Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Je me réjouis d'être présente parmi vous ce soir pour participer à vos travaux d'évaluation et de contrôle, gage de dialogue et de transparence, qui revêtent, me semble-t-il, une importance plus grande encore en cette période exceptionnelle.

De fait, l'année 2020 a été, en tout point, extraordinaire, que ce soit sur le front sanitaire ou sur le front économique. Je reviendrai bien entendu sur les principaux engagements du ministère annoncés cette année ainsi que sur leur impact financier, mais je veux avant tout saluer l'extraordinaire mobilisation des chercheurs et de l'ensemble des personnels de la recherche face à la pandémie, l'engagement sans faille des personnels des établissements d'enseignement supérieur et des CROUS pour accompagner les étudiants durant la crise. Nous leur devons beaucoup, vos rapporteurs l'ont rappelé. Je tiens également à féliciter et à remercier les étudiants car, loin d'attendre une assistance, ils se sont très souvent engagés, partout en France, et ont eux-mêmes participé à l'organisation de la solidarité. Je pense bien entendu en particulier aux étudiants en santé mais aussi à l'ensemble des associations étudiantes, dont la mobilisation a complété le soutien de l'État et des collectivités territoriales. Certaines de ces initiatives préexistaient à la crise, mais toutes ont illustré la résilience et l'adaptabilité de notre jeunesse. La persévérance et les ressources de concentration que les étudiants ont mobilisées pour suivre des enseignements délivrés dans des circonstances exceptionnelles doivent également être saluées. Le bilan de cette crise est aussi celui-ci : la jeunesse a tenu bon et a su rester solidaire et engagée.

Messieurs les rapporteurs spéciaux, vous avez souhaité concentrer vos travaux sur deux thématiques qui me paraissent importantes dans le contexte actuel. Avant d'y revenir, je rappellerai les grands enjeux de l'année 2020, qui a été bouleversée à bien des égards.

S'agissant de la recherche, plusieurs faits marquants sont survenus en 2020, qui n'avaient pas été prévus dans la loi de finances initiale. Je pense tout d'abord à l'abondement de 50 millions d'euros, en mai, d'un fonds d'urgence en faveur de la recherche publique française, ces 50 millions s'ajoutant aux 8 millions qui avaient été dégagés dès le mois de janvier pour renforcer les moyens des laboratoires, en lien étroit avec l'INSERM et REACTing.

Ces fonds ont permis de garantir des financements pour toutes les pistes de recherche prometteuses, et ce sans délai, qu'il s'agisse de recherche fondamentale, d'essais cliniques ou de recherche thérapeutique et vaccinale. Les crédits ont été entièrement consommés pour des actions de recherche en faveur de la lutte contre la pandémie ; je citerai, à titre d'exemple, les 16 millions d'euros versés par l'ANR à plus de 234 projets et les 5,1 millions d'euros qui ont permis de financer les projets de description et de compréhension de l'épidémie et de ses conséquences sanitaires et sociales à l'échelle nationale, EpiCOV et SAPRIS (santé, pratiques, relations et inégalités sociales en population générale pendant la crise du covid-19).

Il faut également souligner l'exploit accompli par les scientifiques et les industriels, dont l'aboutissement a été la création des différents vaccins qui nous permettent de penser enfin l'après-pandémie. La France a été parmi les pionniers du séquençage du virus, c'est-à-dire la constitution de sa carte d'identité génétique, qui a permis son dépistage et l'identification de plusieurs voies de développement de vaccins, qui sont toujours en cours d'exploration, en France et dans le monde.

Soixante-dix-sept millions supplémentaires ont été investis dans sept projets lancés dès le mois de juin, en faveur de la recherche clinique et du soutien aux essais cliniques. Je me félicite, du reste, des annonces récentes de Sanofi et GlaxoSmithKline (GSK) concernant les résultats de la phase 2 d'un candidat vaccin ; une étude internationale de phase 3 devrait débuter dans les prochaines semaines. Dans le domaine des essais cliniques, la France s'est dotée d'un comité scientifique composé de spécialistes mondialement connus qui ont évalué chaque candidat vaccin, ainsi que d'une plateforme d'essais vaccinaux, COVIREIVAC, financée à hauteur de 3 millions d'euros, qui a permis de recruter près de 40 000 volontaires pour tester les candidats vaccins, compléter les essais en cours et affiner le niveau d'efficacité pour des populations cibles, notamment les personnes les plus âgées, dont le système immunitaire est, on le sait, moins réactif.

À plus long terme, nous souhaitons investir massivement dans la lutte contre les maladies émergentes et infectieuses et dans le champ des biothérapies.

La création, au sein de l'INSERM, d'une agence autonome spécifiquement dédiée à ces maladies a contribué à améliorer concrètement l'efficacité de notre recherche sur le diagnostic, le traitement ou les vaccins. Cette agence, qui bénéficiera de l'un des deux programmes prioritaires de recherche en cours d'élaboration sur les maladies infectieuses émergentes que j'ai annoncés cet après-midi, se verra allouer 80 millions d'euros pour financer ses projets de recherche. Beaucoup d'enseignements peuvent être tirés de la crise en matière d'organisation et de coordination de la recherche. La création de cette agence est un des premiers fruits de notre réflexion ; elle nous permettra de lutter plus efficacement contre les maladies qui ont déjà émergé et contre celles que l'avenir nous réserve.

Mais nous sommes également conscients qu'il nous faut étudier les zoonoses, l'impact de la baisse de la biodiversité ou des changements environnementaux et climatiques sur leur émergence. C'est pourquoi nous avons lancé, cet après-midi, le projet PREZODE (prévenir les risques d'émergences zoonotiques et de pandémies), qui sera quant à lui financé à hauteur de 60 millions d'euros.

Ces deux projets bénéficieront ainsi d'un financement total de 140 millions d'euros, afin de nous permettre de mieux comprendre les zoonoses, les maladies infectieuses, et de prévenir plus efficacement les risques épidémiques dans les prochaines années.

Dans le domaine de la santé, nous avons identifié deux secteurs clés pour créer, à l'instar de ce qui a été fait dans le domaine quantique, des écosystèmes d'excellence alliant recherche, industriels, start-up et formation, car la crise a illustré l'importance de telles collaborations. Le premier secteur est celui de la santé numérique, qui inclut les dispositifs médicaux, l'intelligence artificielle et la gestion des données ; il sera au cœur du projet Paris Santé Campus, annoncé par le Président de la République. Le second secteur est celui des biothérapies, thérapies cellulaires et géniques, thérapies à acide ribonucléique (ARN), qui me paraissent tout aussi fondamentales pour faire de la France le lieu en Europe où seront inventées et produites les thérapies de demain.

L'exercice 2020 a été marqué par un dégel de fin de gestion de 30 millions d'euros pour financer à la fois les prolongations des contrats de doctorant et le paiement intégral des contributions.

S'agissant de la prolongation des contrats doctoraux, la plupart des laboratoires ont pu poursuivre leurs activités durant la crise mais, vous l'avez rappelé, celle-ci a eu un impact sur le déroulement des travaux. Les doctorants, les post-doctorants, les ATER et les contractuels ont été particulièrement affectés à cet égard, car leurs activités sont contractuellement limitées dans le temps. C'est pourquoi nous avons autorisé la prolongation de l'ensemble de ces contrats durant l'état d'urgence sanitaire : à ce jour, plus de 7 000 demandes de prolongation – 10 000, si l'on y ajoute les contrats des ATER, des post-doctorants et des contractuels – ont été honorées pour la période 2020-2023. Cette mesure s'adresse aussi bien aux doctorants qui étaient en fin de thèse qu'à ceux qui démarraient leur thèse. Le ministère a intégralement compensé le coût pour les opérateurs des contrats prolongés avant la fin 2020 entre les universités et les organismes de recherche, pour un montant total de 30 millions d'euros inscrits dans la loi de finances rectificative. Selon le même schéma financier, les demandes de prolongation relatives à l'année 2021 seront également intégralement compensées en fin d'année, et ainsi de suite. Nous avons estimé à 90 millions d'euros les moyens nécessaires pour accompagner les doctorants pour la période 2020-2023.

Cette mesure participe de la volonté de revaloriser le doctorat, qui s'est traduite dans la loi de programmation de la recherche par la création d'un contrat doctoral de droit privé, l'augmentation de 50 % des contrats CIFRE (convention industrielle de formation par la recherche) et de 20 % des contrats doctoraux, l'accroissement de 30 % de la rémunération des nouveaux contrats doctoraux d'ici à 2023 et le financement à moyen terme de tous les doctorants en formation initiale.

Nous nous accordons tous, me semble-t-il, sur la nécessité de réinvestir massivement dans la recherche et l'innovation ; tel est l'objet non seulement de la loi de programmation de la recherche, qui s'étendra sur les dix prochaines années, mais aussi du programme d'investissements d'avenir, qui injectera des financements massifs au cours des cinq prochaines années, et de France Relance, qui accélérera encore le financement de la recherche au cours des deux prochaines années. Ces investissements considérables permettront de revaloriser les salaires, de renforcer l'attractivité et de donner des moyens à nos laboratoires. Cette priorité a été consacrée par la loi de programmation, qui injectera 25 milliards d'euros dans la recherche au cours des dix prochaines années.

En ce qui concerne l'enseignement supérieur et la vie étudiante, je tiens à revenir sur la mobilisation remarquable du CNOUS et des CROUS, dont l'action et l'organisation, au-delà de la période de crise sanitaire, sont au cœur de votre rapport, monsieur Le Vigoureux. Avec le réseau des œuvres, nous avons accompagné l'ensemble des étudiants pendant la pandémie, en prenant diverses mesures : aides d'urgence, repas à 1 euro, gel des loyers, suspension des mois de préavis, déploiement de 1 600 référents étudiants. Par ailleurs, les aides et mesures d'accompagnement de droit commun déployées par le réseau ont été davantage sollicitées pendant la crise. Même si c'est une évidence, il faut rappeler que, malgré les confinements, les 750 000 étudiants boursiers ont perçu sans difficulté leur bourse chaque mois.

Les situations d'urgence sociale ont pu être prises en charge, grâce à une aide massive, par les services sociaux, car le CROUS s'adresse bien à tous les étudiants et pas uniquement aux boursiers. Ainsi, les aides exceptionnelles attribuées pour l'année 2020 se sont élevées à 34 millions d'euros, contre 24 millions en 2019, et elles sont budgétées à 56 millions d'euros en 2021. Le montant de l'aide pouvant être attribuée en urgence a été porté à 500 euros et celui de l'aide annuelle a été doublé.

Par ailleurs, 20 000 étudiants ultramarins et 30 000 étudiants ayant perdu leur stage ou leur emploi du fait de la crise sanitaire ont bénéficié d'une aide exceptionnelle de 200 euros, pour un montant légèrement supérieur à 10 millions. Un onzième mois de bourse a été accordé au mois de juillet à tous les étudiants boursiers concernés par les reports des sessions d'examen. Cette mesure a bénéficié à plus de 57 000 étudiants, pour un montant de 16,5 millions d'euros. Les étudiants dont les stages de fin d'année ont été reportés à l'automne du fait de la crise ont bénéficié d'une prolongation de leur bourse et une procédure de réexamen des dossiers de bourse pour les étudiants dont les parents subissaient une perte de revenus ou en cas de perte d'emploi a été instaurée à la rentrée 2020. Enfin, en décembre 2020, une aide exceptionnelle de 150 euros a été attribuée à tous les étudiants boursiers, pour un montant de 113 millions d'euros.

Des mesures de soutien plus générales ont également été déployées pour garantir l'accès des étudiants aux biens et aux services essentiels et lutter contre la pauvreté. Je pense au repas à 1 euro pour les étudiants boursiers, décidé dès la rentrée de septembre et étendu à l'ensemble des étudiants pour la durée de la crise sanitaire et au moins jusqu'à la fin de l'année. À ce jour, depuis la généralisation du dispositif, 8 millions de repas ont été servis sur l'ensemble du territoire, pour un investissement de l'ordre de 50 millions d'euros.

L'ensemble de la communauté de l'enseignement supérieur s'est mobilisé, notamment en utilisant les ressources issues de la contribution de vie étudiante et de campus. Plus de 19 millions ont ainsi permis aux établissements de financer directement des actions de soutien auprès des étudiants, sous la forme d'une aide alimentaire d'urgence ou d'une aide pour l'accès au numérique : fourniture d'ordinateurs, de tablettes, de clés 4G. Les universités ont également pu bénéficier d'emplois étudiants tuteurs, qui ont été déployés au fil des besoins. Nous avons également accompagné les établissements – à hauteur de 35 millions d'euros, dans le cadre d'un appel à projets du Plan de relance – dans la mise en œuvre de l'hybridation des enseignements rendue indispensable par la formation à distance.

L'action du ministère s'est aussi traduite par un soutien psychologique apporté aux jeunes qui ont souffert de la pandémie. En sus de l'ouverture de lignes d'écoute dédiées, du recrutement de 60 assistantes sociales et de 80 psychologues, le dispositif Santé Psy Étudiant a permis aux étudiants, sans avance de frais, de consulter des psychologues de ville au plus près de chez eux. Ainsi, 1 300 psychologues volontaires ont permis d'accélérer la prise en charge des étudiants où qu'ils se trouvent ; plus de 9 700 consultations ont été financées par les services financiers des universités, qui ont été remboursées par le ministère, dans le respect du secret médical, pour un investissement d'un peu plus de 300 000 euros.

L'ensemble des opérateurs du ministère, le ministère lui-même et les collectivités territoriales ont également soutenu les associations étudiantes. Je crois profondément à la solidarité entre pairs ; il fallait, en cette période, donner aux jeunes le pouvoir d'agir au lieu de subir les événements. C'est pourquoi j'ai réorienté une partie des subventions du ministère vers les activités d'aide alimentaire et les actions en faveur de la santé mentale conduites par les associations. Pendant toute la crise, j'ai voulu apporter l'aide nécessaire aux étudiants en les considérant comme de jeunes adultes et non pas comme de grands enfants.

Une approche globale, un parcours étudiant coordonné, l'intervention d'acteurs spécialisés : tels sont les principes qui ont guidé le déploiement des différentes mesures. Vous le constatez, le ministère a agi, cette année, sur tous les terrains pour répondre aux enjeux considérables qui se sont présentés.

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