La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
Nous poursuivons nos réunions du Printemps de l'évaluation qui ont commencé hier, avec deux commissions d'évaluation des politiques publiques (CEPP) consacrées aux politiques de l'intérieur puis de la défense. Nous verrons ce soir les politiques de solidarité et de santé, en présence du ministre Olivier Véran, puis de l'enseignement supérieur et de la recherche, avec la ministre Frédérique Vidal.
Je rappelle rapidement les règles des temps de parole pour chacune des discussions : les rapporteurs spéciaux disposent de dix minutes pour présenter l'exécution et la consommation des crédits ainsi que le thème qu'ils ont choisi de traiter ; les rapporteurs pour avis, s'ils sont présents, ont cinq minutes ; le ou la ministre leur répond en quinze minutes, suivi des orateurs des groupes et des inscrits, auxquels il s'efforcera de répondre dans le même laps de temps.
) . Je vais d'abord vous présenter quelques éléments sur l'exécution budgétaire en 2020 de la mission Santé, puis vous rendre compte de l'évaluation que j'ai menée sur le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière.
La mission Santé est composée de deux programmes, le programme 183 qui finance surtout l'aide médicale de l'État (AME) et le programme 204 qui finance des dépenses de structuration de l'offre de soins. En 2020, l'exécution de ces postes budgétaires s'est établie à 1 766 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 1 724 millions en crédits de paiement, soit des montants supérieurs de plus de 50 % aux crédits initiaux. Cette sur-exécution trouve bien sûr son origine dans la crise sanitaire.
Les dépenses du programme 183 se sont établies à 936 millions et ont été globalement conformes aux prévisions. Pour l'AME, elles sont même en retrait de 1 % par rapport à l'exercice 2019, en raison de la modération des dépenses induite par la crise sanitaire.
Les dépenses du programme 204 se sont établies à 830 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 788 millions d'euros en crédits de paiement, soit un niveau quatre fois supérieur aux prévisions. Cet écart s'explique par la crise sanitaire. Les dépenses supplémentaires rendues nécessaires par cette crise n'ont pas été financées par des crédits ouverts en loi de finances rectificative mais au moyen d'un fonds de concours alimenté par Santé publique France. Les dépenses ainsi exécutées apparaissent sincères, mais pour se prononcer définitivement, il faudra attendre la présentation à l'été prochain des travaux que la Cour des comptes conduit sur ce sujet à la demande de notre commission.
J'en viens à l'évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière.
Contrairement à une croyance répandue, ces soins ne sont pas prodigués uniquement dans le cadre de l'AME. En effet, au moins onze dispositifs différents existent en la matière. L'AME est bien sûr au centre de cette organisation, avec un panier de soins sans équivalent : ailleurs en Europe, les soins pris en charge se limitent aux soins urgents et vitaux.
À côté de l'AME, il y a donc au moins dix autres dispositifs, d'importance variable. Il s'agit du maintien de droits à l'assurance maladie, des soins dispensés à Mayotte, des soins prodigués dans les centres de rétention administrative, de la mission d'intérêt général dédiée à la précarité, des permanences d'accès aux soins de santé, de l'admission au séjour pour soins, des soins en détention, des équipes mobiles psychiatrie précarité, des SAMU sociaux et de dépenses fiscales. Je vous renvoie au rapport pour la présentation détaillée de ces dispositifs.
À l'issue de mes travaux, je suis parvenue à estimer le coût de six de ces onze dispositifs, dont les principaux. Pour 2019, il est de l'ordre de1,5 milliard d'euros, soit près de 600 millions de plus que le seul coût de l'AME. Un milliard et demi par an, c'est plus que le budget annuel du troisième ensemble hospitalier de France, l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille, qui compte quatre hôpitaux et 14 000 salariés.
Si ce chiffrage, je le sais, présente certaines limites, j'insiste sur le fait qu'il est partiel puisqu'il devrait être complété par le coût des cinq dispositifs qui ne sont pas encore évalués.
Quelques mots sur le dispositif de maintien des droits expirés à l'assurance maladie, que l'on connaît peu. Dans son principe, le mécanisme est intéressant : un étranger dont le titre de séjour arrive à expiration bénéficie d'une prolongation automatique de son droit à l'assurance maladie pendant six mois, afin de couvrir un éventuel retard dans le traitement de sa demande de renouvellement de titre de séjour par les préfectures ou par l'assurance maladie – ce qui peut arriver. Mais la mise en œuvre de ce dispositif est contestable.
En premier lieu, les conditions d'accès sont beaucoup trop lâches. Le code de la sécurité sociale n'impose pas d'engager une démarche de renouvellement pour bénéficier du dispositif. Juridiquement, un étranger qui réside à peine quatre mois en situation régulière en France puis bascule volontairement dans l'irrégularité bénéficiera d'une prolongation de droit d'au moins six mois. Cela n'est pas acceptable.
En second, la durée du maintien de droit est souvent bien supérieure à six mois. Des contrôles engagés en 2020 ont ainsi identifié plus de 200 000 dossiers où la prolongation des droits était supérieure à un an.
En 2020, la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) a renforcé ses contrôles, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Le résultat en est inquiétant. Sur les 400 000 dossiers bénéficiant d'une prolongation de droits qui doivent être contrôlés, 230 000 l'ont déjà été. Dans 13 % des cas des affiliations irrégulières ont été constatées, au motif que les étrangers concernés s'étaient vu refuser le renouvellement de leur titre de séjour ou n'avaient pas sollicité ce renouvellement.
Dans 13 % des cas donc, les bénéficiaires du dispositif de maintien de droit étaient des étrangers en situation irrégulière sans aucune perspective de renouvellement d'un titre de séjour et qui auraient dû relever de l'AME. Si l'on applique ce ratio de 13 % aux 400 000 dossiers dont le contrôle est en cours, on arrive à plus de 50 000 étrangers en situation irrégulière bénéficiant de la protection universelle maladie (PUMA) et de la complémentaire santé solidaire alors qu'ils devraient relever de l'AME.
Cela n'est pas acceptable. D'une part, cela conduit à ce que des étrangers en situation irrégulière bénéficient d'une couverture santé à laquelle ils n'ont pas droit. D'autre part, cela fait supporter à l'assurance maladie une dépense qui devrait être prise en charge par l'État au titre de l'AME. Enfin cela modifie l'estimation du nombre d'étrangers en situation irrégulière, qui repose aujourd'hui largement sur le nombre de bénéficiaires de l'AME.
En effet, en se fondant sur un nombre de bénéficiaires de l'AME de 370 000 en 2020, on estime qu'il y a environ 400 000 étrangers en situation irrégulière en France métropolitaine. Mais si l'on ajoute à ces 370 000 bénéficiaires de l'AME les 50 000 étrangers qui profitent du dispositif de maintien des droits, on voit que le nombre total d'étrangers en situation irrégulière est probablement plus proche de 450 000 en métropole, 500 000 en prenant en compte les outre-mer.
À mon sens, l'offre de soins proposée en France aux étrangers en situation irrégulière est très généreuse, et même trop. Aucun autre pays en Europe ne permet à un étranger en situation irrégulière de bénéficier par exemple, comme le permet l'AME, d'une intervention chirurgicale pour faire recoller ses oreilles ou poser un anneau gastrique. Aucun autre pays en Europe ne maintient les droits à l'assurance maladie de 50 000 étrangers en situation irrégulière pendant au moins six mois.
Un seul autre pays en Europe, la Belgique, permet de régulariser des personnes pour motif de santé. Le principe de l'admission au séjour pour soins est une réalité socialement de moins en moins acceptable. Non, notre pays ne doit plus délivrer 13 500 titres de séjour chaque année sur ce fondement. Cela pèse sur notre système de soins et alimente une immigration pour soins que l'on ne peut plus refuser de voir.
Mon rapport présente plusieurs documents obtenus dans le cadre de mes pouvoirs spéciaux, notamment une note de la direction de la sécurité sociale évoquant une filière géorgienne identifiée en 2015, organisant la venue, pour des traitements de la tuberculose et des dialyses, d'étrangers en situation irrégulière ayant pour un grand nombre d'entre eux un passé carcéral. Si cet exemple ne résume évidemment pas les soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière, il en illustre les dérives.
L'exception française, ou plutôt l'anomalie française doit cesser. L'AME doit être recentrée sur les soins urgents, les conditions d'accès au dispositif du maintien des droits doivent être resserrées, la procédure d'admission au séjour pour soins doit être fortement restreinte et la protection santé des demandeurs d'asile issus de pays d'origine sûrs doit être modifiée pour dissuader une immigration irrégulière pour soins. Un ressortissant moldave qui a 0,2 % de chances de voir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) accéder à sa demande d'asile ne doit plus disposer de la même protection santé qu'un ressortissant d'un autre pays ayant de fortes chances d'obtenir l'asile.
Monsieur le ministre je vous invite à nous faire part de vos intentions en ce domaine.
En 2020, près de 30 milliards d'euros ont été exécutés pour la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Après une hausse de près de 5 milliards d'euros entre 2018 et 2019, cela représente une nouvelle augmentation de plus de 4 milliards. Cela s'explique par l'évolution structurelle de la dépense, mais aussi par les mesures exceptionnelles liées à la crise sanitaire. Au total, 2,75 milliards d'euros supplémentaires ont été ouverts par les différentes lois de finances rectificatives adoptées en 2020 et le montant des crédits consommés excède naturellement l'autorisation initiale.
L'impact net de la crise sanitaire sur la mission s'élève à 2,4 milliards d'euros. Des crédits de 2 milliards ont été ouverts en cours de gestion sur le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes pour financer deux vagues d'aides exceptionnelles de solidarité, qui ont bénéficié à 4,3 millions de foyers et à 600 000 jeunes non étudiants percevant des aides au logement. Je salue l'ouverture de ces aides en décembre 2020 aux 200 personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution, particulièrement fragiles, bénéficiaires de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS).
Parmi les autres mesures importantes prises durant l'année, 94 millions d'euros supplémentaires ont été alloués à deux plans d'urgence d'aide alimentaire, et 50 millions ont permis de maintenir la prise en charge des jeunes sortant de l'aide sociale à l'enfance durant l'état d'urgence sanitaire. Les travailleurs handicapés accueillis en ESAT (établissements et services d'aide par le travail) ont vu aussi leur rémunération intégralement maintenue. Des moyens supplémentaires ont également été alloués à la protection des femmes victimes de violences.
Par ailleurs, la prime d'activité a assuré un rôle d'amortisseur en compensant une partie des pertes de revenus des salariés placés en activité partielle. Les dépenses afférentes à ce dispositif frôlent désormais les 10 milliards d'euros, soit un tiers de l'exécution de la mission.
Au regard de ces éléments, monsieur le ministre, nous saluons la réactivité de l'État et l'ampleur des moyens mobilisés. J'aimerais savoir si le Gouvernement a engagé des travaux d'évaluation permettant de dresser un bilan des mesures d'urgence financées par la mission.
Je ferai plusieurs remarques. D'abord, les dépenses de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ont été sous-budgétisées : nous recommandons au Gouvernement de mieux tenir compte des prévisions établies par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à l'automne pour construire le budget de l'AAH. Les dépenses consacrées à la prise en charge et à l'évaluation des mineurs non accompagnés ont baissé de près de moitié en 2020 par rapport à 2019. Si cela s'explique par des arrivées moins nombreuses et les perturbations induites par le confinement, cette évolution est aussi conjoncturelle. Nous estimons nécessaire de maintenir un niveau élevé de dépenses sur cette politique publique et recommandons que les économies réalisées sur ce poste servent à abonder les mesures dédiées aux mineurs non accompagnés dans le cadre de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance.
Nous manquons également d'un dispositif d'accueil des jeunes étrangers évalués comme majeurs à leur arrivée sur notre territoire. Ces tout jeunes gens sont soumis aux dispositifs de droit commun des adultes, qui ne sont pas adaptés : ils ont besoin d'autre chose que du toit pour dormir que leur fournit le 115, même si cela reste essentiel. Plutôt que de les voir livrés à eux-mêmes, souvent dans les rues, sur nos places, dans des squats, ne devrions-nous pas leur proposer un accueil effectif, un hébergement, l'accès au droit et aux soins, une formation le cas échant, ou un accompagnement au retour dans leur pays d'origine ?
La situation de ces jeunes majeurs étrangers est vectrice de beaucoup de précarité, de risques pour eux et aussi pour la société. Quels adultes vont-ils devenir après le parcours parfois très douloureux qu'ils ont déjà derrière eux ? Quels risques prend-on à ne pas adapter nos dispositifs d'accueil à ce nouveau public qui est désormais présent partout sur le territoire national, y compris dans nos petites villes ? Considérer qu'ils n'ont qu'à repartir ou aller voir ailleurs, comme je peux l'entendre parfois, ou même le lire en cette période électorale, c'est méconnaître leur parcours et leur réalité de vie. Ce problème de manque de dispositifs adaptés, que j'ai déjà identifié dans mes précédents rapports, doit être pris à bras-le-corps. Il faut éviter que ces jeunes ne se trouvent livrés à eux-mêmes, sans accompagnement ni soutien.
Le thème que nous avons choisi d'approfondir concerne le RSA jeune actif. Créé en 2010, ce dispositif étend les conditions d'octroi du RSA aux jeunes de moins de 25 ans ayant accumulé une durée de travail de deux ans au cours des trois années précédant leur demande – autant dire que leur nombre est limité. Financé par l'État pour près de 5 millions d'euros, il concerne 860 jeunes actuellement. Le nombre de bénéficiaires du RSA jeune actif n'a jamais dépassé 9 200 en une année : on est loin de l'objectif visé à sa création, qui était d'environ 160 000 personnes. Bref, le RSA jeune n'a pas trouvé son public parmi les jeunes insérés sur le marché du travail, et n'a pas su non plus être un instrument de lutte contre la précarité.
Les causes de cet échec sont connues. Elles tiennent à l'esprit de compromis qui a prévalu alors qu'il aurait fallu une politique publique aux contours nets. Ce ciblage défaillant tient à des critères d'éligibilité restrictifs et complexes, parfois même incohérents. Et pour cause : je rappelle que ce RSA jeune actif a été intégré par voie d'amendement dans le projet de loi de finances pour 2010, sans évaluation préalable, à la suite d'une annonce du Président de la République. Par ailleurs, nous avons été marqués par la difficulté à récolter des données sur les caractéristiques de ses bénéficiaires et leur parcours. Que ce dispositif soit d'une taille particulièrement réduite ne justifie pas que son suivi soit lacunaire, compte tenu de l'importance qui doit être donnée aux politiques à l'endroit de la jeunesse.
Dans un deuxième temps, le RSA jeune actif a été supplanté par la prime d'activité et la garantie jeunes, plus adaptées pour accompagner les jeunes vers l'emploi. Si les dispositifs d'accompagnement rémunéré à destination des jeunes se multiplient et se renforcent, comme le plan « 1 jeune, 1 solution », ils ne sauraient remplacer une prestation de solidarité globale, ouverte sous seule condition de ressources. La garantie jeunes ou le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) par exemple sont des dispositifs intéressants et pertinents, mais limités dans le temps. Leur durée a été allongée récemment, mais elle peut rester insuffisante pour certains jeunes, ne permettant pas un accompagnement effectif sur une période de précarité prolongée. Ces dispositifs ne sont pas non plus adaptés aux publics particulièrement fragiles ayant des difficultés d'accès à leurs droits. Durant nos auditons, les cas de jeunes quittant l'aide sociale à l'enfance ou sortant de prison ont plusieurs fois été évoqués. De surcroît, la situation des jeunes s'est dégradée du fait de la crise, alors que le taux de pauvreté des 18-25 ans s'élevait déjà à 24 % en 2018. Les récentes destructions d'emplois ont principalement frappé des secteurs dans lesquels les jeunes sont nombreux.
Entre la situation actuelle de précarité de nombreux jeunes et une extension pure et simple du RSA à tous les jeunes de moins de 25 ans, il y a matière à trouver une solution intermédiaire. C'est le sens de nos propositions. D'ailleurs, l'extension du RSA, sans ouvrir le débat sur sa pertinence, se heurterait à la difficulté objective de mesurer l'ensemble des ressources des jeunes. Ces derniers peuvent en effet bénéficier de nombreux transferts intrafamiliaux ainsi que d'aides fiscales et sociales, versées à eux-mêmes ou à leurs parents, comme les aides au logement et les bourses.
Il convient donc de définir un dispositif ciblé et adapté à la situation des jeunes qui en ont le plus besoin. Les concertations lancées en 2019 pour définir un revenu universel d'activité (RUA) ont été interrompues par la crise sanitaire. Elles ont été relancées récemment, sous l'égide du rapporteur général à la réforme du RUA. Nous souhaitons qu'elles aboutissent rapidement et que le RUA soit ouvert au moins aux jeunes décohabitants sortis d'études, dont 150 000 vivent sous le seuil de pauvreté. Le besoin de financement à cet effet est estimé à près de 1 milliard d'euros.
En plus d'être lisible et plus équitable, ce RUA permettrait de cibler ceux qui en ont particulièrement besoin, dans l'universalité et avec la garantie que nous n'abandonnons aucun jeune en rupture familiale ou en situation de précarité. C'est une politique sociale globale qui ne s'embarrasse pas de compromis et qui fait le choix assumé de la solidarité. Nous espérons que notre analyse et nos propositions éclaireront les décisions à venir en matière de jeunesse.
J'ai quelques questions complémentaires sur ces deux rapports spéciaux, monsieur le ministre.
Sur la mission Santé, quels ont été les avantages et les inconvénients du recours à un fonds de concours pour organiser la participation de l'État à la gestion financière de la crise sanitaire ? Quel était l'intérêt de procéder ainsi ? Quelle a été la part prise par le fonds de concours « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offre de soins » dans les achats de vaccins ? Comment s'est opérée la répartition entre les achats de vaccins relevant de ce fonds de concours et les autres ? Et je ne reviendrai pas sur l'ensemble des questions qu'a posées Mme Louwagie.
La mission Solidarité, insertion et égalité des chances, elle, a connu une évolution importante même en dehors de la covid-19 : sur 4,3 milliards de dépenses supplémentaires en 2020, un tiers est imputable à une évolution structurelle et à des dépenses nouvelles. Face à ce rythme de progression, quel est l'horizon de ce budget ? Jusqu'à quel niveau va-t-il progresser ?
Par ailleurs, la sous-budgétisation des dépenses d'AAH est justifiée par la hausse plus importante que prévu du nombre de bénéficiaires et par l'impossibilité d'installer la mission nationale d'audit et de contrôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui devait générer une économie de 117 millions d'euros. Avec le recul, cette prévision d'économie n'était-elle pas optimiste ?
Merci pour votre invitation pour le Printemps de l'évaluation, que j'ai connu en tant que parlementaire sur les bancs de la commission des affaires sociales : c'est un bel exercice démocratique.
L'exercice budgétaire de l'année 2020, on peut le comprendre, a été exceptionnel. Pour les quatre programmes budgétaires placés sous ma responsabilité, 17,6 milliards d'euros ont été exécutés contre 14,8 ouverts en loi de finances initiale, soit un taux d'exécution loin d'être habituel de 120 %. Je ne rappellerai pas les circonstances exceptionnelles qui l'expliquent.
En 2020, quatre lois de finances rectificatives ont ouvert au total 2,2 milliards d'euros sur les programmes budgétaires dont j'ai la charge. En matière de santé, la mobilisation du fonds de concours alimenté par Santé publique France (SPF) s'est faite à hauteur de 700 millions d'euros. Elle a permis d'injecter très rapidement des fonds sur le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, de manière à répondre aux besoins les plus urgents. Nous avons ainsi pu centraliser les achats de masques et de tests par exemple, et affronter, dans les conditions extrêmement tendues que vous connaissez, la brutalité et la soudaineté de l'épidémie. Je vous donne le détail : 312 millions d'euros pour du matériel médical, masques et respirateurs par exemple, 132 millions versés à l'Union européenne pour financer des acomptes pour les achats de vaccins, 146 millions pour acheminer et distribuer du matériel, notamment les masques, et 16 millions pour tout ce qui est application numérique, type SI-DEP.
C'est vraiment important : cette réactivité forte nous a permis de ne jamais être en difficulté pour financer cela.
Outre les mesures sanitaires, il fallait aussi des moyens de protection pour nos concitoyens les plus précaires, qui ont été davantage fragilisés par les circonstances. Nous avons dû contenir autant que possible le risque d'une précarisation galopante. Trois allocations exceptionnelles ont servi cet objectif. La première a été versée en mai 2020 à 4,1 millions de foyers en difficulté, pour 880 millions d'euros ; la deuxième en juin à 800 000 jeunes en difficulté, pour 160 millions d'euros ; et la troisième en octobre à 4,7 millions de foyers, pour 970 millions d'euros. Ont été aussi engagés 94 millions pour soutenir l'aide alimentaire, soit plus du double des crédits prévus, qui nous ont permis de soutenir 5 millions de personnes, avec l'aide de centaines de milliers de bénévoles.
On peut constater que les outils dont nous disposons fonctionnent. Nous avons su dégager les moyens nécessaires, quand il le fallait, avec toute la réactivité nécessaire. Les Français sont fiers de leur protection sociale, fiers d'un État soucieux de ne pas les laisser au bord du chemin. Ils ont raison, car on a vu dans certains pays, même riches, certaines images qui pouvaient faire froid dans le dos. À l'issue de la crise bancaire et économique de 2008, la France, qui avait des filets de protection sociale très importants, avait compté trois fois moins de nouveaux pauvres que ses voisins allemands par exemple. C'est là que le rôle d'amortisseur de la protection sociale prend tout son sens. C'est l'esprit même de la création de la Sécu que de pouvoir protéger, dans des situations exceptionnelles, avec des mesures exceptionnelles.
Cela a un coût. C'est grâce au « quoi qu'il en coûte » que la France a payé le salaire de millions de salariés. C'est grâce au « quoi qu'il en coûte » que les restaurants et les commerces ont rouvert il y a quelques jours – autrement, ils auraient déjà fait faillite. Ces aides, monétaires et en nature, sont allées à des millions de gens qui ne pouvaient plus faire les courses dans la supérette low-cost, qui ne pouvait plus joindre les deux bouts grâce à un petit boulot d'appoint, qui ne pouvait plus manger au restaurant universitaire. Nous verrons sans doute dans l'évolution comparée de la précarité en France et dans les autres pays européens que c'était un choix non seulement plus humain, et revendiqué comme tel, mais aussi un choix gagnant.
Depuis un an et demi, nous avons d'une certaine manière retrouvé les valeurs les plus fondamentales de notre pacte social : la santé pour chacun, les solidarités pour tous. Nous n'avons pas suivi une autre boussole.
Vous avez souhaité approfondir deux sujets qui soulèvent des questions légitimes : le RSA jeune actif et les soins accordés aux étrangers en situation irrégulière. Je commence par le RSA jeune actif, qui concerne 910 foyers à la fin septembre 2020 pour un budget annuel inférieur à 5 millions d'euros. Ce nombre est en baisse continue depuis 2012, où il atteignait 9 000 foyers.
Cette tendance est due à la fois à des facteurs propres au dispositif et à l'évolution du paysage des prestations. L'une des conditions d'éligibilité, le fait d'avoir exercé une activité à temps plein pendant deux ans, est très stricte : peu de jeunes de moins de 25 ans peuvent en justifier, hormis ceux pleinement insérés dans la vie professionnelle, qui ne sont généralement pas concernés.
Mais c'est plus globalement la pertinence du dispositif qui peut être remise en question. Le paysage des prestations à destination des jeunes s'est en effet considérablement étoffé, avec la création de la garantie jeunes et de la prime d'activité. L'ouverture de la prime d'activité aux travailleurs dès l'âge de 18 ans dans les conditions de droit commun a marqué un changement important par rapport au RSA activité, dont l'accès en tant qu'allocataire ou conjoint était essentiellement réservé aux jeunes parents. La proportion des 18-25 ans dans les bénéficiaires de la prime d'activité a par ailleurs légèrement augmenté avec la revalorisation exceptionnelle de la prime en 2019. Fin septembre 2020, la prime d'activité était versée à 780 000 foyers de jeunes de moins de 25 ans, pour un montant moyen de 141 euros.
Les jeunes ont aussi la possibilité de solliciter d'autres aides financières, dans le cadre d'un parcours d'insertion ou d'une recherche d'emploi. C'est d'ailleurs la priorité absolue du Gouvernement de ne laisser aucun jeune sans solution. La garantie jeunes apporte une aide financière aux jeunes dont les ressources mensuelles ne dépassent pas 1 243 euros. De son côté, le plan « 1 jeune, 1 solution » mobilise 7 milliards d'euros. Sept milliards pour un plan d'insertion et d'accompagnement des jeunes, c'est du jamais vu, sous aucun gouvernement ! D'aucuns trouvent encore que nous ne faisons pas assez de social, et les autres que nous en faisons trop.
Ce plan regroupe des aides à l'embauche et des programmes de formation ou d'accompagnement pour répondre aux difficultés des jeunes précaires en matière de recherche d'emploi. S'y ajoutent d'autres mesures exceptionnelles, comme les repas à 1 euro dans les restaurants universitaires, l'aide forfaitaire de 200 euros versée depuis juin 2020 par les CROUS aux étudiants qui ont perdu leur emploi ou leur stage, l'aide de 200 euros à destination des étudiants ultramarins ou l'aide aux jeunes diplômés boursiers, qui peut atteindre 500 euros par mois.
Par ailleurs, pour favoriser l'accès au droit, le Gouvernement a développé un simulateur d'aides dédiées aux jeunes depuis le mois d'avril.
Il serait donc utile de remettre en question le dispositif du RSA jeune actif, de s'interroger sur l'assouplissement des conditions d'activité préalable, de revoir la durée ou la nature des heures prises en compte par exemple. Mais il me semble que le principal enjeu est de repenser les prestations dans leur ensemble, car en modifiant le seul RSA jeune actif, on provoquerait nécessairement des effets de bord sur la prime d'activité, les aides au logement et autres dispositifs.
Cette refonte globale, c'est tout le projet du revenu universel d'activité, qui a fait l'objet d'un travail administratif et de concertations citoyennes avant d'être malheureusement interrompu par la crise sanitaire. Nous le reprenons pour pouvoir nourrir le débat. Je suis certain que nous aurons l'occasion d'en reparler dans les prochains mois.
Plusieurs solutions peuvent être envisagées pour une entrée de plain-pied dans ce RUA. La question des flux et des stocks, pardon pour cet horrible langage techno, se pose. Celle des jeunes décohabitants aussi, qu'ils soient dans l'emploi ou en études. Comme vous l'avez dit, il est difficile de savoir de quels soutiens familiaux bénéficie un jeune ; néanmoins, un jeune décohabitant n'est par nature pas logé par ses parents, ce qui crée des conditions de précarisation plus importantes.
Je suis très favorable au RUA pour les jeunes, même si je sais qu'il va soulever d'innombrables questions. Si vous avez compris le paysage des prestations sociales dans notre pays, c'est qu'on vous l'a mal expliqué. Elles sont nombreuses, elles sont complexes, elles ne sont pas toutes versées de façon contemporaine des besoins. Et il faut se montrer très prudent dans ce domaine où chaque mot peut faire naître une crise dans le débat politique, surtout à l'approche de l'année qui commence, et peut vite attirer de mauvais procès.
Ce qui doit à mon avis sous-tendre notre réflexion est un principe de simplification, de modernisation, de contemporanéisation par rapport aux besoins. Il faut un seul revenu, qui aille de pair avec une intégration dans l'emploi, dans la formation professionnelle, dans la reprise des études – mais simple. Il est toujours beaucoup plus compliqué et coûteux de retaper une maison que d'en construire une nouvelle : aujourd'hui, il faut se rendre compte que le toit fuit depuis trop longtemps et que les rustines ne tiennent plus.
Je suis donc très favorable au RUA. Reste à savoir quand, et comment.
S'agissant des soins accordés aux étrangers en situation irrégulière, le principal dispositif est l'AME, avec un certain nombre de prestations complémentaires que Mme Louwagie a citées. Les dépenses et le nombre de bénéficiaires exact de l'AME ainsi que de nombreuses informations sur les bénéficiaires et les soins consommés sont détaillés dans les projets et rapports annuels de performance et les réponses aux questionnaires parlementaires. En 2020, les dépenses réelles engagées au titre de l'AME s'élèvent à 829 millions d'euros. Près de 383 000 bénéficiaires étaient dénombrés fin décembre.
Oui, les étrangers en situation irrégulière non éligibles à l'AME peuvent recevoir des soins hospitaliers lorsque leur pronostic vital est en jeu, au titre du fameux dispositif des soins urgents. En 2020, les dépenses prises en charge par l'État s'établissent à 70 millions d'euros. Outre les effets de la crise sanitaire, elles recouvrent les soins urgents dont ont bénéficié les demandeurs d'asile non couverts par la protection universelle maladie (PUMA) en raison de l'instauration du délai de carence de trois mois.
Il est également possible d'évoquer la mobilisation des permanences d'accès aux soins, les PASS, qui étaient 438 en 2019, et des équipes mobiles psychiatrie précarité, les EMPP, au nombre de 140. Honnêtement, ce sont des relais absolument indispensables. Si vous allez dans une PASS, vous verrez que ce n'est pas luxueux. On fait avec les moyens du bord. Les gens qui y travaillent ont beaucoup de courage, et surtout beaucoup de convictions. Je souhaite les soutenir, développer les PASS là où il n'y en a pas, et en développer aussi dans d'autres domaines comme celui des soins dentaires. On voit encore des gamins à qui on arrache des dents véritablement pourries sans être en mesure de leur poser une prothèse dentaire : en termes de chance dans la vie, c'est déjà mal parti… Le Ségur de la santé a d'ailleurs porté une attention particulière par exemple aux équipes mobiles psychiatriques. Tout se tient : si vous n'apportez pas un soutien à des étrangers en grande difficulté, vous majorez les risques de situations de détresse psychologique, qui seront in fine plus coûteuses.
Dans le cadre du programme 183 de la mission Santé, d'autres prises en charge au titre de l'AME peuvent intervenir pour certains soins de personnes gardées à vue ou placées en centre de rétention administrative, qu'elles soient ou non en situation irrégulière. Cela peut se comprendre : si vous êtes malade dans un centre de rétention, on ne va pas vous demander si vous avez vos papiers avant de vous sauver la vie !
Les dépenses associées à ces dispositifs sont extrêmement faibles au regard des dépenses relatives à l'AME et de soins urgents puisqu'elles s'élèvent à 333 000 euros, soit moins de 0,04 % du montant de l'AME.
S'agissant des personnes dont le titre de séjour a expiré, des droits à l'assurance maladie sont maintenus pour une période de six mois afin de permettre l'accomplissement des démarches de renouvellement des titres sans rupture dans l'accès aux soins. Le système a été pensé justement pour éviter ces ruptures. Pour vous dire le fond de ma pensée, plus vous rognez sur l'AME, plus vous augmentez la dette hospitalière. De toute façon, les gens seront soignés ! C'est le médecin, le citoyen, le ministre qui vous le dit : si quelqu'un a besoin de soins, que ce soit en médecine de ville ou à l'hôpital, il sera soigné, même s'il n'a pas les bons papiers. Donc à chaque fois qu'on rogne sur l'AME, comme dans certains territoires ultramarins qui connaissent des difficultés d'ouverture de droits, cela alourdit considérablement la dette des hôpitaux – ils soignent à l'œil ! L'AME n'est que la reconnaissance par l'État français du fait que des soins sont de toute façon accordés à des gens qui en ont besoin. C'est le principe de réalité qui s'impose.
On peut toujours considérer qu'il y aurait ou non trop de situations d'irrégularité : cela ne change rien au fait que dès lors qu'ils sont en France, les gens sont soignés quand ils en ont besoin. On peut aussi discuter le panier de soins. C'est souvent le cas, et le panier est d'ailleurs parfois révisé. Les exemples que vous avez cités sont véridiques, mais ne sont pas légion, madame la députée : je peux vous fournir le décompte précis des dépenses de l'AME, vous verrez que ce n'est pas le recollement des oreilles qui coûte. Avant, on nous parlait de cures thermales et de procréation médicalement assistée. Maintenant que nous avons dit et répété que cela ne fait pas partie du panier de soins de l'AME, on trouve autre chose. Mais la réalité de la situation est bien différente.
En réalité, l'AME va à des gens qui sont dans une détresse totale. Il y a sans doute des abus, et c'est pour cela que 400 000 contrôles sont en cours, à la demande du Parlement : il est normal et naturel de vérifier les choses. Mais le gros de l'AME, c'est des situations de détresse. Je les vois, dans les lits, parfois dans la rue : il s'agit de gens qui ont vraiment besoin de soins, et des soins qui sont effectivement un peu plus coûteux que pour la population générale, car ces gens ont beaucoup de comorbidités. Y en a-t-il vraiment qui viennent en France pour l'AME ? Honnêtement, on ne traverse pas la Méditerranée sur une barque de fortune parce que les soins pour le diabète ne coûteront pas cher ! Certes il peut y avoir des problèmes avec certains pays, notamment d'Europe de l'Est : il faut les regarder avec lucidité, je l'ai dit quand j'étais parlementaire et rapporteur général du budget de la sécurité sociale, mais ce n'est pas la règle. La très large majorité de ces dépenses sont nécessaires, et incompressibles en l'état actuel de notre pays.
Vous avez cité l'exemple de Mayotte. Le budget du centre hospitalier de Mayotte est de 225 millions d'euros. Il détient le quasi-monopole de l'offre de soins sur l'île. Son activité est à dominante gynécologique et obstétrique – je crois que c'est la première maternité de France ! – mais aussi tournée vers la prise en charge de l'urgence. Il accueille une part importante de population immigrée, notamment comorienne, dans un contexte de pénurie globale d'offre de soins de la région que nous connaissons tous. Si vous vous rendez dans un hôpital à Mayotte, vous verrez là aussi des gens solides et militants.
En conclusion, les soins délivrés aux étrangers en situation irrégulière s'inscrivent essentiellement dans le cadre de l'AME, et seraient de toute façon réalisés dans la pratique. C'est un dispositif essentiel en termes de santé publique et de solidarité nationale, que nous contrôlons mais qui a toute sa légitimité. Je ne veux pas le remettre en question chaque année, considérant que ce serait le stigmate d'une immigration mal maîtrisée. C'est peut-être une conséquence, certainement pas une cause. Pour autant, il importe d'être transparent sur les coûts de cette solidarité, et nous le sommes. Vous avez dit que nous étions le seul pays d'Europe à faire preuve de cette générosité, mais en fait la France est surtout le seul pays d'Europe en mesure de fournir tant de données sur la prise en charge des étrangers en situation irrégulière – elles n'existent nulle part ailleurs. Nous dépensons, mais nous sommes transparents. Les autres dépensent, mais le sont peut-être un peu moins.
Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, au nom des députés du groupe La République en Marche, pour l'action menée au sein de votre ministère tout au long de l'année 2020 face à cette crise.
Ma première question concerne la mission Santé. La rapporteure spéciale a présenté ses observations sur le dispositif du maintien des droits expirés relevant de l'article R. 111-4 du code de la sécurité sociale. Dans son rapport, elle mentionne également l'existence d'un dispositif de maintien des droits sociaux prévu à l'article L. 433-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Quelle justification peut être apportée à l'existence de ces deux dispositifs ? Une simplification serait-elle souhaitable ?
Concernant la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, l'égalité entre les femmes et les hommes a été choisie comme la grande cause nationale du quinquennat par le Président de la République et des mesures fortes ont été adoptées depuis le début du mandat. Le Gouvernement a construit son action pour l'égalité femmes-hommes selon trois axes : la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes ; l'émancipation économique des femmes ; l'accès aux droits et la diffusion de la culture de l'égalité.
Je ne poserai qu'une seule question : 5,2 millions d'euros supplémentaires ont été alloués à la protection des femmes victimes de violences dans le cadre du confinement. Ce montant a-t-il été suffisant ? Combien de femmes ont-elles pu être protégées ?
Concernant le programme 204, il semble que la gestion financière des aspects sanitaires de la crise de la covid-19 a reposé sur les crédits de l'assurance maladie et non sur le budget de l'État. Ainsi, en 2020, aucun crédit n'a été ouvert en faveur de la mission Santé en loi de finances rectificative, à l'exception d'un crédit de 5 millions d'euros dédié au financement d'un dispositif d'indemnisation des professionnels de santé libéraux contaminés par la covid-19. De plus, l'achat des matériels utiles pour lutter contre la pandémie a relevé de Santé publique France, sur la base d'une dotation exceptionnelle de 4 milliards d'euros. Pourriez-vous nous donner une explication concernant ce programme ?
J'aimerais revenir sur le rapport spécial très documenté rédigé par Véronique Louwagie. Selon vous, monsieur le ministre, le 1,5 milliard concernent essentiellement l'AME – c'est ce que j'ai compris de votre conclusion. Or, selon Véronique Louwagie, six dispositifs sur les onze existants – l'AME plus dix autres – concentrent 1,5 milliard au profit de 420 000 bénéficiaires en situation irrégulière en métropole. Il semblerait que, depuis 2017, il y ait 1 000 bénéficiaires supplémentaires de l'AME chaque mois. Cela semble colossal : est-ce vrai ? Quel est selon vous le nombre précis d'étrangers en situation irrégulière ? Enfin, quand envisagerez-vous de recentrer l'AME sur les soins urgents ? Nous sommes d'accord pour les soins urgents, mais moins pour les soins à long terme.
Votre portefeuille, monsieur le ministre, comporte non seulement la santé, qui vous a fortement mobilisé cette année, mais également les solidarités. Dans ce domaine, il nous faut saluer l'esprit de responsabilité qui a présidé à l'interdiction des sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance. Le rapport de la Cour des comptes précise que la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, présentée à l'automne 2019, repose pour l'essentiel sur la conclusion de contrats tripartites entre le préfet, le conseil départemental et les agences régionales de santé ; ceux-ci devaient couvrir progressivement l'ensemble du territoire d'ici à 2022.
Le montant de 30 millions d'euros de crédits inscrits en LFI 2020 a été abondé à hauteur de 20 millions d'euros supplémentaires par redéploiement de crédits destinés aux mineurs non accompagnés (MNA), compte tenu de la révision à la baisse des dépenses concernant ces derniers. Je ne vous interrogerai pas sur les MNA car nous attendons un rapport sur ce sujet de votre ministère. Je souhaite en revanche vous interroger sur la sous-exécution des budgets consacrés à la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance. D'un côté, la dépense n'est pas totale en matière de contractualisation, qui ne concerne pas tous les départements et, d'autre part, le financement dédié à l'interdiction des sorties sèches de l'ASE a été abondé en partie par fongibilité des crédits MNA. Voilà pour l'aspect quantitatif.
Ma question sera qualitative : combien de jeunes ont été maintenus à l'abri ? Quel a été leur accompagnement et de quelles aides ont-ils bénéficié ? Comment est envisagée leur sortie ? Nous avons été capables d'empêcher les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance en raison de la crise sanitaire : pourquoi ne pourrions-nous pas en faire de même en temps normal ? Nous parlons là de jeunes adultes qu'il nous faut accompagner pour qu'ils ne tombent pas définitivement dans la précarité. Maintenant que nous avons vu que cela fonctionnait, pourrait-il être envisagé de considérer la pérennisation de cette mesure d'accompagnement des jeunes sortant de l'aide sociale à l'enfance ?
Je souhaite aborder trois sujets. Tout d'abord, s'agissant de l'aide médicale d'État, l'indicateur 1.1 de la mission Santé indique une augmentation de 50 % du délai moyen d'instruction des dossiers en 2020 par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale, c'est-à-dire trente jours au lieu des vingt visés. Nous pourrions imaginer que cela s'explique par une désorganisation des services du fait de la crise sanitaire, mais cela est en réalité principalement dû à des réorganisations internes indépendantes de cette crise. Ces réorganisations pénalisent les bénéficiaires de l'AME alors même que nous traversons une crise sanitaire sans précédent. Pouvez-vous nous assurer que de telles défaillances ne se reproduiront pas en 2021 ?
Ensuite, s'agissant du RSA jeune, le rapport annuel de performance de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances nous apprend que ce dispositif, certes dérogatoire mais national, ne concerne que 600 foyers. Cela montre à quel point il est urgent de créer un véritable minimum jeunesse. Qu'attendez-vous pour le mettre en place, d'autant que vous semblez y être favorable ?
Enfin, s'agissant de la permanence téléphonique nationale de référence contre les violences faites aux femmes, le 3919, vous aviez un objectif de 100 % des appels traités. En réalité, seuls six appels sur dix l'ont été, ce chiffre étant en chute libre par rapport aux années précédentes et alors même que les violences conjugales ont bondi pendant le confinement. Que comptez-vous faire pour enfin donner de vrais moyens à la lutte contre les violences faites aux femmes ?
Je vais être rapide car mes questions concernaient également le fonds de concours « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d'offre de soins » créé dans le programme 204 de la mission Santé. Des questions précises ayant été posées sur ces crédits, qui permettent, pêle-mêle, l'achat de matériel médical, la précommande de vaccins, la prise en charge des prestations de transport nécessaires à l'approvisionnement des établissements de santé en matériel médical ou encore le financement de la plateforme téléphonique dédiée à l'information de la population, je n'aurai pas de question complémentaire.
Revenir sur l'exercice 2020, c'est d'abord et avant tout constater les dégâts sociaux de la pandémie, l'augmentation du nombre de personnes en situation de fragilité – plus 7,5 % de bénéficiaires du RSA, plus 1,7 % de bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé. La Cour des comptes, pour le programme 157 Handicap et dépendance, constate une majoration des crédits de près de 315 millions d'euros, soit une hausse de 2,6 % par rapport à la prévision initiale. Or les dépenses sociales incombent essentiellement aux départements. Il faut donc s'interroger sur une possible revalorisation des dotations aux départements proportionnellement à l'augmentation de leurs dépenses.
Par ailleurs, alors que nous abordons le sujet budgétaire essentiel du poids des dépenses fiscales – trente dépenses fiscales pour cette seule mission, soit près de 14 milliards –, il faut remarquer le peu d'informations dont nous disposons sur les trois principales niches de la mission. Pour certaines d'entre elles, en dépit de leur poids – 2 milliards –, nous ne connaissons même pas le nombre précis de bénéficiaires. En outre, ces dépenses n'ont toujours pas fait l'objet d'une évaluation. Il ne s'agit absolument pas de remettre en cause la générosité publique, mais de s'assurer que celles-ci atteignent leurs objectifs. Suivrez-vous les recommandations de la Cour des comptes en procédant à l'évaluation de l'efficacité de ces dépenses ?
Je voudrais revenir sur trois points. Concernant l'aide médicale d'État, il serait intéressant d'examiner les données sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l'AME et sur les pathologies soignées : ces éléments d'information supplémentaires participeraient à la transparence dont vous parliez.
S'agissant du maintien des droits expirés à la PUMA et à la complémentaire santé solidarité, vous indiquez que l'objectif est que des personnes dont le titre de séjour est expiré ne basculent pas dans l'AME, dans la mesure où ces personnes peuvent avoir demandé un renouvellement de titre. Or, une personne en situation irrégulière bénéficie d'un maintien des droits même si elle n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour : cette situation mériterait d'être corrigée. Le bénéfice du maintien des droits devrait être conditionné à une demande de renouvellement du titre par la personne.
Concernant l'admission au séjour pour soins, les demandeurs d'asile des pays d'origine sûre bénéficient de la PUMA alors qu'ils n'ont que 7 % de chances d'obtenir l'asile. Or ces personnes bénéficient du dispositif d'admission au séjour pour soins : il conviendrait de réexaminer cette situation.
En vous écoutant, monsieur le ministre, j'ai fait moi aussi un travail rétrospectif. Lorsque j'ai pris la responsabilité de ce rapport spécial, en 2017, 19 milliards d'euros étaient consacrés à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, contre près de 30 milliards d'euros aujourd'hui. Alors que la crise nous a tous rendus très attentifs à la précarité, il est toujours utile de le souligner. Je suis fière d'appartenir à une majorité qui a fait autant et qui est toujours motivée pour continuer à diagnostiquer, à proposer et à agir, à l'image du RUA. J'ai entendu, monsieur le ministre, que vous étiez favorable au RUA jeune : nous avons besoin d'aller vite sur ce sujet car une partie de notre jeunesse est en difficulté et en situation de précarité.
Concernant les jeunes étrangers – mineurs ou jeunes majeurs –, et en dépit des efforts conséquents que nous faisons déjà, nous devons faire preuve de toujours plus d'imagination et surtout d'efficacité. Nous avons élaboré des propositions, avec Patrice Anato, dont j'excuse l'absence ce soir, pour améliorer ces dispositifs sans pour autant alourdir de façon démesurée les dépenses publiques. Nous sommes à votre disposition pour travailler sur ce sujet.
Si vous me permettez une petite remarque, tout cela se paye, surtout quand le déficit public s'établit à 10 % et qu'un bon tiers des mesures nouvelles n'ont rien à voir avec le covid-19. Vous pouvez toujours le faire au détriment des générations futures – c'est formidable, la générosité à crédit ! – mais il faut conserver un peu de raison. Personne ne peut se satisfaire d'un déficit à 10 %. Certes, une bonne partie de ce déficit est liée au covid-19, mais celui-ci n'est pas seul en cause : toutes les dépenses dérapent !
Vous ne pouvez pas être contre l'augmentation du montant de l'allocation adulte handicapé, monsieur le président ! Et concernant les mineurs de l'aide sociale à l'enfance, ce qui n'a pas été fait hier est à faire aujourd'hui : cela relève de notre responsabilité. C'est de l'investissement social et non de l'argent jeté par les fenêtres. L'ensemble des actions de cette mission sont tout à fait pertinentes.
On peut toujours faire la liste complète des allocations – chacun en a créé – mais je ferai remarquer que je n'entends jamais un propos responsable sur le plan financier. La responsabilité sociale peut s'accompagner d'une irresponsabilité financière. Ce sont ceux que vous voulez défendre qui paieront : c'est une fausse générosité !
Monsieur le ministre quelle est, selon vous, l'efficacité de la prime d'activité ? Elle coûte 10 milliards – c'est un détail !
Quelle est l'efficacité de l'augmentation du pouvoir d'achat de personnes qui n'ont pas un pouvoir d'achat aussi important que le vôtre et le mien, monsieur le député ? Cela permet parfois de manger un peu mieux, de remplacer une voiture et, de temps à autre, de s'offrir des vacances, pas très loin en général. C'est tout le sens de mon engagement politique : la réduction des inégalités. Selon l'INSEE, en 2019, et pour la première fois depuis longtemps, la pauvreté a reculé – il faut s'attendre à ce qu'elle augmente avec la crise sanitaire, mais on en connaît les causes. La prime d'activité est donc une dépense qui, en augmentant les petits revenus, permet de faire reculer la précarité et la pauvreté. Fin 2020, 4,4 millions de foyers en étaient bénéficiaires, en hausse de 77 000 par rapport à 2019, soit plus de 2 %, selon la note de conjoncture de la CNAF d'avril 2021, avec une croissance dynamique du fait de la revalorisation. Après un fléchissement à partir du premier semestre 2020 et une forte baisse au troisième trimestre 2020, ce nombre a connu une nouvelle hausse à partir d'octobre 2020, retrouvant le niveau d'avant-crise en raison de la reprise économique liée à l'arrêt des mesures de confinement. Le montant moyen versé est de 184 euros par mois en septembre 2020, 244 euros pour une famille monoparentale. Je ne reviendrai donc pas sur l'utilité de cette mesure.
Nous avons déployé une mission d'intérêt général (MIG) visant à financer des dispositifs dédiés à la prise en charge des femmes victimes de violences au sein des structures hospitalières. L'une des premières décisions que j'ai prises en arrivant au ministère fut de multiplier les budgets alloués à la création de centres d'accompagnement des femmes victimes de violences. Alors qu'il n'y en avait que deux ou trois en France, je souhaite qu'il y en ait au moins une quinzaine ou une vingtaine d'ici à la fin du mandat, sur des modèles distincts les uns des autres mais qui sont très utiles, en lien avec les gynécologues, les prises en charge psychologiques, les aides sociales, les assistantes sociales, ainsi que la gendarmerie et la police pour l'enregistrement des plaintes – j'y crois énormément et cela se développe assez fort. Avec 5 millions d'euros, nous avons financé vingt projets au premier semestre 2021, et un nouvel appel à projets sera lancé au deuxième semestre. Nous assurerons le financement tant qu'il y aura des projets car il faut multiplier ces centres de lutte contre les violences faites aux femmes – je suis un convaincu de la première heure !
En outre, le budget relatif à l'égalité femmes-hommes a été augmenté de 11,4 millions d'euros en 2021 pour venir en aide à ces femmes victimes de violences ; nous avons renforcé le soutien aux associations pendant la crise ; nous avons financé un plus grand nombre de nuitées d'hébergement ; nous avons créé des points d'accueil, même dans les grandes surfaces, et nous avons établi des partenariats avec les VTC pour des courses gratuites pour les femmes à risque ou victimes de violence. Il est difficile de donner un chiffrage global de toutes ces mesures, d'autant que nous partageons certains budgets avec Élisabeth Moreno et avec le ministère de l'intérieur, mais les actions qui ont été menées sont remarquables. Élisabeth Moreno a ainsi eu l'occasion de rappeler hier, devant les députés, que nous avons augmenté le nombre de places d'hébergement d'urgence destinées aux femmes victimes de violences. C'est une des réformes prioritaires ; les indicateurs sont accessibles en open data.
L'augmentation des délais de traitement des dossiers AME en 2020, qui atteignent désormais vingt-cinq ou trente jours, peut s'expliquer par la crise sanitaire. Il serait évidemment préférable de les faire baisser mais, à droite, on va nous dire qu'on en fait trop avec l'AME tandis qu'à gauche, on nous dira qu'on n'en fait pas assez ! Ce sujet éminemment complexe nécessite beaucoup de bienveillance de part et d'autre car, au fond, il s'agit de traiter avec humanité des gens qui ont besoin de soins.
Madame la députée Louwagie, concernant votre question sur l'origine et les pathologies, je saisirai la direction des affaires juridiques pour savoir s'il est possible, dans le cadre d'un prochain rapport, de vous donner accès à des données plus précises que celles que j'ai citées. Quand j'étais rapporteur du PLFSS, j'avais fait une évaluation de l'AME en sortant des données d'un rapport sénatorial qui datait déjà de deux ou trois ans et qui montrait les dépenses par catégorie d'âge et par pathologie. Selon ce rapport, pour une maladie chronique donnée, un bénéficiaire de l'AME dépensait moins pour sa santé qu'un résident français. Il n'y a donc pas de surconsommation de soins pour une pathologie donnée. En revanche, il y a une surreprésentation des maladies chroniques vraiment évidente. Nous allons essayer de vous donner ces informations, en toute transparence, si cela ne soulève pas de problème de secret médical ou de transfert de fichiers.
Nous n'avons pas mobilisé de crédits État mais nous avons présenté un PLFSS rectificatif abondant l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 14,2 milliards d'euros. Depuis le début de la crise sanitaire, j'ai pris des décisions garantissant une prise en charge à 100 % des dépenses liées au covid-19 par l'assurance maladie. L'acte de télémédecine a été tellement simplifié, parce qu'il n'y a pas de part complémentaire, que tout le monde s'est jeté à l'eau : nous sommes ainsi passés de 10 000 téléconsultations par semaine à 1 million. Les vaccins, les centres de vaccination, le paiement des libéraux, les tests PCR, les tests sérologiques, les tests antigéniques : tout est pris en charge à 100 % par l'assurance maladie. L'année dernière, nous avons été amenés à prélever un peu d'argent sur les contrats des complémentaires santé, dont le coût n'avait pas baissé alors qu'ils avaient été beaucoup moins mobilisés. Je constate à regret que, contrairement à l'engagement que je leur avais demandé de prendre, elles ont manifestement continué d'augmenter les coûts des contrats alors que les dépenses n'ont pas augmenté à due proportion.
C'est donc un vibrant plaidoyer pour une grande sécurité sociale que je fais là, parce que je trouve qu'elle a été extrêmement réactive. C'est pour cela que nous sommes passés par le PLFSS et non par le PLF.
Les dépenses d'AME pour les étrangers en situation irrégulière sont beaucoup plus proches du milliard que du chiffre de 1,5 milliard que vous avez avancé, madame Louwagie.
Sur les onze dispositifs de soins existant pour les personnes en situation irrégulière, six, dont l'AME, coûtent 1,5 milliard d'euros.
Certaines de ces dépenses sont liées aux conditions de garde à vue. Nous avons un chiffrage de la direction de la sécurité sociale (DSS) à 1 milliard TTC sur l'ensemble des prestations, dont 877 millions pour l'AME, soit 0,5 % des dépenses d'assurance maladie.
S'agissant de l'aide sociale à l'enfance, près de 20 000 jeunes de l'ASE sont devenus majeurs en 2019, sur la base de quatre-vingt-douze départements. Plus de 50 % de ces jeunes, c'est-à-dire près de 10 500, dans soixante-sept départements, ont fait l'objet d'une prise en charge dans le cadre du référentiel de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. En ce qui concerne l'action Prévenir les sorties sèches de l'ASE, les indicateurs sont bien orientés : 80 % des jeunes devenus majeurs en 2020 ont fait l'objet d'une prise en charge, contre 60 % en 2019 ; 84 % de ces jeunes majeurs avaient un logement stable, contre 61 % en 2019 ; 66 % de ces jeunes majeurs avaient accès à des ressources financières en 2020, contre 45 % en 2019. Vous aurez bientôt l'occasion de débattre au Parlement d'un texte traitant de ce sujet qui sera présenté par le secrétaire d'État en charge de la famille auprès de mon ministère.
La compensation des conventions avec les départements est examinée dans le cadre de la commission consultative sur l'évaluation des charges.
Concernant les niches fiscales, il s'agit principalement d'exonérations sur les pensions d'invalidité ; le Gouvernement ne souhaite pas revenir dessus.
Avez-vous de la visibilité sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, compte tenu de l'évolution structurelle – donc hors dépenses liées au covid-19 – galopante des crédits de cette mission ?
Plus de 3 milliards d'euros d'allocations exceptionnelles ont été versés pendant la crise ; elles n'ont pas vocation à être reconduites. Si vous ajoutez toutes les prestations exceptionnelles, effectivement, vous sortez de l'enveloppe. De la même manière, vous avez fait face, monsieur le président, quand vous étiez aux responsabilités, à une crise bancaire et économique qui a provoqué un trou, jusqu'ici historique, de la sécurité sociale, avec une dette qui s'est creusée. La sécurité sociale a joué son rôle d'amortisseur et des décisions ont été prises dans l'urgence, y compris d'ailleurs des allocations d'urgence qui ont été assurées aux plus précaires, pour éviter que les gens tombent dans une trop grande pauvreté, et c'était une bonne décision. Ensuite, vous avez créé un mécanisme de remboursement avec la caisse d'amortissement de la dette sociale, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et la contribution sociale généralisée (CSG). La sécurité sociale paye toujours cette dette, creusée en 2008, et qui était sur le point d'être remboursée à la fin de l'année prochaine. De la même manière, nous rembourserons nos dettes.
Si votre question, c'est de savoir si l'on dépense trop pour la solidarité…
Non ! Structurellement, cette mission augmente de 1,5 à 2 milliards par an. Avez-vous une visibilité sur son évolution ? Vous pouvez me répondre que vous n'en avez pas, ou bien que vous dépenserez plus.
Nous créons des dépenses importantes visant à apporter une réponse structurelle à un problème structurel, à savoir la précarité dans notre pays. Certaines réponses structurelles sont coûteuses. Le plan « 1 jeune, 1 solution » coûte 7 milliards d'euros : c'est une dépense, mais c'est aussi un investissement sur l'avenir.
La première cause de pauvreté dans notre pays, c'est la perte de l'emploi, le chômage, et la première des solidarités, c'est l'emploi. Nous dépensons donc massivement pour permettre aux Français de retrouver un emploi ou d'accéder à une formation qui leur permettra d'en trouver un. Il n'y a pas de martingale contre la pauvreté ; en revanche, il y a des moyens déterminés pour éviter que les gens tombent dans la pauvreté ou pour les aider à en sortir. Les politiques en faveur de l'insertion et de l'emploi sont des dépenses non seulement indispensables mais même extrêmement rentables. Lorsque nous sommes hors crise sociale, hors crise sanitaire, quand les amortisseurs sociaux sont moins prééminents, les dépenses prévues sont moins exceptionnelles. Lorsque nous faisons reculer le chômage, nous avons besoin de moins de prestations sociales exceptionnelles. Les crédits sont alors amenés à diminuer. Si la crise du covid-19 est conjoncturelle, le problème du chômage est structurel dans notre pays, et c'est pour cela que nous réformons, comme d'autres l'ont fait avant nous et le ferons après nous.
Enfin, le maintien des droits sociaux prévu par le CESEDA permet de pallier les difficultés que rencontrent certaines préfectures à renouveler les titres de séjour dans le temps. Pendant une période de trois mois à compter de l'expiration du titre de séjour, la personne conserve son droit d'exercer une activité professionnelle et l'intégralité de ses droits sociaux – aides sociales, prestations familiales, sécurité sociale, droit au chômage. Le dispositif de maintien de droits prévu par le code de la sécurité sociale est quant à lui plus spécifique et concerne uniquement la protection universelle maladie (PUMA) et, le cas échéant, la complémentaire santé solidaire.
La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend M. Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Nous poursuivons nos travaux avec la CEPP relative à la mission Recherche et enseignement supérieur. Nous accueillons pour cela la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Mme Frédérique Vidal.
Au-delà de la traditionnelle revue de l'exécution budgétaire 2020, notre commission a retenu le financement de la recherche dans le domaine de la lutte contre les crises sanitaires comme thématique d'évaluation. Je retiendrai un enseignement majeur de l'exécution du budget 2020 : la crise pandémique que nous traversons n'a pas affecté, au contraire, la bonne exécution de la mission Recherche. L'exercice 2020 a en effet permis de mobiliser des outils de financement exceptionnels tout en respectant les objectifs fixés par la loi de finances : 12,2 milliards d'euros ont été engagés en autorisations d'engagement, 12,07 milliards en crédits de paiement, soit une hausse de plus 5 % et plus 2,5 % respectivement par rapport à 2019, alors même que la trajectoire fixée par la loi de programmation de la recherche et le plan de relance ne commencent à produire leurs effets qu'à partir de 2021. Il faut cependant nuancer cette appréciation par le fait que les opérateurs qui dépendent de ressources propres ont été affectés par des désinvestissements dans plusieurs secteurs économiques. Il ne sera possible d'analyser les impacts indirects de cette crise qu'après la publication des comptes financiers.
Ainsi, s'agissant du programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, la hausse des crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) a permis à celle-ci de poursuivre le financement des plans Intelligence artificielle et Antibiorésistance, tout en s'engageant activement dans la crise avec le lancement de trois appels à projets.
Je rappelle la réforme nécessaire du crédit d'impôt recherche pour assurer plus de transparence et d'efficacité. Des travaux spécifiques sont en cours d'élaboration sur ce sujet, dont l'un que nous conduisons, Laurent Saint-Martin, rapporteur général, Christine Pires Beaune et moi-même, dans le cadre du rapport d'application de la loi fiscale.
Pour le programme 193 Recherche spatiale, l'augmentation de près de 20 % des crédits par rapport à l'année 2019 a permis d'apurer la dette française à l'Agence spatiale européenne.
Je veux également saluer le déploiement de nombreux outils de financement exceptionnels, qui n'ont pas fait obstacle à la bonne exécution du budget 2020. Je pense à la création du fonds d'urgence dédié à la recherche contre la covid-19, doté de plus de 52 millions d'euros, qui a permis à l'ANR de faire progresser son taux de succès aux appels à projets de 0,7 point par rapport à 2019. Je pense aussi au plan de soutien au secteur aéronautique, qui prévoit de mobiliser 1,5 milliard d'euros sur trois ans, dont 300 millions d'euros ont déjà été engagés en 2020.
Enfin, je partage l'ambition de Mme la ministre de soutenir l'emploi des jeunes chercheurs pour amortir le choc de désinvestissement des entreprises. Je suggère néanmoins que le Parlement puisse bénéficier d'informations chiffrées et détaillées sur ce dispositif, qui pourrait, selon la Cour des comptes, générer un surcoût de 50 millions d'euros sur la période 2021-2023.
Je reviens un instant sur la situation de plusieurs opérateurs qui, du fait de budgets reposant sur des ressources propres, ont été particulièrement exposés à la crise, sans pour autant bénéficier des mêmes dispositifs de soutien. Certes si, dans le programme 172 par exemple, des organismes tels que le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) ont été dotés d'un soutien spécifique de 3 millions d'euros, en revanche, d'autres, comme l'Institut français du pétrole Énergies nouvelles (IFPEN), dont le compte de résultat fait apparaître un déficit de 70 millions d'euros, n'ont pas obtenu de soutien pour amortir les effets de la crise sur leurs ressources. Je formule donc deux remarques issues des auditions qui ont nourri cette évaluation : premièrement, la complexité de ces dispositifs soulève la question de leur lisibilité et, deuxièmement, elle souligne leur faible traçabilité financière, nombre de données étant encore inaccessibles à ce stade.
Concernant l'évaluation de la recherche contre les maladies infectieuses émergentes, la crise pandémique révèle d'abord le potentiel de puissance dont la France dispose dans ce domaine ; c'est évidemment très important. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) s'est fortement impliqué dans la coordination de la recherche nationale à travers le consortium REACTing et l'Agence nationale de recherche sur le SIDA et les hépatites virales (ANRS). Il a lancé plusieurs projets tels que SAPRIS – santé, pratiques, relations, inégalités sociales en population générale pendant la crise covid-19 – et EpiCoV, qui consistent en une cartographie globale du statut immunitaire de la population.
Par ailleurs, l'Institut Pasteur a conforté son rôle de premier plan dans les domaines de la virologie et de la vaccinologie : en plus d'avoir été le premier organisme à réaliser le séquençage intégral du génome du SARS-CoV-2 en Europe, il a développé les premiers tests PCR et sérologiques, tout en mettant au point plusieurs programmes de recherche pour des candidats vaccins. Les problèmes de choix stratégiques qui ont pu affecter son image dans la course mondiale au vaccin n'effacent pas son rôle prééminent.
Je souligne également l'engagement du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui, à travers son Institut national des sciences biologiques (INSB), a mobilisé cinquante laboratoires, pour un total de 300 projets.
Enfin, le CIRAD, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et l'Institut de recherche pour le développement (IRD) ont mis en place l'initiative PREZODE, que vous avez officiellement lancée cet après-midi même, madame la ministre. Elle vise à prévenir les risques d'émergences zoonotiques et de pandémies, tout en promouvant une approche de coconstruction allant du local au global. Cette initiative traduit également l'ambition de renforcer le dialogue entre la science, la société et la politique.
Concernant la modélisation épidémiologique, outre l'application StopCovid, développée par l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) grâce au redéploiement de moyens en interne, je veux souligner la création du consortium MODCOV19, qui vise à mutualiser les compétences de l'INRIA, de l'INSERM, du CNRS, du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et de l'Institut Pasteur. Je rappelle par ailleurs que le CIRAD coordonne le projet MOOD sur le suivi des épidémies aux fins de surveillance des maladies dans le cadre de la science des données. Dans le domaine de la recherche contre les maladies infectieuses émergentes comme dans celui de la recherche numérique, ces opérateurs doivent donc être accompagnés dans la mise en œuvre d'une stratégie de long terme.
Plusieurs initiatives vont dans ce sens : le contrat d'objectifs et de performance conclus entre l'État et l'ANR pour la période 2021-2025 prévoit un axe dédié aux maladies infectieuses émergentes au sein de l'appel à projets générique de l'ANR. De plus, la création de la nouvelle agence ANRS Maladies infectieuses émergentes, née de la fusion entre le consortium REACTing et l'ANRS, permettra de définir une stratégie d'accélération pour les maladies infectieuses émergentes, dotée de 50 à 100 millions d'euros. En l'absence d'un chiffrage plus précis, pouvez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur le montant des financements qui seront effectivement alloués à cette stratégie en 2021 ?
Je conclurai par deux considérations politiques. Premièrement, face aux défis sanitaires, la France, qui a conservé de fortes traditions dans la recherche et qui dispose de nombreux atouts pour rayonner à l'échelle internationale, paie un lourd tribut en raison du sous-financement structurel de la recherche ces vingt dernières années, comme l'a révélé le travail de préparation de la loi de programmation de la recherche. Mais une dynamique est enclenchée et cela se voit dans la crise que nous traversons : le ministère de la recherche et le ministère de la santé ont consacré un total de 81 millions d'euros au financement de la recherche contre la covid-19, soit près de sept fois plus que pour le virus Ebola. La France a été la première bénéficiaire des aides européennes en santé et recherche, avec près de 16 millions d'euros obtenus pour le seul essai clinique Discovery réalisé par l'INSERM. Le quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA4) a été le premier contributeur aux dépenses de l'État durant la crise sanitaire, à hauteur de 83,7 millions d'euros.
Deuxièmement, nous devons plus que jamais jouer un rôle conséquent en Europe et dans le monde pour retrouver notre leadership. La France doit s'approprier les nouveaux outils de financement européens tels que le budget spécifique, qui sera ouvert par le programme Horizon Europe pour la recherche sur les maladies infectieuses émergentes, ou encore l'incubateur HERA, nouveau plan européen de préparation en matière de bio-défense contre les variants du coronavirus, doté de 150 millions d'euros. Dans le même temps, nous devons aussi retrouver notre place sur la scène internationale, en renforçant la présence française dans les coalitions internationales mises en place pour faire face au défi des maladies infectieuses. Il est également nécessaire de consacrer davantage de financements à la prévention des crises et de trouver un meilleur équilibre entre toutes les phases de la recherche et de l'innovation. Cet effort devrait être accompagné par un renforcement du pilotage, du rôle et des missions de chaque opérateur, en amont comme en aval, en particulier dans la recherche numérique.
Plus généralement, je soutiens le renforcement d'une approche intégrée de la recherche en santé animale, humaine et environnementale, qui est promue par le CIRAD, l'INRAE et l'IRD.
Il me revient de vous présenter l'exécution des programmes 150, Formations supérieures, et 231, Vie étudiante, de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2020.
Le budget de ces deux programmes, en hausse sensible depuis le début du quinquennat, présente un très bon taux d'exécution. Celui-ci est légèrement supérieur à 100 % en 2020 du fait de l'ouverture de crédits supplémentaires durant la crise sanitaire, mais il était supérieur à 99 % en 2018 et 2019.
Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes relève qu'au cours de la période 2016-2020, le programme 150 est celui qui enregistre la plus forte augmentation des crédits en exécution – près de 869 millions d'euros –, soit un triplement de l'effort consenti en faveur de ce programme par rapport à la période 2012-2016, au cours de laquelle les crédits n'avaient augmenté que de 262 millions d'euros. Quant au programme 231, il bénéficie, sur la même période, d'un doublement de l'effort, les crédits consommés enregistrant une hausse de 458 millions d'euros.
Grâce au budget 2020, les acteurs concernés ont pu poursuivre la mise en œuvre des réformes votées par le Parlement. Sur le programme 150, près de 175 millions d'euros complémentaires ont été ouverts en loi de finances initiale, permettant notamment d'accompagner les établissements dans la réforme des études de santé, d'augmenter les capacités dans les filières en tension et de financer les projets stratégiques présentés dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion qui s'est déroulé à l'automne 2019 avec 80 établissements.
S'agissant du programme 231, les 63 millions d'euros supplémentaires votés en loi de finances initiale pour 2020 ont principalement financé l'augmentation des bourses découlant tant de l'augmentation tendancielle du nombre de boursiers que de la hausse de 1,1 % de leur montant, décidée à la rentrée 2019 ; 16 millions d'euros ont également permis de financer la titularisation de personnels des CROUS.
L'exécution 2020 est bien entendu marquée par la crise sanitaire et les importants moyens débloqués pour y faire face, principalement au profit du programme 231, Vie étudiante. Près de 240 millions d'euros ont ainsi été ouverts par les troisième et quatrième lois de finances rectificatives afin de venir en aide aux étudiants en renforçant l'aide d'urgence à destination des jeunes précaires, en finançant le ticket-restaurant à 1 euro pour les boursiers – étendu ensuite aux non-boursiers – ou en venant en aide aux étudiants ultramarins isolés. Ces crédits supplémentaires ont également permis de compenser les importantes pertes d'exploitation des CROUS liées à la baisse de la fréquentation de la restauration et des logements. Alors que nous avions voté un peu plus de 2,76 milliards d'euros sur ce programme, ce sont en définitive plus de 3 milliards d'euros qui ont été consommés en 2020.
Dans le cadre du Printemps de l'évaluation, je me suis intéressé plus spécifiquement au réseau des œuvres universitaires et scolaires, composé du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, et de vingt-six établissements régionaux, les CROUS. Ce réseau, qui occupe une place centrale dans le paysage institutionnel de la vie étudiante, a pour mission d'améliorer les conditions de vie et d'étude des étudiants et de favoriser leur épanouissement ainsi que leur parcours vers l'autonomie, en intervenant notamment dans les domaines de l'accompagnement social et financier, de la restauration étudiante et du logement.
Unique opérateur du programme 231, le CNOUS reçoit un financement d'environ 500 millions d'euros en provenance du budget de l'État, dont un peu plus de 300 millions sous la forme de subventions pour charge de service public. J'ai souhaité m'intéresser à cette thématique en raison, d'une part, de la réforme récente de l'organisation du réseau par le décret du 29 juillet 2016 relatif aux missions et à l'organisation des œuvres universitaires et, d'autre part, du rôle central joué par le réseau durant la crise sanitaire. Les auditions réalisées me conduisent à formuler plusieurs observations.
En premier lieu, je tiens à souligner les récentes évolutions du réseau, qui vont dans le sens d'une meilleure gestion des deniers publics. Ces évolutions sont principalement de deux ordres. D'abord, le développement d'outils et d'applications de gestion communs à tous les CROUS, dont la gestion est centralisée au niveau du CNOUS, permet de fournir des indicateurs et des tableaux de bord partagés par l'ensemble du réseau des œuvres. Ensuite, la modernisation de la gouvernance instaure notamment un dialogue de gestion annuel entre la tête de réseau et ses vingt-six établissements autonomes.
En second lieu, je veux saluer l'action des CROUS qui ont été le bras armé de la politique de soutien à nos étudiants à travers des mesures telles que le gel des loyers pour la totalité du parc des logements, la mise en œuvre du repas à 1 euro et le versement d'aides spécifiques pour soutenir les étudiants, notamment ceux ayant perdu leur emploi.
Les CROUS ont également mis cette période de crise à profit pour prendre plusieurs initiatives innovantes en partenariat avec d'autres acteurs. Ainsi, j'ai pu observer, dans ma région, à Caen, la remarquable mobilisation des agents pour accompagner les étudiants les plus isolés, mener des campagnes de communication renouvelées à destination des lycéens et nouer des partenariats inédits avec des communes afin qu'elles relaient les offres de services auprès des futurs usagers.
Toutefois, les pertes d'exploitation liées à la crise ont fragilisé les ressources propres que les établissements tirent du parc de logements et de la restauration. Même si elles ont été intégralement couvertes en 2020 grâce aux crédits complémentaires ouverts en loi de finances rectificative, il nous faudra être attentifs aux compensations qu'il conviendra d'opérer en 2021, compte tenu notamment du succès des repas à 1 euro, étendus aux non-boursiers, et à la baisse des ressources propres durant le premier semestre 2021, qui limite les capacités d'emprunt de l'opérateur pour réaliser des projets d'ampleur tels que le plan 60 000 logements.
Madame la ministre, êtes-vous en mesure de nous donner un ordre de grandeur des modifications de crédits qu'il faut envisager cette année au profit du programme 231 ?
Deux autres points ont retenu notre attention. Le premier a trait au compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions, qui est devenu un véritable enjeu en raison de la fonctionnarisation des personnels ouvriers des CROUS. Ce CAS est actuellement géré par le seul CNOUS pour l'ensemble des CROUS, alors que ces derniers sont autonomes pour le recrutement de leur personnel et la gestion de leur masse salariale. Dans un souci de bonne gestion, il conviendrait que chaque CROUS puisse gérer son propre CAS Pensions pour éviter une vision faussée de la masse salariale.
Enfin, depuis 2013, le CNOUS et l'État ne sont plus liés par une convention d'objectifs et de moyens. La crise n'a sans doute pas facilité les avancées en la matière, mais pouvez-vous nous assurer que la question est à l'ordre du jour et nous indiquer la manière dont vous pourriez éventuellement intégrer les enseignements de la crise dans la future convention ?
En préambule, je rappellerai que la période de crise que nous avons connue a mis à rude épreuve tous les rouages de l'État et démontré combien il est essentiel de maintenir un important effort de recherche dans tous les domaines. Bien entendu, la recherche biomédicale a été particulièrement à l'honneur, grâce à la mise au point de vaccins innovants et efficaces – les performances françaises en la matière devront d'ailleurs être analysées sans complaisance. Mais il faut rappeler que toutes les recherches seront importantes dans la période de résilience qui s'ouvre.
Lors de l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2021 consacrés aux grands organismes de recherche, j'évoquai le paradoxe d'un effort public de recherche certes non négligeable, mais mal réparti. Au-delà du Centre national de la recherche française (CNRS) et de l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui sont plutôt bien lotis, je m'inquiétai du sort du budget d'organismes tels que l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l'IFP énergies nouvelles (IFPEN) ou le Centre national d'études spatiales (CNES). Au vu de l'exécution des crédits de 2020, je ne peux que réitérer ce constat, en y apportant quelques nuances. À cet égard, mon analyse rejoint largement celle que vient d'exposer le rapporteur spécial, Francis Chouat.
Sur le plan des masses globales, le montant des crédits de paiement des trois principaux programmes qui financent les grands organismes, à savoir les programmes 172, 190 et 193, s'est élevé à 10,6 milliards d'euros en 2020, soit une progression de 2,2 % par rapport au réalisé de 2019.
S'agissant de la recherche médicale, l'INSERM a pu enfin, après de nombreuses années de modération budgétaire, bénéficier d'un relèvement significatif de ses moyens d'intervention, grâce à une subvention pour charges de service public au titre du programme 172 qui s'est élevée à près de 658 millions d'euros, soit une hausse de près de 18 millions d'euros au regard de la subvention budgétée. Ce rattrapage mérite d'être salué.
En revanche, pour ce qui concerne l'action n° 15 du programme 172, le montant des crédits attribués aux opérateurs privés de la recherche médicale est resté en 2020 au même niveau qu'en 2019, soit 101 millions d'euros. On peut s'étonner que l'Institut Pasteur, l'une des vitrines de la recherche française dans le domaine des maladies infectieuses et des vaccins, un des fleurons de la science française, n'ait reçu, l'an dernier, au titre de la crise sanitaire qu'un léger coup de pouce d'environ 800 000 euros ! Il est tout aussi difficile de comprendre que la subvention allouée à l'INRIA n'ait été réévaluée entre 2019 et 2020 que d'à peine 1 million d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 0,6 %, alors que, dans le monde entier, le numérique a connu un coup d'accélérateur et que la question de la recherche et des compétences dans ce domaine va devenir un enjeu crucial pour la souveraineté française et européenne.
S'agissant de la politique spatiale, je dois exprimer quelques inquiétudes. Si l'on exclut la dotation française à l'Agence spatiale européenne et les crédits consacrés au déploiement du commandement militaire de l'espace, les crédits alloués au CNES ont diminué entre 2019 et 2020. L'audition, le 7 avril, par la commission des affaires économiques du nouveau président de cet organisme, M. Philippe Baptiste, fut l'occasion de confirmer que la filière française a été durement affectée par les effets de la crise sanitaire. Le centre spatial guyanais a été fermé pendant deux mois et le chantier du pas de tir d'Ariane 6 interrompu avant de reprendre à un rythme dégradé. Le retard pris dans l'achèvement du projet intervient alors que l'économie de l'espace poursuit sa recomposition spectaculaire autour de nouveaux acteurs privés, de nouveaux programmes, de nouvelles campagnes et de nouvelles applications. Rappelons qu'en avril dernier, c'est un vaisseau affrété par la compagnie américaine SpaceX qui a acheminé Thomas Pesquet vers la station spatiale internationale…
Lors de son audition, qui fut extrêmement convaincante, M. Baptiste nous a indiqué qu'il entendait orienter l'action du CNES autour des cinq axes stratégiques que sont les données du spatial, l'innovation, l'accès à l'espace, la défense et les programmes scientifiques. Dès lors, madame la ministre, se pose la question de savoir quels moyens supplémentaires vous entendez donner au CNES en 2022 pour qu'il puisse tenir ses objectifs, lesquels sont essentiels en matière de souveraineté.
Dernier sujet de préoccupation : la situation financière de l'IFPEN. La dotation budgétaire de cet organisme qui consacre l'essentiel de ses activités de recherche à la transition écologique et à la mobilité durable – et qui a du reste été sollicité de façon cruciale dans le cadre du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur la transition de la mobilité – a été, une fois encore, réduite pour s'établir à 120 millions d'euros, contre 124 millions en 2019. Cette baisse peut paraître modeste, mais l'établissement, je le rappelle, n'a pu cette fois la compenser par le dynamisme de ses ressources propres. En effet, les portefeuilles de brevets et de dividendes de filiales ont été affectés très sensiblement par la crise financière. Le compte de résultat de l'IFPEN pour 2020 laisse ainsi apparaître un déficit de 70 millions d'euros, vingt fois supérieur à celui qui était prévu. Afin de contenir ce déficit, l'organisme précise qu'il a été contraint de geler la quasi-totalité de ses recrutements, dans un contexte où les besoins d'études en matière de transition énergétique nécessitent pourtant un renfort des effectifs.
Le 26 octobre dernier, le Gouvernement a répondu à mes interrogations que la santé financière de l'IFPEN était saine et ne nécessitait pas de réallocation de crédits dans l'immédiat. Madame la ministre, eu égard au réalisé de 2020, avez-vous toujours la même opinion sur cet organisme de recherche ? Ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable d'ajuster enfin ses moyens budgétaires à ses nouvelles missions ?
J'ai pu, ces derniers temps, observer la résilience des chercheurs, leur capacité à s'adapter et à repenser leur fonctionnement pour poursuivre leurs missions pendant la crise sanitaire. J'ai notamment été témoin, sur le terrain, de l'engagement des doctorants, qui assument une charge d'enseignement non négligeable et ont accompagné les étudiants, souvent au détriment de l'avancée de leurs travaux.
La crise a révélé un déficit de moyens chronique qui empêche notamment le monde de la recherche d'améliorer son agilité. L'un des objectifs de la loi de programmation de la recherche est de corriger cette tendance en définissant une trajectoire ambitieuse qui renforce les moyens de la recherche sur projet et en équilibrant davantage la répartition des ressources entre les disciplines.
Depuis 2020, année charnière pour le monde de la recherche, jamais les chercheurs n'ont eu une telle audience, en particulier dans le domaine de la santé. Les publications scientifiques ont fait l'objet de nombreux débats, y compris politiques. La défiance à l'égard de la parole scientifique a également considérablement augmenté pendant la crise sanitaire, laquelle a mis en évidence le dévoiement de certains chercheurs en matière d'intégrité scientifique, dont les méconduites ont eu des conséquences sans précédent. Le renforcement du volet relatif à l'intégrité scientifique du code de la recherche est ainsi devenu vital ; nous avions obtenu, en la matière, des avancées dans le cadre de la discussion du projet de loi de programmation de la recherche. Le rapport que l'OPECST a consacré à ce sujet s'inscrit dans le prolongement de cette démarche.
Madame la ministre, l'intégrité scientifique de nos chercheurs participe de la crédibilité de la recherche française sur la scène internationale. Pourtant, sur le plan budgétaire, il est difficile de déterminer quels sont les investissements réalisés par les opérateurs ou dans le domaine de la recherche universitaire pour renforcer cette intégrité et mieux prévenir les méconduites. Ne serait-il pas pertinent de prévoir une action spécifique dans le cadre de la répartition des crédits budgétaires dédiée à cette question au sein de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur ?
La situation des doctorants, qui sont pour certains privés d'accès à leur laboratoire ou aux données nécessaires à la réalisation de leurs recherches, est préoccupante. Vous avez annoncé la prolongation des contrats doctoraux, d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche (ATER) et de post-doc, afin de compenser les contraintes liées aux restrictions sanitaires, et je salue cette mesure. Cette prolongation sera-t-elle renouvelée ? Peut-on évaluer le coût de cette disposition et le nombre de contrats qui ont fait l'objet d'une prolongation ?
Le financement des thèses est un enjeu crucial. Vous avez indiqué que 6 millions d'euros supplémentaires seraient destinés aux étudiants qui s'engagent en 2021 dans une thèse, mais il est essentiel d'assurer également le financement des doctorants qui ont déjà entamé ce parcours.
Madame la ministre, pourriez-vous détailler les actions financées par le programme 150, notamment en faveur du développement des formations numériques par les universités ? Quelles mesures ont été prises pour répondre à la détresse psychologique des étudiants et quel budget a été alloué à ces mesures ?
Je me réjouis d'être présente parmi vous ce soir pour participer à vos travaux d'évaluation et de contrôle, gage de dialogue et de transparence, qui revêtent, me semble-t-il, une importance plus grande encore en cette période exceptionnelle.
De fait, l'année 2020 a été, en tout point, extraordinaire, que ce soit sur le front sanitaire ou sur le front économique. Je reviendrai bien entendu sur les principaux engagements du ministère annoncés cette année ainsi que sur leur impact financier, mais je veux avant tout saluer l'extraordinaire mobilisation des chercheurs et de l'ensemble des personnels de la recherche face à la pandémie, l'engagement sans faille des personnels des établissements d'enseignement supérieur et des CROUS pour accompagner les étudiants durant la crise. Nous leur devons beaucoup, vos rapporteurs l'ont rappelé. Je tiens également à féliciter et à remercier les étudiants car, loin d'attendre une assistance, ils se sont très souvent engagés, partout en France, et ont eux-mêmes participé à l'organisation de la solidarité. Je pense bien entendu en particulier aux étudiants en santé mais aussi à l'ensemble des associations étudiantes, dont la mobilisation a complété le soutien de l'État et des collectivités territoriales. Certaines de ces initiatives préexistaient à la crise, mais toutes ont illustré la résilience et l'adaptabilité de notre jeunesse. La persévérance et les ressources de concentration que les étudiants ont mobilisées pour suivre des enseignements délivrés dans des circonstances exceptionnelles doivent également être saluées. Le bilan de cette crise est aussi celui-ci : la jeunesse a tenu bon et a su rester solidaire et engagée.
Messieurs les rapporteurs spéciaux, vous avez souhaité concentrer vos travaux sur deux thématiques qui me paraissent importantes dans le contexte actuel. Avant d'y revenir, je rappellerai les grands enjeux de l'année 2020, qui a été bouleversée à bien des égards.
S'agissant de la recherche, plusieurs faits marquants sont survenus en 2020, qui n'avaient pas été prévus dans la loi de finances initiale. Je pense tout d'abord à l'abondement de 50 millions d'euros, en mai, d'un fonds d'urgence en faveur de la recherche publique française, ces 50 millions s'ajoutant aux 8 millions qui avaient été dégagés dès le mois de janvier pour renforcer les moyens des laboratoires, en lien étroit avec l'INSERM et REACTing.
Ces fonds ont permis de garantir des financements pour toutes les pistes de recherche prometteuses, et ce sans délai, qu'il s'agisse de recherche fondamentale, d'essais cliniques ou de recherche thérapeutique et vaccinale. Les crédits ont été entièrement consommés pour des actions de recherche en faveur de la lutte contre la pandémie ; je citerai, à titre d'exemple, les 16 millions d'euros versés par l'ANR à plus de 234 projets et les 5,1 millions d'euros qui ont permis de financer les projets de description et de compréhension de l'épidémie et de ses conséquences sanitaires et sociales à l'échelle nationale, EpiCOV et SAPRIS (santé, pratiques, relations et inégalités sociales en population générale pendant la crise du covid-19).
Il faut également souligner l'exploit accompli par les scientifiques et les industriels, dont l'aboutissement a été la création des différents vaccins qui nous permettent de penser enfin l'après-pandémie. La France a été parmi les pionniers du séquençage du virus, c'est-à-dire la constitution de sa carte d'identité génétique, qui a permis son dépistage et l'identification de plusieurs voies de développement de vaccins, qui sont toujours en cours d'exploration, en France et dans le monde.
Soixante-dix-sept millions supplémentaires ont été investis dans sept projets lancés dès le mois de juin, en faveur de la recherche clinique et du soutien aux essais cliniques. Je me félicite, du reste, des annonces récentes de Sanofi et GlaxoSmithKline (GSK) concernant les résultats de la phase 2 d'un candidat vaccin ; une étude internationale de phase 3 devrait débuter dans les prochaines semaines. Dans le domaine des essais cliniques, la France s'est dotée d'un comité scientifique composé de spécialistes mondialement connus qui ont évalué chaque candidat vaccin, ainsi que d'une plateforme d'essais vaccinaux, COVIREIVAC, financée à hauteur de 3 millions d'euros, qui a permis de recruter près de 40 000 volontaires pour tester les candidats vaccins, compléter les essais en cours et affiner le niveau d'efficacité pour des populations cibles, notamment les personnes les plus âgées, dont le système immunitaire est, on le sait, moins réactif.
À plus long terme, nous souhaitons investir massivement dans la lutte contre les maladies émergentes et infectieuses et dans le champ des biothérapies.
La création, au sein de l'INSERM, d'une agence autonome spécifiquement dédiée à ces maladies a contribué à améliorer concrètement l'efficacité de notre recherche sur le diagnostic, le traitement ou les vaccins. Cette agence, qui bénéficiera de l'un des deux programmes prioritaires de recherche en cours d'élaboration sur les maladies infectieuses émergentes que j'ai annoncés cet après-midi, se verra allouer 80 millions d'euros pour financer ses projets de recherche. Beaucoup d'enseignements peuvent être tirés de la crise en matière d'organisation et de coordination de la recherche. La création de cette agence est un des premiers fruits de notre réflexion ; elle nous permettra de lutter plus efficacement contre les maladies qui ont déjà émergé et contre celles que l'avenir nous réserve.
Mais nous sommes également conscients qu'il nous faut étudier les zoonoses, l'impact de la baisse de la biodiversité ou des changements environnementaux et climatiques sur leur émergence. C'est pourquoi nous avons lancé, cet après-midi, le projet PREZODE (prévenir les risques d'émergences zoonotiques et de pandémies), qui sera quant à lui financé à hauteur de 60 millions d'euros.
Ces deux projets bénéficieront ainsi d'un financement total de 140 millions d'euros, afin de nous permettre de mieux comprendre les zoonoses, les maladies infectieuses, et de prévenir plus efficacement les risques épidémiques dans les prochaines années.
Dans le domaine de la santé, nous avons identifié deux secteurs clés pour créer, à l'instar de ce qui a été fait dans le domaine quantique, des écosystèmes d'excellence alliant recherche, industriels, start-up et formation, car la crise a illustré l'importance de telles collaborations. Le premier secteur est celui de la santé numérique, qui inclut les dispositifs médicaux, l'intelligence artificielle et la gestion des données ; il sera au cœur du projet Paris Santé Campus, annoncé par le Président de la République. Le second secteur est celui des biothérapies, thérapies cellulaires et géniques, thérapies à acide ribonucléique (ARN), qui me paraissent tout aussi fondamentales pour faire de la France le lieu en Europe où seront inventées et produites les thérapies de demain.
L'exercice 2020 a été marqué par un dégel de fin de gestion de 30 millions d'euros pour financer à la fois les prolongations des contrats de doctorant et le paiement intégral des contributions.
S'agissant de la prolongation des contrats doctoraux, la plupart des laboratoires ont pu poursuivre leurs activités durant la crise mais, vous l'avez rappelé, celle-ci a eu un impact sur le déroulement des travaux. Les doctorants, les post-doctorants, les ATER et les contractuels ont été particulièrement affectés à cet égard, car leurs activités sont contractuellement limitées dans le temps. C'est pourquoi nous avons autorisé la prolongation de l'ensemble de ces contrats durant l'état d'urgence sanitaire : à ce jour, plus de 7 000 demandes de prolongation – 10 000, si l'on y ajoute les contrats des ATER, des post-doctorants et des contractuels – ont été honorées pour la période 2020-2023. Cette mesure s'adresse aussi bien aux doctorants qui étaient en fin de thèse qu'à ceux qui démarraient leur thèse. Le ministère a intégralement compensé le coût pour les opérateurs des contrats prolongés avant la fin 2020 entre les universités et les organismes de recherche, pour un montant total de 30 millions d'euros inscrits dans la loi de finances rectificative. Selon le même schéma financier, les demandes de prolongation relatives à l'année 2021 seront également intégralement compensées en fin d'année, et ainsi de suite. Nous avons estimé à 90 millions d'euros les moyens nécessaires pour accompagner les doctorants pour la période 2020-2023.
Cette mesure participe de la volonté de revaloriser le doctorat, qui s'est traduite dans la loi de programmation de la recherche par la création d'un contrat doctoral de droit privé, l'augmentation de 50 % des contrats CIFRE (convention industrielle de formation par la recherche) et de 20 % des contrats doctoraux, l'accroissement de 30 % de la rémunération des nouveaux contrats doctoraux d'ici à 2023 et le financement à moyen terme de tous les doctorants en formation initiale.
Nous nous accordons tous, me semble-t-il, sur la nécessité de réinvestir massivement dans la recherche et l'innovation ; tel est l'objet non seulement de la loi de programmation de la recherche, qui s'étendra sur les dix prochaines années, mais aussi du programme d'investissements d'avenir, qui injectera des financements massifs au cours des cinq prochaines années, et de France Relance, qui accélérera encore le financement de la recherche au cours des deux prochaines années. Ces investissements considérables permettront de revaloriser les salaires, de renforcer l'attractivité et de donner des moyens à nos laboratoires. Cette priorité a été consacrée par la loi de programmation, qui injectera 25 milliards d'euros dans la recherche au cours des dix prochaines années.
En ce qui concerne l'enseignement supérieur et la vie étudiante, je tiens à revenir sur la mobilisation remarquable du CNOUS et des CROUS, dont l'action et l'organisation, au-delà de la période de crise sanitaire, sont au cœur de votre rapport, monsieur Le Vigoureux. Avec le réseau des œuvres, nous avons accompagné l'ensemble des étudiants pendant la pandémie, en prenant diverses mesures : aides d'urgence, repas à 1 euro, gel des loyers, suspension des mois de préavis, déploiement de 1 600 référents étudiants. Par ailleurs, les aides et mesures d'accompagnement de droit commun déployées par le réseau ont été davantage sollicitées pendant la crise. Même si c'est une évidence, il faut rappeler que, malgré les confinements, les 750 000 étudiants boursiers ont perçu sans difficulté leur bourse chaque mois.
Les situations d'urgence sociale ont pu être prises en charge, grâce à une aide massive, par les services sociaux, car le CROUS s'adresse bien à tous les étudiants et pas uniquement aux boursiers. Ainsi, les aides exceptionnelles attribuées pour l'année 2020 se sont élevées à 34 millions d'euros, contre 24 millions en 2019, et elles sont budgétées à 56 millions d'euros en 2021. Le montant de l'aide pouvant être attribuée en urgence a été porté à 500 euros et celui de l'aide annuelle a été doublé.
Par ailleurs, 20 000 étudiants ultramarins et 30 000 étudiants ayant perdu leur stage ou leur emploi du fait de la crise sanitaire ont bénéficié d'une aide exceptionnelle de 200 euros, pour un montant légèrement supérieur à 10 millions. Un onzième mois de bourse a été accordé au mois de juillet à tous les étudiants boursiers concernés par les reports des sessions d'examen. Cette mesure a bénéficié à plus de 57 000 étudiants, pour un montant de 16,5 millions d'euros. Les étudiants dont les stages de fin d'année ont été reportés à l'automne du fait de la crise ont bénéficié d'une prolongation de leur bourse et une procédure de réexamen des dossiers de bourse pour les étudiants dont les parents subissaient une perte de revenus ou en cas de perte d'emploi a été instaurée à la rentrée 2020. Enfin, en décembre 2020, une aide exceptionnelle de 150 euros a été attribuée à tous les étudiants boursiers, pour un montant de 113 millions d'euros.
Des mesures de soutien plus générales ont également été déployées pour garantir l'accès des étudiants aux biens et aux services essentiels et lutter contre la pauvreté. Je pense au repas à 1 euro pour les étudiants boursiers, décidé dès la rentrée de septembre et étendu à l'ensemble des étudiants pour la durée de la crise sanitaire et au moins jusqu'à la fin de l'année. À ce jour, depuis la généralisation du dispositif, 8 millions de repas ont été servis sur l'ensemble du territoire, pour un investissement de l'ordre de 50 millions d'euros.
L'ensemble de la communauté de l'enseignement supérieur s'est mobilisé, notamment en utilisant les ressources issues de la contribution de vie étudiante et de campus. Plus de 19 millions ont ainsi permis aux établissements de financer directement des actions de soutien auprès des étudiants, sous la forme d'une aide alimentaire d'urgence ou d'une aide pour l'accès au numérique : fourniture d'ordinateurs, de tablettes, de clés 4G. Les universités ont également pu bénéficier d'emplois étudiants tuteurs, qui ont été déployés au fil des besoins. Nous avons également accompagné les établissements – à hauteur de 35 millions d'euros, dans le cadre d'un appel à projets du Plan de relance – dans la mise en œuvre de l'hybridation des enseignements rendue indispensable par la formation à distance.
L'action du ministère s'est aussi traduite par un soutien psychologique apporté aux jeunes qui ont souffert de la pandémie. En sus de l'ouverture de lignes d'écoute dédiées, du recrutement de 60 assistantes sociales et de 80 psychologues, le dispositif Santé Psy Étudiant a permis aux étudiants, sans avance de frais, de consulter des psychologues de ville au plus près de chez eux. Ainsi, 1 300 psychologues volontaires ont permis d'accélérer la prise en charge des étudiants où qu'ils se trouvent ; plus de 9 700 consultations ont été financées par les services financiers des universités, qui ont été remboursées par le ministère, dans le respect du secret médical, pour un investissement d'un peu plus de 300 000 euros.
L'ensemble des opérateurs du ministère, le ministère lui-même et les collectivités territoriales ont également soutenu les associations étudiantes. Je crois profondément à la solidarité entre pairs ; il fallait, en cette période, donner aux jeunes le pouvoir d'agir au lieu de subir les événements. C'est pourquoi j'ai réorienté une partie des subventions du ministère vers les activités d'aide alimentaire et les actions en faveur de la santé mentale conduites par les associations. Pendant toute la crise, j'ai voulu apporter l'aide nécessaire aux étudiants en les considérant comme de jeunes adultes et non pas comme de grands enfants.
Une approche globale, un parcours étudiant coordonné, l'intervention d'acteurs spécialisés : tels sont les principes qui ont guidé le déploiement des différentes mesures. Vous le constatez, le ministère a agi, cette année, sur tous les terrains pour répondre aux enjeux considérables qui se sont présentés.
Je veux tout d'abord souligner l'effort budgétaire très important consenti depuis 2018 en faveur des universités, dont témoigne l'augmentation des crédits de paiement, et me réjouir que la crise sanitaire n'ait pas affecté la bonne exécution du budget consacré à la recherche, grâce à la mobilisation d'outils exceptionnels.
Néanmoins, il reste certaines situations budgétaires spécifiques dont le mode de résolution pourrait passer par une plus grande convergence des moyens attribués aux universités. Je citerai, pour illustrer mon propos, l'exemple de l'université de Tours. Malgré les efforts consentis, l'augmentation significative du nombre de ses étudiants ne s'est pas accompagnée de la hausse correspondante de la subvention pour charges de service public. Cette université reste ainsi l'une des moins bien loties de France, tant en emplois qu'en crédits de fonctionnement. Au-delà du cas de cet établissement, comment expliquer les divergences de dotation entre universités ?
Enfin, j'appelle votre attention sur la situation délicate dans laquelle se trouvent des étudiants qui, en raison de la réforme des études de médecine, ne peuvent plus redoubler leur première année. A titre d'exemple, près de 500 étudiants en parcours d'accès spécifique santé (PASS) à l'université de Tours ont appris, trois jours avant les examens du second semestre, les 25 et 26 mai, qu'ils ne passeraient pas en deuxième année, faute d'avoir obtenu la moyenne au premier semestre dans leur enseignement mineur, et ce, indépendamment de leurs résultats aux examens du second semestre. Quelles informations pouvez-vous communiquer à ces étudiants pour les rassurer ?
Je souscris à la dernière remarque de M. Labaronne : la situation des étudiants en première année de médecine est un véritable casse-tête. Il faut absolument leur apporter une réponse !
Mes travaux sur les investissements d'avenir portant sur la recherche dans le secteur de la santé m'ont amenée à dresser plusieurs constats qui peuvent être utilement mobilisés dans le cadre cette discussion.
S'agissant de la recherche en santé, j'ai observé que les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations publiques, qui s'élevaient à 1 milliard d'euros en 2018, sont en constante diminution. Elles sont du reste bien inférieures à celles consacrées par nos partenaires à la recherche en santé, comme l'a démontré le Conseil d'analyse économique en janvier dernier.
De l'avis unanime des personnes que j'ai auditionnées, le programme d'investissements d'avenir (PIA) est venu combler des manques importants pour financer des équipements lourds et des projets à long terme, comme les cohortes. Or son rôle n'est pas a priori de compenser le sous-dimensionnement des sources de financement traditionnelles.
Par ailleurs, j'ai constaté une particulière fragmentation des sources de financement de la recherche qui nuit aux activités de recherche. À titre d'exemple, l'ANR finance la recherche fondamentale alors que la direction générale de l'offre de soins finance la recherche clinique. De manière plus générale, j'estime qu'une entreprise de simplification de l'environnement institutionnel de la recherche est nécessaire pour fluidifier les processus d'octroi des financements entre la recherche fondamentale, la recherche clinique et la recherche thérapeutique.
La collaboration entre les organismes de recherche, les centres hospitaliers universitaires et les universités est également difficile au sein des pôles d'excellence créés dans le cadre du PIA. À titre d'exemple, le financement des dépenses de fonctionnement des instituts hospitalo-universitaires et le partage des fruits de la propriété intellectuelle sont source de tension au sein des IHU. L'État pourrait fixer un cadre plus précis portant sur les modalités de désignation d'un mandataire unique au sein des IHU, afin de faciliter le développement des activités de valorisation de la recherche dans ces structures.
L'exécution budgétaire de la mission Recherche et enseignement supérieur s'élève pour 2020 à 28,7 milliards d'euros, sans que la crise du Covid-19 n'ait eu sur elle un impact comparable à ce que nous avons pu observer s'agissant d'autres missions comme la mission Travail et emploi.
Je souligne les importants efforts de recherche et développement d'urgence faits au travers notamment du programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires et de la mobilisation d'un fonds d'urgence contre le Covid-19 doté de 52 millions d'euros. Si l'on ajoute les crédits des autres missions, l'effort de l'État s'élève à 158 millions d'euros. Je salue l'engagement, depuis quatorze mois, des nombreux chercheurs. Ils nous permettent de mieux comprendre cette maladie, dont nous ignorions tout au moment du vote de la loi de finances initiale pour 2020, et d'entrevoir la sortie de crise.
L'année 2020 a également été marquée par la détresse, morale et matérielle, des étudiants, à laquelle le Gouvernement a tenté de répondre par le biais de plusieurs mesures qui me semblent tout à fait déterminantes, à commencer par la mise en place à compter du 1er juillet des repas à 1 euro.
Les CROUS ont souffert de pertes d'exploitation dues au confinement. Madame la ministre, quelle est leur situation budgétaire à l'issue de l'année 2020 ? Comment pouvons-nous, le cas échéant, réfléchir à sa solidification ?
Mise en lumière par la crise que nous traversons, la précarisation accrue des étudiants nous interpelle et nous oblige. Nous devons prendre en compte les attentes de notre jeunesse, ses découragements mais aussi son désir de construire un monde meilleur. L'horizon du monde étudiant s'est terriblement rétréci pendant un an, et les témoignages que nous avons reçus nous ont bouleversés.
Pour répondre à cette situation très difficile, diverses mesures de soutien ont été prises : augmentation des aides ponctuelles distribuées par les CROUS, qui sont passées de 22,7 millions d'euros pour 45 000 bénéficiaires en 2019 à 33,8 millions d'euros pour 62 000 bénéficiaires en 2020, gel des loyers pour ceux qui avaient eu la chance de pouvoir rentrer dans leur famille pendant le premier confinement, droit à la bourse prolongé au mois de juillet pour ceux dont les examens étaient reportés, augmentation de 1,2 % de toutes les bourses à la rentrée de septembre, versement de 150 euros supplémentaires à tous les boursiers en décembre et mise en place du repas à 1 euro.
Toutefois, il semble que, sur le terrain, la réalité soit plus mitigée. Faute d'information sur ces dispositifs, le taux de non-recours est en effet particulièrement élevé. Les aides à la jeunesse sont un véritable millefeuille de dispositifs nombreux et divers mis en œuvre par des opérateurs multiples, le CROUS, l'université, la région, la ville… Aussi, faute de savoir à quoi ils ont droit et à qui ils doivent s'adresser pour l'obtenir, de trop nombreux jeunes renoncent à faire les démarches. À ce manque d'information s'ajoute, et on le comprend aisément, le frein du volet psychologique lorsqu'il s'agit de demander de l'aide, ainsi que la lourdeur des démarches administratives.
Comment donc pouvons-nous améliorer le recours aux aides étudiantes ? Que pensez-vous d'un guichet unique qui pourrait être, par exemple, l'université ? Au moment de son inscription, on informerait automatiquement l'étudiant l'ensemble des aides auxquelles il a droit. Puis, tout au long de ses études, il pourrait être contacté de manière personnelle et sécurisée grâce à des outils numériques.
S'agissant du financement de la recherche, l'aide de l'État visant à faire face à l'épidémie – 158 millions d'euros –, fléchée sur les projets de recherche et développement d'urgence, place la France en très bonne position. On peut cependant regretter un manque de simplicité dans les dispositifs. Un indice de simplicité normalisé produit par les magistrats de la Cour des comptes renvoie ainsi la France au quinzième rang sur dix-neuf pays d'Europe. Ne pourrait-on pas simplifier ces dispositifs d'aide pour ne pas freiner les projets de recherche visant à lutter contre les crises sanitaires ?
L'exercice 2020 nous conduit d'abord et avant tout à souligner l'aggravation des conditions sociales et l'accroissement de la précarité étudiante, puisque si l'on en croit l'estimation de l'Observatoire de la vie étudiante (OVE), 60 % des étudiants ont été peu ou prou affectés par une perte partielle ou totale d'emploi. En ce sens, l'instauration du repas à 1 euro et les diverses mesures évoquées ont joué un rôle à l'évidence positif.
Le budget des CROUS a été affecté par l'ensemble de ces mesures, ainsi que par les pertes d'exploitation liées à la fermeture des locaux, ce qui a conduit d'ailleurs le ministère à verser un total de 405 millions d'euros au CNOUS.
Vous aurez par ailleurs remarqué une divergence – pour ne pas dire une rupture – territoriale, puisque certaines régions ont été bien plus impactées que d'autres par les effets de la crise sanitaire.
Ce Printemps de l'évaluation doit également nous permettre de penser l'avenir. Quid de 2021 ? Avez-vous prévu un prolongement éventuel des mesures d'aide et de soutien comme cela paraît indispensable ? En avez-vous estimé le coût ? Avez-vous l'intention de prendre des dispositions en faveur d'une plus grande territorialisation de l'action de votre ministère ?
Je m'associe enfin à ce qui été dit par nos collègues à propos des études de médecine.
Il m'est revenu, en ce Printemps de l'évaluation, cette maxime célèbre : « Il y a ceci de commun entre le langage des fleurs et le langage des chiffres : on leur fait dire ce que l'on veut. » Elle me paraît particulièrement à-propos concernant le budget de votre ministère, madame la ministre.
Ainsi, vous vous êtes félicitée, pour 2021, d'une augmentation de 606 millions d'euros. Outre le fait qu'elle est inférieure de 200 millions d'euros par rapport à 2020, il faut dénoncer le grignotage opéré sur le dos des étudiants. Pouvez-vous ainsi m'expliquer pourquoi, alors que vous déclariez 57 700 étudiants de plus, vous n'avez créé que 21 500 places supplémentaires, soit moins de la moitié requise ? Pourquoi, quand la Conférence des présidents d'université (CPU) vous demande entre 150 et 300 millions d'euros, ne débloquez-vous que 125 millions d'euros, ce qui la conduit à dénoncer la diminution depuis dix ans de la dépense par étudiant, notamment à l'université, quand cette dépense augmente dans tous les autres pays de l'OCDE ?
Comment expliquez-vous la hausse de 1 % du nombre d'étudiants sortant sans diplôme ? Pourquoi 9 000 étudiants licenciés n'ont-ils pas obtenu d'affectation en master, selon l'Union nationale des étudiants de France, l'UNEF, sachant que l'ensemble des étudiants rencontrent de plus en plus de difficultés à s'inscrire en master ? Serait-ce l'effet de cet outil miraculeux qu'est Parcoursup ? Il semble en effet que le nombre de candidats étudiants supplémentaires en première année soit finalement lié au nombre de candidats en réorientation, Parcoursup n'ayant pas respecté leur premier choix.
Par ailleurs, vous n'ignorez rien de l'état de paupérisation grandissante des étudiants : plus 3,7 % selon la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE). 20 % d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Certes, en raison de la crise vous avez fini par revaloriser les bourses, qui ne l'avaient pas été depuis 2016. Mais si chichement ! Seulement de 1,2 %, quand le coût de la vie étudiante augmente de 3 % par an depuis dix ans, et même de 3,69 % en 2020 ! Heureusement que la solidarité entre pairs et la solidarité citoyenne ont joué. Était-ce bien judicieux de diminuer de 300 000 euros le programme Vie étudiante qui concerne la santé étudiante, quand 27 % des étudiants renoncent à se soigner ?
Quant à la recherche, et suivant la tendance que la loi de programmation va amplifier, elle intensifie les interactions public - privé au lieu d'accompagner les universités face à la crise. Conséquences d'ores et déjà à l'œuvre en 2020 : l'entrave de l'accès au doctorat, avec un taux dont vous prévoyez vous-même la diminution, et la précarisation des doctorants et des docteurs qui sont sans contrats.
Au vu de cette fragilisation de la recherche, pensez-vous que votre politique traduira l'appel du candidat Macron en 2017 aux chercheurs, à qui il disait que « La France doit être la patrie qui porte la recherche », alors que le budget 2021 est d'ores et déjà en baisse ?
Les contrats d'objectifs et de performance du CNOUS et des CROUS, qui étaient prévus avant la crise sanitaire, ont été mis en pause à ce stade. Nous allons bien sûr les reprendre car ils seront également une occasion de s'interroger sur leur modèle économique, avec un soutien de l'État plus important. La mesure du repas étudiant à 1 euro implique que nous revoyions complètement le mode de calcul du financement tant du premier que des seconds.
Le sujet du compte d'affectation spéciale Pensions est purement technique : il est systématiquement compensé puisqu'il s'agit d'agents de la fonction publique et qu'il est globalisé au niveau de l'État afin de payer les retraites des fonctionnaires. Il n'existe aucun blocage.
Globalement, la perte d'exploitation des CROUS est très difficile à anticiper : nous avons donc choisi de procéder à une compensation intégrale de tous les effets liés au Covid. Non seulement le budget du programme Vie étudiante est exécuté à 100 %, mais il l'est même au-delà. C'est le principe du guichet : tant qu'il faut payer des bourses, nous les payons, et si leur montant augmente, nous ajoutons les financements nécessaires. Cela a été fait en gestion en 2020, les états financiers montrant un équilibre. Nous faisons les estimations pour 2021 et nous procéderons de la même façon.
S'agissant des moyens de l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN), comme vous le savez, monsieur Villani, cet opérateur n'est pas placé sous la tutelle du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) : ses crédits sont inscrits au programme 190 Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES). En fait, le déficit du compte de résultat résulte principalement de l'effet comptable de l'impact d'une provision pour dépréciation, à hauteur de 60 millions d'euros. La baisse de recettes s'élève à 14 millions d'euros – le MTE y sera très attentif.
S'agissant de façon générale des enjeux de fin de gestion, il est difficile de donner des chiffres détaillés à ce moment de l'année. Je peux néanmoins partager avec vous quelques éléments : il est probable que, pour le programme Vie étudiante, comme l'année dernière, la réserve ne suffira pas à couvrir à la fois l'actualisation des prévisions des boursiers sur critères sociaux dans le cadre d'une hausse du taux de bacheliers, d'une démographie en augmentation, du financement de nouvelles mesures et de la continuation des mesures en faveur des étudiants.
Cela étant, monsieur Castellani, nous maintiendrons bien sûr ces mesures. Comme je l'expliquais, il s'agit de mesures en gestion et tout sera pris en charge.
Monsieur Labaronne, vous m'avez plus spécifiquement interrogée sur l'université de Tours. Celle-ci a connu, en 2019 et en 2020, une hausse de son budget de 4,2 millions d'euros et a bénéficié de 2,2 millions d'euros supplémentaires entre la notification intervenue fin 2020 et celle intervenue fin 2019. De nouveaux financements complémentaires sont à venir sur les mesures LPR ainsi que sur celles visant à créer des places à la rentrée.
Madame Rubin, nous finançons toutes les places demandées par les établissements publics. Or les étudiants sont à environ 40 % dans le privé et 60 % dans le public.
Madame Dalloz, la dépense intérieure de recherche et développement des administrations (DIRDA) est effectivement en baisse. C'est lié à l'effet dénominateur du PIB ainsi, essentiellement, qu'au budget, variable d'une année sur l'autre, de la partie clinique. Oui, vous avez raison, il existe une fragmentation entre la recherche académique et la recherche clinique, et même entre les recherches en général et le transfert, les opérateurs les finançant étant à chaque fois différents. Nous avons donc prévu, notamment dans le cadre de la LPR, que les dossiers seraient partout identiques. Il ne sera pas nécessaire de les adapter aux différents guichets
Il y a en effet un problème de continuité entre la recherche sur la paillasse et la recherche au lit du malade : nous y travaillons et y sommes très sensibles. Je suis d'accord avec vous, il faut absolument simplifier.
Le cadre du PIA est tout à fait légitime pour procéder aux nouveaux investissements d'avenir dans des infrastructures de santé qui nécessitaient un apport très important de financement pour être remises à niveau par rapport à la compétition internationale.
Sur le mandataire unique, que ce soit pour les IHU ou de façon générale, je rappelle que le principe en a été prévu par la loi PACTE et qu'il a été renforcé dans le cadre de la LPR. Vous avez raison, s'agissant de la propriété intellectuelle, il faut que l'État, au service de la Nation, peu importe son opérateur, soit représenté par un mandataire unique, à partir d'un modèle s'applique, ce qui simplifiera les choses.
Madame Josso, il faut effectivement être très attentif à la situation financière des CROUS.
Madame Victory, je ne peux que partager votre avis sur le millefeuille des dispositifs, sur le manque d'information ainsi que sur les freins psychologiques que vous avez eu raison d'évoquer car ils expliquent beaucoup de non-recours. Des expérimentations ont commencé. Des régions ayant passé des conventions avec les CROUS leur confient la gestion de leurs aides sociales. Les CROUS restent en effet les meilleurs opérateurs dans ce cadre car ils permettent de prendre en compte tous les étudiants, quel que soit leur lieu d'inscription.
Nous avons également regroupé sur le site etudiants.gouv.fr tous les dispositifs, en les dupliquant sur 1jeune1solution.gouv.fr. Nous essayons, autant que faire se peut, de les tenir à jour en les reliant à ceux mis en place par les régions. Un tel travail doit être répété chaque année, car la situation est très variable d'une collectivité à l'autre.
Monsieur Castellani, nous travaillons, un peu sur le modèle de ce qui existe déjà en Corse, à ce qu'une partie du contrat passé avec les établissements d'enseignement supérieur comporte un volet tripartite impliquant les collectivités. Sur un certain nombre de sujets, c'est effectivement le niveau régional ou infrarégional qui est le plus pertinent. Il est très important que l'État puisse s'engager, aux côtés des collectivités, pour porter un certain nombre de sujets auprès des établissements d'enseignement supérieur. Nous devons évoluer vers le guichet unique le plus simple possible : c'est un enjeu pour les tout prochains mois.
Je vous l'ai dit, la prolongation des contrats doctoraux est bien prévue jusqu'en décembre 2023. Le coût est complet.
J'en viens à la question des différences de financements entre universités. Grâce à la loi pour la recherche, nous allons pouvoir commencer à pratiquer une forme de rééquilibrage. Je rappelle qu'elles sont liées au passage aux responsabilités et aux compétences élargies, à l'occasion duquel la masse salariale a été transférée aux établissements, qui ont estimé leurs besoins en la matière. Le calcul initial de cette masse – et il y a parfois eu des erreurs – puis sa gestion ont engendré des situations extrêmement différentes. Dans le cadre des dialogues de gestion que nous menons avec les universités, nous essayons précisément de comprendre avec elles comment elles répartissent leurs financements et comment nous pouvons les aider à les rééquilibrer lorsque cela s'avère nécessaire.
Un mot sur les études de santé, dont nous avons profondément réformé l'accès. Il nous était en effet apparu très compliqué de continuer à définir depuis Paris quel devait être le nombre de médecins formés dans chaque faculté de médecine, et très difficile de continuer à considérer que l'on ne pouvait former nos jeunes que dans la moitié des universités, puisque seule une sur deux compte une faculté de santé ou de médecine.
L'idée est que la première année ait vocation, non plus à opérer une sélection drastique parmi des bacheliers qui sont en général tous très bons, mais à accompagner les étudiants dans un parcours d'études. Cela ne signifie pas l'arrêt du numerus clausus mais le passage à un numerus apertus, c'est-à-dire à un nombre de places en deuxième année défini par les capacités d'accueil des établissements et des hôpitaux, les besoins des territoires et les financements qui peuvent être effectivement combinés entre l'État et les collectivités. Tout cela est désormais défini au niveau local.
Pour cette année de transition, nous avons néanmoins été obligés de définir encore un numerus clausus pour tenir compte des redoublants de la première année commune aux études de santé (PACES) de l'ancien modèle. Il garantit à tous la même probabilité d'accéder à la deuxième année des études de santé que leurs prédécesseurs sur les trois années précédentes – nous avons fait une moyenne.
Tous les autres étudiants sont entrés dans le nouveau système, qui ne repose plus sur une sélection par l'échec. Je le rappelle, auparavant, on pouvait au mois de janvier être exclu des études de médecine, ou avoir quatorze de moyenne en fin d'année et être néanmoins obligé, en raison d'un échec au concours, de redoubler alors qu'on avait validé son année. Le principe est maintenant la progression, dans le cadre de ce qui reste évidemment une formation sélective. Désormais, si l'on a validé l'année, on passe dans la suivante et on peut tenter à nouveau d'accéder aux études de santé. Il est normal que l'on ne redouble plus, puisque l'objectif est de ne plus avoir de jeunes qui, après deux années extrêmement difficiles et exigeantes, se retrouvent in fine au niveau bac.
Il y a donc une première chance à la fin de la première année. Mais tous ceux qui ont eu la moyenne au cours de cette année sans cependant avoir été pris dans les études de santé passent en deuxième année d'une autre discipline tout en continuant à suivre des cours les maintenant en lien avec les disciplines de santé. Ils ont alors une deuxième chance à la fin de cette deuxième année. S'ils échouent à nouveau à l'examen sélectif mais qu'ils valident leur année, alors, au lieu de se retrouver au niveau bac, ils entrent en troisième année de licence. Tel est le fondement de cette réforme.
Cette année, exceptionnellement, les cohortes sont donc divisées en redoublants d'une part et première année PASS-LAS (Parcours accès santé spécifique-Licence option accès santé) d'autre part. L'année prochaine, le nombre de places sera réparti entre première année PASS-LAS et deuxième année LAS, de manière à ce qu'il y ait bien deux chances offertes à tous les étudiants dans le cadre d'un processus permettant la progression.
J'ai demandé une inspection générale. Il importe de faire le tour de l'ensemble des universités qui ont mis en place les PASS et les LAS afin de faire un état des lieux, de corriger ce qui doit l'être et donc d'améliorer le dispositif.
Le corollaire de cette réforme était de faire en sorte que le résidu de numerus clausus et le numerus apertus conduisent au final à un nombre supérieur de jeunes accédant à la deuxième année des études de santé. Tel est le cas, puisque 14 % de places supplémentaires seront proposées en deuxième année. Pour les seules études de médecine, 10 600 places seront offertes, c'est-à-dire que nous avons augmenté de plus de 1 300 le nombre de places en deuxième année.
Cette réforme, qui bouleverse profondément la façon de commencer des études de santé, a été mise en place dans un contexte compliqué puisque les jeunes n'étaient pas en contact avec leurs professeurs et avec les doyens des facultés de médecine qui auraient pu leur fournir des explications tout au long de l'année. Nous travaillons donc avec les jurys pour garantir un maximum de bienveillance. Là encore, le problème vient souvent d'une non-connaissance de l'information, alors même que les étudiants de deuxième année ont tourné des « capsules » et que les doyens ont mis en place des groupes pour expliquer cette réforme. Il importe de continuer en ce sens pour avoir des jeunes formés partout sur tous les territoires.
Enfin, madame Rubin, je vous rappelle que ce n'est pas ce gouvernement qui est à l'origine de la réforme de l'accès en master. Je vous renvoie donc à ceux qui l'ont portée. Néanmoins, il faut effectivement améliorer cet accès : nous y travaillons et nous avons repositionné les recteurs dans le dispositif.
Le partenariat public-privé (PPP) en recherche est essentiel. Ainsi, c'est lui qui a permis la production de vaccins. C'est peut-être parce que la France est un peu plus réfractaire que d'autres pays à ce système que nous n'arrivons pas parfois à transformer la connaissance et l'excellence de notre recherche en retour vers le public qui finance ces recherches. Pour que notre société accepte de financer la recherche publique, il faut qu'elle comprenne que l'immense bibliothèque de connaissances produites peut être, lorsqu'on en a besoin, mobilisée pour apporter quelque chose à la société qui, de fait, est développée par ces PPP.
Quant à la précarisation des doctorants, quand on augmente leur rémunération de 30 %, on peut difficilement considérer qu'on la favorise. Ils sont encore des étudiants, donc encore en formation : mon objectif est bien que grâce à la LPR ils puissent tous être financés.
Après vous avoir entendue sur la réforme des études de santé, j'en déduis que la récurrence des questions en la matière est due soit à un manque de communication vis-à-vis des jeunes concernés, soit à la difficulté pour les recteurs de l'expliquer. Il faut que vous arriviez à régler ce problème.
Vous avez absolument raison. D'ailleurs les doyens qui, sur le terrain, portent cette réforme, et ont reçu les étudiants et les collectifs, sont très à l'écoute. Il est normal que cela génère du stress : déjà, ces formations en génèrent beaucoup, parce qu'elles sont extrêmement sélectives, en outre, une année de réforme est toujours plus stressante, quand il s'agit en plus d'une année de Covid, on atteint un niveau de stress maximal !
Monsieur Villani, les moyens du Centre national d'études spatiales (CNES) ont connu une légère progression en 2020. La LPR prévoit d'augmenter de 1,5 milliard d'euros les financements cumulés d'ici à 2030. Une bonne part devrait lui être dévolue. En 2017, nous avons été confrontés au problème de la dette de 1 milliard d'euros qui avait été contractée à l'égard de l'Agence spatiale européenne (ASE) – ou European Space Agency (ESA) – et qu'il a fallu payer, ce qui a quelque peu contraint les budgets. C'est maintenant chose faite.
Lors de la conférence ministérielle de Séville, nous avons pris des engagements envers l'ESA qui ont été budgétés dans le triennal : désormais ce qui sera affiché pour le CNES sera effectivement affecté au bénéfice de sa recherche.
Cette dette était inacceptable. Je me félicite que ce problème soit réglé. Il est très important qu'à l'avenir, on puisse donner au CNES les moyens de ses ambitions, dans un contexte où l'équilibre des forces entre Europe et Amérique, qui semblait en passe de s'établir, voilà quelques années encore, au temps des grands succès de Planck ou de la mission Rosetta, a volé en éclats. Une domination américaine considérable est en train de se profiler, ce qui nous interpelle forcément.
En ce qui concerne l'IFPEN, j'entends que le déficit est comptable et qu'un jeu d'écritures le fasse apparaître bien plus important qu'il ne l'est réellement. Il reste qu'il est de 14 millions d'euros et représente quelque 5 % du budget de l'opérateur. Dans un contexte contraint, cela signifie que sa politique de ressources humaines sera confrontée à de grandes difficultés : c'est bien à cela que correspondent les alertes qu'il a lancées à propos du gel complet des embauches. Certes, l'IFPEN relève de la tutelle du ministère en charge de l'écologie. Il reste que c'est un organisme de recherche et qu'il faut investiguer et sauver ce qui doit l'être. Il ne s'agit pas de se priver de compétences au moment où nous allons avoir besoin d'encore plus de compétences.
Je ne partage pas votre point de vue, Madame la ministre : le partenariat public-privé n'est pas une nécessité pour la recherche. J'en ai deux preuves : Sanofi, qui a été gavé de financements publics, n'a rien trouvé, en revanche, ceux dont bénéficiait le professeur Bruno Canard ont été coupés en 2014 parce que ses travaux sur le coronavirus n'étaient pas considérés comme d'actualité ! Bref, on n'avait rien comme recherche publique sur le coronavirus.
Je ne peux pas vous laisser résumer la recherche sur les coronavirus au laboratoire de recherche de M. Canard. Heureusement que nous avons maintenu cette recherche, comme nous l'avons fait sur tout un tas d'autres virus !
Je vous fournirai la liste de l'ensemble des laboratoires qui travaillent sur les coronavirus et qui ont continué à le faire depuis le Sars-CoV-1 : vous verrez qu'ils sont très nombreux et qu'ils ont tous été financés.