Monsieur le président, vous m'interrogez sur les restes à payer. Depuis 2018, le ministère des armées investit beaucoup. Ainsi, entre 2018 et 2021, le cumul des autorisations d'engagement s'élève à 232 milliards d'euros – 150 milliards sans le titre 2. Le rythme d'engagement étant plutôt prévu au début de la loi de programmation militaire, il est normal que cela crée des restes à payer. Cependant, il est important qu'ils soient maîtrisés, tout comme le report de charges. Je vous rassure, nous sommes dans les clous des jalons fixés dans le rapport annexé à la loi de programmation militaire. Bien sûr, nous devons rester extrêmement vigilants et ne pas créer de « non-maîtrise » d'une charge publique future. Mais les contrôles sont nombreux – Parlement, Cour des comptes – et nous sommes sur la bonne trajectoire.
Monsieur le rapporteur spécial Cornut-Gentille, vous avez insisté sur les externalisations. Je vous remercie d'ailleurs pour votre analyse, qui a débouché sur des recommandations opérationnelles puisqu'elles ont quasiment toutes été mises en œuvre. L'externalisation concerne les prestations de soutien périphériques, et non le cœur de métier du ministère des armées. Elle vise à maîtriser les coûts et à améliorer l'efficacité du service fourni. Vous vous êtes principalement penché sur l'externalisation des transports stratégiques, où les contrats permettent de disposer de capacités en complément des moyens nationaux. Au fur et à mesure de la livraison des Airbus A400M, avions de transport inter et intra -théâtre, la pression sur notre ministère devrait diminuer, sans toutefois disparaître.
Vous avez fait des propositions concernant la professionnalisation de la commande publique : elles nous permettront de disposer de meilleures prestations, au meilleur coût.
Je ne partage pas votre analyse concernant l'insuffisance de contrôle de l'Économat des armées, auquel nos forces font également appel pour leurs achats. Son statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) nous permet de disposer de prestations au meilleur coût, sans aucune subvention ; c'est un bon équilibre. En outre, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), direction spécialisée, assure le contrôle de « l'honorabilité » – si vous me permettez l'expression – des sociétés prestataires.
Enfin, monsieur le rapporteur spécial, toutes les réponses aux questions que vous aviez posées sont disponibles ; trois étaient classifiées, mais n'attendent plus que de vous être remises en mains propres.
Madame Bono-Vandorme, vous évoquez la nouvelle nomenclature budgétaire. Vous avez raison, les chefs d'état-major expriment parfois le vœu de maîtriser non seulement l'exécution, mais aussi la planification. La réforme de la nomenclature permet déjà de lier les opérations concernant les infrastructures aux grands programmes d'armement. Nous ne souhaitons pas que les infrastructures liées aux équipements opérationnels soient un peu trop systématiquement privilégiées, comme ce fut parfois le cas par le passé, au détriment de celles destinées aux personnels. La situation s'est améliorée et l'équilibre me semble satisfaisant, même s'il ne s'agit pas d'une science exacte.
Vous avez raison quand vous affirmez qu'il faut que l'opération Sentinelle soit plus flexible. Ses modalités de déploiement ont été révisées en 2018 et nous continuons à optimiser une ressource rare, dans le cadre du dialogue fructueux noué entre les préfets et les autorités militaires déconcentrées. Il ne s'agit pas d'immobiliser de façon stérile des forces qui doivent aussi s'entraîner, mais de disposer, là où c'est nécessaire, quand c'est nécessaire, d'un appoint dans la lutte contre le terrorisme sur le territoire national.
S'agissant de l'entrepôt de Moulins, je vais vous apprendre une bonne nouvelle : après analyse approfondie, nous avons décidé d'intégrer sa rénovation dans la programmation budgétaire car c'est indispensable. Les études sont en cours et différents scénarios de contractualisation sont envisageables. La dépense sera significative – supérieure à 100 millions d'euros. Vous comprendrez donc que nous soyons très attentifs à retenir le meilleur schéma contractuel, afin d'atténuer la charge pour le budget du ministère.
Je passe maintenant au programme AVSIMAR. Allons-nous accélérer la commande des Falcon ? Non car le calendrier de livraison, agréé avec l'industriel, répond exactement aux besoins opérationnels. Nous avons déjà acheté sept avions dans le cadre d'une première tranche ferme, et cinq suivront à compter de 2025. Ledit industriel ne manque pas de travail, et c'est heureux, des prospects à l'exportation s'étant récemment matérialisés.
Pour 2021, le budget de la dissuasion s'élève à 4,97 milliards d'euros, en hausse de 5 % par rapport à 2020. Il nous permettra de poursuivre l'adaptation et le renouvellement de ses différentes composantes. Ainsi, en ce qui concerne la composante océanique, nous poursuivons le développement du prochain incrément du missile M51. Les travaux de réalisation des SNLE de troisième génération ont été lancés en février 2021, ce qui explique la moindre consommation des crédits de ce programme en 2020. En ce qui concerne la composante aéroportée, nous poursuivons la rénovation à mi-vie du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) et les études d'architecture de son successeur, le missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G). Enfin, nous continuons à moderniser les systèmes de transmissions nucléaires, qui bénéficient aux deux composantes.
Vous m'avez interrogée sur les exportations d'armement au cours des derniers mois, et les perspectives dans les prochains mois. En concentrant notre attention sur les problèmes nationaux, la crise sanitaire n'a pas été très favorable à la poursuite de la prospection, même si nous sommes restés très mobilisés car les exportations sont essentielles à la pérennité de notre BITD. L'interruption complète des voyages à l'étranger nous a handicapés, mais n'a pas empêché certains succès – Rafale en Grèce, puis en Égypte. Nous espérons pouvoir finaliser d'autres ventes au cours des prochains mois. Enfin, je présenterai le rapport relatif aux exportations 2020 au Parlement dans quelques semaines.
Vous m'avez également interrogée sur le suivi des entreprises de la BITD, notamment les PME les plus fragiles. Nous avions déjà engagé des dispositifs de soutien en faveur des PME avant la crise sanitaire, que nous avons complétés par un dispositif très particulier de suivi : en liaison avec la direction générale des entreprises à Bercy, la direction générale de l'armement a réalisé 1 300 visites au sein des 4 000 entreprises que comprend la BITD et établi une sorte de carnet de santé de ces entreprises : dans 10 % d'entre elles, soit un peu plus d'une centaine, nous avons mobilisé des moyens spécifiques ou des moyens généraux, les moyens généraux étant ceux ouverts à l'ensemble des entreprises françaises par le ministère de l'économie, des finances et de la relance, et les moyens spécifiques prenant la forme de mesures de trésorerie, de modification des calendriers de versement des acomptes de crédits de paiement ou d'anticipation de commandes.
M. Gouttefarde m'a interpellée sur l'innovation. Je partage son constat : il faut être particulièrement attentif au moment du « passage à l'échelle ». La semaine dernière, à l'Agence de l'innovation de défense, nous avons présenté les meilleurs projets issus de l'innovation participative et il est important de veiller à la conversion de ces innovations en projets qui, s'ils sont souvent bénéfiques à une armée, peuvent aussi l'être pour l'ensemble des armées.
Madame Peyrol, vous m'interrogez sur le budget vert. En 2020, nous n'avions pas la capacité de contribuer à la comptabilité établie par Bercy pour présenter la première version du budget vert car la majeure partie de la contribution du ministère des armées prend la forme d'investissements en infrastructures, et ce patrimoine n'était pas suffisamment connu. Nous avons donc travaillé avec le ministère des finances et devrions désormais pouvoir y contribuer. En outre, je l'avoue, j'ai souhaité donner la priorité aux réalisations du ministère, avant leur comptabilisation, et ces réalisations passent aussi par l'élaboration d'une stratégie énergétique de défense.
Dans le cadre de l'appel à projets lancé par Bercy au titre de la relance, nous avons présenté des projets contribuant à la rénovation énergétique de nos installations qui le méritaient ; 207 millions d'euros vont ainsi être affectés à 700 projets. Nous allons donc d'abord contribuer en nature, si vous me permettez l'expression, et j'espère que cette contribution se reflétera dans le budget vert qui vous sera présenté dans quelques mois.
Monsieur Lassalle, vous avez raison, chaque fois que cela est possible, il faut essayer de cultiver notre souveraineté. S'agissant du cas particulier que vous avez évoqué, nous achetons depuis longtemps nos systèmes de catapultes auprès des Américains et ce sera à nouveau le cas pour le porte-avions de nouvelle génération – même si la technologie est différente puisque nous passons d'une catapulte à pression hydraulique à une catapulte électromagnétique. Pourquoi ? Dans le monde, peu de pays utilisent un système de catapultage et de récupération des avions horizontal, sur un pont. C'est un système plus exigeant, mais aussi plus maniable. À ma connaissance, seuls les États-Unis, la France et peut-être un troisième pays l'utilisent. Autant dire que le marché est étroit ! Par conséquent, les États-Unis ayant plus de dix porte-avions et nous, un seul, sans renoncer à nos ambitions de souveraineté, nous avons cherché à optimiser les ressources, d'autant qu'il est important que nous poursuivions nos investissements dans d'autres domaines, justement afin de préserver et de faire grandir cette souveraineté. Mais, je vous rassure, monsieur le député, il n'y a pas de militaires américains à bord du porte-avions Charles de Gaulle !
J'ai validé une réforme du MCO terrestre qui vise à faire monter en puissance la part de l'industrie dans la régénération du matériel, à hauteur de 40 % à l'horizon de 2025, alors qu'elle était particulièrement basse – de l'ordre de 10 %. Je vous l'avoue très humblement, je ne sais pas s'il y a un lien entre cette montée en puissance dans le partage des coûts et votre constat sur l'exécution des crédits budgétaires. Je vous répondrai plus précisément par écrit.