Intervention de Éric Alauzet

Réunion du mardi 1er juin 2021 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet, rapporteur spécial (Fonction publique et mission Crédits non répartis) :

J'apporterai des éléments d'appréciation concernant le programme 148 Fonction publique et la mission Crédits non répartis, qui a été fortement mise à contribution en 2020 pour financer des dépenses imprévues. Dans le cadre du Printemps de l'évaluation, je m'attacherai plus spécifiquement aux moyens affectés à l'action sociale interministérielle. Je ferai également part de certaines orientations pour le budget 2022.

L'exécution du programme 148 Fonction publique et de la mission Crédits non répartis en 2020 est évidemment à regarder sous le prisme de la crise sanitaire. L'exécution 2020 du programme 148 est inférieure à la prévision, avec un taux d'exécution de 95 % en AE et de 94 % en CP. La sous-exécution se concentre principalement sur l'action sociale interministérielle, car l'application de certaines prestations a été perturbée. C'est notamment le cas du chèque emploi service universel (CESU), qui présente une sous‑exécution de 9,6 millions d'euros. La crise sanitaire a également touché les activités de formation des fonctionnaires, dont les crédits diminuent de 6 % par rapport à 2019. Toutefois, malgré l'impact de la crise, le niveau des crédits est similaire à celui de 2019. En outre, le niveau des restes à payer est tout à fait maîtrisé.

Concernant la mission Crédits non répartis, la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles – le programme 352 – a été, en toute logique et comme indiqué précédemment, fortement mise à contribution dans le cadre de la crise sanitaire. Outre les 424 millions d'euros d'AE et les 124 millions d'euros de CP votés dans la loi de finances initiale, le programme 552 a bénéficié de 1,62 milliard d'euros supplémentaire dans la deuxième loi de finances rectificative (LFR 2), soit une multiplication par quatre en AE. Ces crédits ont permis de financer le fonds de solidarité pour les entreprises, des achats de masques, la compensation des pertes d'exploitation des salles de spectacle et de cinéma et les aides aux plus précaires. La dotation a donc pleinement joué son rôle, en finançant des dépenses manifestement urgentes ou imprévisibles dans un contexte de crise sanitaire, économique et sociale. En outre, pour la première fois depuis 2008, elle n'a pas été utilisée pour financer les fonds spéciaux, signe d'une plus grande sincérité budgétaire. Cette avancée résulte de la hausse des crédits dédiés aux fonds spéciaux que nous avions votés dans la loi de finances pour 2020.

Dans le cadre du Printemps de l'évaluation, il m'a semblé pertinent de porter une attention particulière aux moyens apportés à l'action sociale interministérielle, qui représente 60 % des crédits du programme 148, soit 125 millions d'euros. Pour rappel, l'action sociale interministérielle vient compléter l'action sociale des ministères. Elle s'y ajoute. Elle repose sur des prestations individuelles : le chèque-vacances pour environ 40 millions d'euros, le CESU pour 28 millions d'euros, l'aide à l'installation des personnels pour 7 millions d'euros et l'aide au maintien à domicile pour 3 millions d'euros. Elle inclut aussi des dispositifs collectifs tels que la réservation de places en crèche, la réservation de logements sociaux, l'aide au logement temporaire et la rénovation des restaurants inter-administratifs, laquelle bénéficiera du plan de relance.

En 2019 et 2020, il faut noter une volonté du Gouvernement de mettre fin à une lente mais constante diminution des montants financiers globaux consacrés aux aides individuelles, en particulier pour le CESU. Même si des efforts ont été consentis ces dernières années pour répondre à certaines catégories sociales de fonctionnaires, notamment les familles monoparentales ou celles effectuant leur mission en outre-mer, le nombre global de bénéficiaires a diminué progressivement, en même temps que les seuils d'éligibilité s'érodaient. Il convient donc de souligner l'augmentation des dépenses de l'action sociale interministérielle durant la période récente. En 2020, le chèque-vacances a bénéficié de l'attribution exceptionnelle d'une bonification complémentaire de 100 euros pour les bénéficiaires du dispositif âgés de moins de quarante-cinq ans, engendrant une hausse de 5 millions d'euros en dépenses. En outre, les conditions d'attribution du CESU ont entraîné une hausse du nombre de bénéficiaires et une augmentation des crédits à hauteur de 28,5 millions d'euros.

En parallèle, les aides collectives ont été abondées afin de permettre la réservation d'un nombre supplémentaire de places en crèche. Cette évolution s'inscrit d'ailleurs dans une politique générale d'aide aux familles, avec la volonté d'atteindre 5 000 places en crèche d'ici à 2022 pour toutes les catégories d'agents publics.

En ce qui concerne la réservation de logements conventionnés, le dispositif a été relancé en Île-de-France en 2020, avec la réservation de 150 logements supplémentaires, après des années de stagnation. La création de dispositifs de logement temporaire témoigne d'une bonne dynamique, avec une consommation de 1,4 million d'euros en 2020 pour couvrir les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire, notamment dans les régions à forte tension immobilière.

Mes réflexions me conduisent à formuler plusieurs constats, qui sont autant de pistes d'amélioration pour le futur.

L'action sociale interministérielle manque encore de visibilité. Il me paraît nécessaire de la faire connaître davantage auprès des agents publics, pour que tous ceux qui y ont droit puissent en bénéficier. Le non-recours est une réalité.

Les outils d'évaluation de l'action sociale interministérielle sont encore très limités. Il me paraît important de les développer, pour mieux cerner les besoins des agents qui en bénéficient. À cet égard, les enquêtes de satisfaction menées par la DGAFP présentent encore des biais. Leur externalisation prochaine devrait permettre de mieux analyser la performance des dépenses.

Il faut aussi considérer que l'action sociale interministérielle constitue un levier non négligeable pour renforcer l'attractivité de la fonction publique et mener une politique de ressources humaines proactive, notamment pour faciliter les affectations dans des zones géographiques moins attractives ou à des postes impliquant des conditions de travail plus difficiles, mais aussi pour prendre en compte les évolutions de la famille.

En outre, il me semble nécessaire de renforcer la prise en compte du développement durable dans le domaine de l'action sociale interministérielle. Il s'agira notamment d'améliorer le cahier des charges à destination des prestataires en charge des actions collectives. Cette ambition renvoie à la qualité environnementale des bâtiments qui hébergent les crèches ou des logements réservés mis à disposition des agents publics. Le cahier des charges devrait traiter non seulement du bâti, mais aussi du fonctionnement, des usages et de bonnes pratiques – choix des produits alimentaires, produits d'hygiène et d'entretien, gestion thermique, etc. – à l'intérieur de ces bâtiments, en y associant les professionnels, les usagers et les familles.

Par ailleurs, dans la perspective du projet de loi de finances (PLF) pour 2022, je porterai une attention particulière à deux autres sujets fondamentaux pour la pérennité et l'attractivité de la fonction publique. Dans la continuité de mon travail relatif à l'amélioration de la complémentaire santé des agents publics, je tiens à souligner les travaux engagés concernant la prévoyance des fonctionnaires. L'ordonnance du 18 février 2021 récemment publiée, qui impose à l'État de prendre en charge 50 % de la complémentaire santé de ses agents, ouvre aussi la possibilité aux employeurs publics de participer à des contrats de prévoyance couvrant les risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès. Ce sujet est particulièrement crucial pour les agents dont les rémunérations se situent en bas de l'échelle. L'ordonnance donne aussi un cadre aux employeurs territoriaux en créant une obligation de participation financière à la protection sociale complémentaire prévoyance, qui ne pourra pas être inférieure à un seuil de référence défini par décret. Des discussions sont désormais ouvertes entre le ministère et les organisations syndicales. Madame la ministre, vous êtes très engagée dans ce domaine et vous pourrez nous apporter des précisions utiles quant à l'importance des avancées obtenues.

Enfin, dans la suite des recommandations de verdissement de l'action collective interministérielle évoquée précédemment, je veux insister sur l'enjeu de la formation des agents de la fonction publique d'État au développement durable et à la transition écologique qu'il convient de renforcer. Il est essentiel que tous les fonctionnaires maîtrisent les compétences nécessaires au verdissement de la commande publique et à l'application du « budget vert », qui traverse l'ensemble des missions et actions des ministères, des opérateurs et des prestataires de l'État – et concerne donc l'ensemble des personnels de la fonction publique. En parallèle, il importe d'évaluer l'impact de ces formations sur l'efficience de l'action des agents de la fonction publique dans ces domaines.

Je pense que nous pourrons avancer sur ces sujets d'ici à l'examen du PLF pour 2022.

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