'efficacité du service fourni. Vous vous êtes principalement penché sur l'externalisation des transports stratégiques, où les contrats permettent de disposer de capacités en complément des moyens nationaux. Au fur et à mesure de la livraison des Airbus A400M, avions de transport inter et intra -théâtre, la pression sur notre ministère devrait diminuer, sans toutefois disparaître.

Vous avez fait des propositions concernant la professionnalisation de la commande publique : elles nous permettront de disposer de meilleures prestations, au meilleur coût.

Je ne partage pas votre analyse concernant l'insuffisance de contrôle de l'Économat des armées, auquel nos forces font également appel pour leurs achats. Son statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) nous permet de disposer de prestations au meilleur coût, sans aucune subvention ; c'est un bon équilibre. En outre, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), direction spécialisée, assure le contrôle de « l'honorabilité » – si vous me permettez l'expression – des sociétés prestataires.

Enfin, monsieur le rapporteur spécial, toutes les réponses aux questions que vous aviez posées sont disponibles ; trois étaient classifiées, mais n'attendent plus que de vous être remises en mains propres.

Madame Bono-Vandorme, vous évoquez la nouvelle nomenclature budgétaire. Vous avez raison, les chefs d'état-major expriment parfois le vœu de maîtriser non seulement l'exécution, mais aussi la planification. La réforme de la nomenclature permet déjà de lier les opérations concernant les infrastructures aux grands programmes d'armement. Nous ne souhaitons pas que les infrastructures liées aux équipements opérationnels soient un peu trop systématiquement privilégiées, comme ce fut parfois le cas par le passé, au détriment de celles destinées aux personnels. La situation s'est améliorée et l'équilibre me semble satisfaisant, même s'il ne s'agit pas d'une science exacte.

Vous avez raison quand vous affirmez qu'il faut que l'opération Sentinelle soit plus flexible. Ses modalités de déploiement ont été révisées en 2018 et nous continuons à optimiser une ressource rare, dans le cadre du dialogue fructueux noué entre les préfets et les autorités militaires déconcentrées. Il ne s'agit pas d'immobiliser de façon stérile des forces qui doivent aussi s'entraîner, mais de disposer, là où c'est nécessaire, quand c'est nécessaire, d'un appoint dans la lutte contre le terrorisme sur le territoire national.

S'agissant de l'entrepôt de Moulins, je vais vous apprendre une bonne nouvelle : après analyse approfondie, nous avons décidé d'intégrer sa rénovation dans la programmation budgétaire car c'est indispensable. Les études sont en cours et différents scénarios de contractualisation sont envisageables. La dépense sera significative – supérieure à 100 millions d'euros. Vous comprendrez donc que nous soyons très attentifs à retenir le meilleur schéma contractuel, afin d'atténuer la charge pour le budget du ministère.

Je passe maintenant au programme AVSIMAR. Allons-nous accélérer la commande des Falcon ? Non car le calendrier de livraison, agréé avec l'industriel, répond exactement aux besoins opérationnels. Nous avons déjà acheté sept avions dans le cadre d'une première tranche ferme, et cinq suivront à compter de 2025. Ledit industriel ne manque pas de travail, et c'est heureux, des prospects à l'exportation s'étant récemment matérialisés.

Pour 2021, le budget de la dissuasion s'élève à 4,97 milliards d'euros, en hausse de 5 % par rapport à 2020. Il nous permettra de poursuivre l'adaptation et le renouvellement de ses différentes composantes. Ainsi, en ce qui concerne la composante océanique, nous poursuivons le développement du prochain incrément du missile M51. Les travaux de réalisation des SNLE de troisième génération ont été lancés en février 2021, ce qui explique la moindre consommation des crédits de ce programme en 2020. En ce qui concerne la composante aéroportée, nous poursuivons la rénovation à mi-vie du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) et les études d'architecture de son successeur, le missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G). Enfin, nous continuons à moderniser les systèmes de transmissions nucléaires, qui bénéficient aux deux composantes.

Vous m'avez interrogée sur les exportations d'armement au cours des derniers mois, et les perspectives dans les prochains mois. En concentrant notre attention sur les problèmes nationaux, la crise sanitaire n'a pas été très favorable à la poursuite de la prospection, même si nous sommes restés très mobilisés car les exportations sont essentielles à la pérennité de notre BITD. L'interruption complète des voyages à l'étranger nous a handicapés, mais n'a pas empêché certains succès – Rafale en Grèce, puis en Égypte. Nous espérons pouvoir finaliser d'autres ventes au cours des prochains mois. Enfin, je présenterai le rapport relatif aux exportations 2020 au Parlement dans quelques semaines.

Vous m'avez également interrogée sur le suivi des entreprises de la BITD, notamment les PME les plus fragiles. Nous avions déjà engagé des dispositifs de soutien en faveur des PME avant la crise sanitaire, que nous avons complétés par un dispositif très particulier de suivi : en liaison avec la direction générale des entreprises à Bercy, la direction générale de l'armement a réalisé 1 300 visites au sein des 4 000 entreprises que comprend la BITD et établi une sorte de carnet de santé de ces entreprises : dans 10 % d'entre elles, soit un peu plus d'une centaine, nous avons mobilisé des moyens spécifiques ou des moyens généraux, les moyens généraux étant ceux ouverts à l'ensemble des entreprises françaises par le ministère de l'économie, des finances et de la relance, et les moyens spécifiques prenant la forme de mesures de trésorerie, de modification des calendriers de versement des acomptes de crédits de paiement ou d'anticipation de commandes.

M. Gouttefarde m'a interpellée sur l'innovation. Je partage son constat : il faut être particulièrement attentif au moment du « passage à l'échelle ». La semaine dernière, à l'Agence de l'innovation de défense, nous avons présenté les meilleurs projets issus de l'innovation participative et il est important de veiller à la conversion de ces innovations en projets qui, s'ils sont souvent bénéfiques à une armée, peuvent aussi l'être pour l'ensemble des armées.

Madame Peyrol, vous m'interrogez sur le budget vert. En 2020, nous n'avions pas la capacité de contribuer à la comptabilité établie par Bercy pour présenter la première version du budget vert car la majeure partie de la contribution du ministère des armées prend la forme d'investissements en infrastructures, et ce patrimoine n'était pas suffisamment connu. Nous avons donc travaillé avec le ministère des finances et devrions désormais pouvoir y contribuer. En outre, je l'avoue, j'ai souhaité donner la priorité aux réalisations du ministère, avant leur comptabilisation, et ces réalisations passent aussi par l'élaboration d'une stratégie énergétique de défense.

Dans le cadre de l'appel à projets lancé par Bercy au titre de la relance, nous avons présenté des projets contribuant à la rénovation énergétique de nos installations qui le méritaient ; 207 millions d'euros vont ainsi être affectés à 700 projets. Nous allons donc d'abord contribuer en nature, si vous me permettez l'expression, et j'espère que cette contribution se reflétera dans le budget vert qui vous sera présenté dans quelques mois.

Monsieur Lassalle, vous avez raison, chaque fois que cela est possible, il faut essayer de cultiver notre souveraineté. S'agissant du cas particulier que vous avez évoqué, nous achetons depuis longtemps nos systèmes de catapultes auprès des Américains et ce sera à nouveau le cas pour le porte-avions de nouvelle génération – même si la technologie est différente puisque nous passons d'une catapulte à pression hydraulique à une catapulte électromagnétique. Pourquoi ? Dans le monde, peu de pays utilisent un système de catapultage et de récupération des avions horizontal, sur un pont. C'est un système plus exigeant, mais aussi plus maniable. À ma connaissance, seuls les États-Unis, la France et peut-être un troisième pays l'utilisent. Autant dire que le marché est étroit ! Par conséquent, les États-Unis ayant plus de dix porte-avions et nous, un seul, sans renoncer à nos ambitions de souveraineté, nous avons cherché à optimiser les ressources, d'autant qu'il est important que nous poursuivions nos investissements dans d'autres domaines, justement afin de préserver et de faire grandir cette souveraineté. Mais, je vous rassure, monsieur le député, il n'y a pas de militaires américains à bord du porte-avions Charles de Gaulle !

J'ai validé une réforme du MCO terrestre qui vise à faire monter en puissance la part de l'industrie dans la régénération du matériel, à hauteur de 40 % à l'horizon de 2025, alors qu'elle était particulièrement basse – de l'ordre de 10 %. Je vous l'avoue très humblement, je ne sais pas s'il y a un lien entre cette montée en puissance dans le partage des coûts et votre constat sur l'exécution des crédits budgétaires. Je vous répondrai plus précisément par écrit.

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Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée

Monsieur Therry, votre commentaire sur la demi-part fiscale ne concerne pas directement l'exécution budgétaire 2020 mais je vais vous répondre. Si la retraite du combattant est acquise à partir de 65 ans, ce n'est qu'à partir de 74 ans qu'elle donne droit à une demi-part fiscale supplémentaire. Auparavant, si le combattant décédait avant 74 ans, le conjoint survivant ne pouvait en bénéficier. Désormais, si l'ancien combattant a bénéficié de sa retraite du combattant – à partir de 65 ans donc –, le conjoint survivant pourra bénéficier de la demi-part fiscale. Cette mesure a été adoptée par le Parlement l'an dernier et c'est une bonne chose.

Vous avez raison, le nombre d'anciens combattants diminue et les associations sont donc parfois en difficulté. Mais rien ne les empêche d'accueillir d'autres personnes que des anciens combattants. Ainsi, beaucoup d'associations accueillent des enfants ou des conjoints d'anciens combattants, ou des personnes intéressées par la mémoire combattante.

Les conseils d'administration des associations sont bien sûr souverains mais j'essaie de les mettre autour d'une table, dans le cadre d'un groupe de travail, afin que les associations réfléchissent ensemble à la façon dont elles vont pouvoir construire leur avenir, car certaines vont se retrouver dans des situations très complexes.