Il m'est revenu, en ce Printemps de l'évaluation, cette maxime célèbre : « Il y a ceci de commun entre le langage des fleurs et le langage des chiffres : on leur fait dire ce que l'on veut. » Elle me paraît particulièrement à-propos concernant le budget de votre ministère, madame la ministre.
Ainsi, vous vous êtes félicitée, pour 2021, d'une augmentation de 606 millions d'euros. Outre le fait qu'elle est inférieure de 200 millions d'euros par rapport à 2020, il faut dénoncer le grignotage opéré sur le dos des étudiants. Pouvez-vous ainsi m'expliquer pourquoi, alors que vous déclariez 57 700 étudiants de plus, vous n'avez créé que 21 500 places supplémentaires, soit moins de la moitié requise ? Pourquoi, quand la Conférence des présidents d'université (CPU) vous demande entre 150 et 300 millions d'euros, ne débloquez-vous que 125 millions d'euros, ce qui la conduit à dénoncer la diminution depuis dix ans de la dépense par étudiant, notamment à l'université, quand cette dépense augmente dans tous les autres pays de l'OCDE ?
Comment expliquez-vous la hausse de 1 % du nombre d'étudiants sortant sans diplôme ? Pourquoi 9 000 étudiants licenciés n'ont-ils pas obtenu d'affectation en master, selon l'Union nationale des étudiants de France, l'UNEF, sachant que l'ensemble des étudiants rencontrent de plus en plus de difficultés à s'inscrire en master ? Serait-ce l'effet de cet outil miraculeux qu'est Parcoursup ? Il semble en effet que le nombre de candidats étudiants supplémentaires en première année soit finalement lié au nombre de candidats en réorientation, Parcoursup n'ayant pas respecté leur premier choix.
Par ailleurs, vous n'ignorez rien de l'état de paupérisation grandissante des étudiants : plus 3,7 % selon la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE). 20 % d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Certes, en raison de la crise vous avez fini par revaloriser les bourses, qui ne l'avaient pas été depuis 2016. Mais si chichement ! Seulement de 1,2 %, quand le coût de la vie étudiante augmente de 3 % par an depuis dix ans, et même de 3,69 % en 2020 ! Heureusement que la solidarité entre pairs et la solidarité citoyenne ont joué. Était-ce bien judicieux de diminuer de 300 000 euros le programme Vie étudiante qui concerne la santé étudiante, quand 27 % des étudiants renoncent à se soigner ?
Quant à la recherche, et suivant la tendance que la loi de programmation va amplifier, elle intensifie les interactions public - privé au lieu d'accompagner les universités face à la crise. Conséquences d'ores et déjà à l'œuvre en 2020 : l'entrave de l'accès au doctorat, avec un taux dont vous prévoyez vous-même la diminution, et la précarisation des doctorants et des docteurs qui sont sans contrats.
Au vu de cette fragilisation de la recherche, pensez-vous que votre politique traduira l'appel du candidat Macron en 2017 aux chercheurs, à qui il disait que « La France doit être la patrie qui porte la recherche », alors que le budget 2021 est d'ores et déjà en baisse ?