Intervention de Florence Parly

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Florence Parly, ministre des armées :

Vous l'avez dit : la loi de programmation militaire n'est pas une loi de procrastination ; elle n'est pas une variable d'ajustement des choix des finances publiques. Ce n'est pas ainsi que je la conçois, et ce n'est pas ainsi que le Président de la République la conçoit, contrairement à nombre de nos prédécesseurs – je suis certaine que beaucoup d'entre vous pourrait attester des difficultés récurrentes de respect des LPM au cours des vingt-cinq dernières années.

Depuis quatre ans, le budget des armées est en croissance continue : 1,8 milliard d'euros en plus en 2018 par rapport à 2017, puis 1,7 milliard d'euros supplémentaires pour chacune des années suivantes, soit au total 10,5 milliards d'euros de plus pour notre défense. Cela faisait plus de vingt ans que cela n'était pas arrivé – et je ne parle pas là uniquement des lois de finances initiales, mais aussi et surtout de l'exécution des lois de finances, qui est le sujet qui nous occupe ce soir.

La LPM, c'est donc non seulement programmer, mais aussi tenir la trajectoire fixée. Depuis trois ans, la LPM pour 2019-2025 apporte des moyens exceptionnels à nos armées, qui en avaient bien besoin après tant d'années de carence, tant de LPM périmées dès les six premiers mois d'exécution. Pour la période 2019-2023, la LPM, c'est 198 milliards d'euros, soit l'équivalent d'un plan de relance, destinés à la réparation et à la modernisation des armées. En appliquant depuis trois ans cette LPM, nous avons à cœur de changer la vie et le quotidien de celles et ceux qui s'engagent corps et âme pour notre pays. Des nouveaux équipements du quotidien aux conditions d'hébergement, des places en crèche à la solde payée juste et à l'heure, nous avons transformé et continuons de transformer tous les segments de la vie du militaire afin d'être à la hauteur de son engagement pour la France. Cette LPM nous a permis de lancer de grands programmes structurants pour l'avenir, qui doivent garantir le maintien d'une dissuasion nucléaire crédible, nous faire entrer dans l'ère du combat connecté et nous permettre de faire face aux nouvelles menaces, dont les conflits hybrides.

Je me concentrerai sur l'exécution du budget 2020, qui a été profondément marquée par la crise sanitaire. Pour cette deuxième année de mise en œuvre effective de la LPM, le budget de la mission Défense a augmenté de 1,7 milliard, pour atteindre 37,5 milliards d'euros. Cet effort considérable confirmait, pour la deuxième année consécutive, le strict respect de la trajectoire de la LPM. Quant à l'exécution budgétaire de l'année 2020, elle est, pour la quatrième année consécutive, strictement conforme à l'objectif de consommation des crédits de paiement prévu en LFI, ce qui est inédit et relève de la prouesse, compte tenu de la crise sanitaire puis économique sans précédent à laquelle nous avons été confrontés.

Malgré cette crise, la modernisation de nos armées s'est poursuivie. Les programmes à effet majeur, qui financent les principaux équipements des armées, ont fait l'objet, en 2020, de 7,9 milliards d'engagements et de 6,4 milliards d'euros de paiements. Les commandes et les livraisons se sont poursuivies partout en France. Surtout, la continuité des activités a été assurée. Cette prouesse, que je tiens à saluer devant vous, est le résultat d'un investissement sans faille des personnels du ministère, et ce dans des conditions particulièrement difficiles.

Je citerai quelques exemples qui illustrent bien ce dépassement. Tout d'abord, les premiers essais à la mer du sous-marin d'attaque de nouvelle génération Barracuda ont été conduits de façon remarquable, dans le respect d'un protocole strict, et ont permis de livrer le Suffren à la marine nationale dans un calendrier maîtrisé.

Je pense ensuite au tir du missile M51 depuis le sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) Le Téméraire, intervenu le 12 juin. Le succès de ce tir, qui a nécessité une préparation de plusieurs mois associant l'ensemble des parties prenantes, démontre notre excellence technologique et contribue à asseoir la crédibilité de la dissuasion nucléaire française. Je me suis d'ailleurs rendue, la semaine dernière, à l'Île Longue pour féliciter ceux qui mettent en œuvre la composante océanique de notre dissuasion qui, malgré la pandémie, ne s'est jamais interrompue.

Je pense enfin aux multiples livraisons d'équipements à nos forces, que la crise n'a pas non plus interrompues – et je tiens à saluer les industriels qui ont contribué à assurer cette continuité. Ainsi, 90 véhicules blindés multi-rôles Griffon, 40 postes de tir de missiles de moyenne portée, 400 munitions MMP, 425 postes pour véhicule et 80 radios portatives Contact, qui relèvent du programme SCORPION, 6 hélicoptères NH90, 2 Falcon 50 pour la surveillance maritime, 1 A400M, 1 avion de transport et de ravitaillement multi-rôles tanker transport (MRTT) Phénix et 2 avions A330 ont été commandés – pour ces derniers, dans le cadre du plan de soutien aéronautique. Enfin, un satellite d'observation spatiale a été lancé le 29 décembre dernier.

Dans le domaine des infrastructures, je tiens à souligner le bilan satisfaisant de la première année de mise en œuvre de la nouvelle architecture budgétaire. La cohérence entre programmes d'armements, d'une part, et opérations d'infrastructures associées, d'autre part, se trouve renforcée en gestion, mais aussi et surtout en programmation. Ceux qui expriment les besoins sont désormais mieux associés et responsabilisés dans l'élaboration, la conduite et la réalisation des infrastructures du ministère.

Le surcoût lié aux opérations extérieures et aux missions intérieures (MISSINT) s'est élevé à 1,440 milliard en 2020, alors que, pour la première fois, la loi de finances initiale avait porté la provision annuelle à 1,2 milliard, traduisant ainsi un effort sans précédent de sincérisation de la couverture de nos surcoûts qui a permis d'assurer le financement des OPEX et des MISSINT sans pressions excessives sur le budget de l'État et sur celui des armées.

En matière de masse salariale, nous avons mis fin à la sous-consommation des crédits du titre 2, que vous souligniez les années précédentes, pour des montants qui étaient à chaque fois proches de 150 millions d'euros. Conformément à l'engagement que j'avais pris, nous avons résorbé ce surplus de masse salariale budgétisée, si bien qu'au terme de la gestion 2020, la loi de finances initiale a été respectée, ce qui est, là aussi, particulièrement remarquable dans un contexte où les flux d'entrée et de sortie des personnels ont été brutalement modifiés par la crise liée au covid-19 et à l'incertitude économique. Le ministère a réussi à tenir ses objectifs en matière de ressources humaines. Ainsi, plus de 21 000 militaires et près de 4 000 civils l'ont rejoint l'an dernier. Nous avons également tenu les objectifs que j'avais fixés dans le cadre du plan famille, notamment en matière de petite enfance, d'hébergement et de logement.

À la fin 2020, le report de charges de la mission Défense s'établit à 3,760 milliards d'euros, dans le respect des objectifs qui figurent au rapport annexé de la LPM. Ce résultat confirme que, depuis 2017, nous parvenons à conjuguer la remontée en puissance de nos armées avec la maîtrise de notre trajectoire budgétaire – je reviendrai dans un instant, monsieur le président, sur les restes à payer.

Pour tenir les objectifs budgétaires, le ministère s'est pleinement mobilisé et a su faire preuve d'agilité. Sans une telle souplesse, ce sont plus de 1 milliard d'euros que nous n'aurions pas consommés. Grâce à cette proactivité, les crédits ont pu être utilement redéployés pour soutenir notre base industrielle et technologique de défense, ainsi que les PME et les PMI les plus fragilisées durant ces mois de crise. Les marges dégagées par les retards de livraison directement liés aux conséquences de la crise sanitaire ont pu être redéployées au profit notamment du plan de soutien aéronautique annoncé au mois de juin dernier avec le ministre chargé de l'économie et de la relance. Ainsi, 600 millions d'euros ont été réinvestis dans ce secteur économique particulièrement touché – vous avez cité le cas de l'agglomération toulousaine –, dont plus de 200 millions d'euros au profit des avions MRTT. Je ne mentionne pas les hélicoptères Caracal, car cette commande sera imputée sur l'exercice suivant.

Je souhaite à présent dire un mot de la préparation opérationnelle. Malgré la crise, les normes d'entraînement prévues en 2020 ont été globalement respectées. De nombreux exercices internationaux ont malheureusement dû être annulés, mais nous avons su nous adapter pour maintenir le niveau de préparation opérationnelle nécessaire.

Le nerf de la guerre, en la matière, c'est évidemment la disponibilité de nos matériels. Un Griffon qui ne roule pas ou un avion qui ne décolle pas, c'est comme une coquille vide ! J'ai donc placé cet enjeu au cœur de mon action, en engageant d'importantes réformes du maintien en condition opérationnelle (MCO) dans les trois milieux, le plus grand chantier étant celui du MCO aéronautique.

Un des points majeurs de cette réforme consiste dans la verticalisation des contrats de maintenance. Le principe de ces nouveaux contrats est de responsabiliser un seul industriel, au lieu, comme c'était le cas auparavant, de diluer la responsabilité entre plusieurs dizaines d'acteurs différents. En 2020, quatre nouveaux contrats ont ainsi été notifiés, ce qui porte à dix le nombre des flottes d'aéronefs qui en bénéficient. Les premiers signes d'amélioration – j'insiste sur ces mots, qui signifient que le travail doit être poursuivi – sont d'ores et déjà visibles. Ainsi, le nombre moyen d'avions A400M disponibles, qui était de seulement quatre en 2017, se situe actuellement à six et a même atteint un pic à onze, ce qui est tout à fait inédit. Quant à la disponibilité moyenne des Caracal – ces hélicoptères qui participent à la fois aux missions sensibles des forces spéciales et au sauvetage de personnes lors des tempêtes ou des catastrophes naturelles ou au transport de patients en réanimation, comme ce fut le cas en 2020 –, qui était de cinq appareils en 2017, elle est désormais de huit.

Nous poursuivrons cet effort, puisque nous allons affecter, au titre de la LPM, 450 millions d'euros supplémentaires à la meilleure préparation de nos forces dans le cadre de l'ajustement que j'ai présenté à votre assemblée, le 4 mai devant la commission de la défense et le lendemain en séance publique.

Préparer nos forces, moderniser et renouveler nos capacités, c'est préparer l'avenir en conduisant les travaux de préparation des grands programmes. Le système de combat aérien du futur (SCAF), le système de combat terrestre principal (MGCS), c'est-à-dire le char de combat du futur, le porte-avions de nouvelle génération, le drone européen : tous ces programmes ont été poursuivis au cours de l'année 2020, marquée par des avancées majeures telles que le choix de la propulsion nucléaire pour le porte-avions de nouvelle génération, annoncé par le Président de la République en décembre dernier. Les efforts réalisés tout au long de cette année se concrétisent également dans le domaine de la coopération structurante qu'est le SCAF, puisque nous avons annoncé, avec mes homologues allemand et espagnol, un accord majeur qui nous permettra de mettre en vol un démonstrateur du SCAF dès 2027 et de disposer d'une capacité opérationnelle à l'horizon 2040.

Enfin, la LPM prévoit un effort particulier en faveur de l'innovation, pour atteindre un montant annuel de 1 milliard d'euros à compter de 2022 – à comparer aux 730 millions d'euros en moyenne de la précédente LPM. En 2020, l'ensemble des crédits de paiement ont été consommés et le niveau d'engagement quasi atteint : 992 millions d'euros pour une ressource de 996 millions. Cet investissement permet de poursuivre et d'accentuer la démarche de captation de l'innovation civile en cycle court, d'investissement dans l'innovation de rupture, de réalisation de démonstrateurs, mais aussi, même si la part budgétaire est plus modeste, de favoriser l'innovation participative.

J'évoquerai, pour conclure, l'engagement exceptionnel du ministère des armées pendant la crise sanitaire. Dans le cadre de l'opération Résilience, il a appuyé les autorités civiles, notamment en participant à 225 évacuations de patients grâce à des porte-hélicoptères amphibies, à des hélicoptères Caracal et Puma, à des éléments de transport MRTT et à des A400M médicalisés, et ce, en métropole comme outre-mer. Plus de 2 000 patients atteints du covid-19 ont été accueillis au sein des hôpitaux militaires et un élément militaire de réanimation du service de santé des armées a été déployé à Mulhouse – il a été depuis répliqué ailleurs.

Du jour au lendemain, le centre technique de la direction générale de l'armement de Vert-le-Petit, spécialisé dans la lutte contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), a reconverti ses bancs d'essai pour tester plusieurs milliers de solutions de masque textile. Ces travaux ont permis de définir une norme pour la mise sur le marché des masques grand public. L'appel à projets lancé par l'Agence de l'innovation de défense a conduit à analyser plus de 2 500 projets qui ont abouti à l'élaboration de solutions innovantes, parmi lesquelles un test sérologique haute résolution validé par la Haute autorité de santé et actuellement commercialisé, ainsi qu'un respirateur innovant en open source et open design.

Vous l'avez compris, le ministère des armées a remarquablement exécuté cette loi de finances. Aucun crédit n'a manqué. La continuité de nos opérations a été assurée. Les livraisons se sont poursuivies sans relâche et nous avons répondu présent pour assurer le soutien de la nation tant du point de vue économique qu'opérationnel. Bien entendu, nous poursuivrons ces efforts au cours de l'année 2021 et dans le cadre du budget pour 2022. Je ne voudrais pas évoquer des mesures qui ne sont pas à l'ordre du jour de cette réunion, mais leurs retombées économiques continueront de bénéficier à l'emploi dans nos territoires et à l'activité économique nationale.

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