Les travaux d'évaluation que j'ai conduits cette semaine ont concerné la direction des impôts des non-résidents, qui gère les obligations fiscales des particuliers non-résidents percevant des revenus de source française et les entreprises étrangères sans établissement stable dans notre pays. Mais avant de vous présenter mes conclusions sur ce thème, je vous propose de détailler l'exécution des crédits de la mission Gestion des finances publiques et Actions et transformation publiques dans le contexte inédit de l'année écoulée.
Les administrations de Bercy ont été très fortement mobilisées depuis le début de la crise sanitaire pour assurer la continuité des missions essentielles de l'État et des administrations publiques, pour appliquer les mesures de soutien à l'économie prises par le Gouvernement et pour garantir la protection de nos citoyens, notamment au travers de la surveillance aux frontières au respect des normes applicables et aux produits sanitaires.
La direction générale des finances publiques (DGFIP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), ont rapidement adapté leur organisation pour faire face à cette crise sanitaire, et ont montré une remarquable résilience grâce à la mobilisation de leurs personnels que je tiens à souligner. Je salue leur implication sans faille, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire aux organisations représentatives des personnels avec lesquelles j'ai échangé il y a quelques semaines.
L'exécution de la mission Gestion des finances publiques, composée des programmes 156, 218 et 302, s'élève à 10,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 10 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Elle est légèrement inférieure à l'autorisation budgétaire, avec un taux d'exécution à 98 %. Cette sous-consommation mineure est portée pour les trois cinquièmes par la DGFIP. Elle s'explique notamment par des difficultés chroniques de recrutement, qui n'ont pas permis de compenser les départs à la retraite. En décalant les concours, la crise sanitaire a mis en exergue la baisse d'attractivité, déjà observée les années passées, des métiers historiques des deux grandes administrations de Bercy, qui accentue la diminution du schéma d'emplois. Il y a là un vrai sujet. Le manque de ressources pourrait avoir, dans les prochaines années, un impact non négligeable sur la capacité de ces administrations essentielles pour l'État à bénéficier de compétences nouvelles en phase avec les besoins liés aux changements des métiers, donc à exercer pleinement leurs missions. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour fluidifier le renouvellement des compétences et renforcer l'attractivité des métiers de la douane et de l'administration fiscale ?
Par ailleurs, dans le cadre de son contrat d'objectifs et de moyens, la DGFIP a poursuivi ses grands chantiers de transformation, avec le déploiement du nouveau réseau de proximité qui se traduit par son engagement dans la démarche France services et l'application du paiement de proximité afin d'offrir à tous les citoyens, quel que soit l'endroit où ils résident sur le territoire, un service public de grande qualité. Cette déconcentration de proximité s'est accompagnée de la constitution du réseau des conseillers aux décideurs locaux et de l'installation des premiers services de gestion comptable, qui facilitent d'ores et déjà le quotidien des élus. À la fin 2020, près de la moitié du chemin est parcourue.
Conformément aux décisions prises en lois de finances 2019 et 2021, le transfert de certaines taxes douanières vers la DGFIP s'est poursuivi en 2020, avec le transfert d'une partie de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), après celle des boissons non alcoolisées l'année dernière. Monsieur le ministre, quels constats peuvent être effectués quant au rendement de ces taxes après leur transfert et à leur admission en non-valeur ? Ces transferts ont-ils été accompagnés de transferts d'effectifs ?
J'en viens à la mission Action et transformation publiques, créée en 2018 avec le grand plan d'investissement, et qui retrace les crédits interministériels en matière d'action publique à travers quatre programmes qui fonctionnent suivant une logique d'appels à projets et, mis à part le programme 348, sous forme de cofinancement.
La sous-consommation des crédits de paiement est massive : 113 millions d'euros, soit 26 % seulement des crédits ouverts en loi de finances initiale. Néanmoins, les projets financés dans le cadre de ces programmes paraissent pertinents, innovants, sélectionnés avec méthode et utiles à la transformation des administrations publiques. Le pilotage est rigoureux, mais la programmation initiale excessivement volontariste et les premiers mois de la crise sanitaire ont entraîné des décalages calendaires plus ou moins significatifs selon les programmes. Concernant le programme 348, relatif à la rénovation des trente-huit cités administratives, l'enveloppe d'un milliard d'euros a été totalement affectée aux opérations immobilières. La programmation initiale était particulièrement optimiste et prévoyait l'engagement des travaux en 2020. À partir de mars 2020, le confinement a entraîné des ajustements et a amplifié des décalages déjà constatés en 2019 dans les calendriers de lancement des projets, en reportant à cette année voire au début de l'année 2022 le démarrage effectif des travaux. Les livraisons sont prévues jusqu'en 2024 au moins. Au regard de ces glissements de calendrier, du caractère insolite de l'inclusion de ce programme immobilier dans cette mission budgétaire et de la nature résiduelle des crédits portés, à terme, par le programme, je considère que celui-ci devrait éventuellement être intégré à la mission Gestion du patrimoine immobilier de l'État.
Concernant le fonds de transformation de l'action publique (FTAP), doté de 685 millions euros, 612 millions d'euros ont été engagés en 2020. L'enveloppe sera consommée en totalité en juillet de cette année. Les délais de contractualisation des projets sont assez longs et ralentissent la montée en charge du FTAP s'agissant des crédits de paiement. Le financement de ces projets de transformation devrait durer jusqu'en 2023. Malgré une montée en charge plus lente que prévu, le maintien d'un fonds cofinançant des projets interministériels complexes d'envergure et de nature à générer des gains d'efficience paraît essentiel. Je propose donc, avec un certain nombre d'ajustements, qu'un tel fonds soit pérennisé au-delà de 2022.
La mission comprend également deux programmes de petite taille : le Fonds d'accompagnement interministériel aux ressources humaines (FAIRH), destiné au financement de reconversion et de mobilité des agents dans le cadre de transformation des services ou d'opérateurs ; le Fonds pour l'accélération du financement des start-up État, le FAST, qui finance l'émergence de produits et de services numériques innovants destinés à résoudre des problèmes de politique publique. En ce qui concerne le premier, les dépenses s'élèvent à 15 millions d'euros. Ce fonds souffre d'une incapacité structurelle à se déployer. Dans un souci de clarté et de cohérence budgétaire, je préconise de lancer une réflexion quant à son possible rattachement au programme 148. Pour sa part, le FAST représente 10 millions d'euros en AE. Sa lisibilité budgétaire est restreinte. Je recommande une modification de la maquette budgétaire pour ce programme. Les réflexions relatives à ces deux programmes devraient donc logiquement mener à une refonte de la maquette budgétaire de la mission. Pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles sont les évolutions que vous envisagez pour eux dans le projet de loi de finances ?
J'en viens au thème d'évaluation retenu cette année dans le cadre de mon rapport spécial. La Direction des impôts des non-résidents à compétence nationale de la DGFIP est en charge de la gestion des contribuables non-résidents, au nombre de 306 000 dont 260 000 particuliers 46 000 entreprises. Créée en 2017, la DINR a des attributions très larges, et son budget hors titre 2 est relativement modeste, à 1,3 million d'euros en comptant les loyers. À contre-courant de la tendance de la direction générale dont elle dépend, et pour pallier la sous-estimation conséquente des missions qui lui ont été initialement confiées, la DINR a bénéficié d'importants renforts de personnels, correspondant à une augmentation d'effectifs de 30 % depuis 2018, pour atteindre 453 ETP, équivalents temps plein, fin décembre 2020. Ce renforcement, important mais toujours en cours de déploiement, associé un investissement croissant dans la modernisation des outils de travail commence à porter des résultats. Ils sont particulièrement salvateurs alors que plusieurs contentieux majeurs, notamment les contentieux « OPCVM » et « De Ruyter/Dreyer », mobilisent fortement la direction. Celle-ci doit continuer à bénéficier des ressources nécessaires pour apurer ses contentieux au mieux des intérêts de l'État.
Il convient également de consolider ces progrès, en continuant à investir dans la formation et dans la numérisation. Les chantiers informatiques de la DINR s'inscrivent dans la programmation informatique plus large de la DGFIP. Il est essentiel de redoubler d'efforts en matière de développement de l'outil informatique, pour améliorer in fine la rapidité et la fiabilité du traitement des dossiers, et pour moderniser les outils de travail d'agents confrontés à des cas complexes par nature.
Devant faire face à une croissance annuelle importante du nombre de contribuables non-résidents et mobilisée pour les contentieux d'emploi mentionnés ci-dessus, toute tentative d'évaluation de la DINR est inextricablement liée à la matière que ces agents sont amenés à traiter, à savoir la fiscalité des non-résidents. Au-delà d'une comparaison classique d'indicateurs temporels, et pour établir une base de comparaison, j'ai sollicité douze parlements et administrations fiscales étrangers, dont huit de l'Union européenne. Quatre remarques découlent de cette brève étude comparative qui illustre la diversité des modalités d'imposition des contribuables non-résidents. Premièrement, si la fiscalité des non-résidents est, de façon systématique, distincte de celle des résidents, elle est, dans l'immense majorité des cas, structurée selon les mêmes principes – par exemple avec l'application d'un même barème. Aucun autre État n'établit un taux minimum variable comme c'est le cas en France. Deuxièmement, aucun pays consulté n'intègre ou ne requiert des déclarations de revenus monde pour les contribuables non-résidents. En conséquence, aucune administration fiscale interrogée ne doit composer avec plusieurs modalités d'imposition distinctes comme c'est le cas en France. Enfin, cette simplicité permet au pays interrogé de traiter l'imposition des non-résidents dans le même cadre que celui de l'imposition des résidents et d'appliquer la retenue à la source qui est applicable dans la majorité des pays étudiés.
Ces quatre remarques appellent une conclusion principale. Si les frustrations exprimées par des représentants des contribuables non-résidents à l'encontre de l'administration fiscale ont pu être liées à un manque d'agents et à une dette technologique importante, ils sont surtout et avant tout le reflet d'une complexité de notre droit fiscal applicable aux non-résidents, qu'aucun investissement ne saura résoudre et qui requiert un traitement à part par une direction dédiée, contrairement à la majorité de nos voisins européens. Cette complexité restera un obstacle à la pleine satisfaction du contribuable, difficilement remédiable quels que soient les investissements dans la DINR. En d'autres termes, la conclusion principale de cet exercice d'évaluation est que la solution des problèmes de la DINR est sans doute plus à chercher rue de Bercy ou dans notre commission qu'à Noisy-le-Grand.